3. Les inégalités territoriales

a) Un élitisme au coeur de l'élitisme

Votre mission souhaite, par ailleurs, insister sur les inégalités géographiques , non négligeables pour deux raisons principales :

- la carte des classes préparatoires comporte des « trous » et l'on constate des disparités entre les territoires ;

- il existe une hiérarchisation, savamment entretenue, entre classes prépas.

S'agissant du premier point, d'après Mme Marie Duru-Bellat, sociologue auditionnée par votre mission, et ainsi qu'il a été dit précédemment, l'offre de « prépas » s'avère bien plus fournie dans les établissements au public favorisé : un tiers des lycées se situant dans le quart des établissements au public le plus favorisé ont une classe prépa, contre 5 % de ceux se situant dans le quart le moins favorisé. L'offre est relativement beaucoup plus importante en Ile-de-France ; or, pour tous les choix scolaires, il existe un phénomène d'attraction de l' « offre ». Mais les recherches montrent également que les élèves choisissent davantage une prépa dans les établissements fréquentés par un public socialement favorisé. De ce point de vue, il conviendra d'observer l'impact de l'assouplissement de la carte scolaire, engagée par le Gouvernement, sur la mixité sociale des établissements.

Pour M. Richard Descoings, directeur de l'IEP de Paris, cette inégalité territoriale est flagrante, alors que la seule présence de CPGE dans une ville ou un quartier garantit pourtant l'existence d'une information sur les grandes écoles. En effet, un choix historique a été arrêté en vue de limiter leur nombre et de les concentrer, pour les raisons suivantes :

- le coût par élève : il s'agit là de l'argument officiel ;

- le présupposé d'un déterminisme social et territorial : quelles seraient les chances de ces jeunes d'accéder à une grande école ?

- un certain malthusianisme des professeurs en CPGE, qui souhaiteraient ainsi préserver les avantages et le prestige liés à leur corps (en quelque sorte « plus le club serait fermé, plus il serait chic »).

S'agissant du second point, il apparaît difficile d'éviter que les taux d'entrée des étudiants de telle ou telle classe prépa dans les grandes écoles les plus prestigieuses ait un impact sur sa notoriété relative. De plus, ce phénomène se trouve amplifié par les classements réalisés par les médias, qui n'évoquent toutefois que l'entrée dans les quelques « très grandes écoles ». On oublie malheureusement trop souvent de relayer la réussite, y compris professionnelle, d'anciens étudiants de classes prépas moins connues et moins « parisiennes » dans de nombreuses autres écoles.

La qualité de la formation dispensée s'impose dans l'ensemble des classes préparatoires de proximité et ceci suppose un vivier de professeurs suffisant.

A cet égard, on ne peut pas ne pas évoquer la question de l'affectation des professeurs en CPGE, car elle n'est bien entendu pas sans conséquence sur la réputation et l'attractivité de tel ou tel lycée. Certains vont jusqu'à évoquer, comme on l'a vu, « l'aristocratie des enseignants » en évoquant les professeurs de CPGE. La question est de savoir si les modalités de recrutement des professeurs n'entretiendraient pas la hiérarchisation des classes prépas et, par là même, la « ségrégation » entre « prépas » parisiennes et « prépas » de province, et entre ces dernières elles-mêmes ?

Ainsi que le souligne M. Marc Dupuis, dans « Le Monde de l'Education » de février 2007 : « Dans un système scolaire pyramidal, qui repose sur la note et la sélection, ce qui est valable pour les élèves l'est aussi pour les enseignants. Ainsi, y a-t-il des prépas « étoilées » (scientifiques de haute volée) dont les profs sont également étoilés, des khâgnes plus prestigieuses que d'autres, et il est plus gratifiant d'être prof de maths dans une prépa matheuse que littéraire, ou prof dans une prépa de centre-ville plutôt que de banlieue. Encore que ce type de mentalité hypercompétitive soit en train de changer. »

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