N° 3197

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

N° 426

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

Annexe au procès-verbal de la séance

le 28 juin 2006

du 27 juin 2006

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

RAPPORT

sur

« Les apports de la science et de la technologie au développement durable »

Tome I :

« Changement climatique et transition énergétique : dépasser la crise »

Par MM. Pierre LAFFITTE et Claude SAUNIER,

Sénateurs.

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par M. Claude BIRRAUX

Premier Vice-Président de l'Office.

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Henri REVOL

Président de l'Office .

Environnement.

« L'homme, par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres intérêts, par son penchant à jouir de tout ce qui est à sa disposition, en un mot, par son insouciance pour l'avenir et pour ses semblables, semble travailler à l'anéantissement des moyens de conservation et à la destruction même de sa propre espèce ... »

Lamarck - 1820

AVANT-PROPOS

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a été saisi, par le Bureau du Sénat, d'une demande d'étude sur « Les apports des sciences et des technologies au développement durable » .

L'étude de faisabilité de cette saisine, présentée le 22 juin 2005, a permis de prendre conscience de l'ampleur du sujet et, par suite, de scinder son exposé en deux parties :

- Tome I : « Changement climatique, transition énergétique : dépasser la crise »,

et

- Tome II : « La préservation de la biodiversité et les nouvelles transformations industrielles ».

Le présent rapport traite donc uniquement du développement durable sous l' angle de l'organisation de la transition énergétique de nos sociétés.

INTRODUCTION

Le développement durable : un concept à recentrer

C'est en 1987 que la Présidente de la Commission mondiale sur l'environnement, Mme Bruntland - qui était à l'époque Premier ministre de Norvège - a défini le développement durable comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».

Mais, au fil du temps, l'acception du concept de développement durable, dont la définition était claire à l'origine, a peu à peu incorporé des adjonctions comme la protection généralisée de l'environnement.

Si certaines composantes de cette protection sont directement connexes au développement durable (comme la préservation de la ressource en eau et de la biodiversité ou les conséquences de l'effet de serre), d'autres en paraissent plus éloignées.

En raison d'accidents majeurs comme les pluies acides, l'accident nucléaire à Tchernobyl, les trous dans la couche d'ozone, la déforestation et l'ESB, l'idée s'est fait jour, dans une large partie de l'opinion publique, que le développement durable s'identifiait à une protection de l'environnement.

Cette confusion des genres opposant nature et culture, l'homme et son environnement, est particulièrement malencontreuse. La notion de développement durable, dans sa définition initiale, posait les termes d'un débat fort sur la coexistence de l'homme, à un stade donné de son développement, et de sa biosphère. Cette approche constituait une ouverture conceptuelle forte et inédite.

Il sera donc utile de restituer au développement durable ce qui doit être sa vraie dimension, celle de l'homme ; en unifiant et non en opposant, comme on le fait trop souvent et trop abusivement, la durabilité au développement.

En d'autres termes, il s'agit de déterminer comment l'homme pourra utiliser de mieux en mieux des ressources qui sont de plus en plus rares, tout en s'assurant que cet emploi soit aussi neutre que possible pour la préservation des équilibres de la biosphère.

Réhabiliter la science

La série de dérapages technologiques des vingt dernières années a abouti, sinon à un rejet, du moins à une méfiance vis-à-vis du progrès scientifique.

Au-delà des dévoiements technologiques précités, les raisons de cette méfiance sont multiples.

Au premier rang d'entre elles, l' absence de démocratisation de la culture scientifique . Confinée dans les milieux scolaire et universitaire, la culture scientifique peine à accéder aux grands moyens télévisuels de diffusion : l'imperium de l'image, le caractère immédiat et fugace de l'information qu'ils délivrent n'est pas propice à des développements sur les avancées scientifiques et à l'acquisition d'une véritable culture.

Cette défiance est aussi entretenue par une évolution assez récente. Dans un monde qui devient économiquement plus incertain, la conscience collective s'accommode de moins en moins d'autres risques sociaux. Moins contestable dans son essence que dans son application, le fameux principe de précaution a une conséquence directe : il renforce la judiciarisation de la société et multiplie à l'excès les garde-fous juridiques. Vis-à-vis de la science, cette attitude n'est pas neutre : elle est porteuse d'un conservatisme des esprits et des pratiques qui identifie tout progrès à un facteur de risques .

Cette mécanique sociale faite de sous-information et de réticences psychologiques est d'autant plus malvenue que les avancées de la science et de la technologie sont les voies les plus incontestables pour nous assurer une durabilité de développement.

