Rapport d'information n° 23 (2007-2008) de M. Roland du LUART , fait au nom de la commission des finances, déposé le 9 octobre 2007

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N° 23

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 octobre 2007

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur l' aide juridictionnelle ,

Par M. Roland du LUART,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Mme Marie-France Beaufils, M. Roger Besse, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, André Ferrand, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Christian Gaudin, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

INTRODUCTION

L'aide juridictionnelle (AJ) est en crise.

Une crise financière doublée d'une crise morale . L'heure n'est plus aux « replâtrages » et encore moins aux effets d'annonce. Le système appelle, bien au contraire, une « remise à plat », qui tienne compte des attentes comme des responsabilités de chacune des parties prenantes. Dans un contexte budgétaire contraignant, cette indispensable réforme ne pourra être conduite que dans le respect de la philosophie d'origine de ce dispositif : l'aide aux plus démunis. Mais elle doit aussi s'appuyer sur deux principes perdus de vue au fil du temps : la transparence et la responsabilisation .

En réalité et d'une certaine façon, l'AJ est victime de son succès . Alors qu'on dénombrait, en 1991, 348.587 admissions, ce nombre s'est élevé, en 2006, à 904.532. Peu de dispositifs d'aide publics ont connu, sur une période aussi courte, une si forte progression, avec toutes les répercussions qu'elle implique sur les acteurs de l'institution judiciaire et les montants financiers concernés.

Lorsqu'en 1991 le législateur forgeait la pierre angulaire du dispositif actuel, la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique , il n'imaginait certainement pas l'ampleur que prendrait cette politique visant à un égal accès au droit et à la justice, quelque soient les ressources des justiciables.

La loi de 1991 s'inscrivait, en effet, dans une continuité et dans une logique déjà ancienne. Dès 1851, le souci de garantir un équitable accès aux tribunaux et à la justice trouvait son inscription dans la loi 1 ( * ) . Rompant avec une vision de l'accès au droit proche d'une mission humanitaire d'assistance, la loi n° 72-11 du 3 janvier 1972 instituant l'aide judiciaire reconnaît un droit à l'aide judiciaire, totale ou partielle, subordonné à un seuil de revenu.

Ce principe guide encore l'esprit de la loi de 1991 qui ouvre toutefois plus largement le champ de l'accès au droit. Désormais, il ne s'agit plus seulement de réfléchir en termes d'AJ, entendue comme une prise en charge totale ou partielle des frais du procès, mais d'informer et de conseiller, notamment sur les modes de résolution des conflits alternatifs au procès. Ainsi, l'accès à la justice se complète d'un accès au droit au sens large , comme l'illustre notamment la création des conseils départementaux de l'aide juridique (CDAJ).

Si elle se révèle assurément favorable aux justiciables avec les plus faibles ressources en leur garantissant un accès au prétoire et une défense de qualité, cette montée en puissance du dispositif ne va pas sans soubresauts, menaçant parfois de paralyser l'appareil judiciaire dans son ensemble. Ainsi, en 2000, de premiers mouvements dans les barreaux témoignent du mécontentement de la profession d'avocat . La charge assumée par les avocats devient toujours plus lourde sous l'effet de l'augmentation considérable des admissions à l'AJ. Parallèlement, la rétribution correspondante à ces missions couvre de plus en plus difficilement les frais de cabinets soumis à une contrainte de rentabilité financière.

L'année 2006 marque un point de rupture . Longtemps tempérées, les craintes des avocats se font plus vives à l'approche de l'examen du projet de loi de finances pour 2007. La revalorisation de l'unité de valeur (UV), servant de référence pour la rétribution des missions à l'AJ, cristallise les mécontentements. Partout sur le territoire, des barreaux se mettent en grève et manifestent dans la rue. L'augmentation finalement obtenue de la valeur de l'UV (+ 8 %), par un amendement cosigné par votre rapporteur spécial et notre collègue Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois, apaise le conflit, sans toutefois y apporter de solutions de long terme.

Les enjeux du débat sont lourds de conséquences au regard de l'accès au droit et à la justice comme de l'idée que chacun se fait de l'institution judiciaire dans son ensemble. Le spectre du désengagement de l'Etat , conçu ici comme un soutien financier se réduisant comme « peau de chagrin » sous l'effet de la contrainte budgétaire, est régulièrement agité, notamment par une profession d'avocat consciente de son devoir d'aide aux plus démunis mais légitimement désireuse de ne pas supporter seule le fardeau de cette « mission de service public ». Le souci compréhensible des justiciables bénéficiant de l'AJ de ne pas pâtir d'une défense « au rabais » , de moindre qualité car assurée par des avocats démobilisés, doit également être pris en compte. Tout comme doit être justement mesuré le malaise diffus au sein de classes dites « moyennes » déplorant d'être toujours trop riches pour être aidées, y compris en matière de justice, et toujours trop pauvres pour engager sereinement, c'est-à-dire sans obstacle financier, une action devant les tribunaux pour défendre leurs droits.

Parce que le système mis en place par la loi de 1991 a assurément trouvé ses limites, votre rapporteur spécial a souhaité conduire une mission de contrôle, sur pièce et sur place, dans le cadre de la mission qui lui a été conférée en application de l'article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Sans une courageuse remise en plat du dispositif de l'AJ, c'est l'existence même de cette aide pour les plus démunis qui pourrait être remise en cause. Il y a urgence à agir !

