C. CONSÉQUENCES DES ERREMENTS COMPTABLES POUR L'EPIC ET LA SOCIÉTÉ ANONYME

1. Le « toilettage » financier et comptable préalable au changement de statut

La préparation de la transformation de l'EPIC a donné lieu à une étude réalisée par Pricewaterhousecoopers (PWC) sur la situation financière et comptable de l'ANVAR. Le terme « audit » est employé, mais comme le relève justement PWC, ce n'est pas un véritable audit qui a été réalisé. Un audit n'aurait pu faire l'économie de l'identification de toutes les anomalies comptables majeures, travail nécessitant de nombreux mois. A la suite de cet audit, l'ANVAR a décidé de changer sa politique de provisionnement.

a) Les propositions de Pricewaterhousecoopers sur la situation financière de l'agence

Le diagnostic de PWC a résulté de travaux menés en février et mars 2005, qui complétaient des travaux réalisés jusqu'en janvier 2005 et qui ne portaient que sur les comptes financiers au 31 décembre 2003.

La proposition finale de réforme comptable de PWC prend pour principe le passage de l'agence à la comptabilité bancaire. Ce principe de départ ne se justifiait pas entièrement, car OSEO ANVAR n'est pas un établissement de crédit, à la différence d'OSEO BDPME et de l'EPIC de tête OSEO. Il permettait cependant d'aborder les questions de la consolidation des comptes OSEO ANVAR et ceux d'OSEO BDPME sans délai. De plus, il s'est traduit par un ensemble de recommandations comptables s'appuyant sur les principes de base de la comptabilité générale et pas sur les spécificités de la comptabilité bancaire.

Les propositions de réforme comptable de PWC comportaient de nombreux changements de méthodes comptables.

Par ailleurs, en ce qui concerne le niveau des provisions, PWC a proposé deux scénarios pour le provisionnement des avances remboursables, se traduisant par un surcroît de 173 M€ ou 203 M€, selon un taux de perte théorique fixé à 50 ou 55 %, le choix entre les deux scénarios incombant à l'ANVAR. Le cabinet a renoncé à proposer une provision sur le risque fiscal, l'administration fiscale n'ayant pas alors clarifié les problèmes invoqués devant elle par l'établissement.

Au total, la proposition de PWC conduisait à réduire de 264 M€ la situation nette ajustée au 31 décembre 2004, qui passait ainsi de 348 M€ à 84 M€.

b) Le provisionnement décidé par l'ANVAR

L'ANVAR a choisi d'appliquer l'essentiel des recommandations de PWC, en retenant l'idée d'un provisionnement maximum.

(1) - Les positions des différents acteurs quant au provisionnement

La direction, commanditaire de l'étude à PWC, a décidé de mettre en oeuvre les réformes comptables proposées, tant le provisionnement que le cantonnement dans les comptes des aides de l'Industrie.

Bien que le conseil d'administration ait donné son approbation à la position de la direction, en mars 2005, l'agent comptable a considéré que ces changements de méthode comptable étaient peu justifiés pour l'exercice normal d'un EPIC, statut qui se continuait au delà de 2004, et d'une ampleur telle qu'ils ne pouvaient être simplement mis en oeuvre par ses services sans disposer d'une validation directement par la tutelle. Les ministres chargés des finances et du budget ont confirmé la validité du cantonnement des aides déléguées par le ministère de l'industrie et de leur neutralisation dans le compte de résultat, par un courrier au président-directeur général de l'ANVAR, de mai 2005.

(2) - Les deux types de provisionnement supplémentaires décidés par l'ANVAR

Des provisions supplémentaires ont d'abord été passées pour couvrir le risque de non remboursement des aides.

173 M€ de provisions supplémentaires ont été inscrits pour accentuer la politique de provisionnement des aides non remboursables, par rapport à ce qui avait été la règle depuis 2001. Les taux de provisionnement par génération d'aides des années 2001 à 2004 étaient décroissants, de 50 % à 10 %, avant ajustement.

29,3 M€ supplémentaires ont été consentis pour les aides récentes à de jeunes entreprises, soit au total 203 M€ de provision (hypothèse haute de PWC retenue par l'ANVAR, passage de 40 % de provisionnement à 55 %).

L'augmentation du provisionnement est justifiée, pour quatre cinquièmes du montant, par un alignement du taux de provisionnement sur le taux de perte constaté historiquement, et pour le reste, par l'augmentation dans les années récentes de la proportion d'aides à des jeunes entreprises, présentant plus de risque moyen, suivant les axes du contrat de plan 2000-2003 ANVAR - État.

Le risque d'erreurs comptables a, lui aussi, fait l'objet de provisions. Il s'agissait, non de prendre en compte un risque dont la réalisation a été fréquemment constatée comme le non-remboursement des aides, mais d'appréhender la possibilité que des écritures comptables soient erronées. Compte tenu des incertitudes entourant l'estimation de ce risque, le calcul nécessitait des hypothèses fortes.

