E. VENDREDI 6 OCTOBRE 2006

1. La nécessaire conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale

L'Assemblée a débattu de la difficulté de concilier la vie professionnelle et la vie familiale.

Les délégués se sont prononcés en faveur du développement de toutes les structures de garde d'enfants et de l'égalité salariale. Certains ont souligné que l'intérêt des enfants pouvait cependant être d'être élevés en famille et qu'à cet égard la liberté des femmes qui faisaient ce choix devait être respectée.

MM. Francis Grignon (Bas-Rhin - UMP), Gilbert Meyer (Haut-Rhin - UMP) et André Schneider (Bas-Rhin - UMP) se sont exprimés dans ce débat.

M. Francis Grignon, sénateur :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, au nom du PPE, je remercie Mme Papadopoulos pour son rapport qui nous fait réfléchir à la liberté de nos jeunes mères de famille qui vivent en Europe.

L'équilibre et l'épanouissement d'une vie sont à trouver, à mon sens, dans la combinaison de trois satisfactions : familiale, professionnelle et personnelle.

En France, comme ailleurs, nous assistons à des changements dans la vie familiale : l'âge de la première maternité recule dangereusement et un Français sur deux déclare qu'il aurait souhaité avoir un enfant de plus. Si la difficulté d'accéder au marché du travail explique en partie cela, l'appréhension de faire garder ses enfants joue également un rôle.

La petite enfance mérite une attention toute particulière de la part des pouvoirs publics, lesquels doivent favoriser, sans aucune distinction, et j'insiste sur ce point, le développement des modes de garde. Qui mieux que les parents sait ce qui convient à son enfant ? Sûrement pas l'État ! C'est la liberté et la responsabilité des familles que je défends. On le voit bien dans l'attitude des familles, par exemple chez nous : un couple bi-actif et urbain sera très attiré par les crèches collectives à la naissance de son premier enfant, puis, lorsque la fratrie s'agrandira, il se tournera plus volontiers vers la garde à domicile ; un couple qui vit à la campagne préfèrera le système de l'assistance maternelle, à moins que les grands-parents ne le fassent. Cependant cela devient de plus en plus rare.

Je pense que le personnel de la petite enfance doit recevoir une formation telle qu'il soit susceptible de travailler au sein de plusieurs types d'accueil. En France, nous mettons en oeuvre, depuis une dizaine d'années, un plan de rattrapage dans la construction de crèches, mais nous avons également voté, l'an dernier, une réforme du statut et de la formation des assistantes maternelles et accru l'aide financière accordée aux familles pour la garde à domicile, quel que soit l'âge de l'enfant.

Une vie professionnelle épanouie peut passer à mon sens par des arrêts temporaires d'activité. C'est une attitude qu'adoptent de nombreuses Françaises. Toutefois, nous avons observé un effet pervers à cette solution : elle est en quelque sorte une trappe à chômage ou même, pire, à pauvreté. En effet, à l'issue de trois ans de congé parental - durée maximale - la moitié des mères de famille se trouve au chômage. Bien souvent, ces femmes ont perdu confiance en elles vis-à-vis du marché du travail.

Pour y remédier, nous avons initié une réforme, qui a pris effet le 1er juillet dernier : les parents ont le choix de s'arrêter durant trois ans en bénéficiant d'une indemnité modeste, ou une seule année en bénéficiant d'une indemnité supérieure. Nous espérons que cela encouragera davantage les pères à opter pour ce type de congé.

Mes chers collègues, je souhaite évoquer encore une question qui n'est pas directement abordée par ce rapport : c'est celle du moment où les enfants grandissent. L'école et les activités périscolaires, quand elles existent, ne s'arrêtent pas - Dieu merci ! - à l'heure où ferment les bureaux. La présence des parents ou d'adultes responsables et protecteurs est moins nécessaire, mais reste très importante. L'investissement est tout aussi chronophage.

Nous réfléchissons aussi en France à des politiques ciblées vers les adolescents. Je suis convaincu que les parents sont les premiers éducateurs, autant dans la petite enfance que par la suite, et que ce sujet donnera lieu, dans l'avenir, à de nouvelles réflexions.

