3. L'agriculture à l'OMC : comme les chaussettes ?

Pascal Lamy le savait : il existe au moins deux écoles de pensée. D'une part, certains estiment que l'ouverture des échanges est aussi bénéfique pour l'agriculture que « pour les chaussettes ». D'autre part, d'autres pensent que l'agriculture est vraiment spécifique, et que le principe de la souveraineté alimentaire est primordial. Cette distance entre les deux positions a placé l'agriculture au coeur des discussions, qui n'ont donc pas progressé sur les autres points. Et les 149 pays, au bout de cinq années, n'ont pas pu trouver d'accord. Tandis que, pour les uns, libéraliser le commerce est la clé de tout, pour les autres, l'ouverture des échanges doit être assortie de conditions de toute nature. Ajoutons que les pays du Nord sont plutôt des démocraties qui disposent de budgets leur permettant de conduire des politiques publiques alors que, au Sud, les moyens manquent cruellement, de nombreux déséquilibres restant à corriger.

Dans ce contexte, le rôle de l'OMC se limite à faciliter les échanges commerciaux : l'organisation travaille à abaisser les barrières douanières et à faciliter les investissements étrangers. Elle n'est pas un organisme de développement, ni un organisme de financement. Et, compte tenu de la complexité des problèmes agricoles qui doivent prendre en compte simultanément toutes les dimensions, les limites de compétence sont facilement atteintes : l'OMC n'est pas l'Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), ni la Banque mondiale. C'est pourquoi, à la faveur de la suspension des négociations, il pourrait être salutaire d'entendre les propositions nouvelles qui s'élaborent. La libéralisation du commerce des produits agricoles met en cause plus que les échanges agricoles : elle risque d'amoindrir la souveraineté alimentaire qu'ont su construire certains pays, tandis qu'elle met les autres dans l'impossibilité de construire leur propre souveraineté alimentaire.

L'OMC ne devrait-elle pas se contenter d'accompagner sur le plan commercial la mise en place de véritables politiques agricoles ? Elles seraient évidemment différentes selon les régions : répondant aux spécificités locales, elles viseraient à l'autonomie et à la sécurité alimentaire, en quantité et en qualité. Le MOMA, mouvement pour une organisation mondiale de l'agriculture, a entrepris une démarche en ce sens.

L'agriculture est bien apparue comme le « talon d'Achille » de la mondialisation, en même temps qu'elle pourrait être la clé de la croissance mondiale.

Pourquoi sommes-nous restés bloqués ?

Pourquoi les Etats-Unis résistent-ils à toute baisse de leurs subventions internes à l'agriculture ? Les Européens étaient-ils prêts à baisser les droits de douanes sur les importations agricoles ? Les pays émergents, notamment le Brésil, l'Inde et la Chine, auraient-ils accepté de leur côté de baisser leurs droits de douane sur les produits industriels ? Et les pays pauvres auraient-ils trouvé les conditions de leur décollage économique et social ?

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