EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mardi 7 novembre 2006, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission des finances a entendu une communication de M. François Trucy sur les jeux de hasard et d'argent.

M. Jean Arthuis, président , a rappelé qu'il s'agissait d'un nouveau rapport d'information de M. François Trucy succédant à un précédent document, publié en février 2002, dont le titre évocateur était « l'Etat croupier, le Parlement croupion ».

M. François Trucy s'est tout d'abord félicité des mesures positives, notamment sur le plan fiscal, dont a bénéficié, depuis la publication du premier rapport, l'ensemble de la filière équine en amont (éleveurs, entraîneurs) et à la périphérie (centres équestres), des courses de chevaux elles-mêmes.

Il a noté que la présentation de ce rapport d'information coïncidait avec une crise provoquée par le développement du jeu en ligne et les initiatives de la Commission européenne.

Il a indiqué que son rapport traitait d'abord de la situation de chacun des opérateurs autorisés, à savoir le pari mutuel urbain (PMU), la Française des jeux, les casinos (interdits de jeux en ligne) et les cercles.

Il a observé que l'excellente santé de la Française des jeux et du PMU contrastait avec une certaine morosité des casinos, « l'âge d'or » qui a suivi l'installation des premières machines à sous touchant à sa fin.

Il a ensuite précisé que la deuxième partie de son rapport traitait des problématiques actuelles du jeu d'argent en France, y compris celles liées à des pratiques illégales : machines à sous clandestines, lotos sauvages, blanchiment d'argent, poker en dehors des cercles de jeux et sur internet...

Il a déploré le « désert des études » sur le jeu en France, en particulier au sujet de la dépendance, bien qu'il ait pu, cette fois, disposer de statistiques plus récentes qu'en 2002, en ce qui concerne les dépenses ludiques des ménages.

Il a appelé de ses voeux une action significative de l'Etat pour prévenir l'assuétude et prendre en charge le jeu pathologique, dans la foulée de la création en février 2006, dont il s'est félicité, d'un comité du jeu responsable (COJER) et de la signature avec les casinos, en 2003, d'un protocole prévoyant, notamment, un contrôle généralisé aux entrées de ces établissements pour en empêcher l'accès aux personnes interdites de jeux.

Puis il a traité de l'essor des jeux en ligne, et plus particulièrement de l'offre de paris sportifs, qui font concurrence aux monopoles nationaux et sont, à ce titre, vigoureusement combattus par l'Etat.

Il a souligné que la Commission européenne, dans ce contexte, avait adressé à la France une mise en demeure pour manquement à ses obligations communautaires, sommant notre pays de s'expliquer sur les restrictions qu'il apporte à la libre prestation de services dans le secteur considéré, notamment en ce qui concerne les paris sportifs en ligne et leur promotion.

Enfin, il a abordé les thèmes de la troisième partie de son rapport, intitulée « Que faire ? » et qui propose des solutions pour sortir de la crise actuelle.

Après avoir décrit les activités de la commission supérieure des jeux et des services chargés de la répression des pratiques illicites (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, direction générale des douanes), il a souhaité la mise en place de nouveaux instruments, tels qu'un observatoire des jeux et une autorité régulatrice unique, qui superviseraient toutes les activités concernées, insistant, en même temps, sur la nécessité de traiter efficacement les problèmes de dépendance. Il a également appelé de ses voeux une suppression des inégalités injustifiées de traitement entre les différents opérateurs, ainsi qu'une meilleure association du Parlement à la politique des jeux.

Un très large débat s'est alors instauré.

Au vu de la présentation qui venait d'être faite, M. Jean Arthuis, président , a déclaré douter que l'Etat ait réellement une politique traitant de l'ensemble des jeux.

M. Auguste Cazalet a interrogé M. François Trucy au sujet de la légalité de certains jeux de cartes avec enjeux pratiqués dans les casinos ou, en Espagne, dans les maisons de jeux, de façon plus ou moins clandestine. Il a déclaré ne pas être surpris par la dégradation actuelle des résultats des casinos en France, au vu de ce qu'il pouvait constater dans sa région.