À côté de la vie familiale et professionnelle équilibrées, il faut bien sûr une vie personnelle équilibrée.

On peut se demander ce qu'il reste, après le travail et les enfants, pour la vie personnelle des jeunes femmes et des couples. L'exercice d'une profession contribue et apporte aux femmes infiniment d'ouverture en terme de vie personnelle mais ne suffit pas.

Le rapport de Mme Papadopoulos reprend un certain nombre d'objectifs fixés par l'Union européenne et l'OCDE, qui seraient d'atteindre un taux d'activité des femmes de 60 %. J'y souscris, bien sûr, mais je crois surtout que c'est leur souhait. C'est au nom de cette liberté que nos efforts doivent être entrepris. D'ailleurs, qui aujourd'hui conseillerait à une jeune fille de ne pas faire d'études ? Personne. Cela est indispensable tant pour son épanouissement personnel qu'à son indépendance financière et morale. Les jeunes mères, je le sais, aspirent également à participer à la vie associative et politique, mais, bien souvent, ce souhait est freiné par la présence de jeunes enfants au foyer.

Mes chers collègues, je soutiens donc le rapport de Mme Papadopoulos, en insistant sur le fait que l'équilibre de chacun, homme ou femme, repose sur trois pieds : l'équilibre familial, l'équilibre professionnel, mais aussi l'équilibre personnel qui peut s'épanouir dans la vie culturelle, associative, politique ou dans d'autres domaines. »

M. Gilbert Meyer, député :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de féliciter Mme Papadopoulos pour son excellent rapport sur la nécessaire conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale.

Ce rapport dresse le constat que la difficulté de concilier vie professionnelle et vie familiale pénalise d'abord les femmes. Ce sont elles qui, traditionnellement, assument l'essentiel des responsabilités dans l'éducation des enfants en bas âge ou de la charge des personnes âgées, et l'essentiel des tâches domestiques. Ce sont également elles qui rencontrent les plus grandes difficultés à faire admettre leurs contraintes familiales dans leur milieu professionnel et dont les carrières sont souvent freinées pour cette raison.

Pour autant, il est nécessaire que les mesures visant à favoriser cette conciliation s'adressent aux hommes comme aux femmes.

Le rapport a le mérite de situer les enjeux de la conciliation non seulement en termes d'égalité des chances, mais aussi en termes économiques. Cet aspect est plus qu'important. En effet, la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale a des conséquences sur le taux d'emploi des femmes. Le taux d'activité diminue avec le nombre d'enfants. Avec le vieillissement général de la population en Europe dans les années qui viennent, il sera nécessaire que les femmes soient très présentes sur le marché du travail.

La conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale est également très importante pour le taux de fécondité. En France, où les structures de garde collective sont développées quoique encore insuffisantes, le taux de natalité reste élevé. Nous atteignons le deuxième rang de l'Union européenne derrière l'Irlande. Ce n'est pas le cas dans d'autres pays. Or une natalité forte est un gage d'avenir pour nos États.

Il est bien sûr de la responsabilité des autorités publiques de créer des conditions favorables à la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, notamment en développant des structures de garde suffisamment nombreuses et financièrement accessibles et en accordant également un congé de maternité suffisant et un congé parental destiné aux deux sexes. C'est à ce prix que les femmes pourront aussi participer plus largement à la vie publique et politique de leur nation.

Les entreprises et les administrations doivent aussi prendre conscience de cette difficulté à concilier vie professionnelle et familiale de leurs salariés. En France, le ministère délégué à la cohésion sociale a mis en place, fin 2004, un label Egalité. Il récompense l'exemplarité des pratiques des entreprises, administrations ou associations dans la prise en compte de la parentalité dans le cadre professionnel, ainsi que le rappelle Mme Papadopoulos.

Dans de nombreux domaines, il n'est pas besoin de lois pour progresser. Ce sont les pratiques qu'il convient de faire évoluer. Concilier vie professionnelle et vie familiale doit notamment nous amener à réfléchir sur les horaires de travail. Ces derniers doivent être souples.

Il convient également de mettre un terme à une pratique trop courante en France : celle consistant à fixer des réunions en fin de journée alors que, dans l'immense majorité des cas, ces réunions peuvent s'organiser à des horaires plus compatibles avec la vie familiale.

