b) La difficile articulation avec la politique de voisinage

Avec le processus d'élargissement, la politique de voisinage constitue aujourd'hui le principal instrument de la politique extérieure de l'Union européenne.

La politique européenne de voisinage

Née en 2002 de la volonté de développer un espace de prospérité et de stabilité aux frontières de l'Union européenne élargie, la politique européenne de voisinage vise à renforcer la coopération politique, sécuritaire, économique et culturelle entre l'Union européenne et ses nouveaux voisins immédiats ou proches.

À l'origine destinée aux nouveaux voisins de l'Est (Ukraine, Moldavie et Biélorussie), elle a été étendue, à la demande de la France, aux pays du Sud de la Méditerranée (Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Autorité palestinienne, Syrie et Tunisie). En 2004, le Conseil a décidé d'y inclure également les pays du Caucase (l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie). La politique de voisinage s'adresse ainsi à ceux des voisins de l'Union européenne pour lesquels la vocation à l'adhésion n'a pas été établie. Il convient de préciser que les institutions européennes ont affirmé à plusieurs reprises que la Biélorussie ne pourra bénéficier des avantages offerts par la politique de voisinage que lorsque les autorités de ce pays auront clairement démontré leur volonté de respecter les valeurs démocratiques et l'État de droit.

? Les principaux instruments

- Les accords

Les relations entre l'Union européenne et ses voisins s'inscrivent dans le cadre des accords conclus avec chacun de ses voisins : accords de partenariat et de coopération pour les pays de l'Est et accords d'association pour ceux du Sud de la Méditerranée. Ces accords prévoient, selon des modalités variables en fonction de l'intensité des relations entre l'Union européenne et chacun de ses partenaires, un renforcement du dialogue politique et un approfondissement des relations économiques, culturelles et sociales.

Ils établissent également un cadre institutionnel (conseils et comités de coopération ou d'association).

- Les plans d'action

Ces plans d'action constituent des « feuilles de route politique » négociées par l'Union européenne avec les autorités des pays concernés pour une durée renouvelable d'au moins trois ans. Ils déclinent les priorités pour l'approfondissement des relations entre l'Union européenne et le pays concerné dans différents domaines, tels que le renforcement du dialogue politique, la perspective de participation progressive au marché intérieur et à des programmes communautaires ou encore l'approfondissement des relations commerciales et économiques.

Une première série de plans d'actions avec l'Ukraine, la Moldavie et les pays du Sud de la Méditerranée ayant conclu des accords d'association (Maroc, Tunisie, Jordanie, Israël et Autorité palestinienne) a été approuvée par le Conseil en février 2005. Il a été décidé en avril de la même année d'ouvrir des négociations avec un deuxième groupe de pays (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Égypte et Liban).

- Le volet financier

Dans le cadre des perspectives financières pour la période 2007-2013, les programmes TACIS et MEDA ont été remplacés par un nouvel instrument - l'instrument de voisinage et de partenariat - qui a été doté d'une enveloppe financière de 12 milliards d'euros, soit une augmentation de 32 % par rapport aux crédits alloués précédemment à ces pays.

Les récents développements

- La communication de la Commission de décembre 2006

La Commission européenne a publié, en décembre 2006, une communication dans laquelle elle suggère plusieurs pistes pour renforcer cette politique afin de la rendre plus attrayante aux yeux de ses partenaires.

Parmi les principales propositions, on notera en particulier la généralisation d'un modèle de zone de libre échange « globale et approfondie » (c'est-à-dire conjuguant convergence réglementaire, accès au marché et coopération commerciale), le développement des accords de facilitation de visas et de réadmission afin de favoriser la mobilité des personnes, et de certaines thématiques telles que l'énergie, l'environnement, la gestion des frontières ou les transports, ainsi que le renforcement de la coopération politique et régionale, une meilleure utilisation des ressources financières, avec une facilité de gouvernance récompensant les partenaires ayant accompli le plus d'efforts en matière de réformes et un fonds d'investissement venant en soutien des interventions des institutions financières internationales.

- L'initiative « Synergie Mer Noire »

Dans le cadre de la politique européenne de voisinage, la Commission européenne a présenté, le 11 avril dernier, une nouvelle initiative de coopération pour la région de la mer Noire, intitulée « Synergie mer Noire », qui vise à apporter une dimension régionale supplémentaire à la politique européenne de voisinage, après le partenariat euroméditerranéen et la dimension nordique.

Cette initiative, qui concerne les pays riverains de la mer Noire, dont la Roumanie et la Bulgarie, ainsi que la Russie, l'Ukraine, la Géorgie et la Turquie, vise à assurer une meilleure cohérence et une meilleure coordination régionale des activités de l'Union européenne dans la région, notamment dans les domaines de la sécurité, de l'énergie, des transports, de l'environnement, du commerce, de la politique maritime et de la pêche. Elle ne devrait pas être dotée d'institutions nouvelles ni de financements supplémentaires. La Commission européenne a cependant l'intention de demander un statut d'observateur à l'organisation de coopération économique de la mer noire et elle envisage à l'avenir des réunions ministérielles régulières auxquelles participeraient l'Union européenne et les pays de la mer Noire.

- La stratégie de l'Union européenne à l'égard de l'Asie centrale

L'Allemagne, qui est le pays de l'Union européenne le plus présent dans la région, a également fait du renforcement des relations entre l'Union européenne et les pays d'Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan) l'une des priorités de sa présidence. À son initiative, et grâce à la contribution du Représentant spécial de l'Union européenne pour l'Asie centrale, Pierre Morel, ambassadeur de France, une stratégie de l'Union européenne à l'égard de l'Asie centrale devrait être adoptée lors du Conseil européen de juin 2007.

