2. Le faible pouvoir d'achat de la moitié de l'humanité limite la consommation alimentaire mondiale

Aujourd'hui, la population de la planète est composée pour environ la moitié d'agriculteurs-consommateurs : 3 milliards disposent de moins de 2 dollars par jour et plus d'un milliard dispose de moins d'un dollar par jour. Marcel Mazoyer conclut : « C'est cette faiblesse du pouvoir d'achat de la moitié de l'humanité qui limite la consommation alimentaire mondiale, bien en dessous de ses besoins et bien en dessous des possibilités de développement de la production, qui est littéralement bridée par la baisse des prix agricoles et leur instabilité ».

Ainsi, favoriser le développement des plus pauvres contribuerait à la fois à maîtriser l'évolution de la population ; à produire avec une productivité agricole très améliorée, en utilisant mieux les facteurs de production dans une optique de développement durable ; mais aussi à accroître la consommation alimentaire mondiale et, par conséquent, la croissance générale.

Cependant, la constatation d'écarts de productivité aussi importants que ceux qui ont été mis en évidence impose de raisonner par sous-ensembles aux productivités voisines et de relier ces sous-ensembles entre eux. De véritables politiques régionales de développement devraient être élaborées. On verra alors que la PAC est une véritable politique de développement régional.

D'ailleurs, Maurice Allais, prix Nobel d'économie, ne déclarait-il pas à l'UNESCO, le 10 avril 1999 : « La construction européenne doit se fonder sur une préférence communautaire, condition véritable de l'expansion, de l'emploi et de la prospérité. Ce principe a d'ailleurs une validité universelle pour tous les pays ou groupes de pays. Pour toute économie régionale, un objectif raisonnable serait que, par des mesures appropriées et pour chaque produit ou groupe de produits, un pourcentage minimal de la consommation communautaire soit assuré par la production communautaire, à l'exclusion de toute délocalisation. La valeur moyenne de ce pourcentage pourrait être de l'ordre de 80 %. C'est là, au regard de la situation actuelle, une disposition fondamentalement libérale qui permettrait un fonctionnement efficace de toute économie communautaire à l'abri de tous les désordres extérieurs tout en assurant des liens étendus et avantageux avec tous les pays tiers. C'est là une condition majeure du développement des pays développés, mais c'est là surtout une condition majeure du développement des pays sous-développés ».

Pour sa part, Marcel Mazoyer dit qu' « Il serait préférable d'établir, pour une assez longue période, de grands marchés communs agricoles régionaux regroupant des pays ayant des productivités agricoles assez proches, et de les protéger contre tout importation d'excédents agricoles à bas prix, de manière à relever les prix agricoles et à les stabiliser à un niveau permettant aux paysans des zones défavorisées de vivre de leur travail, d'investir et de se développer. Et il faudrait instaurer, si nécessaire, des politiques alimentaires basées non pas sur la vente de produits agricoles à prix cassés, mais sur le relèvement du pouvoir d'achat des acheteurs défavorisés, par la distribution de bons d'achat, comme ... aux Etats-Unis ».

Les Etats-Unis et l'Union européenne ont une grande expérience. Ils savent, pour citer à nouveau Maurice Allais, qu'« en réalité, le choix réel n'est pas entre l'absence de toute protection et un protectionnisme isolant totalement chaque économie nationale de l'extérieur. Il est dans la recherche d'un système qui puisse permettre à chaque économie régionale de bénéficier d'une concurrence effective et des avantages de nombreux échanges avec l'extérieur, mais qui puisse également la protéger contre tous les désordres et les dysfonctionnements qui caractérisent chaque jour l'économie mondiale ».

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