C. LES SOLUTIONS : SUBTIL PANACHAGE DE PRÉVENTION ET DE RÉPRESSION

Selon les types de supportérisme, les réponses des autorités publiques aux violences dans les stades doivent être différenciées. La France connaît en effet une situation où les deux modèles de supportérisme, britannique (faible degré d'organisation des supporters, chants en choeur, violence) et italien (degré élevé d'organisation des supporters, spectacle, fumigènes et violence) coexistent et où un panachage des réponses préventives et répressives doit être utilisé. Dans le cas des débordements spontanés, le dialogue, le contrôle endogène par les associations de supporters et, éventuellement les interdictions de stade, sont à privilégier, alors que, s'agissant des hooligans, l'information et la répression sont les deux outils principaux.

Vos rapporteurs ont souhaité aborder l'ensemble des instruments à utiliser pour prévenir ou sanctionner les comportements violents des supporters afin d'analyser précisément leur intérêt et les tempéraments qu'on pourrait éventuellement leur apporter.

1. La prévention

a) L'accueil des supporters

Le rapport Taylor de 1990 insistait en Angleterre sur la nécessité d'une politique d'accueil des supporters pour prévenir la violence dans les stades. A partir des années 1980, les autorités britanniques ont donc incité les clubs de football à employer des « stewards » 44 ( * ) , personnels rémunérés par les clubs et chargés d'assurer l'accueil et la surveillance des spectateurs à l'intérieur des stades. Désormais la quasi-totalité des clubs anglais ont recruté des stadiers qui, en assurant le contrôle des accès, l'accueil et la canalisation des supporters, en les encadrant physiquement, en rappelant les règles de bonne conduite et en informant à la fois les spectateurs et les services de sûreté, jouent un rôle d'intermédiaires précieux, ce qui permet à la police de n'intervenir que pour des incidents graves.

La fonction de stadier y est donc essentielle et de nombreuses rencontres se jouent aujourd'hui en Angleterre sans aucune présence policière.

Rappelons qu'aux termes des articles L. 332-1 et L. 332-2 du code du sport, l'organisateur d'un spectacle sportif, récréatif ou culturel, est responsable de la sécurité des personnes dans l'enceinte de la manifestation, et doit également surveiller ses accès 45 ( * ) . Dans le cas du football, les clubs sont donc responsables des rencontres qui se déroulent dans le stade qu'ils occupent . La fonction des stadiers correspond donc à une obligation légale. Ils ont un rôle préventif, le club faisant appel aux forces de police afin de rétablir l'ordre 46 ( * ) .

Selon le guide des directeurs de l'organisation et de la sécurité dans les stades de la LFP, leur mission repose sur trois axes : l'accueil , l'orientation et la prévention . Ils jouent un rôle important grâce à leur connaissance des supporters et de leurs habitudes, ce qui peut leur permettre d'intervenir en tant que médiateurs entre les supporters et les forces de police 47 ( * ) , que ce soit avant, pendant ou après le match. Repérer les conflits potentiels et les prévenir est une tâche difficile qui nécessite une présence massive sur les bords du terrain.

La Ligue de football préconise ainsi la mise en place en moyenne d'un stadier pour 100 spectateurs 48 ( * ) , et a prévu une formation de 80 heures validée par un diplôme fédéral.

La question de la formation est centrale. Le Paris Saint-Germain avait échoué à sécuriser le stade avec les stadiers mis en place dans les années 1990, en raison d'une politique de recrutement « des grands frères », à savoir de supporters issus de la tribune Auteuil, qui n'avaient ni l'autorité, ni l'expérience, ni parfois l'envie de participer à la prévention des violences. S'il doit transmettre les valeurs du club, le stadier ne doit pas être un supporter mais bien un professionnel qui travaille an étroite collaboration avec les services de police.

Ce recrutement des stadiers est aujourd'hui d'autant plus important que la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure les a autorisé à procéder aux palpations de sécurité 49 ( * ) , sous le contrôle d'un officier de police judiciaire. Les modalités d'agrément des membres des services d'ordre et des salariés des sociétés privées sous contrat avec les clubs ont été définies par le décret n° 2005-307 du 24 mars 2005, permettent de s'assurer que les agents ont une formation adéquate.

Vos rapporteurs notent toutefois que les bénévoles utilisés par les services d'ordre peuvent être agrémentés après une formation d'une « demi-douzaine d'heures » (circulaire NOR/INT/D/05/00090/C) alors que les agents des sociétés sous contrat doivent justifier de 2 ans d'expérience dans le domaine du gardiennage ou de la surveillance.

Les fouilles permettent notamment d'empêcher l'entrée de fumigènes dans le stade et d'objets dangereux qui pourraient être projetés sur les joueurs et les arbitres. Le 5 avril dernier, au cours du match entre l'AS Roma et Manchester United, des violences ont fait dix-huit blessés : l'ancien arbitre international, Anders Frisk, estimait que la police italienne avait commis une erreur majeure en ne fouillant pas les spectateurs à l'entrée 50 ( * ) .

Vos rapporteurs insistent donc sur la mise en place, dans tous les clubs, d'un nombre suffisant de stadiers, dont l'image neutre est favorable à la prévention des comportements répréhensibles, et sur la formation, notamment des bénévoles.

* 44 Le terme de « stadier », utilisé en France, est la traduction directe des « stewards » anglais dont la France s'est inspirée à partir de la Coupe du monde de 1998.

* 45 Cette obligation concerne les manifestations à but lucratif et comptant plus de 1 500 personnes. A contrario, l'État est responsable de la sécurité aux abords des stades et dans les autres cas.

* 46 Les stadiers peuvent ainsi intervenir en cas de conflit entre des spectateurs ou inviter les agitateurs à quitter les lieux, mais la responsabilité d'expulser physiquement un spectateur récalcitrant d'un stade incombe aux services de police ou de gendarmerie.

* 47 La LFP cite le cas des mégaphones qui ne sont pas strictement interdits dans les stades et que les policiers tendent à proscrire, alors que les stadiers peuvent les accepter s'ils connaissent les supporters concernés.

* 48 Selon la LFP, 85 % des dépenses de sécurité sont consacrées au contrôle d'accès, à l'accueil et à la rémunération des stadiers. Les 15 % restants sont consacrés aux dépenses de police et de secours médical.

* 49 La LFP, avec le soutien du ministère de l'intérieur et des clubs, a au demeurant créé une formation spécifique des stadiers à la pratique des palpations au sein des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2.

* 50 Propos recueillis dans l'Equipe du 6 avril 2007, dans un article au nom évocateur : « à qui la faute ?».

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