XXVI. RENFORCER LES POLITIQUES DE BON USAGE DES ANTIBIOTIQUES

Les politiques sur le bon usage des antibiotiques sont essentielles, certes pour contrecarrer l'évolution néfaste des IN à bactéries multirésistantes mais aussi et avant tout pour préserver l'efficacité des antibiotiques dans la durée.

Lors des entretiens menés dans le cadre de cette étude, le thème de la résistance aux antibiotiques a constitué le premier point d'amélioration souhaité.

Devant l'ampleur du taux de résistance des bactéries aux antibiotiques, la communauté européenne a rédigé des recommandations sur la base des rapports des états membres concernant l'application de la recommandation (2002/77/CE) du conseil relative à l'utilisation prudente des agents antimicrobiens en médecine humaine (publication décembre 2005). Cette dernière publication souligne entre autres les effets néfastes de l'auto-médication (certains antibiotiques dans certains pays sont en vente sans ordonnance) ou des prescriptions abusives d'antibiotiques, et recommande des contrôles appropriés ou du moins la mise en oeuvre de meilleures pratiques (avec campagne auprès du grand public...).

Outre ces grandes lignes couplant recommandations auprès du grand public et auprès des personnels de santé, des recherches sont réalisées sur la manière dont les antibiotiques sont utilisés dans les établissements de santé. Deux points peuvent être mentionnés :

ð les antibiotiques ne devraient pas être donnés systématiquement dans les établissements dès qu'une fièvre est notée, mais seulement après avoir acquis la conviction forte de la présence d'une infection bactérienne justifiant un traitement ;

ð une approche qui semble prometteuse est celle qui consiste à utiliser des antibiotiques en rotation, ou encore mieux en rotation très rapide, au jour le jour pour éviter la monotonie antibiotique (mixing).

De nombreuses mesures ont déjà été mises en application en France, notamment les campagnes de communication auprès du grand public de l'assurance-maladie ( « Les antibiotiques, c'est pas automatique » , avec un fort score de mémorisation) et l'inscription dans la convention entre l'assurance-maladie et les médecins de ville d'objectifs en matière de baisse de prescription d'antibiotiques.

Ces actions ont porté leurs fruits puisque le nombre de prescription des antibiotiques en ville a chuté de 13% en 3 ans entre l'hiver 2001-2002 et l'hiver 2003-2004 (en baisse cumulée, à épidémies constantes, données CNAMTS/INSERM/Institut Pasteur), avec même -26% chez les 6-15 ans, et à l'hôpital, le taux de SARM a baissé (28% en 2004 contre 33% en 2002, EARSS). Mais ces résultats doivent être consolidés. L'objectif de baisse en médecine de ville est de -25% en 2007 pour se rapprocher de la moyenne européenne.

Le bilan effectué par la CNAMTS avec l'IPSOS en octobre 2005 indique une évolution lente mais réelle des mentalités : seulement 39% des Français pensent que les antibiotiques permettent de guérir plus vite contre 64% en 2002. Ils ne sont plus que 25% à croire que les antibiotiques font baisser la fièvre contre 39% en 2002. 41% indiquent que les antibiotiques ne sont pas efficaces contre la grippe contre 26% en 2002. Mais des progrès restent à faire : quand on demande si les antibiotiques sont actifs sur les bactéries ou les virus, 36% seulement indiquent qu'ils ne sont actifs que contre les bactéries (contre 30% en 2002), 9% pensent qu'ils ne sont actifs que contre les virus (contre 14% en 2002), 14% pensent qu'ils sont actifs contre les deux (contre 23% en 2002), et 41% ne se prononcent pas !

Une enquête sur le même mode réalisée en janvier 2006 indiquait que 93% des patients comprenaient la décision médicale lorsque la première consultation ne se concluait pas par la prescription d'antibiotiques.

Dans le domaine hospitalier, un accord-cadre relatif au bon usage des antibiotiques dans les établissements de santé a été signé en janvier 2006 entre le Ministère de la Santé, l'assurance-maladie et les fédérations représentatives du monde hospitalier. Le postulat est qu'une amélioration des pratiques en matière de prescription d'antibiotiques devrait se traduire par une réduction de l'utilisation inappropriée des antibiotiques, et donc une réduction de leur utilisation. A ce titre, ce contrat-cadre prévoit une baisse de 10% des consommations sur 3 ans. Les actions envisagées passent par des actions de formation et d'information, la diffusion des référentiels, la mise en place des protocoles de bon usage des antibiotiques, le suivi des consommations. Cet accord prévoit un dispositif d'intéressement des établissements à la réalisation de l'objectif : reversement à l'établissement de 50% des dépenses évitées mesurables. Cet accord-cadre national doit être décliné au plan local.

Peut-on aller plus loin et contraindre davantage les personnels de santé afin de non seulement conserver les améliorations effectuées mais les renforcer ? Les mesures possibles seraient :

ð En médecine de ville : la formation au bon usage des antibiotiques doit devenir une priorité (parmi d'autres) dans le cadre de la formation médicale continue (rappelons que les médecins en ville prescrivent des antibiotiques, notamment dans les infections respiratoires, sans diagnostic bactériologique comme les céphalosporines orales de 1ère génération en générique, ce qui devient un vrai problème médical car elles sont devenues inefficaces) ; la formation initiale devrait d'ailleurs aussi être renforcée dans ce domaine ;

ð A l'hôpital : la politique à poursuivre en matière de bon usage des antibiotiques reviendrait à créer une organisation dans les établissements de santé similaire à celle qui existe pour l'hygiène ; donc il faudrait donner un support réglementaire à la commission antibiotique qui se met en place dans chaque établissement, et créer une équipe opérationnelle (médecin référent, un bactériologiste, un pharmacien, chacun disposant du temps pour cela). Cette équipe permettrait de remettre la politique des antibiotiques à plat (contrôle de la prescription, listes à prescription restreinte, évaluation du bon usage, protocoles périodiquement révisés...). Notons que pour le traitement curatif par antibiotique, il n'existe pas de protocole institutionnel dans la majorité des établissements en France ; la même remarque que pour les médecins de ville est à faire pour la formation continue ;

ð Le suivi de l'usage des antibiotiques (Assurance-Maladie/Institut Pasteur) doit se poursuivre, ce qui devrait être le cas dans le cadre de l'accord-cadre cité ci-dessus.

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