Nous devons également réfléchir au développement du travail à temps partiel et du télétravail. Ils peuvent constituer des solutions pour les personnes ayant de jeunes enfants.

Enfin, il convient de prendre en compte tous les aspects culturels pour faire évoluer les mentalités, afin que la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale devienne une réalité européenne.

Monsieur le Président, mes chers collègues, il n'est pas admissible qu'en 2006 des hommes, mais surtout des femmes aient à faire un choix entre vie professionnelle et vie familiale. Je souhaite que le rapport que nous examinons fasse progresser les choses et, pour ma part, j'en soutiens les conclusions. »

M. André Schneider, député :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, comment réussir à mener de front vie professionnelle et vie familiale ?

Ce dilemme est monnaie courante au sein des pays européens. Ce sont encore majoritairement les femmes qui s'interrogent. En effet, après la Seconde guerre, la part des femmes qui exercent une activité professionnelle, par nécessité ou par choix, n'a cessé de croître. L'expression de double journée pour les femmes est apparue dans les magazines ; en effet, les habitudes ont la vie dure et le partage des tâches ménagères et éducatives est loin d'être acquis.

Notre rapporteure encourage les États membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre aux femmes ou aux hommes, désireux de se consacrer à leur entourage, de pouvoir le faire dans de bonnes conditions et sans préjudice pour leur vie professionnelle. Je ne peux que lui apporter mon soutien, d'autant que la France a mis en place une législation qui va dans ce sens. Je déplore d'ailleurs que la France soit si peu citée dans le rapport.

Depuis plusieurs années, la France s'inscrit dans cette démarche, notamment par l'intermédiaire de sa politique en faveur de la parité. C'est une nécessité car, selon des statistiques publiées par l'INSEE en 2003, 77 % des femmes sont actives et le taux de fécondité reste élevé.

En complément du classique congé de maternité, désormais ouvert aux pères depuis 2002, plusieurs facilités sont proposées pour tenir compte de la parentalité dans le travail.

Plusieurs types de congés existent ; non rémunérés, ils suspendent le contrat de travail et permettent au salarié de retrouver son poste et de conserver ses avantages. Le congé parental permet ainsi aux parents de s'occuper de leurs enfants jusqu'à l'âge de trois ans. Le congé de présence parentale, d'une durée d'un an maximum, nouveau dispositif introduit en 2006, est destiné aux parents d'enfants accidentés ou gravement malades.

Pour les parents qui font le choix de renoncer à travailler pour s'occuper de leurs enfants, un système d'aides parentales existe. Depuis 2004, la prestation d'accueil du jeune enfant comprend notamment un complément de libre choix d'activité.

La prise en charge des enfants scolarisés est facilitée par la mise en place d'incitations fiscales. Les parents peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt, plafonné, pour les frais de garde de leurs enfants, que ce soit par l'emploi d'un salarié à domicile ou pour des frais de garde à l'extérieur. Par ailleurs, le tarif des crèches publiques est calculé en fonction des ressources et de la composition du foyer.

Enfin, dernier volet de ces actions, il est indispensable d'assurer l'égalité salariale, afin que l'arbitrage n'intervienne pas nécessairement au détriment de l'emploi féminin.

L'égalité salariale est inscrite dans le code du travail français depuis 1972. Force est de constater que malheureusement, dans ce domaine, la loi reste lettre morte. C'est pourquoi, en mars 2006, une nouvelle loi a été votée avec pour objectif de réduire, d'ici à cinq ans, les écarts de rémunération entre hommes et femmes, en privilégiant les négociations au sein des entreprises.

Toutes ces mesures juridiques sont nécessaires, mais elles resteront sans effet tant que les mentalités et les comportements n'évolueront pas. C'est pourquoi il est important de sensibiliser les employeurs. En France, un label Egalité, mentionné par la rapporteure, récompense les entreprises et administrations qui appliquent la parité par des dispositifs concrets.

Bien entendu, madame la rapporteure, je soutiendrai votre rapport. »

A l'issue du débat, l'Assemblée a adopté une Recommandation (n° 1769) .

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