B. DES DÉRIVES SUBSISTENT NÉANMOINS DANS L'UTILISATION DE L'IMAGE DE LA FEMME DANS LA PUBLICITÉ : DES ATTEINTES À LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE ET DES REPRÉSENTATIONS STÉRÉOTYPÉES

Le bilan des contrôles effectués par le BVP fait apparaître une diminution du nombre de manquements aux règles déontologiques constatés, mais l'efficacité de son contrôle est variable selon le mode de diffusion des publicités.

Les associations de lutte contre la publicité sexiste dénoncent des atteintes persistantes et pernicieuses à la dignité humaine concernant l'image de la femme, mais aussi parfois celle de l'homme. Par ailleurs, les représentations des femmes dans la publicité restent souvent stéréotypées, sans que ces dérives soient réellement sanctionnées.

1. Une diminution du nombre de manquements constatés par le BVP, mais un contrôle non exhaustif et d'efficacité variable selon le mode de diffusion

A la suite de la coopération mise en place avec le ministère de la parité, le BVP réalise chaque année une étude sur l'image de la personne humaine en publicité à partir de sa « pige » et des plaintes des consommateurs reçues.

Les résultats quantitatifs de cette étude pour les dernières années sont récapitulés dans le tableau suivant :

2003

2004

2005

Nombre total de « visuels » évalués

42 489

59 925

81 772

Dont presse

55 860

77 853

Dont affichage

4 065

3 919

Nombre total de manquements constatés

63

19

16

Dont presse

11

13

Dont affichage

8

3

Ratio général des manquements constatés

0,15 %

0,03 %

0,02 %

Ce bilan quantitatif montre une diminution régulière du nombre des manquements aux règles déontologiques depuis une première étude réalisée en 2001, où 69 manquements avaient été constatés.

Le nombre de plaintes déposées par les consommateurs au titre du non-respect de l'image de la personne humaine est également en baisse sensible (89 en 2006 contre 472 en 2003). Les questions liées à l'image de la personne humaine ne constituent plus le premier motif de plainte comme en 2003.

Le ratio général de manquements constatés par le BVP s'est stabilisé à un niveau relativement faible , de 0,02 % à 0,03 %.

De l'avis des professionnels entendus par la délégation, le système d'autorégulation mis en place par la profession s'avère efficace et, selon M. Jean-Pierre Teyssier, président du BVP, le respect de l'image de la femme est plutôt mieux assuré que par le passé.

Cependant, le contrôle du BVP est loin d'être exhaustif, seules les publicités télévisées donnant lieu à un contrôle systématique . Ainsi que l'a souligné son président, le BVP n'aurait d'ailleurs pas les moyens de procéder à une vérification a priori de toutes les publicités.

M. Jean-Pierre Teyssier a d'ailleurs reconnu au cours de son audition que certaines affiches de cinéma étaient une source d'inquiétude pour le BVP et que l'affichage de la couverture de certains magazines dans les kiosques à journaux pouvait aussi poser problème.

S'agissant des affiches de cinéma, le BVP relève dans le bilan de son étude sur l'image de la personne humaine en publicité pour 2005 « la permanence du problème de la transformation en matériel publicitaire de visuels extraits de films ne respectant pas les règles de la profession ».

En 2006, le BVP a procédé à une étude spécifique des publicités diffusées au plan national par voie d'affichage . Sur un total de 4.288 « visuels » diffusés en 2006, 8 visuels, correspondant à 6 campagnes différentes, ont été considérés comme constitutifs de manquements à la déontologie en matière d'image de la personne humaine, soit 0,19 % de manquements constatés sur ce support. En outre, certaines affiches de films, assimilées à juste titre à de la publicité par le grand public, ont présenté, selon le rapport d'activité du BVP, « des problèmes persistants » (3 cas sur les 8 relevés).

