II. DES DÉPENSES MAÎTRISÉES GRÂCE À UNE GESTION RIGOUREUSE ET RÉACTIVE

A. LE RÔLE PRÉCURSEUR DES PRÉFECTURES : L'EXPÉRIMENTATION RÉUSSIE DE LA GLOBALISATION (2000-2005)

1. Une nouvelle approche de la dépense intégrant la LOLF

Dès 2000, une remise à plat de la gestion des dépenses des préfectures, et en particulier de leurs dépenses de fonctionnement, a été engagée via une expérimentation de globalisation des crédits. Cette expérimentation s'est inscrite dans une démarche de contractualisation « objectifs-moyens-résultats », en contrepartie d'une plus grande souplesse dans l'emploi des crédits et de la gestion des effectifs.

Cette globalisation des moyens a permis aux préfectures d'anticiper et d'acclimater par avance les principes et les règles imposés par la LOLF en matière de dépense de fonctionnement . Chaque préfecture disposait, en effet, d'une dotation unique englobant les moyens nécessaires à son activité, cette dotation étant garantie et fongible et son emploi étant encadré par des règles de plafonds.

Plus précisément, les principes de l'expérimentation reposaient sur la fongibilité des crédits au sein d'un budget global et sur la possibilité offerte aux préfets de modifier la pyramide des emplois par rapport à leur dotation initiale, dans le cadre de différents plafonds (en crédits, en emplois et en masse indiciaire) qui encadraient la liberté d'action des préfectures.

Ces dernières disposaient, ainsi, de moyens accrus pour adapter leurs moyens à leurs missions et aux priorités dégagées dans le projet territorial de l'Etat arrêté par chaque préfet. Pour autant, elles continuaient de s'inscrire dans une gestion des personnels conforme aux statuts en vigueur.

Concrètement, chaque dotation globale regroupait deux sous-ensembles de crédits. Les crédits de personnel et de charges sociales formaient le premier sous-ensemble. Les crédits de fonctionnement représentaient le second sous-ensemble.

En contrepartie, les dotations globales ne faisaient l'objet d'aucun abondement complémentaire en dehors de certains cas bien précis : augmentation de la valeur du « point fonction publique », autres mesures générales ou catégorielles de revalorisation des rémunérations, variation des taux de cotisations sociales à la charge des employeurs. Elles évoluaient selon une norme fixée à 0,3 % d'une année sur l'autre.

Les dotations étant garanties dans le cadre d'un contrat pluriannuel, elles ne pouvaient donc pas être remises en cause et faire l'objet, en cours d'exercice, d'annulations. Les crédits qui n'étaient pas été consommés en fin d'année étaient automatiquement reportés sur l'exercice suivant. Les crédits étaient, par ailleurs, délégués à hauteur de 95 % en début d'exercice, le reste étant délégué au plus tard le 15 septembre.

La gestion des préfectures « sous la globalisation »

La composition de la dotation globale a été fixée par une instruction conjointe intérieur/finances du 25 septembre 2003 relative à la généralisation de la globalisation des crédits de rémunération et de fonctionnement des préfectures pour les années 2004 et 2005.

La dotation globale se compose de deux sous-ensembles :

? les crédits relatifs à la prise en charge des personnels entrant dans le périmètre de la globalisation (rémunérations d'activité et charges sociales);

? les crédits de fonctionnement qui intègrent les crédits de fonctionnement courant et les crédits de maintenance immobilière, qui figuraient auparavant dans le programme régional d'équipement (PRE).

Toutefois, la dotation globale ne prend pas en compte les crédits relatifs :

? aux rémunérations de certains agents qui restent hors du périmètre de la globalisation et des agents d'autres administrations ou collectivités mis à disposition des préfectures ;

? aux pensions civiles ;

? aux prestations sociales;

? aux dépenses d'informatique et de transmissions relatives aux applications nationales, dont l'emploi relève de la direction des systèmes d'information et de communication ;

? aux dépenses liées à l'organisation des élections ;

? aux frais de contentieux et de réparations civiles, qui couvrent la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat, la défense et l'assistance des fonctionnaires, et le paiement des rentes d'accident de travail ;

? aux dépenses d'investissement immobilier, qui relèvent d'une programmation centrale au travers du programme national d'équipement (PNE) gérée par la direction de l'évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières.

