2. Le régime particulier de la communication audiovisuelle et le rôle de veille du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

La communication audiovisuelle est plus spécifiquement régie par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication , au sein de laquelle a notamment été transposée la directive européenne du 3 octobre 1989, dite « Télévision sans frontières » .

Cette loi fait référence, dans son article 1 er , au principe du « respect de la dignité de la personne humaine » comme limite à l'exercice de la liberté de communication.

La publicité télévisée est réglementée par un décret n° 92-280 du 27 mars 1992 qui dispose notamment que la publicité doit être « conforme aux exigences de vérité, de décence et de respect de la dignité de la personne humaine » (article 3), exempte de toute discrimination en raison du sexe (article 4) et ne doit pas porter un préjudice moral ou physique aux mineurs (article 5), conformément aux exigences des articles 12 et 16 de la directive européenne précitée.

Un décret n° 87-239 du 6 avril 1987 fixe des règles analogues en matière de publicité radiodiffusée.

Il est à noter que le projet de nouvelle directive européenne appelée à remplacer la directive « Télévision sans frontières » tend à renforcer la lutte contre les discriminations et à étendre le champ d'application des dispositions permettant d'assurer le respect de la dignité de la personne humaine. En particulier, l'article 3 sexies de ce projet de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 89/552/CE du Conseil prévoit que « Les États membres veillent, par des mesures appropriées, à ce que les services de médias audiovisuels et les communications commerciales audiovisuelles fournis par les fournisseurs relevant de leur compétence ne contiennent aucune incitation à la haine fondée sur le sexe » (...).

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), autorité administrative indépendante dotée de pouvoirs de sanction, y compris pécuniaire, est chargé de veiller à ce que les programmes de radio et de télévision ne contiennent « aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons [...] de sexe », aux termes de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, modifié en 2004, et conformément à l'article 22 bis de la directive européenne précitée. D'une manière plus générale, toujours selon l'article 15 précité, il veille « au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à la disposition du public ».

En application de l'article 14 de la même loi, il est chargé d'exercer un contrôle « par tous moyens appropriés, sur l'objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires diffusées ».

La présidente de la délégation a procédé à l'audition de trois représentantes du CSA : Mmes Maryse Brugière, directrice des programmes, Sylvie Clément-Cuzin, directrice juridique et Anissa Zeghlache, responsable du pôle « protection du jeune public et déontologie des programmes », qui ont présenté les actions menées par le CSA pour faire respecter la dignité de l'image de la femme et l'interdiction des discriminations sexistes dans les programmes de radio et de télévision.

Dans ce domaine d'action, comme dans les autres, le CSA intervient soit à la suite de plaintes de téléspectateurs , soit dans le cadre d'une autosaisine .

En application des règles posées par la loi du 30 septembre 1986 précitée, font l'objet d'une interdiction totale de diffusion les programmes qui porteraient atteinte à la dignité de la femme ou qui provoqueraient à la discrimination en raison du sexe .

Les interventions du CSA dans ce domaine prennent la forme soit d'un simple courrier, soit d'une mise en demeure qui peut être suivie d'une sanction en cas de renouvellement du manquement. Toutefois, le Conseil n'a jusqu'à présent jamais prononcé de sanction en cette matière.

Sur le fondement de l'interdiction des propos et comportements discriminatoires, le CSA est intervenu pour remettre en cause le principe même de certaines émissions de télé-réalité, qu'il a jugées non conformes aux obligations déontologiques d'une chaîne de télévision, en raison de l'image qu'elles donnaient de la femme. Tel était par exemple le cas d'un jeu mettant en scène des femmes complexées, voire en situation de détresse morale, prises en charge par une équipe faisant appel à des pratiques médicales et chirurgicales pour transformer leur apparence physique afin que l'une d'entre elles soit élue « miss » et remporte une forte somme d'argent.

Le CSA est également intervenu pour mettre fin aux propos et comportements violents envers les femmes dans d'autres émissions de télé-réalité, ainsi qu'à des propos sexistes ou discriminations sexistes dans diverses émissions.