M. François Trucy lui a précisé, en réponse, que la direction générale des douanes et des droits indirects était chargée du contrôle des cercles et maisons de jeux, les renseignements généraux surveillant les casinos. Il a souligné la complexité de la lutte contre les pratiques illicites qui implique la collaboration entre plusieurs services administratifs et le démantèlement de véritables réseaux, souvent très organisés.

M. Denis Badré a questionné M. François Trucy sur la part des mises des joueurs revenant à l'Etat dans les différents secteurs (Française des jeux, courses de chevaux et casinos). Dans sa réponse, ce dernier a fait état de la difficulté d'obtenir des données consolidées à ce sujet, étant donné la multitude et la complexité des prélèvements en cause.

Répondant à une question de M. Jean-Claude Frécon , M. François Trucy a précisé que, selon lui, une autorité de régulation des jeux devrait se préoccuper de la lutte contre les jeux illicites et de l'encadrement des nouvelles pratiques telles que le jeu en ligne, notamment en ce qui concerne les paris sportifs, avec les dangers de corruption qu'ils comportent.

M. Maurice Blin a interrogé ensuite M. François Trucy au sujet de l'évolution des comportements des joueurs dans les différents pays européens, selon leur niveau de vie, ainsi que sur les ressources que ces activités procurent aux Etats et aux opérateurs et sur les diverses politiques menées en la matière en Europe.

En réponse, M. François Trucy a rappelé que l'objet de son rapport d'information ne comprenait pas l'étude des exemples étrangers, mais qu'il s'était rendu néanmoins en Suisse, pays qui avait adopté, par référendum, une réforme autorisant l'ouverture de maisons de jeux, moyennant une affectation des prélèvements correspondants au financement des retraites, chaque établissement poursuivant, en concertation avec ses homologues, un remarquable effort de prévention de la dépendance.

Il a indiqué que la part de leurs revenus consacrée au jeu par les ménages français se situait en dessous de la moyenne européenne (0,9 % au lieu de 1 %), la propension à jouer n'étant pas directement liée au pouvoir d'achat, mais dépendant à la fois des mentalités et de la plus ou moins grande sévérité des réglementations. Il a précisé que les populations les plus joueuses en Europe étaient celles d'Etats géographiquement éloignés, aussi bien méridionaux (Grèce, Espagne), que nordique (Finlande), ou insulaire, comme la Grande-Bretagne qui essaie, par des allégements fiscaux, de rapatrier les activités de ses bookmakers exilés à Chypre, à Gibraltar ou dans l'Ile de Malte.

Il a souligné que le jeu était une activité lucrative, qui rapporte à l'Etat plus de 4,5 milliards d'euros de prélèvements budgétaires directs et assure 80 % du financement de la filière équine française, qui représente plus de 60.000 emplois.

M. Alain Lambert s'est enquis des problèmes de santé publique liés à la dépendance au jeu et a souligné l'importance des enjeux d'ordre public de ces activités. Il en a souligné aussi l'impact budgétaire dont il fallait tenir compte sans chercher pour autant, avant toute chose, à augmenter les recettes de l'Etat.

Enfin, il s'est déclaré irrité par l'attitude de la Commission européenne qui, faisant fi du point de vue du Parlement européen, multipliait les procédures d'infraction contre les Etats avec des arguments qu'il a tenu à réfuter, afin d'affirmer sa prééminence dans ce domaine, dont il a estimé qu'il était, pourtant, de compétence nationale.

M. Michel Charasse a félicité M. François Trucy pour la qualité de son rapport sur un sujet aussi difficile. Il a jugé que l'octroi d'un monopole au PMU et à la Française des jeux était justifié par des raisons d'ordre public et que le choix d'un tel système relevait, non pas des institutions européennes, mais de l'exercice par les Etats d'un droit régalien qui leur appartenait. Il a fait valoir qu'il s'agissait d'une activité dont la régulation ne pouvait pas être laissée au marché, d'autant que les peuples ne le souhaitaient pas et que l'Etat, en France, ne pouvait pas se priver actuellement des ressources budgétaires correspondantes. Il a ensuite évoqué le rôle consultatif de la commission supérieure des jeux, qu'il a qualifiée de « bateau ivre », en matière d'ouverture de casinos et d'autorisations de machines à sous. Il a ensuite reconnu et déploré le manque de coordination interministérielle en matière de politique des jeux.