Le montant de la dotation a été notifié à chaque préfecture pour les deux années du « contrat » de globalisation (2004 et 2005). En outre, l'instruction conjointe du 25 septembre 2003, a fixé une norme de progression de la dotation globale d'une année sur l'autre (+0,3 %). Ce taux de progression a été appliqué dès 2004.

95 % de la dotation sont délégués en début d'année, les 5 % restant le sont au plus tard le 15 septembre.

L'instruction conjointe intérieur/finances du 25 septembre 2003 autorise une fongibilité asymétrique des crédits au niveau du chapitre 37-30 (dotation globalisée des préfectures) : les crédits inscrits sur l'article 10 (crédits de rémunération) en loi de finances initiale (LFI) ne peuvent être abondés en cours d'année. Par contre, les crédits inscrits sur l'article 20 peuvent l'être en gestion.

Par ailleurs, les crédits de chaque préfecture sont totalement fongibles : chacune d'entre elles peut procéder à des transferts de crédits de rémunération vers les crédits de fonctionnement, mais également des transferts de crédits de fonctionnement vers les crédits de rémunération. La préfecture a donc la possibilité d'ajuster sans délai l'allocation des moyens aux priorités définies localement.

L'administration centrale est chargée d'assurer un pilotage permettant de concilier la fongibilité symétrique au niveau de chaque préfecture, avec une fongibilité asymétrique au niveau du chapitre 37-30 : les préfectures doivent l'informer des mouvements de crédits entre les deux articles. Pour exécuter les transferts de crédits de fonctionnement vers les crédits de rémunération, les préfectures doivent attendre un délai de 15 jours après l'information de l'administration centrale, le silence de celle-ci valant autorisation.

Le caractère asymétrique de la fongibilité est, par ailleurs, garanti par l'existence de plafonds encadrant l'utilisation des crédits.

La notification à chaque préfecture de sa dotation globale est accompagnée d'une notification d'un double plafond :

- un plafond d'emplois (en équivalent temps rémunéré) ;

- un plafond de masse indiciaire.

Les contrôleurs financiers déconcentrés veillent à ce que ces plafonds ne soient jamais dépassés. Pour formuler une demande de recrutement d'un agent (par mutation, détachement ou concours), la préfecture doit vérifier que la disponibilité en emplois et en masse indiciaire est suffisante compte tenu de ses plafonds.

2. La mise en place d'un co ntrôle de gestion efficace

La mise en place d'outils de contrôle de gestion au sein des préfectures globalisées a constitué la contrepartie logique de la souplesse de gestion dont elles bénéficiaient dans le cadre de l'expérimentation. De ce fait, les préfectures ont pris un temps d'avance, au regard des autres services déconcentrés de l'Etat, dans la diffusion d'une véritable culture de gestion des dépenses de fonctionnement .

Deux dispositifs complémentaires ont, ainsi, été mis en place dans les préfectures globalisées et continuent, aujourd'hui, à être utilisés par les gestionnaires. D'une part, un système de comptabilité analytique, baptisé ANAPREF, permet l'analyse stratégique des coûts . D'autre part, un dispositif plus qualitatif de contrôle de gestion, dénommé INDIGO (« Indicateurs de Gestion Optimisée »), vise à rendre possible la mesure de la performance globale de la préfecture sur ses champs d'activité.

Ces deux dispositifs reposent sur la division des activités d'une préfecture en sept missions tournées vers l'extérieur (communication et représentation de l'Etat, sécurité, accueil du public et délivrance des titres, réglementation générale et élections, relations avec les collectivités locales, animations des politiques interministérielles, action régionale), et six fonctions logistiques (immobilier des services et services techniques, garage et parc automobile, administration générale, informatique, formation, résidences du corps préfectoral), qui doivent rendre compte des prestations remplies en interne par les services de la préfecture pour lui permettre de fonctionner dans des conditions satisfaisantes.

