CHAPITRE II : LES ÉCARTS DE NIVEAU DE VIE ENTRE LES PRINCIPAUX PAYS DÉVELOPPÉS : DESCRIPTION ET EXPLICATIONS

Comment s'expliquent les écarts de niveau de vie entre les principaux pays développés, et notamment entre les États-Unis, l'Europe et la France ?

La réponse réside-t-elle essentiellement dans une moindre mobilisation du facteur travail en Europe, laquelle résulterait d'une « préférence des Européens pour le loisir » ? Faut-il en déduire que la résorption des écarts de niveau de vie pourrait résulter d'une intensification du travail (« travailler plus ») et sous quelles conditions celle-ci pourrait-elle intervenir ?

Afin de répondre à ces questions, votre rapporteur rappelle ci-après quels sont les déterminants comptables de l'évolution du PIB par habitant, présente ensuite quelques « faits stylisés » permettant d' expliquer comptablement les écarts de niveau de vie entre pays développés et leur évolution depuis 1970, et propose un diagnostic s'efforçant de dépasser la simple approche comptable .

Un encadré de méthode est également présenté (page 45) qui rappelle la médiocre pertinence du PIB par habitant comme indicateur du « niveau de vie » et évoque les problèmes statistiques qui entachent d'incertitude la mesure de ces écarts.

Sur ce point, votre rapporteur - se basant sur les travaux de l'INSEE - rappelle que ces problèmes sont tels, que les écarts de niveau de vie inférieurs à 5 % en valeur absolue apparaissent trop fragiles pour pouvoir être considérés comme significatifs. C'est pourquoi ce rapport d'information n'entre pas dans le détail des performances relatives des pays européens, les polémiques que pourraient susciter ce type de travaux ayant peu de fondement économique.

Ce chapitre s'appuie notamment sur la note réalisée par la Direction des Etudes et Synthèses économiques de l'INSEE , présentée en annexe à ce rapport.

I. LES DÉTERMINANTS COMPTABLES DU PIB PAR HABITANT

Par un jeu d'identités comptables successives, on peut distinguer les quatre facteurs qui déterminent comptablement l'évolution du PIB/habitant.

Il faut partir de l'identité comptable de base rappelée en introduction à ce rapport : le PIB est égal au nombre d'emplois (l' emploi ) multiplié par la production par personne employée (c'est-à-dire la productivité ).

Cette identité s'écrit comme suit :

(1) PIB = emploi x productivité par tête

La productivité par tête se décompose elle-même en productivité horaire et durée du travail.

On obtient ainsi :

(2) PIB = emploi x durée du travail x productivité horaire

Si l'on veut passer au PIB par habitant , on obtient :

(3) PIB/habitant =
Emploi divisé par le nombre d'habitants x durée du travail x productivité horaire

Le ratio emploi/nombre d'habitants peut lui-même se décomposer en :

emploi/population en âge de travailler
x population en âge de travailler/population totale

Le ratio emploi/population en âge de travailler (c'est-à-dire la population âgée de 15 à 64 ans 27 ( * ) ) correspond au taux d'emploi .

Le ratio population en âge de travailler/population totale correspond à un ratio démographique .

Avec ces décompositions comptables successives, on aboutit à l'identité suivante :

(4) PIB/habitant = population en âge de travailler/population totale x
taux d'emploi x durée du travail x productivité horaire

Cette identité est valable en niveau comme en variation.

*

On peut donc analyser les écarts de niveau de vie et leur variation à partir de quatre facteurs :

- le facteur démographique , c'est-à-dire le rapport du nombre de personnes en âge de travailler à la population totale, c'est-à-dire le ratio de dépendance élargie qui permet une première approche sur les conditions dans lesquelles les actifs financent les dépenses de l'ensemble de la population inactive (jeunes de moins de 16 ans et personnes de plus de 65 ans).

Une dégradation de ce ratio démographique ou ratio de « dépendance élargie » pèse sur le PIB par habitant ;

- le taux d'emploi (rapport de la population ayant un emploi à la population en âge de travailler) qui prend en compte à la fois les évolutions du taux d'activité et celles du chômage (en particulier des jeunes de 16 à 25 ans ou des travailleurs de plus de 50 ans, dont la participation au marché du travail varie fortement selon les pays) ;

- la durée du travail sur l'année, qui tient compte du développement du travail à temps partiel et de la baisse de la durée du travail pour les salariés à temps complet ;

- la productivité par heure de travail , qui est en quelque sorte le résidu de cette décomposition du PIB par habitant.

Il est toutefois nécessaire de rappeler que cette approche est de nature comptable, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une décomposition ex post à partir des données statistiques disponibles.

Sa valeur explicative peut être altérée des corrélations et interactions possibles entre les divers facteurs.

La fragilité des comparaisons internationales de durée du travail rend incertain le partage des écarts de PIB par habitant en fonction de la durée du travail et de la productivité horaire.

Raisonner en productivité par actif occupé (qui regroupe ces deux composantes) permettrait de contourner cette difficulté mais conduirait à se priver d'un facteur explicatif - la durée du travail - dont on sait qu'il peut être déterminant et sur lequel on dispose malgré tout de données.

Au total, malgré les limites d'une approche strictement comptable, d'une part, et de réels problèmes de mesure, d'autre part, les faits stylisés sont suffisamment caractérisés pour être décrits ci-après.

* 27 Dans les données de l'OCDE, la population en âge de travailler correspond à la population âgée de 15 à 64 ans.

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