b) La situation spécifique des zones non interconnectées

Cet examen de la situation électrique régionale ne peut faire l'économie d'une analyse de la sécurité d'approvisionnement des zones non interconnectées (ZNI) au réseau de transport continental métropolitain (Corse, départements d'outre-mer 76 ( * ) et collectivité départementale de Mayotte 77 ( * ) ).

En raison des spécificités géographiques des ZNI, notamment leur faible taille, la production d'électricité y est plus coûteuse qu'en France métropolitaine continentale. Pour ce motif, l'article 5 de la loi du 10 février 2000 rend éligibles à la CSPE les surcoûts de production dans les ZNI qui ne sont pas couverts par les tarifs réglementés de vente d'électricité (le montant des surcoûts constatés par la CRE en 2005 est de 446,4 millions d'euros, en très forte hausse par rapport à l'année précédente du fait de l'augmentation du prix des combustibles fossiles et de la consommation finale). Depuis le vote de la loi POPE, le montant de cette compensation est calculé en utilisant un taux de rémunération du capital investi fixé à 11 % par l'arrêté du 23 mars 2006 78 ( * ) . Le précédent système laissait à la CRE le soin de déterminer ce taux de rémunération, qui s'avérait insuffisant (7,25 % au 1 er janvier 2006) pour permettre des investissements de production.

En ce qui concerne les DOM et la collectivité départementale de Mayotte, le rapport 2006 sur la PPI relève plusieurs défis électriques :

- la nécessité de mettre en oeuvre des programmes ambitieux de maîtrise de la demande d'énergie au regard des forts taux de croissance de la consommation d'électricité constatés dans ces zones 79 ( * ) ;

- le déclassement d'un nombre important des moyens de production thermiques dans un avenir proche du fait de l'entrée en vigueur de la directive « GIC », même si les grandes installations de combustion des DOM bénéficient de plafonds d'émissions adaptés à leur contexte.

De manière générale, la PPI met en évidence d'importants besoins en moyens de production dans ces territoires au cours des cinq prochaines années. La Réunion et Mayotte sont, à cet égard, les zones dans lesquelles les besoins y sont les plus urgents. Certes, la PPI identifie des gisements d'ENR qui pourraient contribuer à la sécurité d'approvisionnement 80 ( * ) . Il n'en reste pas moins que l'extension de groupes thermiques existants ou la construction de nouvelles centrales seront nécessaires pour assurer la base et la pointe 81 ( * ) . Dans ces conditions, l'arrêté sur la PPI de juillet 2006 prévoit la mise en service de moyens importants, à l'horizon 2010 comme à l'horizon 2015.

S'agissant de la Corse, l'île a été confrontée à une très grave crise électrique au cours de l'hiver 2005 , liée à l'insuffisance des moyens de production et à la vétusté des unités existantes. Ceci a conduit le ministère de l'industrie à demander une mission d'enquête au conseil général des mines et l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale à adopter, le 24 novembre 2005, un second plan énergétique pour la Corse couvrant la période 2005-2020 82 ( * ) . Comme le souligne ce document, « en dehors des équipements micro hydrauliques et éoliens, la Corse n'a pas connu de décisions depuis 1987 et pas d'investissements depuis 1996 ». Or, l'île est elle aussi pleinement concernée par les contraintes résultant de la directive « GIC », qui vont conduire à de nombreux déclassements d'unités existantes, et confrontée à une croissance dynamique de la consommation d'électricité.

Contrairement aux autres ZNI, la Corse peut néanmoins compter, pour son alimentation électrique, sur les interconnexions. Ainsi, l'interconnexion Sardaigne-Corse-Italie 83 ( * ) offre une puissance de 50 MW, tandis que l'interconnexion Sardaigne-Corse 84 ( * ) , mise en service en 2006, apporte une puissance équivalente, qui devrait passer à 80 MW à l'automne 2007. Dans ces conditions, la PPI préconise la mise en service sur l'île de 220 MW en 2010 et de 380 MW en 2015. A la suite de la crise hivernale de 2005, EDF 85 ( * ) a d'ailleurs annoncé des investissements d'un montant de 450 millions d'euros d'ici 2012 pour répondre aux besoins électriques de l'île : sont ainsi prévus la construction d'un nouvel ouvrage hydraulique de 54 MW sur le Rizzanese ainsi que le remplacement de deux centrales thermiques situées à Lucciana et au Vazzio. Dans le domaine des ENR, il semblerait enfin que la Corse dispose d'un potentiel hydroélectrique qui gagnerait à être mieux exploité afin de renforcer les moyens de production insulaires 86 ( * ) .

Au total, votre mission d'information constate que les besoins d'investissements dans les ZNI sont massifs . Elle juge fondamental de respecter les orientations de la PPI pour assurer leur sécurité d'approvisionnement et indispensable de tirer profit des atouts dont elles disposent pour la valorisation des ENR.

* 76 Martinique, Guadeloupe, Réunion et Guyane.

* 77 Qui est la seule collectivité d'outre-mer où la législation électrique est applicable.

* 78 Arrêté du 23 mars 2006 relatif au taux de rémunération du capital immobilisé pour les installations de production électrique dans les zones non interconnectées.

* 79 Supérieurs à la moyenne nationale sous l'effet de la vitalité démographique et d'un rattrapage en matière d'équipements. Par ailleurs, le parc immobilier se renouvelant plus rapidement qu'en métropole, des actions d'efficacité énergétique des bâtiments trouvent une plus grande pertinence.

* 80 Solaire dans les cinq territoires considérés, géothermie en Guadeloupe, petit hydraulique à la Réunion, en Guyane et en Guadeloupe, et biomasse en Martinique et en Guyane.

* 81 Voir page 90 du rapport sur la PPI 2006.

* 82 En application de l'article L. 4424-39 du code général des collectivités territoriales, la collectivité territoriale de Corse « participe à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'un plan tendant à couvrir les besoins et à diversifier les ressources énergétiques de l'île en concertation avec les établissements publics nationaux ».

* 83 Liaison SACOI.

* 84 Liaison SARCO.

* 85 Qui, pour la Corse, assure également les fonctions de gestionnaire du réseau de transport.

* 86 M. Hugues Albanel, vice-président du groupement des producteurs autonomes d'énergie hydroélectrique (GPAE), a estimé que « le potentiel hydraulique de la Corse est mal traité, voire pas traité du tout » - Audition du 18 avril 2007.

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