4. Contribution écrite de l'Association Enerplan

1. Pouvez-vous présenter l'association Enerplan ?

Enerplan, association professionnelle de l'énergie solaire, est au service des consommateurs et des professionnels. Multipliant les initiatives et les actions, Enerplan agit pour la promotion et le développement de l'énergie solaire, et la représentation d'un secteur en plein développement.

Enerplan représente l'ensemble de l'offre solaire industrielle, technique et commerciale en France (plus de 120 membres : industriels, distributeurs, ingénierie, installateurs...), ainsi que les opérateurs énergétiques (Butagaz, EdF, GdF, Primagaz). Pour le solaire thermique comme pour le photovoltaïque, Enerplan travaille en partenariat avec l'ADEME, les pouvoirs publics et les autres organisations professionnelles.

Les membres d'Enerplan, affichent leur engagement pour développer l'énergie solaire en France dans une démarche de qualité, en synergie avec l'ensemble des acteurs, au sein du premier réseau professionnel de l'énergie solaire.

Les activités d'Enerplan se répartissent en trois grandes lignes d'action :

- la représentation de la filière solaire au niveau national ;

- l'animation et la structuration de l'offre solaire (organisation régulière de réunions de concertation pour la profession, charte de qualité pour la formation des industriels, statistiques et analyse du marché, développement du solaire dans les offres des opérateurs énergétiques, ...) ;

- l'information et la sensibilisation des décideurs, des professionnels et maîtres d'ouvrage du marché d'affaire (visites d'opérations, publications, voyages d'études, réunions, conférences, ...) mais aussi du grand public et des scolaires (campagne de communication, exposition interactive et mobile, livret pédagogique...).

Souhaitant le mieux possible accompagner le développement et la promotion de la filière solaire, thermique et photovoltaïque, Enerplan et son équipe se tiennent à votre disposition pour toute information complémentaire.

2. La France et l'Europe semblent avoir pris un certain retard dans le développement de la chaleur d'origine renouvelable. Comment expliquez-vous ce retard ?

Par une absence de Directive sur la chaleur d'origine renouvelable, sans aucun doute. Même si un projet a été récemment adopté par le Parlement Européen, la directive « chaleur renouvelable » est encore loin d'être formellement mise en application, avec pour un futur à moyen terme, des objectifs vraisemblablement non contraignant.

Si la lutte contre l'effet de serre n'a pas été un catalyseur suffisant, il faut que l'augmentation récente des prix de l'énergie accélère notre prise de conscience sur la nouvelle politique énergétique à mettre en oeuvre. Sans attendre un texte législatif européen, la France peut choisir d'être exemplaire en la matière, de façon volontaire et ambitieuse.

Le retard de la France est relatif. Elle pourrait, sur la base d'un marché déjà dynamique (bois-énergie et solaire thermique), faire figure de leader en Europe pour la chaleur d'origine renouvelable dès 2010.

3. Beaucoup appellent de leurs voeux le développement de la chaleur d'origine renouvelable (chauffage et eau chaude sanitaire). Quelle est votre position sur la question ?

Nous sommes définitivement en faveur du développement de la chaleur d'origine renouvelable. C'est une question de priorité au niveau de la politique énergétique, même si ce développement peut s'avérer plus complexe que le développement de l'électricité renouvelable. Pour la chaleur d'origine renouvelable, nous sommes dans la décentralisation maximum, c'est immeuble par immeuble, quartier par quartier, avec l'implication de toute une chaîne de décideurs et de professionnels qu'il faut agir.

N'oublions pas que le logement social constitue un des secteurs stratégiques pour le développement de la chaleur d'origine renouvelable et de l'énergie solaire en particulier. Avec ses 4 millions de logement, c'est une cible privilégiée pour l'eau chaude solaire collective. Les enjeux et les atouts sont ceux du développement durable : économies d'énergie, économie de CO 2 , maîtrise du couple loyer+charges, développement de l'emploi local et contribution au renouvellement urbain soutenable. Les chiffres clés pour des objectifs à l'horizon 2010 :

- ¼ du parc de logement social équipé en 10 ans, soit un million de logements ;

- 2m² par logement donc 2 millions de m² en dix ans, soient 200 000 m² par an ;

- le coût avec un programme intégré : 500 €/m² de capteur ;

- un investissement de 100 M€ / an sur 10 ans pour une réduction des émissions de tonnes de CO 2 de 400 000 t/an.

A ce jour, et à défaut d'avoir mis en place d'autres systèmes de soutien spécifique à ce segment de marché, il y a lieu de donner des moyens financiers suffisants à l'ADEME. Par manque de disponibilité budgétaire, on risque d'être socialement inéquitable, réservant l'usage de l'énergie solaire aux seuls propriétaires.

4. Les collectivités territoriales disposent de plusieurs leviers d'action pour agir en matière d'énergie : construction de réseaux de chaleur, collecte et élimination des déchets ménagers (incinération, décharge), compétences en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire, rôle pédagogique), économies d'énergie... Dans quels domaines les collectivités territoriales peuvent-elles, selon vous, agir le plus efficacement en matière d'énergie ?