Pour la presse, la « pige » 2006 du BVP a été centrée sur les services de « chat », de rencontres ou de téléchargement de logos-sonneries, secteurs présentant un nombre de visuels problématiques supérieur à la moyenne. Après analyse de plus de 800 pages de publicités parues dans des publications de la presse « grand public », 50 pages ont été retenues en raison de contenus non satisfaisants au regard de l'image de la personne humaine, soit 6,25 % du total des pages analysées. Aux termes du rapport d'activité du BVP, « le critère de dignité était au coeur des problèmes relevés : postures dégradantes, références à des stéréotypes sexistes (les blondes), femmes et/ou hommes en tant qu'objet sexuel, etc ».

L'efficacité du contrôle du BVP apparaît donc variable selon le type de média concerné.

Le système d'autorégulation organisé par le BVP fait d'ailleurs l'objet de critiques de la part de certaines associations de consommateurs comme l'UFC-Que choisir ou le CLCV (Consommation, Logement et Cadre de Vie), qui considèrent que les règles déontologiques ne sont pas toujours respectées et réclament une réforme du BVP 11 ( * ) .

Le rapport du groupe de travail sur l'image des femmes dans la publicité mis en place en 2001 a notamment mis l'accent sur les difficultés du contrôle de l'affichage et recommandé que les afficheurs incitent les agences à solliciter un conseil préalable du BVP pour toute publicité qui leur paraîtrait contestable au regard de leur code déontologique. Le rapport soulignait ainsi que « les délais tardifs de fourniture des affiches aux afficheurs, qui doivent couvrir près de 6.000 panneaux publicitaires sur l'ensemble du territoire national, vingt-quatre heures à peine après réception des affiches, ne permettent pas de façon réaliste de saisir le BVP pour avis à ce stade ».

Le rapport de synthèse de « l'espace public de débat », mis en place par le ministère de la parité à la suite de la déclaration commune avec le BVP de 2003, souligne également que ce sont les affiches publicitaires qui posent le plus de problèmes au public, alors que le nombre de demandes de conseils préalables adressées au BVP en matière d'affichage est particulièrement faible. En conséquence, ce rapport propose que la consultation préalable du BVP devienne systématique pour les campagnes publicitaires nationales en matière d'affichage.

Approuvant cette proposition, la délégation recommande, pour renforcer l'efficacité du contrôle du BVP, que soit envisagé d'étendre l'obligation de consultation préalable du BVP, déjà prévue pour les publicités télévisées, aux campagnes publicitaires nationales d'affichage.

D'une manière générale, elle recommande également que les agences de publicité demandent un conseil préalable du BVP avant toute campagne publicitaire susceptible de poser des problèmes déontologiques, ainsi que le préconisait d'ailleurs la déclaration commune du BVP et du ministère de la parité en 2003.

Par ailleurs, certaines campagnes publicitaires , notamment dans le domaine du prêt-à-porter ou des parfums, sont réalisées par les services de communication des grandes marques elles-mêmes, sans faire appel à une agence de publicité adhérente du BVP, et échappent donc au système d'autorégulation mis en place par la profession.

Mme Marie-Pierre Bordet, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC), a ainsi souligné au cours de son audition devant la délégation que les campagnes publicitaires de la célèbre marque italienne Benetton qui avaient choqué - ce qui avait d'ailleurs débouché sur une condamnation en justice 12 ( * ) - avaient été décidées par la famille de ses propriétaires et réalisées par un photographe choisi par celle-ci.

Elle a considéré que la liberté de création pouvait avoir pour conséquence que certaines publicités passent entre les « mailles du filet » de l'autorégulation, tout en faisant observer qu'il s'agissait de cas demeurant isolés.

Pour que le système d'autorégulation soit réellement efficace, il apparaît nécessaire qu'il puisse s'appliquer à toutes les campagnes publicitaires sans exception.

De manière à prévenir les défaillances de l'autorégulation, la délégation recommande d'imposer à l'ensemble des marques, y compris celles qui réalisent leurs propres campagnes sans passer par les agences de publicité, d'adhérer aux règles déontologiques et au système d'autorégulation mis en place par le BVP.

* 11 Cf. « Le Monde » du 23 mars 2007 - « Les règles de la publicité mises en cause », par Laurence Girard.

* 12 Cf. arrêt précité de la Cour d'appel de Paris - 28 mai 1996 - Aides Fédération nationale c/ Benetton.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page