Cette stratégie devrait comprendre un dialogue sur la démocratie et les droits de l'homme, une coopération renforcée en matière d'énergie ainsi qu'en matière de lutte contre le terrorisme, de trafic de stupéfiants ou encore dans le domaine de l'éducation. L'Union européenne devrait consacrer près de 315 millions d'euros aux pays de la région pour la période 2007-2013 au titre de l'instrument de coopération au développement et de coopération économique.

Dans l'esprit de ses concepteurs, la politique européenne de voisinage était également destinée à la Russie Toutefois, cette dernière a refusé d'y participer, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la Russie a été irritée d'être mise sur le même plan que les autres pays, comme la Tunisie ou l'Algérie. De plus, l'approche privilégiée par la politique de voisinage se heurte à la volonté de la Russie d'être associée à la prise de décision. Enfin, la Russie voit dans cette initiative une tentative de l'Union européenne de diminuer son influence dans les pays du voisinage commun.

En effet, depuis la dislocation de l'Union soviétique, la Russie a fait du renforcement de ses relations avec son « étranger proche » l'une des toutes premières priorités de sa politique étrangère. Or, la « révolution des roses » en Géorgie en novembre 2003, puis la « révolution orange » en Ukraine en décembre 2004, conjuguée à l'activisme des États-Unis en Asie centrale et au Caucase, ont été perçus en Russie comme une volonté de l'Occident de réduire son influence dans cette région.


Les relations entre la Russie et les pays de la CEI

La période récente marque incontestablement une remontée de l'influence russe dans tout l'espace post-soviétique, grâce notamment à l'arme énergétique. Certes, la Communauté des États indépendants (CEI), créée en décembre 1991 et qui regroupe toutes les anciennes républiques soviétiques, à l'exception des trois pays baltes, reste encore une « coquille vide », plusieurs États, comme l'Ukraine ou la Géorgie, ne voulant pas une intégration très poussée. Mais, en réalité, plusieurs sous-ensembles coexistent en son sein.

Ainsi, en matière de sécurité, un traité de sécurité collective, dit traité de Tachkent, a été signé en mai 1992 par sept des douze pays de la CEI (la Russie, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Kirghizstan, l'Arménie et la Biélorussie).

Sur le plan économique, une Communauté des États intégrés a été créée en 1996 pour devenir en octobre 2000 la Communauté économique eurasiatique . Elle ne comporte que 6 des 12 États de la CEI : la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan. Elle consiste en une union douanière destinée à renforcer les échanges entre les 6 pays membres. Un autre accord, plus récent, lie la Russie à l'Ukraine, au Kazakhstan et au Belarus. Signé en février 2003, il prévoit la création entre les quatre pays, à terme, d'un « espace économique commun ».

Enfin, les relations entre la Biélorussie et la Russie constituent une exception. Les deux pays ont créé en 1996 une communauté devenue « union russo-biélorusse » en 1997. Cette déclaration de fusion dans un État unique est toutefois assez formelle.

La faiblesse des structures de la CEI n'est en rien un obstacle au renforcement de l'influence russe dans l'ancien espace soviétique. Celle-ci résulte en effet beaucoup plus de la politique pragmatique de Vladimir Poutine et de l'arme énergétique que du recours à des mécanismes d'intégration régionale.

Seules les relations avec la Géorgie demeurent extrêmement tendues. En 2006, la Russie a décrété un embargo sur les importations de vin et d'eau minérale géorgiens qui s'est ajouté à l'interdiction d'importation des fruits et légumes. La crise a atteint son paroxysme à la fin de l'année 2006 avec l'arrestation en Géorgie de quatre officiers russes accusés d'espionnage et l'expulsion par les autorités russes de ressortissants géorgiens.

À cet égard, l'Ukraine occupe une place particulière. La volonté de rapprochement avec l'Union européenne et l'OTAN du nouveau Président Viktor Iouchtchenko, arrivé au pouvoir grâce à la « Révolution Orange » de décembre 2004, a suscité l'inquiétude de la Russie. Cette perspective est aujourd'hui ralentie, compte tenu de la victoire de l'opposition lors des élections législatives et de la crise politique actuelle.

L'adhésion éventuelle de l'Ukraine à l'Union européenne pourrait avoir un impact important sur les relations avec la Russie. Ce pays de 48 millions d'habitants compte en effet plus de 8 millions de Russes sur son territoire, principalement dans la partie orientale et en Crimée. Si on ajoute les minorités russophones dans les pays baltes (un demi-million) et en Moldavie (100 000), l'Union européenne pourrait compter sur son territoire environ 10 millions de Russes, soit 7 % de la population de la Fédération de Russie. Mais c'est surtout en termes géopolitiques que l'intégration éventuelle de l'Ukraine à l'Union européenne modifierait les relations avec la Russie. En effet, comme l'a souligné Zbigniew Brzezinski, la Russie sans l'Ukraine cesse d'être un empire. L'Ukraine est donc appelée à jouer un rôle central dans l'évolution des relations Union européenne-Russie.

Le lancement des négociations en vue de la conclusion par l'Union européenne d'un nouvel accord de partenariat et de coopération avec l'Ukraine a mis en évidence les profondes divergences qui existent entre les États membres sur la poursuite du processus d'élargissement vers des pays comme l'Ukraine, la Moldavie voire la Géorgie.

Certains pays, comme la Pologne, souhaitaient, en effet, reconnaître à l'Ukraine une vocation à l'adhésion, alors que d'autres États membres, comme la France et l'Allemagne, étaient plus réservés. En définitive, cette perspective ne figure pas dans le mandat de négociation qui s'en tient aux principes de la politique européenne de voisinage.

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