LES 18 PROPOSITIONS
DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

I - LES AVOCATS ET LES AUXILIAIRES DE JUSTICE

1 - Etablir un « barème horaires » mieux adapté qu'aujourd'hui à la réalité du travail accompli par l'avocat, afin de permettre sa juste rémunération ;

2 - Impliquer l'ensemble de la profession d'avocat autour du bon fonctionnement de l'AJ par la mise en place d'un dispositif fondé sur une participation des avocats soit en temps, « participation temps », soit par le biais d'une contribution financière, « participation financière » ;

3 - Développer « les protocoles de qualité de la défense » passés entre les barreaux, d'une part, et les juridictions, d'autre part, et envisager l'extension de tels protocoles à la matière civile, afin de garantir encore plus largement la qualité de la prestation dont profite le bénéficiaire de l'AJ ;

4 - Envisager le regroupement des Caisses autonomes de règlement pécuniaire des avocats (CARPA) .

II - LES BÉNÉFICIAIRES DE L'AJ ET LES AUTRES JUSTICIABLES

1 - Créer un « ticket modérateur justice » laissant à la charge du bénéficiaire de l'AJ une part de la dépense de justice liée à son affaire ;

2 - Systématiser la conclusion d' une convention entre l'avocat et le bénéficiaire de l'AJ , en vue d'une plus grande responsabilisation de part et d'autre ;

3 - Simplifier la procédure de retrait de l'AJ ;

4 - Mieux organiser l'information du justiciable sur les règles de recouvrement éventuel des sommes engagées, et faire en sorte que, dès l'intervention de la décision de justice, il ait connaissance du montant à rembourser le cas échéant ;

5 - Faciliter, dans les cas de recouvrement , les procédures de paiement dès la sortie du tribunal.

III - L'ETAT

1- Systématiser l'évaluation de l'impact sur les crédits de l'aide juridictionnelle de toute nouvelle loi ;

2 - Enrichir la formation initiale et continue des magistrats et des greffiers par une approche plus complète et plus directe du fonctionnement et des enjeux de l'AJ ;

3 - Lancer une mission d'audit sur l'organisation et le fonctionnement des bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ) et diffuser les bonnes pratiques ainsi repérées ;

4 - Enrichir l'évaluation de la performance du programme « Accès au droit et à la justice » par un indicateur rendant compte du taux d'émission des états de recouvrement de l'AJ par les juridictions, selon les degrés d'instance, et d'un indicateur mesurant le délai de délivrance de l'attestation de fin de mission (AFM) à l'avocat ;

5 - Tirer profit de la réforme de la carte judicaire pour définir une nouvelle stratégie de répartition des moyens, en particulier humains, dédiés au traitement des demandes d'AJ ;

6 - S'appuyer encore plus largement sur les maisons de la justice et du droit (MJD) et les points d'accès au droit (PAD) afin d'en faire des relais entre les demandeurs de l'AJ et le Palais de justice ;

7 - Imaginer de nouveaux points de relais entre les demandeurs de l'AJ et les Palais de justice : mairies, commissariats , associations d'aide aux victimes, chambres de commerce... ;

8 - Diffuser encore plus largement l'usage des nouvelles technologies au sein du système de l'AJ : dossiers de demande d'AJ téléchargeables en ligne sur internet, plates-formes numériques sécurisées d'échange entre les juridictions, d'une part, et les avocats et les auxiliaires de justice, d'autre part, vidéoconférence... ;

9 - Mettre en conformité la France avec les règles qui s'imposent à tous les Etats membres de la Communauté européenne en matière de TVA à taux réduit (pour les prestations de l'avocat).

I. L'AIDE JURIDICTIONNELLE : UNE MÉCANIQUE COMPLEXE

La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique , entrée en vigueur le 1 er janvier 1992, constitue le socle du système actuel en matière d'AJ. Elle a, d'une part, substitué l'AJ à l'aide judiciaire et, d'autre part, instauré l'aide à l'accès au droit, comprenant l'aide à la consultation, ainsi que l'assistance au cours de procédures non juridictionnelles.

Afin de mieux comprendre la mécanique complexe mise en oeuvre dans le cadre de l'AJ par ce texte, votre rapporteur spécial se propose de répondre à une série de questions simples permettant de mieux cerner les contours du dispositif comme la logique qui le sous-tend.

A. QUI PEUT BÉNÉFICIER DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE ?

1. Des conditions de nationalité peu restrictives pour les personnes physiques

La loi de 1991, modifiée par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ainsi que par la loi n° 2007-210 du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de protection juridique, ouvre largement le bénéfice de l'AJ aux personnes physiques.

Aux termes de son article 3, toute personne physique de nationalité française peut prétendre à l'AJ. Il en va de même pour les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne .

Les personnes de nationalité étrangères peuvent également être admises à l'AJ, à condition qu'elles résident habituellement et régulièrement en France . Cette condition de résidence habituelle et régulière peut cependant faire défaut si leur « situation apparaît particulièrement digne d'intérêt au regard de l'objet du litige ou des charges prévisibles du procès ».

La condition de résidence disparaît , en outre, pour les personnes de nationalité étrangère, dès lors qu'il s'agit de mineurs ou que la personne est confrontée à une procédure pénale (témoin assisté, inculpé, prévenu, accusé, condamné ou partie civile, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité).

Cette condition de résidence n'est pas non plus requise dans le cas des procédures prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant le maintien en zone d'attente 2 ( * ) , le refus de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire 3 ( * ) , l'obligation de quitter le territoire ou la reconduite à la frontière 4 ( * ) , l'expulsion 5 ( * ) , la prolongation de la rétention par le juge des libertés et de la détention 6 ( * ) , ainsi que l'appel de décisions d'éloignement 7 ( * ) .