Enfin, il a souligné la difficulté des problèmes de la dépendance aussi bien aux jeux, qu'au tabac ou à l'alcool, qui commençaient à faire l'objet de plaintes devant les tribunaux et devaient être abordés avec pragmatisme. Il a souhaité, par ailleurs, que le problème des jeux d'argent illicites dans les débits de boisson soit évoqué par le rapport d'information de M. François Trucy.

Il a évoqué les possibilités de blanchiment offertes par les échanges de jetons et de plaques utilisés pour jouer dans les casinos qui peuvent donner lieu à des règlements en espèces.

M. François Trucy lui a précisé que l'identité des personnes, de nationalité française, qui gagnent ou misent plus de mille euros devait être systématiquement relevée.

Au cours du débat qui s'est alors instauré, M. Jean Arthuis, président , a observé qu'il semblait bien ne pas exister de politique des jeux en France, MM. Michel Charasse et François Trucy estimant, pour leur part, qu'il y en avait une, mais qu'elle se cantonnait à la prévention des dangers pour l'ordre public que pouvaient entraîner ces activités.

M. Roger Besse a alors interrogé M. François Trucy au sujet de l'importance des revenus des courtiers de la Française des jeux et du classement des premiers casinos de France. Ce dernier lui a précisé que les courtiers étaient rémunérés à la commission et figuraient parmi les actionnaires, très minoritaires cependant, de la Française des jeux. Il lui a indiqué que le premier casino de France était celui d'Enghien-les-Bains, situé à proximité de Paris.

Il a estimé que la concentration des casinos en France avait facilité l'assainissement de la profession, les deux principales entités étant actuellement les groupes Barrière et Partouche, suivis du groupe Tranchant.

M. Paul Girod a alors rappelé que la durée d'amortissement et la prime de liquidation des obligations de la dette anglaise faisaient l'objet d'un tirage au sort, ce qui avait peut être une incidence sur les statistiques concernant les jeux de hasard et d'argent en Grande-Bretagne.

M. Jean Arthuis, président , après s'être plu à souligner la grande qualité des échanges qui venaient de se dérouler, a ensuite souligné la nécessité d'une réflexion sur le jeu en ligne, rappelant qu'il était possible, par exemple, à des sociétés établies à Malte, d'organiser des paris à distance sur les courses françaises, sans pour autant participer au financement des charges correspondantes. Il a observé que les Etats-Unis avaient décidé d'empêcher que ce type de jeux puisse donner lieu à des paiements par carte de crédit en provenance ou à destination de leur territoire. Il s'est demandé si la France ne devait pas s'en inspirer.

M. Michel Charasse a alors souhaité que M. François Trucy obtienne de la Commission européenne des précisions au sujet des blanchiments d'argent auxquels pouvaient se prêter les activités des sites de jeux en ligne, la France pouvant se prévaloir, de ce point de vue, de meilleurs résultats que d'autres pays plus libéraux, comme la Grande Bretagne.

M. Jean Arthuis, président , a fait valoir qu'il était légitime que le PMU, qui organise les courses de chevaux en France, bénéficie d'une rémunération versée par tous ceux qui profitent de ses activités en organisant, de leur côté, des paris sur les résultats des compétitions françaises, notamment en contrepartie du droit à utiliser les images correspondantes.

Il a souhaité qu'une partie des sommes ainsi récoltées puisse contribuer, elles aussi, comme les mises de joueurs du PMU, au financement de la filière cheval qui fait vivre, en France, 60.000 personnes.

M. François Trucy a rappelé, à ce propos, que les sanctions à l'encontre des publicités en faveur des jeux illégaux allaient bientôt être durcies par le projet de loi de prévention de la délinquance en cours d'examen par le Parlement, puisqu'une amende égale à cinq fois le budget promotionnel concerné pourrait être exigée.

M. Michel Charasse a observé que le loto sportif avait été créé pour alimenter le Fonds national de développement du sport, lequel contribuait à financer les infrastructures du football amateur.

La commission a alors décidé, à l'unanimité, d'autoriser la publication de la communication de M. François Trucy sous la forme d'un rapport d'information portant sur l'évaluation des jeux de hasard et d'argent.

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