2. Une architecture illisible

a) La complexité des conditions d'accès
(1) Les conditions d'accès des primo entrants

Le problème de l'accès des primo entrants à la formation a été clairement posé lors de l'audition de Mme Annie Thomas, secrétaire nationale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) : il n'y a pas de dispositif permettant de récupérer l'ensemble des jeunes sortis de l'école sans qualification, qui représentent chaque année 20 % d'une classe d'âge. Le modèle suédois offre à cet égard un contre-exemple, dans la mesure où tous les jeunes sortant du système scolaire sans le bac sont obligatoirement pris en charge par les collectivités territoriales et orientés vers des stages, des contrats, un retour vers le système scolaire, etc. Plusieurs propositions présentées dans la deuxième partie de ce rapport tendent à apporter au problème de la prise en charge des jeunes, en vue d'une formation qualifiante, une réponse adaptée aux spécificités françaises.

(2) Les conditions d'accès des salariés sous contrat de travail

L'accès des salariés sous contrat de travail à la formation professionnelle est organisé dans l'entreprise et en dehors, en fonction du dispositif mis en place par les partenaires sociaux en décembre 2004. Notons, en dehors de l'entreprise et à titre d'illustration, l'aide apportée par les FONGECIF, organismes paritaires collecteurs agréés au titre du CIF, aux salariés désireux de s'orienter dans la palette des dispositifs de formation qui leurs sont dédiés.

La situation ne présente cependant pas la plus parfaite fluidité. Le rôle des branches professionnelles dans la gestion du système est ici en cause : des difficultés se présentent quand le salarié souhaite recevoir, ou a besoin de recevoir, une formation susceptible d'être prise en charge par un organisme paritaire collecteur agréé (OPCA), mais ne correspondant pas aux priorités définies par les partenaires sociaux pour la branche dont relève cet OPCA.

De ce côté, M. Xavier Baux, président de la Chambre syndicale des organismes de formation en alternance (CSOFA) a signalé à la mission que des formations ne sont pas financées par des organismes collecteurs faute de correspondre aux orientations prioritaires définies par la branche et a appelé les autorités responsables à remédier aux inconvénients de la logique de branche professionnelle. Il a illustré ce propos en citant des exemples de chefs d'entreprise déplorant l'impossibilité de trouver le financement de contrats de professionnalisation et a évoqué l'amertume des jeunes confrontés à ces situations.

M. Francis Da Costa, président de la commission formation du Mouvement des entreprises de France (Medef), a cependant rejeté cette critique en faisant valoir que les réticences initiales des branches à l'égard du financement de formations transversales par le prélèvement de 0,5 % destiné à la professionnalisation ont été justifiées par le fait que les besoins en compétences intéressant le coeur des métiers de branche n'étaient pas satisfaits. Certaines branches, a-t-il indiqué, ont depuis lors élargi leurs critères de prise en charge de la professionnalisation, à l'instar de la métallurgie, qui finance des qualifications de transporteurs dans la mesure où elle utilise ce type de compétences. D'autres branches ont décidé en revanche de cesser de financer certains contrats de professionnalisation relevant plus du régime de l'apprentissage. M. Francis Da Costa a aussi observé qu'une entreprise à qui l'on refusait le financement d'un contrat de professionnalisation conserve la possibilité de recourir au plan de formation en faveur du salarié concerné (cette question est évoquée au chapitre IV de la deuxième partie du rapport).

M. Dominique de Calan, secrétaire technique national du comité paritaire national pour la formation professionnelle (CPNFP) a, pour sa part, justifié dans les termes suivants la gestion par les branches des entrées en contrat de professionnalisation : « nous avons été critiqués car nous avons beaucoup moralisé les usages, notamment au travers des organismes proposant des contrats de qualification au mépris du principe de personnalisation. Il est vrai que nous avons assaini la plupart de ces faux contrats de qualification - aujourd'hui appelés contrats de professionnalisation -, pour lesquels des établissements, publics ou privés, recrutaient quelques dizaines de jeunes sans savoir si la filière proposée offrait des débouchés. Nous avons donc assaini les procédures, ce qui nous a valu nombre de reproches. Il nous a ainsi été reproché de refuser beaucoup de contrats de qualification, au point que les pouvoirs publics ont dû mettre en place une mission et que nous avons nous-mêmes dû créer un lieu de recours contre les contrats refusés de manière « anormale ». En trois ou quatre ans, ces cas ont représenté 410 dossiers sur les 140 000 contrats signés chaque année. Le refus de ces contrats était motivé par des critères légaux ou encore lorsque l'âge, la rémunération ou les perspectives de débouchés ne nous paraissaient pas convenables. Cet assainissement a fait l'objet de nombreuses critiques. »

Il est intéressant de conclure cette évocation sur un témoignage révélateur, dans un autre domaine, des ombres et lumières de l'accès des salariés à la formation. Rappelant devant la mission la distribution des financements de la formation professionnelle, M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a indiqué avoir « dû déployer une grande énergie et faire preuve d'une infinie diplomatie pour obtenir qu'une fraction de ces moyens soit consacrée aux publics délaissés » : « je souhaite souligner un grand succès remporté en Ile-de-France grâce à la mobilisation des OPCA. Il s'agit de l'affaire Thomson, à Bagneux-sur-Loing, qui s'est déroulée dans le contexte de la fin des écrans plats et du tube cathodique, remplacé par l'écran plasma. A l'initiative du président directeur général et vice-président du groupe, qui ne pouvait se résoudre à la perte des compétences des salariés, Thomson a réalisé un effort remarquable pour trouver un véritable projet de reprise pour ces salariés, par le biais d'une entreprise espagnole spécialisée dans le secteur verrier automobile. Ces deux sociétés n'exercent pas le même métier. Thomson a été confronté au choix de procéder à des licenciements ou de procéder à un plan de mutation des hommes. L'OPCA de la région a su orienter Thomson dans la mise en oeuvre de la seconde option. La mise en oeuvre de ce plan a requis diplomatie et compréhension pour élargir le point de vue de chacun et passer d'une branche professionnelle à une autre ».

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