Ils permettent tous les deux d'opérer au niveau local un pilotage des principales missions des préfectures, d'instaurer un dialogue de gestion entre les préfectures et l'administration centrale, et de fournir aux préfectures un outil de comparaison avec les autres préfectures. Les comparaisons entre préfectures tiennent, en outre, compte de leurs spécificités, grâce à une segmentation en quatre « strates » regroupant des préfectures aux caractéristiques comparables (population du département...).

Le suivi de la dépense grâce à une comptabilité analytique en coûts directs

Le principe général du dispositif de comptabilité analytique est celui du calcul des coûts directs relatifs à chaque mission ou fonction logistique. En pratique, cela signifie que chaque dépense de fonctionnement et de rémunération, directement imputable à une mission ou à une fonction logistique, doit lui être rattachée . La comptabilité analytique permet, ainsi, aux préfectures de disposer d'un outil synthétique de suivi de l'évolution du coût de leurs différentes missions, ainsi que d'un outil de pilotage interne de la politique d'allocation des moyens et d'arbitrage entre les priorités (par exemple, examen des avantages et inconvénients d'une éventuelle externalisation de certaines prestations).

Le dispositif INDIGO est basé sur des objectifs répondant eux-mêmes à des grands enjeux identifiés sur les missions et fonctions logistiques et appuyés sur des indicateurs chiffrés. Ces indicateurs portent exclusivement sur le champ d'activité sur lequel la préfecture a un pouvoir d'orientation et d'inflexion. Pour certains de ces indicateurs, une norme nationale est fixée, tandis que pour d'autres c'est une norme adaptée aux enjeux locaux qui est établie par l'administration centrale après un dialogue de gestion avec chacune des préfectures concernées.

L'ensemble de ces éléments, ainsi que certains des ratios de gestion établis annuellement par l'administration centrale sur la base des informations transmises par les préfectures, portent uniquement sur la partie « fonctionnement » des préfectures. Ils fournissent la matière aux indicateurs contenus dans le programme « Administration territoriale ».

Ce dispositif de pilotage de l'activité des préfectures est complété par plusieurs modules de contrôle de gestion, réunis au sein d'un infocentre territorial, INFO-PREF. Il comprend, outre ANAPREF et INDIGO, la base de données CONCORDE (cf. supra, partie I-C-2) offrant un accès aux budgets de fonctionnement de l'ensemble des préfectures et permettant le calcul de ratios de gestion (coût de l'énergie par m 2 , coût du parc automobile au kilomètre...). Deux outils d'aide à la répartition des dotations des préfectures, ARCADE et ESTIDOT, s'attachent, respectivement, à la ventilation des emplois budgétisés et aux crédits de fonctionnement.

D'une manière générale, la mise en oeuvre du contrôle de gestion a, certes, fait l'objet d'une première phase de rodage délicate, étant dans un premier temps essentiellement perçue comme un instrument d'évaluation individuelle ou comme un outil exclusivement réservé à l'usage de l'administration centrale. Elle est, toutefois, désormais pleinement acceptée par les personnels des préfectures, car comprise comme un facteur d'aide à la décision au sein de la communauté de travail.

Au-delà de ce constat très positif, votre rapporteur spécial souhaite, néanmoins, rappeler, dans ce contexte, les difficultés, pour les gestionnaires, liées au principe de l'annualité budgétaire . Particulièrement contraignante, cette règle représente un frein non négligeable à la prévision et à la gestion de la dépense dans le cas de projets lourds nécessitant une réflexion pluriannuelle. A l'occasion de sa mission, votre rapporteur spécial a recueilli, sur ce point, de nombreux avis convergents pour déplorer de trop faibles marges de manoeuvre du fait de cette obligation.

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