2. Une procédure législative fondée sur la recherche du compromis
Les prérogatives importantes du parlement allemand et le droit de veto accordé au Bundesrat se traduisent dans la procédure d'examen des textes législatifs par un souci permanent du compromis.
En amont du dépôt des projets de loi, les commissions parlementaires sont souvent « co-rédactrices » des projets de loi gouvernementaux
Ayant un contact permanent avec les ministres aux compétences homologues, les commissions permanentes exercent un suivi continu de leurs décisions et sont en pratique consultées par eux sur l'objectif et le contenu des projets de loi gouvernementaux envisagés : ainsi, en amont du dépôt des textes au parlement, les députés peuvent être « co-rédacteurs » de textes gouvernementaux , ce qui leur permet d'exclure des mesures qu'ils jugent inopportunes mais peut limiter leur activité de contrôle a posteriori.
Au sein de chaque chambre, la fixation de l'ordre du jour résulte de décisions consensuelles
Le Bundestag et le Bundesrat décident de la clôture et de la reprise de leurs sessions.
Au Bundestag, chaque parlementaire dispose ainsi pour toute l'année d'un programme où sont indiquées les séances du Bundestag et du Bundesrat. Le Comité des doyens 150 ( * ) fixe le calendrier des travaux et l'ordre du jour par consensus . Toutefois, le Bundestag peut être aussi convoqué plus tôt à la demande du président fédéral, du chancelier ou d'un tiers de ses membres. De plus, les projets de loi considérés comme urgents par le gouvernement fédéral doivent être inscrits à l'ordre du jour de la prochaine séance s'il en fait la demande.
L'accord des groupes du Bundestag, qui rassemblent au moins 5% de ses membres, est nécessaire dans toutes les décisions concernant l'organisation du Bundestag (désignation des présidents de commission) et la procédure d'examen des textes (initiative législative ; groupes de travail thématiques examinant les textes ; forte discipline de vote). Le bon fonctionnement du Bundestag est, plus généralement, subordonné à la coopération permanente de ces formations.
Des règles d'examen des textes favorisant les compromis entre le Bundestag et le Bundesrat
A l'issue du premier examen au Bundesrat, chaque projet de loi est ensuite transmis au Bundestag, qui l'examine en trois lectures : lors d'une première lecture qui a lieu en séance plénière, un débat général a lieu sur les textes présentant un intérêt particulier ou de grande importance politique , si le Comité des doyens ( Ältenstenrat ), un groupe parlementaire ou 5% des députés l'ont demandé. L'objectif principal de ce débat est de présenter le texte et ses enjeux, ainsi que le point de vue des principales formations politiques, à la presse et à l'opinion.
A l'issue de ce débat, dans des cas exceptionnels (texte simple et consensus politique), le Bundestag peut décider le passage à la deuxième lecture sans renvoi en commission.
Mais, en principe, le projet de loi est toujours soumis à la commission permanente compétente , qui va l'examiner au fond. Elle a le devoir de recommander au Bundestag une décision sur le texte (adoption avec ou sans modification ou rejet).
Ensuite , le texte est examiné en seconde lecture par l'assemblée plénière. En pratique, la troisième lecture du texte, au cours de laquelle a lieu le vote final sur ce dernier, suit immédiatement avec ou sans débat . En général, l'approbation du texte à la majorité des deux tiers est requise 151 ( * ) .
Les textes de loi sont ensuite à nouveau transmis au Bundesrat qui vérifie si son avis a été pris en compte. En cas de désaccord, dans un délai de 3 semaines, le Bundesrat demande la convocation d'une commission de médiation ( Vermittlungsausschuss ), composée de 16 membres du Bundestag et de 16 membres du Bundesrat (un membre par Land). Lorsque le texte nécessite l'approbation du Bundesrat, le Bundestag et le gouvernement fédéral peuvent également être à l'origine de cette convocation 152 ( * ) .
Afin de faciliter les compromis, les représentants des Länder ne sont pas liés par les instructions de leur gouvernement et les réunions sont strictement confidentielles (les procès-verbaux de ces réunions ne pouvant être consultés que deux législatures plus tard) ;
Après la réunion de la commission de médiation, le Bundestag donne son avis sur les propositions de la commission de médiation (quatrième lecture). De là, deux cas sont possibles :
- la loi ne requiert pas l'approbation du Bundesrat : dans un délai de deux semaines, le Bundesrat déclare accepter le texte ou peut faire opposition à son adoption à la majorité des voix ou à la majorité des deux tiers.
Alors, sur une motion présentée par un groupe parlementaire ou trente et un députés, le Bundestag peut surmonter cette opposition (cinquième lecture), dans le premier cas, à la majorité absolue de ses membres et dans le second cas, à la majorité doublement qualifiée (majorité des deux tiers des votants qui doit représenter au moins la moitié de l'effectif des députés). Ces majorités, difficiles à obtenir, confèrent donc à la position du Bundesrat une certaine force . Lorsque l'opposition du Bundesrat est levée, la loi est réputée adoptée et peut entrer en vigueur ;
- la loi requiert l'approbation du Bundesrat : si le Bundesrat refuse l'adoption du texte, la procédure législative échoue car ce refus a l'effet d'un veto absolu.
Enfin, la loi est signée par le Président de la République fédérale, avec le contreseing du ministre compétent et du chancelier fédéral, puis publiée au Journal officiel.
La réforme en cours du fédéralisme doit permettre de raccourcir le temps d'examen des textes en diminuant le droit de veto du Bundesrat
Selon Mme Kiessler et MM. Freund et Gibowski, rencontrés par la mission, la répartition des compétences entre Fédération et Länder est parfois difficile à appliquer , en particulier lorsque les lois des Länder sont en contradiction avec des engagements pris par le gouvernement fédéral. En pratique, le Tribunal constitutionnel suprême est souvent amené à trancher.
Par ailleurs, selon les interlocuteurs précités, le veto ex ante du Bundesrat et la nécessité pour le gouvernement fédéral de trouver un accord avec lui ont souvent ralenti l'adoption des réformes attendues par l'opinion .
C'est pourquoi une réforme du fédéralisme , tendant à mieux délimiter les compétences respectives de la Fédération et des Länder et à accélérer les procédures de décision, envisagée depuis deux ans, a été adoptée le 30 juin au Bundestag et le 7 juillet au Bundesrat. Elle a pour objectif de diminuer le nombre de lois pour lesquelles le « veto législatif » du Bundesrat (de 60 % à 30 % environ) s'applique contre une extension des pouvoirs des Länder en matière d'éducation, d'environnement ou de gestion des prisons.
* 150 Le Comité est composé du président du Bundestag, des vice-présidents et de 23 représentants désignés par les groupes parlementaires.
* 151 Les traités avec des Etats étrangers et ayant trait à des matières relevant de la législation fédérale font l'objet de deux lectures.
* 152 Toutefois, cette convocation est impossible pour examiner une proposition de loi issue du Bundesrat et refusée par le Bundestag.