Par ailleurs, la loi précitée du 24 juillet 2006 a modifié les conditions d'octroi de l'AJ devant la commission des recours des réfugiés . En effet, devant cette commission, l'AJ sera désormais accordée, à compter du 1 er décembre 2008, aux étrangers résidant habituellement en France . La loi précitée du 24 juillet 2006 a ainsi supprimé la condition supplémentaire de l'entrée régulière sur le territoire national ou de la détention d'un titre de séjour d'une durée de validité au moins égale à un an.

Cette évolution touchant à l'octroi de l'AJ devant la commission des recours des réfugiés comportera probablement des conséquences sur le nombre des demandes d'AJ ainsi que sur celui des admissions. Un accroissement des demandes d'aide et des admissions à l'AJ doit en être attendu, sans qu'il soit possible pour l'instant de précisément l'évaluer . Au cours de sa mission, ce point a été souligné auprès de votre rapporteur spécial tant par les magistrats et fonctionnaires en charge du traitement des demandes d'AJ que par les représentants de la profession d'avocat.

Votre rapporteur spécial considère d'ailleurs que cet exemple illustre une dérive regrettable sur laquelle il reviendra dans la partie III-C du présent rapport : l'absence d'évaluation en amont de l'impact sur les dépenses d'AJ de tout nouveau texte soumis au vote du Parlement .

Enfin, les litiges transfrontaliers 8 ( * ) , en matière civile ou commerciale, peuvent également donner lieu à octroi de l'AJ (article 3-1 de la loi précitée du 10 juillet 1991 et modifiée par la loi précitée du 19 février 2007).

2. Des personnes morales pouvant également prétendre à l'aide juridictionnelle

L'AJ ne concerne pas uniquement les personnes physiques, même si bien sûr ces dernières représentent la majorité écrasante des demandes et des admissions. Des personnes morales peuvent également y prétendre, aux termes de l'article 2 de la loi précitée du 10 juillet 1991.

D'une part, les personnes morales à but non lucratif (des associations, par exemple) ayant leur siège en France sont susceptibles de bénéficier, sous conditions de ressources, de l'AJ.

D'autre part, les syndicats de copropriétaires d'immeubles peuvent également être admis à l'AJ, lorsque l'immeuble fait l'objet d'un plan de sauvegarde ou lorsqu'un administrateur provisoire est désigné.

Enfin, de la même façon que pour les personnes physiques, les litiges transfrontaliers , en matière civile ou commerciale, peuvent donner lieu à l'octroi de l'AJ à une personne morale (article 3-1 de la loi précitée du 10 juillet 1991 et modifiée par la loi précitée du 19 février 2007).

3. Des conditions de ressources visant à « cibler » les plus démunis

L'octroi de l'AJ est soumis à une condition de ressources. Il s'agit là, naturellement, du ressort principal de ce dispositif , en conformité avec l'objectif recherché, comme le rappelle le premier alinéa de l'article 2 de la loi précitée du 10 juillet 1991 : « Les personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice peuvent bénéficier d'une aide juridictionnelle (...). ».

a) La prise en compte des ressources de toute nature, avec toutefois quelques correctifs

Dans ce cadre, les ressources de toute nature , dont le demandeur de l'AJ a directement ou non la jouissance ou la disposition, sont prises en considération (article 5 de la loi précitée du 10 juillet 1991).

Il est, en outre, tenu compte des « éléments extérieurs du train de vie » (même article). De même, sont estimés « l'existence de biens, meubles ou immeubles, même non productifs de revenus à l'exclusion de ceux qui ne pourraient être vendus ou donnés en gage sans entraîner un grave trouble pour l'intéressé » (même article).

L'appréciation des ressources passe également par celles du conjoint du demandeur à l'AJ , « ainsi que de celles des personnes vivant habituellement à son foyer, sauf si la procédure oppose entre eux les conjoints ou les personnes vivant habituellement au même foyer » (même article).

S'il existe entre eux, eu égard à l'objet du litige, une divergence d'intérêt rendant nécessaire une appréciation distincte des ressources ou si, lorsque la demande concerne l'assistance d'un mineur en application de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, se manifeste un défaut d'intérêt à l'égard du mineur des personnes vivant habituellement à son foyer, alors il n'est pas non plus tenu compte des ressources du conjoint (même article).

b) L'absence de conditions de ressources pour les plus « fragiles »

L'AJ est octroyée sans justification de ressources aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité (article 4 de la loi précitée du 10 juillet 1991).

Par ailleurs, dans toute procédure le concernant, le mineur entendu dans les conditions mentionnées à l'article 388-1 du code civil 9 ( * ) , s'il choisit d'être entendu avec un avocat ou si le juge procède à la désignation d'un avocat, bénéficie de droit de l'AJ (article 9-1 de la loi précitée du 10 juillet 1991).

De même, les victimes de crimes d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne 10 ( * ) , ainsi que leurs ayants droit, bénéficient de droit de l'AJ en vue d'exercer l'action civile en réparation des dommages résultant des atteintes à la personne (article 9-2 de la loi précitée du 10 juillet 1991).

Enfin, une exception à la règle générale de condition de ressources est prévue par l'article 6 de la loi précitée du 10 juillet 1991. En effet, l'AJ peut, à titre exceptionnel, être accordée aux personnes ne remplissant pas les conditions de ressources , dès lors que leur situation apparaît particulièrement digne d'intérêt au regard de l'objet du litige ou des charges prévisibles du procès ou bien si, dans les litiges transfrontaliers, elles apportent la preuve qu'elles ne pourraient faire face aux dépenses en raison de la différence du coût de la vie entre la France et l'Etat membre où elles ont leur domicile ou leur résidence habituelle.

c) Un double plafond de ressources

Le système de l'AJ, tel que défini par la loi de 1991, s'appuie sur un plafond de ressources mensuelles conditionnant l'octroi. Plus précisément, ce plafond est double, l'un concernant l'AJ totale et l'autre l'AJ partielle ( cf. infra , partie I-C, pour la définition de l'AJ totale et de l'AJ partielle).