Ainsi, en matière de constat, ce sont les progrès en continu de l'observation satellitaire de la Terre, de la glaciologie, de la dendroclimatologie, de la microélectronique et de la modélisation qui nous ont permis de prendre conscience du réchauffement climatique puis de qualifier le caractère largement anthropique de son origine.

Ce sont d'autres progrès scientifiques et technologiques qui nous permettront de faire face à une partie de la transition énergétique qui s'annonce.

La nécessité de la transition énergétique

La conscience des problèmes posés par la confrontation d'un monde fini et d'une humanité dont le nombre croît et les besoins augmentent n'est pas nouvelle.

Il y a deux siècles, les anticipations pessimistes de Malthus reposaient déjà sur la mise en parallèle de ressources alimentaires apparemment limitées par la disponibilité en terrains agricoles et la croissance observée de la population.

Plus proches de nous, les travaux du Club de Rome publiés en 1971 (« Halte à la croissance ») ont renouvelé l'objet, sinon les termes, du débat.

Prenant acte du déséquilibre prévisionnel qui semblait s'établir à un horizon de trente ans entre des ressources naturelles vouées à un épuisement progressif et les besoins en matières premières liés à l'expansion économique et à la croissance démographique, le Club de Rome prônait, alors, la croissance zéro .

Si les accents, presque millénaristes, des modélisateurs du Club de Rome ont été jusqu'ici démentis par les faits, les termes de l'équation de base d'une réflexion sur le développement durable y avaient été clairement posés.

Aujourd'hui, la nécessité d'une transition énergétique entre un monde dont l'économie et l'organisation sociale étaient assises sur l'utilisation sans frein de ressources énergétiques abondantes et bon marché et un monde contraint de ménager des ressources commence à poindre .

Des échéances qui se précisent

Les premières années du 21 e siècle ont apporté à ce débat une dimension nouvelle : celle d'une perception de l'accélération des échéances .

Ceci principalement sur deux points : le caractère inéluctable du changement climatique et la prise de conscience plus aiguë d'une limitation des ressources mondiales en hydrocarbures.

Le rapport du Groupe international d'experts sur le climat (GIEC) publié en octobre 2001 a établi, de façon peu contestable, à la fois la responsabilité de l'homme dans le changement climatique et le caractère irréfragable de celui-ci, quelles que puissent être les mesures qui seraient à prendre et que nous ne prenons pas, ou très insuffisamment.

Les tensions continuelles enregistrées depuis deux ans sur les prix du pétrole ont, par ailleurs, fourni la démonstration explicite qu'une ressource que l'on estimait disponible et à bon marché, à vue de deux générations, ne le serait probablement pas.

Ces évènements devraient appeler notre attention sur les menaces qu'impliqueraient, pour notre système d'organisation sociale et économique, les changements climatiques, la raréfaction accélérée des ressources naturelles énergétiques utilisées pour l'industrie, les transports des hommes et des marchandises et le chauffage.

Toutefois, on note que ni les évènements climatiques, ni la hausse du prix des carburants n'ont, jusqu'ici, empêché la croissance mondiale de se poursuivre. Jusqu'ici mais jusqu'à quand ?

La faiblesse des réactions des acteurs décisionnels de la société face à ces événements apporte la preuve que des événements plus graves sont nécessaires pour infléchir les pratiques économiques et sociales à la hauteur des enjeux en cause.

Or, le temps presse.

Un thème très débattu

La perception des enjeux du développement durable a eu pour conséquence la récurrence récente du traitement de ce thème aussi bien dans l'édition et les médias que dans les instances ministérielles ou dans les travaux parlementaires.

Face à cette multiplication de prises de position et d'analyses sectorielles, généralement de qualité, et afin d'éviter des redondances inutiles, le traitement des questions liées à un usage de l'énergie adapté à un développement plus durable doit s'inspirer d'une approche à la fois plus synthétique et plus prospective .

Il faut opérer une synthèse rigoureuse de l'état actuel du modèle énergétique de la planète, développer une vision claire des enjeux réels et de leurs évolutions, ainsi qu'une compréhension des enjeux tant géopolitiques que techniques, ceci en tenant compte des volumes financiers et des durées qu'impliquent tout changement important dans le domaine des usages des énergies fossiles et dans la lutte contre les effets des dérèglements climatiques.

*

* *

C'est pourquoi cette étude :

• rappelle l'état et les perspectives du modèle énergétique mondiale et des effets du changement climatique ,

• expose les scénarios envisageables d'ici 2030,

• analyse les apports de la science et des techniques en vue de faciliter l'indispensable transition énergétique ,

• et propose des solutions politiques pour faciliter cette transition.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page