Face aux enjeux du changement climatique, les collectivités ont des responsabilités, non seulement en étant exemplaires, mais aussi en incitant les entreprises et les citoyens de leur territoire à l'être.

5. Les énergies renouvelables thermiques sont-elles compétitives sans subvention ni exonération fiscale et quel est leur seuil de rentabilité par rapport au baril de pétrole ? Leur temps moyen de retour sur investissement ? Avec quel taux d'intérêt d'emprunt ? A-t-on atteint un niveau de maturité technologique suffisant ?

Le solaire thermique n'est pas encore compétitif sans subvention ni exonération fiscale, qui compensent pour partie l'internalisation des coûts externes qui n'est pas encore comprise dans leur prix.

Vraisemblablement, la généralisation de l'eau chaude solaire dans la construction neuve va nous faire changer d'échelle de marché et améliorer la compétitivité technologique.

Par ailleurs, le solaire thermique n'est pas en compétition seulement avec l'énergie fossile, il est confronté également au prix de référence de l'électricité en tarif de nuit. Dans ces conditions, et avant toute aide, le temps de retour sur investissement est souvent proche de 20 ans. Avec des subventions, le temps de retour tombe à 7 ou 10 ans.

6. La France s'est fixé plusieurs objectifs ambitieux en matière d'énergies renouvelables dans la loi énergie votée en juillet 2005, notamment l'installation de 200.000 chauffe-eau solaires et 50 000 toits solaires d'ici 2010. Ces objectifs sont-ils réalistes ?

Ces objectifs ambitieux sont parfaitement réalistes, c'est plus ou moins les résultats du marché allemand en 2005. Par ailleurs, compte tenu de la dynamique solaire thermique très forte en France, ces objectifs devraient être atteints.

Les hypothèses pour 2006 et au-delà. La place du solaire dans le neuf, relais de croissance pour atteindre les objectifs de la loi énergie de 2005.

Si en 2005, le chauffe-eau solaire concerne moins de 5 % des demandes de permis de construire en maison individuelle, on peut raisonnablement estimer une part de marché de 50 % des demandes de permis de construire comprenant un chauffe-eau solaire individuel (Cesi) en 2010 (effet d'apprentissage de la RT 2005, anticipation de la RT 2010, labels HPE, THPE, EnR, bonification opportune du Cos ...). Cela induirait un marché annuel entre 90 et 100 000 chauffe-eau solaires sur le segment du neuf à l'horizon 2010. La part du neuf sera prépondérante dans l'augmentation du volume marché pour atteindre les objectifs de la loi énergie 2005. On notera que l'augmentation significative du solaire dans le neuf fera baisser le prix moyens du chauffe-eau solaire.

Pour l'existant, en fonction du rythme annuel de renouvellement des systèmes de chauffage et du niveau de crédit d'impôt, on peut tabler sur 50 à 60.000 Cesi par an en 2010. Ce volume est fortement dépendant de l'implication de la filière « installateurs », avec la nécessité de banaliser la compétence solaire pour l'ensemble des plombiers/chauffagistes. Ce marché de l'existant pourrait être « boosté » par l'offre des opérateurs énergétiques en matière de Certificat d'économies d'énergie sur le Cesi.

7. Quel est le potentiel de développement du solaire thermique ?

Prenons un peu de recul et regardons le problème au niveau européen, avec notamment la Vision Solaire Thermique 2030, qui a été développée par l'industrie et les instituts de recherche de toute l'Europe. Ce document souligne les perspectives du secteur pour les utilisations futures de l'énergie solaire thermique. Pour le secteur du bâtiment, responsable de 40 % de la demande d'énergie européenne, il présente le concept d'un Bâtiment Solaire Actif, qui devrait être entièrement chauffé et rafraîchi à l'aide de l'énergie solaire thermique et ainsi devenir le bâtiment standard pour 2030. L'objectif global de la branche solaire thermique est de satisfaire jusqu'à 50 % de la demande d'énergie basse température de l'Europe par le solaire thermique en 2030.

8. Quels sont les modèles étrangers qui vous paraissent intéressants eu égard au rôle confié aux collectivités territoriales en matière de promotion des énergies renouvelables thermiques ?

Enerplan considère que la forte implication des collectivités territoriales espagnoles est un exemple à suivre.

9. Peut-on considérer que 1000 TEP d'énergie produite par des énergies renouvelables créent trois emplois directs nets non délocalisables ?

Oui.

10. Quels sont les difficultés qui contrarient encore le plein essor des énergies renouvelables ?

Les freins sont de plusieurs ordres.

Si les parlementaires sont à l'origine d'une véritable révolution culturelle avec le vote de la loi énergie en 2005, ils sont tendance à ne pas mettre en oeuvre, au plan local, les objectifs ambitieux en matière de développement d'énergies renouvelables votées au plan national. Il faut que les élus locaux se mobilisent autour de cet objectif concret : développer la part d'énergie renouvelable dans leur sphère de décision.

Au niveau réglementaire, il faudra bien entendu veiller à la mise en oeuvre et surtout au contrôle de la Réglementation Thermique.

