B. DES RÉUSSITES LOCALES SIMPLES À METTRE EN oeUVRE ET FACILEMENT REPRODUCTIBLES

Aujourd'hui, il semble que de nombreux décideurs locaux hésitent à s'engager dans la voie des énergies renouvelables thermiques par méconnaissance des « bonnes pratiques locales » : des retours d'expérience sont donc indispensables pour déclencher une prise de décision sur le terrain. Nombreuses sont les collectivités territoriales, en France ou à l'étranger, qui ont su faire preuve de créativité pour engager des actions souvent innovantes, parfois visionnaires, et tracer ainsi la route de notre avenir énergétique.

A n'en pas douter, notre futur énergétique est inscrit dans le présent .

1. Les modèles étrangers

L'Union européenne s'est fixé pour objectif ambitieux de porter à 12 % d'ici 2010 la part de l'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation intérieure brute. En 1997, cette part était de 5,4 % et, en 2001, elle n'était encore que de 6 %. Dans le rapport d'évaluation qu'elle a rendu public en mai 2004, la Commission européenne estime que la prolongation des tendances actuelles permettra d'atteindre seulement 10 % d'énergie produite à partir de sources d'énergies renouvelables dans l'Union européenne à 15 en 2010.

Toutefois, les situations sont très disparates selon les pays européens. Quatre groupes de pays peuvent être distingués, selon le pourcentage des énergies renouvelables dans leur production d'énergie primaire :

- les pays phares : la Suède ( 26,5 % ) et la Finlande (21,2 %) ;

- les pays intermédiaires : l' Autriche ( 19,8 % ), le Portugal (16,9 %) et le Danemark (12 %) ;

- les pays émergents : l'Espagne (6,7 %), la France (6,3 %) , l'Italie (6,1 %), la Grèce (5,3 %) et la Pologne (4,5 %) ;

- les « mauvais élèves » : l'Allemagne (3,3 %), la République tchèque (2,6 %), l'Irlande (1,8 %), les trois pays du Benelux (1,3 %), le Royaume-Uni (1,3 %) et les autres nouveaux entrants.

Le présent rapport présente deux bons élèves de l'Europe : la Suède et l'Autriche.

a) La Suède

La Suède est le meilleur élève de l'Europe puisque les énergies renouvelables représentent le quart de la production d'énergie primaire.

Au cours de leur déplacement dans ce pays du 9 au 11 mai 2006, vos rapporteurs ont pu constater qu'il bénéficiait de ressources locales abondantes servies par une forte volonté politique et une formidable « intelligence territoriale ».

La Suède a su, en effet, tirer profit de ses ressources hydrauliques (qui fournissent près de la moitié des besoins en électricité contre 11 % en France) et forestières (la forêt occupe la moitié de la superficie suédoise contre 25 % en France).

Les énergies renouvelables couvrent 60 % des besoins de chaleur du pays : comme au Danemark et en Finlande, plus de la moitié des logements sont chauffés par des réseaux de chaleur et quasiment toutes les villes en possèdent un. Ces réseaux sont alimentés en moyenne à 65 % par de la biomasse : déchets de scierie, plaquette forestière, déchets agricoles, cultures énergétiques, déchets ménagers.

Dans le dispositif énergétique suédois, le chauffage collectif est remarquablement complété par un mode de chauffage individuel omniprésent : les pompes à chaleur géothermiques .

Le principe repose sur un forage à faible profondeur et la circulation d'un fluide de bonne capacité calorifique permettant le transfert d'énergie. Avec ces installations, 70 % de la chaleur utilisée dans la maison provient du sol. Ces systèmes sont utilisés quasi-exclusivement par les particuliers habitant dans des zones pavillonnaires. Moyennant un investissement initial généralement compris entre 12.000 et 16.000 euros, ils permettaient une baisse des dépenses d'énergie, d'environ 20 % en 2004 comparé au fuel. Compte tenu du prix de l'électricité relativement bas en Suède et de l'existence d'un crédit d'impôt, ils sont rentabilisés en six à dix ans d'utilisation.

Le marché suédois de ces équipements, extraordinairement développé par rapport aux autres pays, est en très forte croissance. Mal connu statistiquement mais de loin le plus important d'Europe, il est probable que le nombre de systèmes installés dépasse largement 300.000 aujourd'hui . L'Association européenne des pompes à chaleur prévoit que 30 % de l'espace chauffé suédois le sera en 2010 grâce à la géothermie, puisque 95 % des constructions neuves se dotent aujourd'hui d'une pompe à chaleur.

Cette situation résulte en grande partie d'une très forte volonté politique qui a conduit à instituer, au début des années 1980, une fiscalité très forte sur le CO 2 . Cette mesure ayant progressivement conduit à l'abandon du fioul dans l'approvisionnement énergétique des chaufferies, la puissance des biocombustibles est passée en 25 ans de 50 à 100 térawatts heure.

La Suède vise à présent à couvrir 100 % de ses besoins en chaleur par des énergies renouvelables d'ici 2020.

En revanche, aucune solution ne paraît possible, même à moyen terme, pour acquérir une autosuffisance énergétique totale dans le secteur des transports , même si la Suède a engagé un ambitieux programme de biocarburants (flex/fuel).

Au cours de leur déplacement en Suède, vos rapporteurs ont pu découvrir le remarquable système mis en place par la ville d'Enköping, parfait exemple de valorisation intelligente des ressources locales .

Dans cette ville, située à 70 kilomètres au Nord-Ouest de Stockholm, 95 % des 20.000 habitants du centre sont reliés au réseau de chaleur alimenté par une centrale à bois assurant chauffage et eau chaude et couvrant 60 % des besoins de la ville en électricité via un procédé de cogénération. C'est l'instauration en 1981 d'un l'impôt taxant les émissions de CO 2 et le renchérissement du coût du pétrole qui ont conduit les autorités locales à construire une « centrale biothermique », c'est-à-dire une chaufferie à biomasse .

L'industrie forestière locale fournit 80 % du combustible nécessaire, sous forme de copeaux, écorces et sciures de bois. Les 20 % restant proviennent de cultures énergétiques fournies par des saules à rotation rapide . Outre qu'ils fournissent un excellent combustible, les saules agissent aussi comme filtre naturels, absorbant azote, phosphore et métaux lourds présents dans le sol.

Pour accélérer la croissance des saules, deux procédés sont mis en oeuvre : d'une part, la fertilisation des sols par les cendres de la chaufferie et par les boues produites par la station d'épuration des eaux usées, d'autre part, l'irrigation au moyen des eaux de vidange de la commune épurées. Les saules, récoltés au bout de quatre à cinq ans, permettent de produire 10 à 13 tonnes de bois sec à l'hectare (contre 3 à 5 tonnes pour une forêt classique).

Il faut noter que la chaufferie d'Enköping n'utilise aucune énergie fossile, même en appoint.

Pour éviter d'avoir recours à la solution bi-énergie, Enköping a créé un silo calorifugé de 20 mètres de haut rempli d'eau chaude. Ce silo sert en quelque sorte de variable d'ajustement .

Au final, compte tenu de la fiscalité carbone en Suède, l'utilisation des ressources locales a permis de diviser par trois la facture de chauffage pour les habitants, et de créer emplois et activités .

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