B. COMMENT ATTEINDRE LES OBJECTIFS FIXÉS PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE EN TERMES DE FINANCES PUBLIQUES ?

1. Les dépenses publiques peuvent-elles évoluer moins vite que le PIB à croissance économique inchangée ?

a) La croissance des dépenses publiques, à politiques inchangées, semble être de l'ordre de 2,5 % par an en volume

Pour se faire une idée de l'évolution des finances publiques au cours des prochaines années, il est essentiel d'évaluer ce que serait l'évolution des dépenses publiques, à politiques publiques inchangées.

Depuis le début des années 1990, les dépenses publiques ont augmenté de 2,4 % par an en volume , ce qui est légèrement supérieur au taux de croissance potentielle du PIB, généralement évalué à environ 2 % par an en volume en l'absence de réforme structurelle.

Par ailleurs, divers facteurs structurels tendent à augmenter la croissance des dépenses publiques d'environ 0,4 point par an : fin probable de la diminution des taux d'intérêt (+ 0,25 point par an en cas de stabilisation des taux, + 0,5 point en cas de remontée comme celle prévue par le gouvernement), augmentation des dépenses de retraite (+ 0,1 point par an).

En sens inverse, les dépenses de l'Etat ont ralenti depuis le début des années 2000, avec la mise en oeuvre de la règle du « zéro volume », ce qui tend à réduire la croissance des dépenses de 0,2 point par an par rapport à la tendance observée depuis 1990.

Par ailleurs, la croissance des dépenses des collectivités territoriales, qui augmentent de plus de 3 % par an en volume, soit nettement plus que le PIB, pourrait diminuer jusqu'à 2,5 % par an en volume.

Même si tel n'était pas le cas, comme dans les projections présentées ci-après, on ne prend pas en compte d'éventuels alourdissements de la fiscalité locale, et l'on suppose, par convention, que les dépenses des collectivités territoriales augmentent de 2,5 % par an en volume, soit à peu près la même vitesse que le PIB, ce qui réduirait la croissance des dépenses des administrations publiques de 0,1 point par an, par rapport à la poursuite des évolutions passées.

Au total, il semble donc raisonnable de supposer que les dépenses publiques, à politiques inchangées, tendent spontanément à augmenter de 2,5 % par an.

Une croissance « spontanée » des dépenses publiques de l'ordre de 2,5 % par an en volume d'ici à 2012 ?

(croissance en volume, en %)

Sources : Insee, commission des finances du Sénat

(1) La fin probable de la diminution des taux d'intérêt tend à augmenter la croissance des dépenses publiques de 0,25 point par an

Tout d'abord, comme votre rapporteur général l'a indiqué dans son rapport d'information précité relatif au débat d'orientation budgétaire pour 2007, les dépenses de l'Etat sont soumises à « l'épée de Damoclès » de l'augmentation des taux d'intérêt.

Les taux d'intérêt à long terme, en diminution structurelle depuis le début des années 1980, sont passés de 5,4 % en 2000 à 3,8 % en 2006. Sans cette baisse, la charge de la dette serait supérieure de 30 % à ce qu'elle est aujourd'hui : au lieu d'être de 39,2 milliards d'euros, elle serait donc de l'ordre de 52 milliards d'euros, soit supérieure d'environ 13 milliards d'euros. La hausse effective de la charge de la dette a été « limitée » à 4,4 milliards d'euros entre 2000 et 2007.

Evolution de la charge de la dette

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Les dépenses publiques, de l'ordre de 1.000 milliards d'euros, sont donc inférieures d'environ 1,5 % à ce qu'elles seraient si ce phénomène n'avait pas joué. Le taux de croissance des dépenses publiques a bien été réduit, pendant 6 ans, d'environ 0,25 point par an.

Il convient donc, en supposant une stabilité des taux d'intérêt, de majorer le taux de croissance des dépenses publiques de 0,25 point par an, par rapport à leur tendance récente. Si les taux d'intérêt augmentaient, comme le prévoit le gouvernement, cette majoration pourrait être de l'ordre de 0,5 point.

(2) La croissance des dépenses de retraite devrait augmenter la croissance des dépenses publiques de 0,1 point par an

Ensuite, les dépenses d'assurance vieillesse s'accélèrent rapidement.

Selon les dernières projections du Conseil d'orientation des retraites (COR), le déficit de la branche vieillesse, tous régimes confondus, serait accru en 2020 de 0,7 point de PIB 19 ( * ) .

Cette augmentation du déficit viendrait du fait que si la part des cotisations dans le PIB demeurait stable, les dépenses de retraites augmenteraient nettement plus rapidement que le PIB, comme l'indique le tableau ci-après.