Pour 2007, le plafond de l'AJ totale est fixé à 874 euros , tandis que celui de l'AJ partielle s'élève à 1.311 euros .

En outre, ces plafonds sont affectés de correctifs pour charges de famille . Ainsi, en 2007, ce correctif correspond à 157 euros pour chacune des deux premières personnes à charge, et à 99 euros pour chacune des personnes suivantes.

Une revalorisation annuelle de ces plafonds est prévue, au 1 er janvier de chaque année, et intervient en loi de finances. Cette revalorisation est égale à celle de la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu.

B. QUEL EST LE DOMAINE COUVERT PAR L'AIDE ?

1. Un champ de couverture étendu

L'AJ permet une prise en charge étendue des besoins des justiciables en terme de justice. L'article 10 de la loi précitée du 10 juillet 1991 précise ce champ.

L'AJ est accordée tant en matière gracieuse qu'en matière contentieuse, en demande comme en défense . Elle est également octroyée dans le cas la procédure d' audition du mineur prévue par l'article 388-1 du code civil ( cf. supra , partie I-A-3-c), ainsi que dans celui de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) 11 ( * ) .

Elle peut être accordée à l'occasion de l'exécution sur le territoire français d'une décision de justice ou de tout autre titre exécutoire, y compris s'ils émanent d'un autre Etat membre de l'UE 12 ( * ) .

Il est à souligner, enfin, que, sous les conditions précédentes, aucun litige n'est exclu, quand bien même son enjeu financier serait faible .

2. Une aide concernant les juridictions judiciaires et administratives à tous les degrés d'instance et permettant également de parvenir à une transaction avant l'introduction de l'instance

La loi précitée du 10 juillet 1991 n'introduit aucune distinction selon que l'affaire relève des juridictions administratives ou des juridictions judiciaires .

Devant les juridictions judiciaires, la matière peut être aussi bien civile que pénale .

L'AJ peut être accordée pour tout ou partie de l'instance, ainsi qu'en vue de parvenir à une transaction avant l'introduction de l'instance (article 10 de la loi précitée du 10 juillet 1991).

En cas de recours, la personne admise à l'AJ en conserve le bénéfice pour se défendre (article 8 de la loi précitée du 10 juillet 1991).

L'exécution de la décision de justice entre dans le champ de l'AJ. Aux termes de l'article 11 de la loi du 10 juillet 1991 précitée, l'AJ « s'applique de plein droit aux procédures, actes ou mesures d'exécution des décisions de justice obtenues avec son bénéfice, à moins que l'exécution ne soit suspendue plus d'une année pour une cause autre que l'exercice d'une voie de recours ou d'une décision de sursis à exécution ».

C. QUEL EST LE MONTANT DE L'AIDE ?

Le système mis en place par la loi de 1991 distingue deux catégories d'aides , selon le niveau des ressources mensuelles de la personne. On parle ainsi d'« AJ totale » et d'«AJ partielle ».

1. Une aide juridictionnelle totale pour les plus démunis

L'AJ totale vise à couvrir les dépenses qui incomberaient à son bénéficiaire s'il n'avait pas cette aide . Pour 2007, elle est ouverte aux personnes disposant de ressources mensuelles inférieures à 874 euros ( cf. supra , partie I-A-3-c).

L'AJ totale, au 1 er janvier 2007

(en euros)

Ressources mensuelles en 2006

Contribution de l'Etat

Pour une personne seule

Avec 1 personne à charge

Avec 2 personnes à charge

Avec 3 personnes à charge

Avec 4 personnes à charge

Avec 5 personnes à charge

Inférieures à 874

Inférieures à 1.031

Inférieures à 1.188

Inférieures à 1.287

Inférieures à 1.386

Inférieures à 1.485

100 %

Source : Chancellerie

Dans ce cas, ces dépenses sont à la charge de l'Etat . La rétribution de l'avocat (honoraires) est ainsi assurée par l'Etat, selon un barème 13 ( * ) tenant compte de la nature des missions et du nombre d'UV qui leur est affecté. Il en va de même pour l'avoué près la cour d'appel, le notaire, l'huissier de justice, le greffier titulaire de charge et le commissaire-priseur qui prêtent leur concours au bénéficiaire de l'AJ.

Votre rapporteur spécial détaillera ce mode de rémunération dans la partie I.E.

2. Une aide juridictionnelle partielle pour les plus modestes

Dans le cas où la personne demandeuse de l'aide dispose de ressources mensuelles supérieures à 874 euros mais inférieures à 1.311 euros ( cf. supra , partie I-A-3-c), c'est l'AJ partielle qui est accordée.

La part contributive de l'Etat au profit du bénéficiaire est alors, dans des conditions déterminées par un barème 14 ( * ) , inversement proportionnelle aux ressources du bénéficiaire .

