IV. L'HÉRITAGE DE LA PRÉSENCE FRANÇAISE EN INDE

Lors de son séjour à Pondichéry, la délégation a pu observer les traces de la présence française qui demeurent dans cet ancien comptoir qui a su préserver l'architecture coloniale de sa vieille ville, avec ses noms de rue en langue française.

A. LE TERRITOIRE DE PONDICHÉRY

Etat fédéral, l'Inde est composée de vingt-huit Etats, établis sur des bases essentiellement linguistiques, et de sept Territoires de l'Union, créés pour des raisons politiques ou historiques.

Le Territoire de Pondichéry, dont la ville du même nom est la capitale, est l'un d'entre eux. Il rassemble quatre des cinq anciens comptoirs français en Inde - Pondichéry, Mahé, Karikal et Yanaon 15 ( * ) - sans qu'il y ait de continuité territoriale entre ses régions constitutives ; Pondichéry et Karikal forment deux enclaves distinctes à l'intérieur de l'Etat du Tamil Nadu ; Yanaon, plus au nord, est enclavé dans l'Etat d'Andhra Pradesh et Mahé dans l'Etat du Kerala. De superficie réduite (480 km 2 ), le Territoire est peuplé d'environ 975 000 personnes 16 ( * ) , dont 220 000 à Pondichéry même.

Comme les autres composantes de l'Union indienne, le Territoire de Pondichéry est dirigé par un gouvernement et par une assemblée provinciale élue. L'Etat central est représenté par un Gouverneur, nommé par les autorités de Delhi

La production de coton et le tourisme sont deux activités importantes de Pondichéry. Le ministre de l'économie et de l'énergie, M. V. Vaithilingam, a indiqué aux membres de la délégation qu'il souhaitait développer l'horticulture, mais aussi les services informatiques et les biotechnologies. Le Gouverneur, M. Mukut Mithi, a pour sa part insisté sur l'attention qu'il porte au sort des intouchables (ou dalits ) ainsi qu'à la situation des pêcheurs, durement frappés par le tsunami de 2004 17 ( * ) . Un programme de plantation est en cours sur le bord de mer, afin d'atténuer l'impact que pourrait avoir la répétition d'un tel phénomène.

B. UN TERRITOIRE MARQUÉ PAR LA PRÉSENCE FRANÇAISE

La présence française en Inde remonte au XVIIe siècle et est liée à la poursuite d'intérêts commerciaux.

En 1664, la Compagnie française des Indes orientales est instituée à l'initiative de Colbert et se voit octroyer le monopole du commerce avec l'Inde. Confrontée à la concurrence de la puissante Verenigde Oost-Indische Compagnie (VOC) hollandaise, elle perçoit rapidement l'utilité de disposer d'une base de repli sur la côte indienne. C'est pourquoi la Compagnie répond favorablement, en 1673, à la proposition du sultan de Bijapur de lui céder un petit village côtier. Elle y établit un premier comptoir, Boudouts-chery, rebaptisé ultérieurement Pondichéry, puis s'installe à Chandernagor en 1688.

Pondichéry connaît son apogée sous la direction du gouverneur Joseph-François Dupleix, en fonction de 1742 à 1754. A la prospérité économique du territoire, qui repose sur ses activités commerciales et sur la production des filatures, s'ajoute une expansion territoriale considérable et un renforcement de l'influence française dans toute la région du Deccan.

Inquiets de la montée en puissance de la France, les Britanniques, installés dans la ville proche de Madras, attaquent les possessions françaises en 1756. Leur supériorité militaire leur permet de renverser les seigneurs locaux alliés aux Français, puis de prendre Pondichéry en 1761. En vertu du traité de Paris, signé le 10 février 1763, la France se voit contrainte d'abandonner tous ses territoires au profit de la Couronne d'Angleterre, à l'exception des cinq comptoirs restés célèbres : Chandernagor, Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon.

Conquis par les Britanniques en 1793, les comptoirs reviennent à la France en 1816, grâce à l'intense activité diplomatique déployée par Talleyrand lors du Congrès de Vienne. Après une période de marasme économique sous la Restauration, l'abolition de l'esclavage dans les colonies, en 1848, favorise l'émigration de près de 140 000 travailleurs indiens, les coolies , à partir du territoire de établissements français de l'Inde. Les comptoirs connaissent une période de modernisation sous le second Empire, qui promeut une politique de grands travaux et introduit une nouvelle réglementation en matière de propriété foncière. La III e République, soucieuse d'assimilation, procède à des réformes institutionnelles : les comptoirs élisent un député à partir de 1871, un sénateur à partir de 1875 et sont dotés en 1879 d'un conseil général élu, doté de compétences fiscales et budgétaires. Puis, le Gouvernement étend, par décret, de nombreuses dispositions du code civil aux populations de la colonie et autorise les Indiens à renoncer à leur statut personnel pour se voir appliquer la loi française. Cette politique d'assimilation suscite cependant des réactions hostiles de la part des représentants des hautes castes.

Dans l'entre-deux-guerres, l'influence des idées de Gandhi grandit dans la population des comptoirs. En 1931 apparaissent les Jeunesses de l'Inde française, qui se prononcent contre la domination européenne et pour des réformes sociales. En 1937 est fondé un autre mouvement politique, le Mahajana Sabha , qui s'inspire des méthodes des nationalistes indiens de non-coopération et de désobéissance civile. Au début de l'année 1947, enfin, est fondé le Congrès national de l'Inde française, qui réclame la fusion des comptoirs dans l'Union indienne.

L'indépendance de l'Inde en août 1947 s'accompagne d'une grande agitation dans les comptoirs, que la promesse d'organiser un référendum d'autodétermination permet d'apaiser. Lors de la consultation organisée à Chandernagor le 19 juin 1949, 99 % des électeurs se prononcent en faveur du rattachement de la ville à l'Union indienne.

Aucun référendum n'est en revanche organisé dans les autres comptoirs. En réaction, le gouvernement de Nehru décide, en 1954, d'imposer un blocus qui ne tarde pas à menacer Pondichéry d'asphyxie. Le gouvernement de Pierre Mendès-France, désireux de régler la question indienne en même temps que la question indochinoise, accepte d'ouvrir des négociations qui aboutissent à la signature d'un accord le 21 octobre 1954. Le transfert de facto des possessions françaises à l'Inde est effectif le 1 er novembre 1954. Le traité de cession, signé à New Delhi le 28 mai 1956, ne sera ratifié par la France que le 27 juillet 1962 18 ( * ) .

* 15 Le cinquième comptoir, Chandernagor, est intégré à l'Etat du Bengale-Occidental.

* 16 Source : recensement de 2001.

* 17 Le tsunami a fait environ un millier de victimes à Pondichéry et a entraîné, pour des raisons encore mal comprises, une diminution des ressources halieutiques.

* 18 Le lecteur désireux d'approfondir sa connaissance de l'histoire de la présence française en Inde peut consulter l'ouvrage Histoire de l'Inde moderne (1480- 1950), réalisé sous la direction de Claude Markovits, édition Fayard, 1994, notamment les chapitres IV, XII et XXVI.

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