2. La nécessité de prendre des mesures structurelles dans le domaine des soins de ville

La réforme de 2004 doit encore être complétée . Il convient, d'une part, de faire évoluer les règles de gouvernance en réfléchissant à la création d'une structure de régulation régionale qui assure enfin un rapprochement entre les soins de ville et l'hôpital, et, d'autre part, d'obtenir des pouvoirs publics et des responsables des caisses qu'ils proposent des économies structurelles susceptibles de permettre un retour à l'équilibre des comptes de l'assurance maladie.

Cette nécessité est d'autant plus forte que les dépenses de santé pourraient augmenter de 50 % d'ici à 2015 53 ( * ) , notamment sous l'effet du vieillissement de la population.

a) Le poids financier croissant de la prise en charge des affections de longue durée

Une réflexion sur la prise en charge des personnes souffrant d'une affection de longue durée (ALD) est indispensable . Les personnes en ALD concentrent une part de plus en plus importante des remboursements d'assurance maladie . Leur prise en charge absorbe 59 % des dépenses en 2004, et à législation constante, elle devrait représenter 70 % des dépenses en 2015 . Sans intervention des pouvoirs publics, l'assurance maladie se transforme donc mécaniquement en assureur « gros risque » au détriment de la majorité de ses assurés. Il est indispensable de réfléchir à la mise en place des critères médico-économiques, voire des critères financiers en fonction des ressources du patient, afin de préserver le caractère universel de l'assurance maladie ; il n'est pas souhaitable qu'à terme, cette dernière ne protège qu'une minorité d'assurés.

La tentative de médicalisation de la prise en charge des ALD prévue par la loi du 13 août 2004 (respect de l'ordonnancier bizone et amélioration des pratiques par l'intermédiaire du protocole de soins) a montré ses limites car ni les médecins traitants, ni les spécialistes, ni les médecins conseils n'ont matériellement le temps d'accomplir le travail conjoint ou d'effectuer les consultations qui résulteraient d'une stricte application des textes, notamment de procéder à une concertation avec l'ensemble des intervenants lors de chaque évolution de la maladie.

Les critères médicaux actuels ne sont plus adaptés et exercent une pression très grande sur les médecins . La Haute autorité de santé (Has) a pour mission de proposer, affection par affection, les critères médicaux d'admission en ALD, puis de définir les recommandations pour une prise en charge médicale optimale de l'affection, c'est-à-dire de déterminer les actes et prestations pertinents ayant vocation à être pris en charge à 100 %.

Dans sa recommandation du 31 mai 2006, la Has s'est interrogée sur la manière de mobiliser une expertise médicale dans une perspective financière. Elle a attiré l'attention sur l'hétérogénéité importante des coûts afférents aux maladies diabétiques et envisagé de retirer le bénéficie de l'ALD aux malades diabétiques de type 2 ne présentant pas de complications. La réticence des professionnels et des associations de patients a conduit la Has à renoncer, pour l'instant, à se prononcer sur les critères d'admission .

Dans ces conditions, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2006 « un véritable ralentissement des dépenses d'ALD est illusoire ».

Pourtant, compte tenu de la charge que les ALD font peser sur les dépenses de l'assurance maladie, les pouvoirs publics doivent impérativement entamer une réflexion afin de proposer des mesures plus contraignantes.

b) Les enjeux de la création d'un bouclier sanitaire

Raoul Briet, membre du collège de la Haute autorité de santé, et Bertrand Fragonard, président du Haut comité pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam), ont été chargés d'une mission sur les conditions de mise en oeuvre d'un bouclier sanitaire. Les conclusions de cette mission sont attendues pour la fin du mois d'août.

Cette mission de réflexion s'inscrit dans un contexte plus large qui comprend, d'une part, le débat sur la création de nouvelles franchises dans le domaine de l'assurance maladie, d'autre part, les conditions de prise en charge des personnes souffrant d'une maladie chronique ou d'une affection de longue durée.

Sur le premier point, il n'apparaît pas utile de créer de nouveaux dispositifs. Il faut au contraire conserver une démarche pragmatique et optimiser ceux qui existent déjà, comme la participation forfaitaire sur les actes de biologie et les consultations médicales, ainsi que sur le forfait de 18 euros applicable à l'hôpital. Les pouvoirs publics doivent attacher une importance particulière à la mise en oeuvre de ce forfait dont le principe a été adopté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 et dont l'application est encore très insuffisante.

Une participation est donc demandée aux assurés pour l'ensemble des soins qu'ils sont susceptibles de recevoir (consultations, actes de biologie, hospitalisation). Cette participation pourrait être étendue au domaine des médicaments sous la forme d'une participation forfaitaire par boîte .

Ces participations des usagers constitueraient alors une franchise modulable ou fractionnée dont le plafond (actuellement fixé à 50 euros) pourrait être majoré pour tenir compte de son extension au médicament. Cette majoration éventuelle devra tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 12 août 2004 qui précise que le montant de la majoration de la participation de l'assuré devra être fixé à un niveau tel que ne soient pas remises en cause les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose que la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ».

Cette période de réflexion devrait être mise à profit pour remettre à plat l'ensemble des mécanismes de reste à charge. Il en existe une dizaine, qui ont fait l'objet de mesures successives sans que jamais on ne s'inquiète de leur cohérence et de leur lisibilité pour les assurés.

Ces évolutions ne sont pas incompatibles avec la réflexion relative au déploiement d'un bouclier sanitaire.

La création d'un bouclier sanitaire constituerait une réforme profonde des régimes de prise en charge des assurés . Il s'agirait de déclencher une prise en charge à 100 % dès lors que le reste à charge supporté par un assuré (franchise, forfaits et tickets modérateurs) dépasse un certain montant. Un mécanisme similaire est appliqué en Allemagne depuis 2004. Le plafond du reste à charge est fixé à 2 % des revenus bruts des ménages, et à 1 % pour les personnes souffrant de maladies chroniques.

Les divers dispositifs de prise en charge des ALD seraient alors amenés à disparaître pour être remplacés par ce bouclier sanitaire. Ce mécanisme pourrait s'avérer plus protecteur pour les malades chroniques.

Cette éventualité soulève cependant plusieurs interrogations relatives à :

- la définition du seuil d'intervention du bouclier sanitaire, afin que ce dispositif nouveau se mette en place sans augmenter les dépenses d'assurance maladie ;

- la possibilité de maintenir un contrôle de dépenses d'assurance maladie lorsque les assurés seront placés sous la protection du bouclier sanitaire ;

- la place et le rôle des assureurs complémentaires dans ce nouveau système de prise en charge.

- la soutenabilité de la réforme en termes techniques. La création du bouclier sanitaire suppose une mise à niveau des systèmes d'information de l'assurance maladie. Cette dernière sera par ailleurs amenée à gérer des données relatives aux revenus des assurés, ce qu'elle ne fait pas aujourd'hui.

* 53 Les dépenses d'assurance maladie à l'horizon 2015, Cnam, juillet 2007.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page