16,9 M€ ont été provisionnés pour divers postes comptables jugés probablement erronés ou injustifiés, principalement dans les comptes d'attente (classe 47), dans les subventions d'exploitation à recevoir de l'État (classe 441) et dans les comptes clients (classe 41);

42,5 M€ ont été provisionnés pour le risque comptable sur les écritures des aides pour compte de tiers (ADT), avec selon le cas un niveau de provisionnement de 50 ou de 100 %. Ils se décomposent en :

Un premier provisionnement de 13,3 M€ concerne le risque de remboursement des tiers, dans le cas des conventions qui prévoient que les remboursements d'aides doivent être rétrocédés aux tiers et non conservés par l'ANVAR. En premier lieu, 55,4 M€ de risque maximum de remboursement avaient été identifiés, à partir d'un provisionnement. Ce montant a ensuite été diminué de 42 M€ d'avances remboursables pour compte de tiers, octroyées mais non encore payées.

Un montant de 29,1 M€ concerne des incorrections dans l'encaissement ou un défaut d'encaissement de dotations de tiers.

Au total, 59,4 M€ ont été provisionnés pour risques comptables (voir tableau ci-dessous), aboutissant à un total général de 262 M€ de dotations aux provisions supplémentaires.

Provisions pour risques comptables au 31/12/04 (M€)

Provisions pour risques comptables

59,41

Dont : compte 441 700 subvention d'exploitation

5,88

Dont : compte 471 801 produits financiers débiteurs à classer

0,12

Dont : compte 471 810 recettes à classer (montants débiteurs)

5,83

Dont : compte 471 820 recettes régies à classer (montants débiteurs)

0,02

Dont : compte 472 300 dépenses régies à vérifier

0,01

Dont : compte 472 800 autres dépenses à régulariser

3,45

Dont : compte clients débiteurs non justifiés

1,61

Dont : erreur de saisie

0,00

Dont : provisions sur risques aides pour compte de tiers

42,48

Source : ANVAR

a) Analyse de ce provisionnement

La suite des opérations de l'agence a révélé que tous les risques liés à la comptabilité n'ont pas été provisionnés à la clôture de l'exercice 2004. D'autres anomalies comptables remontant aux années 2001 à 2004 ont commencé à être découvertes, à partir de la rentrée 2005, après l'entrée en activité de la nouvelle direction comptable de la société anonyme et de la cellule de régularisation (CRER) mise en place par la direction générale de la comptabilité publique.

Ces découvertes ont conduit à une dotation aux provisions exceptionnelle de 10,6 M€, en décembre 2005, pour l'exercice 2005. Cette dotation a permis de reconstituer, au passif, 5,8 M€ de subventions d'investissement qui auraient dû être inscrits pour compenser des charges d'amortissement de 5,8 M€ d'actif financé par prélèvement sur fonds de roulement, en particulier pour le logiciel Iris mis en place en 2004, pour 2,7 M€. Elle a aussi permis de comptabiliser 4,8 M€ de charges en retard (sur des projets CRI ou financés par la Commission européenne, dont les ressources avaient été comptabilisées au compte de résultat mais pas les dépenses).

Ces événements pourraient conduire à estimer que la réflexion de l'ANVAR sur le provisionnement à l'occasion du changement de statut était incomplète. Mais la connaissance précise des anomalies comptables a, de fait, nécessité un travail de longue durée, dont ni la mission de PWC, ni la réflexion interne à l'ANVAR EPIC ne pouvaient anticiper les résultats.

Par ailleurs, la provision de 16,9 M€ pour couvrir des actifs mal justifiés aurait dû être répartie entre les charges d'intervention et les charges de fonctionnement selon le cas. Faute de trouver les clés de répartition, la totalité de cette provision a été passée en charge de fonctionnement, réduisant la fidélité du compte de résultat au sein du compte financier.

Hormis ces remarques, l'avis de l'agence est que le conseil de PWC a été avisé. La politique comptable préconisée par le prestataire a permis de revenir à une agence dotée d'un niveau suffisant de fonds propres par rapport aux références du secteur bancaire et à son niveau d'activité.

Au moment du changement de statut, l'agence a missionné un prestataire extérieur pour examiner ses pratiques comptables et évaluer quelle était l'ampleur des dépréciations, des risques et charges non provisionnés dans ses comptes.

A la suite de cette étude, l'agence a décidé de passer des provisions pour risques, exceptionnelles, au titre de l'exercice 2004 d'un montant de 262 M€, aboutissant à un très fort déficit de l'exercice, de 261 M€, et à une réduction significative des fonds propres de 348 à 84 M€. Ces provisions ont eu pour buts essentiels de remonter le taux de provisionnement du non-remboursement des avances, de couvrir le risque d'actifs injustifiés présents dans les comptes, de couvrir le risque lié à une gestion comptable défaillante des aides pour compte de tiers.

Sous réserve de la grande incertitude des données comptables dont dispose la Cour, le provisionnement des risques liés aux seules écritures comptables serait sous-estimé. Toutefois l'état des connaissances au moment de la prise de décision, avant l'entrée en action de la cellule de régularisation comptable, ne permettait pas de le déterminer plus précisément.

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