Au niveau technologique, des progrès restent à faire. Il faut impliquer la France dans la stratégie de recherche et de développement du marché des technologies solaires thermiques, développée au niveau de la Plate Forme Technologie Européenne. Parmi les critères de recherche clés, vont être promus les stockages de chaleur, les capteurs à température moyenne et les systèmes de rafraîchissement solaire. Des pôles de recherche peuvent aussi fournir des résultats décisifs sur le court et moyen terme, alors que d'autres secteurs nécessitent une approche sur le long terme. Jusqu'à maintenant, le potentiel des technologies solaires thermique a été considérablement sous-estimé par la plupart des gens, cantonné à des applications individuelles pour l'eau chaude et une partie du chauffage, et à l'eau chaude sanitaire collective. Il y a un fort potentiel pour un développement supplémentaire de la technologie et du marché à travers toute l'Europe et le monde. Par conséquent, il y a un besoin considérable d'accroître les efforts de R&D, spécialement dans des applications nouvelles comme le rafraîchissement solaire et le procédé industriel de production de chaleur solaire. L'industrie solaire thermique et les instituts de recherche ont mis en place la Plateforme Technologique Européenne du Solaire Thermique dans le but de développer une stratégie complète afin d'exploiter le potentiel maximum de l'énergie solaire thermique en Europe. Il nous faut décliner cette plateforme au niveau national, avec les pôles de compétitivité.

11. Que recommandez-vous pour surmonter ces obstacles ?

Un engagement des élus locaux à développer les énergies renouvelables dans leur sphère de décision (quasiment aucune ville ni agglomération n'ont une politique énergétique à la mesure des enjeux), et lever les contraintes (encore trop de communes interdisent purement et simplement les capteurs solaire sur leur territoire). Il s'agit également d'engager la concertation locale autour d'objectifs ambitieux de moyen terme.

La mise en oeuvre rapide des différentes mesures de la loi énergie, avec un évitement des effets « go and stop ».

Par ailleurs, il convient de décliner la plateforme technologique européenne du solaire thermique au niveau national, avec les pôles de compétitivité, financer les actions de recherche et ne pas oublier le logement social et préparer un système de soutien spécifique à ce segment de marché, et en attendant donner des moyens financiers suffisants à l'ADEME.

12. Jouez-vous vous-même un rôle dans la promotion des énergies renouvelables thermiques et en particulier dans le renforcement de l'action des collectivités territoriales dans ce domaine ?

Enerplan a développé un « agenda solaire », qui propose aux collectivités de s'engager pour le développement de l'énergie solaire sur leur territoire. L'énergie solaire est un signe extérieur de développement durable, associant enjeu global et réponse locale, préservation de l'environnement avec développement économique et de l'emploi local.

L'agenda solaire est le premier outil complet dédié aux collectivités territoriales, qui propose une démarche, des actions et des outils adaptés au développement du solaire sur un territoire.

Les collectivités peuvent s'engager dans l'agenda solaire, de manière progressive et balisée, par des actions et des outils sur 4 niveaux d'implication.

Niveau 1 : relais de la politique européenne, nationale, régionale = Communication externe et interne de base

Niveau 2 : implication « crédible » et « visible » = Réflexion opportune sur le patrimoine et communication incitative

Niveau 3 : implication « volontaire » et « efficace » = Programmation sur son patrimoine et incitation active des administrés

Niveau 4 : implication « visionnaire » et « stratégique » = Généralisation du solaire à moyen terme 2007, 2010

L'agenda solaire est adapté à tout type de collectivité territoriale : commune, communauté d'agglomération ou de pays, département, région.

Proposé sous forme de CDRom, l'agenda solaire permet une actualisation des données par Internet et donc une base de données récente et évolutive.

13. Quelles collectivités territoriales vous paraissent exemplaires dans le domaine des énergies renouvelables thermiques ?

Enerplan salue le travail accompli par quelques collectivités exemplaires :

- la Région Alsace avec son programme européen Energivie pour le développement des ENR, solaire et bois ;

- e département des Alpes Maritimes qui aide financièrement tous les porteurs de projets, accorde ses aides aux communes sous condition d'utilisation du solaire, met en place un concours « 100 toits bleus pour le département » auprès des communes ;

- la Communauté urbaine du Grand Lyon avec son référentiel Habitat durable (eau chaude solaire obligatoire) applicable à tous les bailleurs sociaux et promoteurs privés du territoire ;

- la ville de Grenoble qui impose le solaire dans les règlements de ZAC ;

- la ville de La Seyne sur mer qui incite fortement les promoteurs privés à intégrer le solaire dans leurs constructions ;

- la communauté du Pays d'Aix qui aide financièrement les particuliers et les maîtres d'ouvrage collectifs et qui a édité le guide d'intégration des capteurs solaires, outil d'information et de concertation ;

- la communauté du Pays d'Aubagne qui aide financièrement les porteurs de projets, met en place un programme d'animation auprès des scolaires, s'implique dans la formation des artisans par la réinsertion, organise la fête du soleil (ateliers professionnels et exposition, 3ème édition en mai 2006).

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