2. Des atteintes persistantes à la dignité humaine

Même si les professionnels entendus par la délégation ont tous constaté que les dérives en matière d'image de la femme étaient moins nombreuses qu'il y a quelques années, les associations de lutte contre la publicité sexiste, comme « La Meute », dont la présidente a également été entendue par la délégation, dénoncent l'insuffisante efficacité de l'action du BVP en la matière, en soulignant que le contrôle a posteriori -et non systématique-, effectué par le BVP sur les publicités non télévisées, laisse subsister beaucoup de publicités choquantes et dévalorisantes pour la femme, même si ces atteintes à la dignité humaine sont peut-être plus insidieuses que par le passé.

Ces dérives s'inscrivent tout particulièrement dans le cadre du phénomène dit du « porno-chic », qui touche les publicités de certaines grandes marques de luxe. De l'avis même du BVP, il existe aujourd'hui « une amorce de retour de cette tendance mêlant pornographie-violence-soumission, apparue au début des années 2000 ».

Selon Mme Mercedes Erra, présidente exécutive de Euro RSCG Monde, ce phénomène s'expliquerait par la logique très particulière et complexe de l'univers du luxe, reliée au désir ainsi qu'à une dimension sexuelle. Au cours de son audition devant la délégation, elle a assimilé le monde du luxe à un « monde de construction du désir », analysant le caractère tout à fait irrationnel de l'achat d'un objet extrêmement coûteux, tout en considérant néanmoins que de telles méthodes publicitaires pouvaient être cantonnées au « territoire du luxe ».

a) Les inquiétudes du Conseil de l'éthique publicitaire

Créé à la fin 2005, le Conseil de l'éthique publicitaire, présidé par M. Dominique Wolton et composé à parité d'experts indépendants (sociologues, philosophes, médecins...) et de professionnels, est chargé d'évaluer de manière impartiale l'activité du BVP.

Or, au-delà de la diminution quantitative des manquements à la déontologie constatés par le BVP, son rapport pour 2006 fait état de réelles préoccupations qualitatives, ainsi qu'en témoigne l'extrait reproduit ci-après.

CONSEIL DE L'ÉTHIQUE PUBLICITAIRE

AVIS SUR L'IMAGE DE LA PERSONNE HUMAINE DANS LA PUBLICITÉ EN 2005

(EXTRAIT DU RAPPORT ANNUEL 2006)

Le Conseil a examiné les résultats de l'étude, menée par le BVP, sur la représentation de l'image de la personne humaine par la publicité diffusée en 2005, en affichage et en presse.

Au vu de cette étude, le Conseil a jugé que 16 visuels lui apparaissaient critiquables au regard, non seulement de la Recommandation du BVP sur l'image de la personne humaine, mais également de ce que la société, de son point de vue, pouvait accepter. Il demande à ce que les annonceurs cessent, ou ne renouvellent pas, ces campagnes.

En outre, il a constaté un retour inquiétant à la mode du « porno-chic » de la part de grandes marques, notamment dans des magazines de mode, qui peut, si elle se développe (notamment en affichage), entraîner des dérives inquiétantes pour le respect de la personne humaine.

Le Conseil s'est également inquiété de certaines affiches de cinéma qui contreviennent aux règles que les professionnels respectent généralement en affichage, en favorisant de manière excessive des situations de violence, directe ou suggérée, qui peuvent heurter le public.

Le recours à la représentation de « femme objet », comme désormais aussi « d'homme objet » reste quelquefois une facilité que l'on continue à observer, par exemple dans les annonces en faveur de motos, heureusement surtout limitées à la presse auto-moto .

En ce qui concerne la nudité , et l'utilisation du corps de la femme (comme d'ailleurs, et de plus en plus, de celui de l'homme), le Conseil estime que la production publicitaire s'est plutôt assagie par rapport aux années précédentes. Toutefois, il se préoccupe de l'effet que peut produire sur le public un nombre élevé, surtout à certaines périodes de l'année (Saint-Valentin, Noël, Fête des mères), de publicités « déshabillées » en provenance notamment du secteur de la lingerie. Il estime que, si une publicité donnée peut être acceptable (si elle n'est ni dégradante, ni dangereuse pour la personne humaine), en afficher un grand nombre sur des réseaux puissants peut poser des problèmes dans certaines zones de nos villes et de nos banlieues . Il souhaite donc que les annonceurs et les afficheurs manifestent une grande vigilance sur ce point.

En effet, ainsi que l'a souligné au cours de son audition M. Jean-Pierre Teyssier, président du BVP , l'on est passé au cours des vingt dernières années d'une exigence sociale de décence à une exigence de sécurité pour les femmes , sans doute concomitante à une amélioration statistique de la connaissance des violences envers celles-ci. Il s'agit, a-t-il précisé, d'éviter qu'une publicité ne puisse être à l'origine d'un passage à l'acte violent, soulignant que c'était là une question de sécurité, et non de morale. Or, la suggestion de relations sexuelles, utilisée de façon insidieuse par certaines publicités comme argument de vente, peut à cet égard poser problème.

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