Les recettes et les dépenses de retraites en part du PIB, selon le Conseil d'orientation des retraites

(en points de PIB)

2003

2020

2050

Masse des cotisations*

12,8

12,9

12,9

Dépenses de retraite

12,8

13,6

14,6

Besoin de financement

0

-0,7

-1,7

* redéploiement des cotisations chômage vers l'assurance vieillesse et augmentation des contributions aux régimes de la fonction publique, annoncés au moment de la réforme de 2003

Source : Conseil d'orientation des retraites, rapport de janvier 2007

Ainsi, de 2003 à 2020, la part des dépenses de retraite dans le PIB augmenterait d'environ 0,05 point par an. Compte tenu de la part des retraites dans le PIB (environ 10 %), cela signifie que les dépenses de retraite augmenteraient chaque année de 0,5 point de plus que le PIB.

Cette estimation semble malheureusement optimiste. Le Conseil d'orientation des retraites suppose en effet que la croissance du PIB serait d'environ 2,5 % par an entre 2005 et 2015 20 ( * ) . Ses projections impliquent donc une croissance des dépenses de retraites de l'ordre de 3 % par an en volume 21 ( * ) .

Avec le même taux de croissance des dépenses en volume, un taux de croissance du PIB de 2 % par an conduirait à accroître la part des dépenses d'assurance vieillesse dans le PIB, et donc le déficit public, non de 0,05 point de PIB par an, mais de 0,1 point de PIB par an.

Quoi qu'il en soit, les projections du COR semblent impliquer d'accroître, toutes choses égales par ailleurs, le taux de croissance annuel des dépenses publiques de l'ordre de 0,1 point par an.

(3) Les dépenses de santé augmentent toujours structurellement plus vite que le PIB

Les dépenses de santé ne semblent, quant à elles, toujours pas maîtrisées, comme l'indique le graphique ci-après.

Croissance des dépenses des administrations de santé en volume :
prévision et exécution

(croissance déflatée de l'augmentation
des prix hors tabac, en %)

Sources : programmes de stabilité, Insee, commission des comptes de la sécurité sociale (juillet 2007)

Certes, en 2006, les dépenses d'assurance maladie ont augmenté de seulement 1,4 % en volume, soit moins que le PIB (qui a augmenté de 2 %), ce qui représente une performance remarquable.

Cependant, ce ralentissement ne semble malheureusement pas structurel. Ainsi, selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de juillet 2007, ces dépenses semblent devoir à nouveau se rapprocher en 2007 de leur taux de croissance moyen, avec une augmentation en valeur de 4 %, soit, avec l'hypothèse d'une inflation hors tabac de 1,7 %, de 2,3 % en volume.

Malgré la réforme de 2004, la « tendance » des dépenses de santé semble donc toujours être d'augmenter plus rapidement que le PIB.

(4) L'effet de la diminution du chômage sur les finances publiques reste incertain

Par ailleurs, l'impact sur les finances publiques de la diminution du taux de chômage est incertain.

Certes, l'Unédic 22 ( * ) considère que, du fait de la diminution du nombre de chômeurs, ses comptes seront excédentaires d'environ 5 milliards d'euros , soit 0,25 point de PIB, en 2008 , comme l'indique le graphique ci-après.

Les recettes et les dépenses de l'Unédic jusqu'en 2008, selon l'Unédic

(en milliards d'euros)

Source : Unédic, « L'équilibre financier de l'assurance chômage, années 2007 et 2008 », 21 mars 2007

Les projections de l'Unédic pour l'année 2008

Schématiquement, les recettes et les dépenses de l'assurance chômage sont de l'ordre de 30 milliards d'euros, dont 20 milliards d'euros servent à indemniser en 2006 1,9 million de chômeurs, soit un coût d'environ 10.000 euros par chômeur. Les comptes de l'Unédic ont été très légèrement excédentaires en 2006.

Fin 2008 (horizon de sa projection), grâce à la diminution de la population active, le nombre de chômeurs indemnisés diminuerait jusqu'à 1,6 million, pour un taux de chômage de 7,8 %. La diminution, de 300.000 personnes, du nombre de chômeurs indemnisés, réduirait logiquement les dépenses de 3 milliards d'euros, ce qui correspond effectivement à la prévision de l'Unédic.

Parallèlement, les recettes augmenteraient de 2 milliards d'euros entre 2006 et 2008, ce qui correspond à une croissance de l'ordre de 3,5 % par an, analogue à la croissance du PIB en valeur.

L'Unédic aurait donc en 2008 un excédent de l'ordre de 5 milliards d'euros (4,4 milliards d'euros selon la projection de l'Unédic).