Le barème de l'AJ partielle, au 1 er janvier 2007

(en euros)

Ressources mensuelles en 2006

Contribution de l'Etat

Pour une personne seule

Avec 1 personne à charge

Avec 2 personnes à charge

Avec 3 personnes à charge

Avec 4 personnes à charge

Avec 5 personnes à charge

de 875 à 914

de 1.032 à 1.071

de 1.189 à 2.128

de 1.288 à 1.327

de 1.387 à 1.426

de 1.486 à 1.525

85 %

de 915 à 964

de 1.072 à 1.121

de 1.229 à 1.278

de 1.328 à 1.377

de 1.427 à 1.476

de 1.526 à 1.575

70 %

de 965 à 1.034

de 1.122 à 1.191

de 1.279 à 1.348

de 1.378 à 1.147

de 1.477 à 1.546

de 1.576 à 1.645

55 %

1.035 à 1.113

1.191 à 1.270

1.349 à 1.427

1.448 à 1.526

1.547 à 1.625

1.646 à 1.724

40 %

1.114 à 1.212

1.271 à 1.369

1.428 à 1.526

1.527 à 1.625

1.626 à 1.724

1.725 à 1.823

25 %

1.213 à 1.311

1.370 à 1.468

1.527 à 1.625

1.626 à 1.724

1.725 à 1.823

1.824 à 1.922

15 %

Supérieures à 1.311

Supérieures à 1.468

Supérieures à 1.625

Supérieures à 1.724

Supérieures à 1.823

Supérieures à 1.922

0 %

Source : Chancellerie

L'AJ partielle laisse donc à son bénéficiaire la charge d'un honoraire fixé par convention avec l'avocat ou d'un émolument au profit des officiers publics et ministériels qui prêtent leur concours.

L'honoraire complémentaire , parfois appelé palmerium , de l'avocat est librement négocié. Le bénéficiaire de l'AJ et son avocat s'accordent sur une convention écrite préalable, qui fixe, en tenant compte de la complexité du dossier ainsi que des diligences et des frais imposés par la nature de l'affaire, le montant et les modalités de paiement de ce complément d'honoraires, dans des conditions compatibles avec les ressources et le patrimoine du bénéficiaire (article 35 de la loi précitée du 10 juillet 1991). Cette convention rappelle le montant de la part contributive de l'Etat et indique les voies de recours ouvertes en cas de contestation. Elle doit être communiquée dans les quinze jours de sa signature au bâtonnier, qui contrôle sa régularité ainsi que le montant du complément d'honoraires 15 ( * ) .

Les autres officiers publics ou ministériels (huissiers, avoués près la cour d'appel...) ont droit, de la part du bénéficiaire de l'AJ partielle, à un émolument complémentaire calculé sur la base de leurs tarifs dans des limites fixées par décret en Conseil d'Etat.

L'AJ partielle vise donc à aider le justiciable disposant de ressources mensuelles comprises entre 874 euros et 1.311 euros, tout en laissant à sa charge un complément de rémunération de l'avocat et des autres officiers publics ou ministériels.

D. COMMENT SONT INSTRUITES LES DEMANDES ?

1. Le filtre du bureau d'aide juridictionnelle (BAJ)

Le bureau d'aide juridictionnelle (BAJ), établi au siège de chaque tribunal de grande instance (TGI) ou institué auprès de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat 16 ( * ) ou des commissions des recours des réfugiés, joue un rôle essentiel au coeur du système de l'AJ . Il lui revient, en effet, de prononcer l'admission (ou la non-admission) à l'AJ, qu'elle soit totale ou partielle.

L'organisation du BAJ

Le BAJ comporte plusieurs sections :

- la section statuant sur les demandes portées devant les juridictions de première instance de l'ordre judiciaire ou la cour d'assises ;

- une section chargée d'examiner les demandes relatives aux affaires portées devant le tribunal administratif (TA) et les autres juridictions administratives statuant en premier ressort ;

- une section chargée d'examiner les demandes relatives aux affaires portées devant la cour d'appel ;

- une section chargée d'examiner les demandes relatives aux affaires portées devant la cour administrative d'appel et les autres juridictions administratives statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat.

Chaque BAJ et chaque section de BAJ est présidé, selon le cas, par un magistrat du siège du TGI ou de la Cour d'appel ou par un membre du TA ou de la Cour administrative d'appel 17 ( * ) . En outre, le greffier en chef du TGI ou de la Cour d'appel, selon les cas, est vice-président du bureau ou de la section chargés d'examiner les demandes d'AJ relatives aux instances portées devant les juridictions de première instance de l'ordre judiciaire et la cour d'assises ou devant la Cour d'appel 18 ( * ) .

Le BAJ ou chaque section de BAJ comprend, en outre, deux fonctionnaires ainsi que deux auxiliaires de justice , dont au moins un avocat ou un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Ces représentants des professions de justice sont choisis parmi les avocats, les avocats honoraires, les huissiers de justice, les huissiers de justice honoraires, les avoués, les avoués honoraires, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation honoraires. Les auxiliaires de justice sont désignés par leurs organismes professionnels.

Le BAJ accueille, enfin, une personne désignée au titre des usagers par le CDAJ. Ce membre ne doit être ni agent public, ni membre d'une profession juridique et judiciaire.

En fonction de la taille du TGI et du nombre de demandes d'AJ traitées, le BAJ peut s'appuyer, par ailleurs, sur un nombre d'agent variant de 1 à 10 équivalent temps plein travaillé (ETPT) , selon les estimations recueillies par votre rapporteur spécial auprès du service de l'accès au droit et à la justice et de la politique de la ville (SADJPV) du ministère de la justice.

A titre d'information, votre rapporteur spécial joint en annexe un exemplaire du dossier de demande d'AJ adressé, une fois rempli, au BAJ (annexe 2).

2. L'exemple du BAJ de Pontoise

Au cours de sa mission de contrôle, votre rapporteur spécial s'est rendu au TGI de Pontoise afin d'observer et d'étudier sur place le fonctionnement d'un BAJ. Ce choix a été dicté par le caractère relativement représentatif de ce BAJ placé auprès d'un « petit » TGI à l'échelle de la région parisienne mais d'un « grand » TGI à l'échelle du reste de la France. Par ailleurs, son ressort géographique (sud-ouest du département du Val d'Oise) l'amène à traiter des affaires impliquant des populations aux niveaux de ressources relativement faibles, donc susceptibles de solliciter fréquemment l'AJ.