Sur le fondement de l'interdiction des propos et comportements portant atteinte à la dignité humaine , le Conseil est intervenu à propos de séquences prétendument humoristiques mettant en scène une violence exercée à l'égard des femmes, comme par exemple une séquence mettant en scène un viol collectif d'une mère sous les yeux de son enfant, ou une séquence dans laquelle une femme était rabaissée au rang de cheval. Il est également intervenu à l'encontre de propos très violents tenus à l'égard des femmes ; en 2001, il a notamment adressé des mises en demeure à deux stations de radio, à la suite de commentaires obscènes formulés par certains de leurs animateurs au sujet des participantes à l'émission de télévision « Loft story ».

Par ailleurs, dans un souci de protection de l'enfance et de l'adolescence , le CSA impose aux chaînes de télévision un système de classification des programmes prenant en compte la sensibilité du jeune public , qui se fonde notamment sur le critère du respect de la dignité de l'image de la femme. L'objectif recherché est de ne pas banaliser une image dégradante de la femme ou une image la réduisant à ses attraits sexuels, en imposant que des programmes comportant de telles images ne soient pas diffusés en journée.

Le CSA intervient donc à l'égard de tels programmes en demandant une signalétique adaptée au programme concerné et un horaire de diffusion approprié. Tous les programmes sont concernés (émissions, documentaires, films, clips...), en fonction de leur contenu, qui peut justifier l'apposition d'une signalétique adaptée. En cas de diffusion d'images de la femme provocantes, par exemple, le programme est déconseillé aux enfants de moins de 10 ans, ou de moins de 12 ans, alors que les programmes érotiques sont déconseillés aux moins de 16 ans et les programmes pornographiques aux moins de 18 ans. Les programmes déconseillés aux moins de 12 ans ne peuvent être diffusés avant 22 h 00, ceux qui sont déconseillés aux moins de 16 ans avant 22 h 30, tandis que les programmes déconseillés aux moins de 18 ans ne peuvent être diffusés qu'entre 0 h 00 et 5 h 00 sur certaines chaînes dotées d'un dispositif de contrôle d'accès.

Sur le fondement de la protection de l'enfance, en ce qui concerne l'image de la femme, les interventions les plus nombreuses du CSA ont porté sur des vidéo-musiques, notamment des « clips de rap », mais certaines séquences d'émissions de télé-réalité ou de documentaires portant atteinte à l'image de la femme ont également motivé des décisions de classement dans l'une des catégories précitées.

Au total, le CSA est amené à intervenir plusieurs fois par an pour faire respecter les principes du respect de la dignité de l'image de la femme et de l'interdiction des discriminations sexistes.

En outre, conformément à l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, le CSA doit contribuer aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations dans le domaine de la communication audiovisuelle.

Il doit également veiller à ce que la programmation des services de télévision et de radio reflète la diversité de la société française. Dans le cadre de cette mission, il a créé en son sein, en janvier 2007, un groupe de travail « diversité » présidé par M. Rachid Arhab, qui a notamment procédé, au printemps 2007, à l'audition de Mme Fadela Amara, alors présidente de l'association « Ni putes, ni soumises ».

*

A la lumière de l'examen du cadre juridique en vigueur, on constate qu'il existe donc tout un arsenal juridique de textes législatifs et réglementaires visant à assurer le respect du principe de la dignité de la personne humaine et de l'interdiction des discriminations en raison du sexe , sur lesquels il est possible de s'appuyer pour engager des actions en justice contre des publicités sexistes.

Cependant, ainsi que l'a souligné devant la délégation Mme Christine Reichenbach, directrice juridique de l'Union des annonceurs (UDA), on ne compte qu'un nombre très réduit de décisions de justice portant sur des atteintes à la pudeur ou à la bienséance dans la publicité, en raison d'une grande tolérance des tribunaux à l'égard de la création artistique et de la difficulté pour le juge à se prononcer sur ce type de dossiers.

De l'avis de l'ensemble des professionnels entendus par la délégation, l'autorégulation mise en place sous l'égide du BVP s'avère plus souple et mieux adaptée au contexte spécifique de la communication et aux évolutions des exigences de la société, en permettant le plus souvent une sanction plus rapide et plus efficace qu'une saisine du juge.

M. Jean-Pierre Teyssier, président du BVP, a d'ailleurs noté au cours de son audition que le projet de directive européenne appelée à remplacer la directive « Télévision sans frontières » consacrait, dans son article 3, les concepts d'autorégulation et de corégulation.

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