Si l'on prolonge cette tendance jusqu'en 2012, il en découle en 2010 un excédent de l'Unédic de l'ordre de 12 milliards d'euros, soit environ 0,5 point de PIB.

Un excédent de l'assurance chômage de 12 milliards d'euros en 2012 semble impliquer un taux de chômage de l'ordre de 5 % la même année, ce qui, compte tenu des évolutions démographiques, est économiquement vraisemblable (bien que volontariste).

Cependant, ce phénomène ne semble pas susceptible de contrebalancer l'effet des tensions sur la dépense indiquées ci-avant.

Tout d'abord, il est déjà pris en compte par les projections précitées du Conseil d'orientation des retraites. Le COR suppose en effet que la diminution du chômage permet un redéploiement de cotisations sociales de l'assurance chômage vers les régimes de retraite. Comme on considère dans les projections présentées ci-après que les recettes publiques continuent de se conformer à leurs déterminants habituels, il n'y a donc pas lieu de tenir compte de cette éventuelle réduction des dépenses, faute de quoi l'impact d'un même phénomène sur le solde public serait comptabilisé deux fois.

Ensuite, le COR suppose que l'Unédic ne réduira pas ses cotisations et n'augmentera pas ses prestations en conséquence de cette diminution du nombre de chômeurs, ce qui semble beaucoup plus aléatoire.

En effet, si l'Unédic accroît ses recettes lorsque le nombre de chômeurs, et donc ses dépenses, augmente - comme cela s'est produit de 1991 à 1994, et de 2001 à 2003 -, elle n'a pas profité de la diminution du nombre de chômeurs de 1997 à 2001 pour réduire ses dépenses, comme l'indique le graphique ci-après.

Les recettes et les dépenses de l'Unédic : relation avec le nombre de chômeurs

(en points de PIB et en millions)

Sources : Unédic, Insee

On rappelle que, contrairement au régime général de sécurité sociale, l'assurance chômage se gère de façon autonome. Elle vise l'équilibre, et non l'excédent, de ses comptes. Dans ces conditions, à défaut d'une mesure législative qu'il faudrait expliciter en temps utile, on voit mal comment elle pourrait dégager un excédent significatif en 2012 .

Au total, il semble raisonnable de supposer qu'à politiques inchangées, le taux de croissance des dépenses de sécurité sociale ne change pas, la légère diminution de la croissance des dépenses de santé étant compensée par l'augmentation des dépenses d'assurance vieillesse.

(5) Vers un ralentissement des dépenses des collectivités territoriales ?

Les dépenses des collectivités territoriales augmentent en moyenne de plus de 3 % par an en volume, comme l'indique le graphique ci-après.

Croissance des dépenses des collectivités territoriales en volume :
prévision et exécution

(croissance déflatée de l'augmentation
des prix hors tabac, en %)

Sources : programmes de stabilité, Insee

Ce taux de croissance, à périmètre constant, pourrait cependant diminuer au cours des prochaines années, si l'on prend en compte le phénomène de « cycle électoral » 23 ( * ) , et la volonté du gouvernement de rendre l'indexation des dotations moins favorable aux collectivités territoriales.

Par ailleurs, les collectivités territoriales, étant tenues d'avoir un budget de fonctionnement équilibré, ont un solde à peu près équilibré. Si une forte croissance de leurs dépenses a un effet sur le taux de prélèvements obligatoires, elle en a donc peu sur le solde public. Comme, dans les projections présentées ci-après, d'éventuels alourdissements de la fiscalité locale ne sont pas pris en compte, on suppose, par convention, que les dépenses des collectivités territoriales augmentent de 2,2 % par an en volume , soit à peu près la même vitesse que le PIB.

* 19 Plus précisément, les projections pour 2020 sont de 0,7 point de PIB si le taux de chômage est alors de 5 % et de 1,2 point de PIB si le taux de chômage est alors de 7 %. Le COR fait en effet l'hypothèse, qui ne va pas de soi, que la baisse du taux de chômage permettra de redéployer une partie des cotisations chômage vers les cotisations vieillesse.

* 20 Et de 1,8 % par an entre 2015 et 2050.

* 21 Dans le programme de stabilité 2008-2010, le gouvernement suppose que les dépenses d'assurance vieillesse augmentent de 2,5 % par an en volume.

* 22 Source : Unédic, « L'équilibre financier de l'assurance chômage, années 2006 à 2008 », 5 juillet 2006.

* 23 Les dépenses d'investissement des collectivités territoriales tendent à augmenter l'année précédant une élection, et à diminuer les deux années suivantes. En effet, dans le premier cas, les collectivités se « hâtent » de terminer leurs programmes d'investissement, alors que dans le second il faut du temps pour que les nouveaux programmes « montent en puissance ».

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