Les moyens humains du BAJ de Pontoise

Pour mener à bien ses missions, le BAJ de Pontoise s'est appuyé en 2006, pour son secrétariat, sur un magistrat, pour 20 % de son temps, un greffier et deux agents administratifs à temps plein, soit 3,2 ETPT .

La taille de l'effectif mis à disposition du BAJ permet difficilement de faire face à d'éventuels arrêts maladie ou congés maternité et rend donc ardu le lissage de la charge de travail au cours de l'année entre les membres de l'équipe.

Cette gestion des ressources humaines délicate se double d'un sous-effectif persistant souligné par le président du BAJ dans le bilan pour 2006 adressé à Monsieur le garde des Sceaux, ministre de la justice, le 20 mars 2007.

Afin de palier ce déficit en moyens humains, des affectations de vacataires ont eu lieu au cours de l'année 2006 pour renforcer les effectifs du BAJ. Il a, par ailleurs, été fait recours à deux stagiaires.

Source : TGI de Pontoise

En 2006, le BAJ de Pontoise a ainsi enregistré 13.010 dossiers de demande d'AJ . Sur la même année, sa section civile a rendu 6.361 décisions, tandis que sa section administrative a prononcé 1.038 décisions.

L'objectif de traitement des dossiers, en termes de délai, était fixé pour 2006 à un délai maximum de deux mois ( cf. infra , partie III-H-1). Cet objectif n'a pas pu être atteint, même si le retard dans le traitement des dossiers est passé de six mois en 2005 à quatre mois en 2006 .

Ce résultat, encore inférieur aux espérances, représente toutefois un progrès encourageant et a été rendu possible par une meilleure rationalisation de la chaîne de traitement des demandes .

Des gains de temps et de productivité ont également été réalisés grâce à l'implication du président du BAJ, ainsi que du président de sa section administrative . Ces deux présidents ont, en effet, statué seuls, en application de l'article 22 de la loi précitée du 10 juillet 1991, sur les demandes ne présentant pas de difficultés particulières : demandes émanant de bénéficiaires du RMI, demandes de plein droit et rejet de dossiers incomplets.

Les avancées en matière de délai de traitement des demandes d'AJ résultent également d' un engagement résolu et d'une mobilisation forte des membres et des personnels du BAJ . Votre rapporteur spécial tient ici à saluer leurs efforts .

Les membres du BAJ représentant les services concernés par l'attribution de l'AJ (direction départementale des affaires sanitaires et sociales, services fiscaux) ainsi que les représentants du barreau et des auxiliaires de justice (huissiers) ont ainsi fait preuve d' une grande assiduité aux séances du BAJ et ont assumé, à tour de rôle, l'instruction et le rapport sur chaque dossier.

E. COMMENT EST RÉTRIBUÉ L'AVOCAT ?

1. Un avocat choisi ou « commis d'office »

Aux termes de l'article 25 de la loi précitée du 10 juillet 1991, le bénéficiaire de l'AJ a droit à l'assistance d'un avocat et à celle de tous officiers publics ou ministériels dont la procédure requiert le concours.

Deux cas de figure peuvent alors se présenter. Dans la première hypothèse, le bénéficiaire de l'AJ choisit lui même l'avocat et les officiers publics ou ministériels. Dans la seconde, en l'absence de choix par le justiciable ou en cas de refus de l'auxiliaire de justice choisi, l'avocat et les officiers publics ou ministériels sont désignés par le bâtonnier ou par le président de l'organisme professionnel dont il dépend. On parle alors, notamment, d'avocat « commis d'office ».

A cet égard, il convient de souligner que l'auxiliaire de justice qui prêtait son concours au bénéficiaire de l'AJ avant que celle-ci ait été accordée doit continuer de le lui prêter après l'admission. Il ne pourra en être déchargé qu'exceptionnellement 19 ( * ) .

En cas d'appel , le bénéficiaire de l'AJ est assisté ou représenté par l'avocat qui lui avait prêté son concours en première instance au titre de cette aide, sauf choix contraire de la partie ou refus de l'avocat.

Bien évidemment, l'occurrence de l'une ou l'autre des hypothèses décrites dépend notamment de la familiarité du bénéficiaire de l'AJ avec la mécanique judiciaire et de sa connaissance préalable d'un avocat, ou des officiers publics ou ministériels qu'il souhaite faire intervenir pour le règlement de son affaire. Ainsi, de ce point de vue, le système de l'AJ ne peut totalement écarter une certaine inégalité entre les justiciables, selon leur plus ou moins bonne maîtrise de l'appareil judiciaire .

En outre, il faut souligner que la profession d'avocat, via ses « Ordres » 20 ( * ) , s'organise pour répondre à la demande de désignation de l'un des membres du barreau. Cette désignation, par le bâtonnier, s'effectue essentiellement sur un critère de spécialisation dans la matière dont relève l'affaire du justiciable (droit pénal, droit de la famille...). Ainsi, beaucoup de barreaux ont-ils mis en place, pour les comparutions immédiates, un système de « permanences pénales » , organisées en lien avec la juridiction. Les avocats tiennent alors cette permanence pour assurer la prise en charge des dossiers pénaux, à tour de rôle.

