3. Vers un « ticket modérateur » pour responsabiliser les bénéficiaires de la formation professionnelle ?

M. Michel de Virville, secrétaire général et directeur des ressources humaines du groupe Renault, rappelle que « la première (des spécificités françaises) est la gratuité de la formation professionnelle ; pour un Français, jeune ou moins jeune, jamais celle-ci ne constitue une dépense personnelle. Elle est soit payée par le public - c'est le cas de la formation initiale ou de celle des demandeurs d'emploi -, soit par l'entreprise dans le cadre de l'exercice d'un métier. Ceci est positif, dans la mesure où l'accès à la formation professionnelle est plus large et ne dépend pas des ressources des individus. L'aspect négatif de ce système réside toutefois dans le fait que la personne qui suit la formation ne se trouve jamais dans une situation de consommateur. Le rapport entre le formé et l'appareil manque à mon sens de critique sur le plan qualitatif. Tous nos collaborateurs espagnols sont extrêmement exigeants à l'égard de la qualité de la formation qui leur est délivrée, car ils la paient ...». S'il « ne propose pas que nous nous engagions dans cette voie », il pense « que cette surveillance est une caractéristique très importante de la formation » et « que la mutualisation sert actuellement à financer la formation telle qu'elle existe, plus qu'à répondre aux besoins des entreprises telles qu'elles sont . Tout ce qui existe ne se trouve naturellement pas en porte à faux avec les besoins des entreprises, mais le système devrait beaucoup plus systématiquement proposer un ticket modérateur, qui donnerait accès à la formation aux petites entreprises et aux demandeurs d'emploi, ce qui aurait pour conséquence de tirer le dispositif de formation vers les besoins exprimés sur le terrain ».

Si l'on accepte de réfléchir « sans tabous » à une meilleure responsabilisation des acteurs, on ne peut que conclure à l'intérêt d'imposer un ticket modérateur pour l'accès à la formation des entreprises et des salariés (voire, dans certaines hypothèses, des demandeurs d'emploi) , avec pour conséquence de favoriser une meilleure adaptation du dispositif de formation aux besoins réels.

4. Vers un décloisonnement du circuit de la taxe d'apprentissage et du circuit de l'obligation légale ?

Depuis la réforme de 2004, les OPCA peuvent affecter à des CFA leur collecte au titre de la professionnalisation sans autres limites que celles fixées par voie conventionnelle 105 ( * ) , et non plus dans le respect du plafond légal, fixé à 35 % la collecte, qui prévalait.

Par exemple, certains accords de branche prévoient que 50 % au maximum des fonds de la professionnalisation peuvent être affectés à un CFA. Ainsi, il existe un principe de « fongibilité asymétrique » plafonné, utilisé par de nombreux accords de branche, entre la collecte au titre de la professionnalisation et l'apprentissage.

Faut-il envisager d'instaurer une fongibilité symétrique ? M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la CGPME, constate : « La fongibilité existe pour l'instant en faveur de l'apprentissage ; nous n'avons pas de besoins financiers pour le contrat de professionnalisation ; cela n'est donc pas actuellement une priorité ».

Toutefois, M. André Gauron, conseiller à la Cour des comptes, donne l'exemple du secteur de l'automobile qui a créé, avec l'éducation nationale, des formations en apprentissage abandonnées dans les cursus de formation initiale. Il observe que les entreprises « souhaiteraient pouvoir financer directement ces formations par apprentissage sans avoir à se plier au carcan administratif actuel, dans lequel la taxe d'apprentissage n'est pas la même chose que l'obligation légale ».

Si, dans leur ensemble, les moyens de la formation continue des salariés paraissent aujourd'hui suffisants, des tensions se manifestent pour le financement de l'apprentissage. Faudrait-il envisager d'autres formes de fongibilité, certes plafonnées, des différentes enveloppes de la formation continue vers l'apprentissage ?

Une fongibilité allant dans le sens d'une réaffectation partielle du plan de formation vers l'apprentissage pourrait être envisagée, mais il faut garder à l'esprit que, dans un avenir proche, la montée en puissance du DIF est de nature à « assécher » le plan de formation , ainsi, d'ailleurs, que les fonds de la professionnalisation pour le DIF « prioritaire ». En outre, certaines branches, telles que la métallurgie, ont à la fois des besoins importants en apprentissage et en plan de formation, réduisant a priori la portée de nouvelles possibilités de redéploiement 106 ( * ) .

* 105 En vertu de l'article R. 964-16-1 du code du travail, les accords de branche prévoient « les pourcentages maximums du montant des contributions collectées par les organismes paritaires collecteurs agréés au titre des contrats ou des périodes de professionnalisation et du droit individuel à la formation, affectés à ce type de dépenses ».

* 106 Certains secteurs, comme la grande distribution, présentent cependant un gros potentiel de développement de l'apprentissage.

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