De ce point de vue, le barreau de Paris présente une particularité . A la différence des autres barreaux, les avocats commis d'office y sont désignés parmi une liste composée d'avocats s'étant portés volontaires pour ce type de missions. Cette originalité n'est pas sans conséquence sur la profession d'avocat considérée dans son ensemble, dans la mesure où le barreau de Paris réunit plus de 17.000 avocats sur un total plus de 47.000 à l'échelle nationale 21 ( * ) .

2. Un barème de référence combinant unité de valeur (UV) et poids des missions

L'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'AJ perçoit une rétribution versée par l'Etat .

a) L'aide juridictionnelle totale

La rétribution des avocats qui prêtent leur concours au bénéficiaire de l'AJ totale est déterminée en fonction du produit de l'UV, fixée par la loi de finances, et des coefficients représentatifs du poids de chaque mission pour l'avocat (article 50 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991).

La valeur de l'UV, au 1 er janvier 2007, est de 22,50 euros ( cf. infra , partie II-C-4).

Le barème présentant les coefficients tient compte, pour chaque type de mission, d'un coefficient de base et prévoit des majorations possibles et cumulables.

Au civil , ces majorations (dans la limite de 16 UV) peuvent résulter de la survenance d'incidents dans la procédure, de mesures de médiation ordonnées par le juge, de l'intervention d'experts, de vérifications personnelles du juge ou d'autres mesures d'instruction (dont les enquêtes sociales).

Au pénal , ces majorations sont liées au nombre de jours supplémentaires d'audience, au déroulement du débat contradictoire ou de l'audience préalable dans un établissement pénitentiaire, au déroulement de l'audience dans une emprise portuaire ou aéroportuaire, aux expertises décidées, aux déplacements réalisés ou au nombre d'auditions supplémentaires décidées.

Votre rapporteur spécial joint en annexe ces barèmes (cf. annexe 3).

b) L'aide juridictionnelle partielle

En cas d'AJ partielle, la part contributive de l'Etat au profit du bénéficiaire est, dans des conditions déterminées par un barème fixé par décret en Conseil d'Etat, inversement proportionnelle aux ressources du bénéficiaire ( cf. supra , partie I-C-2).

Comme votre rapporteur spécial l'a indiqué, l'AJ partielle laisse à son bénéficiaire la charge d'un honoraire librement négocié et fixé par convention avec l'avocat ou d'un émolument au profit des officiers publics et ministériels qui prêtent leur concours.

3. Le rôle pivot des Caisses autonomes de règlement pécuniaire des avocats (CARPA) dans le paiement des avocats

a) La dotation versée par l'Etat

L'Etat affecte annuellement, à chaque barreau, une dotation représentant sa part contributive aux missions d'AJ accomplies par les avocats du barreau. La dotation due au titre de chaque année donne lieu au versement d'une provision initiale versée en début d'année. La dotation est ensuite ajustée, pour chaque barreau, en cours d'année en fonction de l'évolution du nombre des admissions à l'AJ (dotation complémentaire). Elle est liquidée en fin d'année sur la base du nombre des missions achevées.

Le montant de cette dotation correspond au produit du nombre de missions d'AJ accomplies par les avocats du barreau, du coefficient par type de procédure et de l'UV.

Dans le cas des AJ totales , l'UV est majorée en fonction du volume des missions effectuées au titre de l'AJ au cours de l'année précédente au regard du nombre d'avocats inscrits au barreau.

Votre rapporteur spécial joint en annexe la ventilation de ces dotations par barreau pour l'exercice 2006 (annexe 4).

b) Les avocats rétribués via les CARPA

La dotation est versée sur un compte spécial de la caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), prévue au 9° de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Elle est intégralement affectée au paiement des avocats effectuant des missions d'AJ.

Il convient de rappeler que la CARPA n'est pas un établissement financier 22 ( * ) . Mais les avocats exerçant en France doivent obligatoirement y déposer l'argent qu'ils reçoivent pour le compte de leurs clients, dès lors que ces fonds sont accessoires à un acte professionnel, judiciaire ou juridique, et ce quelque soit l'instrument du paiement remis à l'avocat. Elle offre au client de l'avocat la garantie de la représentation des fonds remis à son conseil.

La CARPA, créée sous le statut d'association, fonctionne sous le contrôle de l'Ordre qui l'a instituée. Il existe aujourd'hui 153 CARPA , correspondant aux 182 barreaux de France métropolitaine, des départements d'outre-mer et de Nouméa.

Les CARPA placent les fonds ainsi récoltés . En effet, alors que chaque mouvement individuel de fonds ne recueillerait qu'un produit financier médiocre, la mutualisation de tous les fonds perçus au titre de la rétribution de l'AJ conduit à un solde pouvant être placé sur les marchés financiers avec une espérance de gain substantiel.

II. UN SYSTÈME AU BORD DE L'IMPLOSION ?

Au cours des différentes auditions qu'a pu mener votre rapporteur spécial, un consensus s'est très largement dégagé sur le diagnostic devant être porté sur le système de l'AJ en vigueur depuis 1992.

Ce système va mal, il est proche de l'implosion .

Quelque soit la profession, quelque soit la position des acteurs, de la Chancellerie aux avocats en passant par les BAJ, la conscience nette d'un dispositif ayant atteint ses limites est apparue.

Ce constat pourrait presque être rassurant en ce qu' un diagnostic partagé constitue la meilleure des bases de réforme . Il n'en demeure pas moins inquiétant, dès lors qu'il traduit un profond malaise et de lourdes incertitudes quant à la pérennité d'une mécanique non seulement complexe mais à bout de souffle.

A. UN ACCROISSEMENT CONSIDÉRABLE DU NOMBRE D'ADMISSIONS

1. Un bilan d'ensemble caractérisé par une dynamique de croissance très soutenue

Quel bilan quantitatif tirer de la mise en place de l'AJ au terme de 15 ans d'existence ? Le constat essentiel réside en une forte croissance du nombre d'aides accordées.

Le graphique ci-dessous décrit l'évolution des admissions à l'AJ, quelque soit sa nature (totale ou partielle), depuis 1991.

En 1991, le nombre des admissions s'élevait à 348.587 AJ . Ce total correspondait à une situation antérieure, régie par la loi précitée du 3 janvier 1972 instituant l'aide judiciaire. Au 1 er janvier 1992, la loi précitée du 10 juillet 1991 est entrée en vigueur.

Sous l'empire du nouveau régime législatif, les admissions à l'AJ font un bond dès 1992-1993 23 ( * ) et passent à 512.892 en 1993 . En l'espace de deux ans, la progression ainsi enregistrée est de + 47,1 %, sous l'effet de conditions de ressources plus larges fixées par la loi de 1991.

Cette dynamique à la hausse se confirme au cours des quatre années suivantes , la progression s'élevant à + 13 % en 1994, + 11,5 % en 1995, + 3 % en 1996 et + 6,6 % en 1997.

De 1998 à 2000, le dispositif paraît avoir atteint son régime de croisière avec une quasi stabilité du nombre des admissions : 703.746 en 1998, 704.650 en 1999 et 698.779 en 2000. En 2001, une baisse significative (- 5,9 %) se dessine même.

Le volume des admissions à l'AJ renoue pourtant dès 2002 avec sa dynamique de croissance (+ 4,7 %), celle-ci s'accélérant en 2003 (+ 9,8 %) et 2004 (+ 10 %). Au cours de cette période 2002-2004, non seulement le nombre des admissions à l'AJ progresse, mais le rythme de croissance s'emballe . Au final, 831.754 admissions sont prononcées en 2004.

En 2005 , l'emballement du rythme de la croissance des admissions ne se poursuit pas, mais l'augmentation du volume des admissions à l'AJ demeure très significative : + 6,6 % au cours de l'exercice avec un montant final de 886.533 admissions .

L'année 2006 ne rompt nullement avec le cycle de croissance et voit 904.532 admissions prononcées 24 ( * ) . Entre 2005 et 2006, le nombre d'admissions aura ainsi à nouveau progressé de + 2 %.

Au total, malgré une stabilisation de 1998 à 2000 et même un recul significatif en 2001, le nombre des admissions a connu une hausse considérable entre 1991 et 2006 : + 159,5 % .

Si l'on isole « l'effet rattrapage » lié à la transition entre le régime de la loi de 1972 et celui de la loi de 1991, l'augmentation des admissions demeure à un niveau très élevé : + 76,4 % entre 1993 et 2006 .

Un tel résultat peut diversement s'interpréter . S'il témoigne d'une réussite incontestable du dispositif en place (réponse adaptée à une attente des justiciables, bonne diffusion de l'information quant à l'existence de cette aide), il traduit aussi, en creux, une certaine paupérisation de la population française et fait peser une lourde hypothèque sur la soutenabilité de la dépense consacrée à l'AJ sur le moyen terme ( cf. infra , partie II-C).

2. La très forte progression de l'aide juridictionnelle « totale »

Comment s'explique la dynamique d'ensemble de l'AJ ? L'examen de l'évolution de l'AJ totale apporte un éclairage essentiel sur les raisons de la croissance du nombre des admissions à l'AJ .

Par ailleurs, l'étude du nombre d'admis à l'AJ totale permet non seulement d'apporter une explication quantitative s'agissant de la tendance à la hausse observée depuis 1991, mais elle offre aussi une approche plus qualitative du bilan de la loi précitée du 10 juillet 1991, de par le public concerné par l'AJ totale ( cf. supra partie I-C-1).

Le graphique ci-dessous décrit l'évolution des admissions à l'AJ totale depuis 1991.

La situation de départ correspond à un nombre d'admis à l'AJ totale de 302.986 en 1991 . Ce volume d'AJ totale s'inscrit encore dans la logique du système de la loi de 1972.

Il connaît une très forte augmentation sur les deux premières années d'entrée en vigueur de la loi de 1991, pour atteindre finalement 442.991 bénéficiaires fin 1993 , soit une hausse de + 46,2 % entre 1991 et 1993 25 ( * ) .

La croissance du nombre de décisions d'admission prononcées se poursuit à un rythme soutenu entre 1994 et 1997 : + 14 % en 1994, + 12,1 % en 1995, + 2,9 % en 1996 et + 6,5 % en 1997 (pour 709.606 bénéficiaires de l'AJ totale cette année là).

La tendance s'inverse entre 1998 et 2001 avec une très légère décrue (- 1,3 % en 1998, - 0,1 % en 1999 et - 1 % en 2000), plus marquée toutefois en 2001 (- 5,8 %).

Le mouvement à la hausse reprend cependant dès 2002 avec une augmentation de + 4,7 % du nombre d'admissions (soit un montant total en fin d'année de 688.637). Le rythme s'accélère en 2003 et 2004 avec une progression, respectivement, de + 10,9 % et de + 10,8 %. En 2005, l'augmentation est encore de + 6,7 % pour un nombre total d'admissions de 783.690.

L'année 2006 s'inscrit dans le prolongement de cette tendance avec une hausse de + 2 % du nombre des admissions qui atteint 799.153 bénéficiaires de l'AJ totale 26 ( * ) .

Au final, l'AJ totale aura connu une progression de + 163,8 % entre 1991 et 2006 .

3. L'aide juridictionnelle « partielle » : demi-succès ou demi-échec ?

Après l'étude de l'évolution du nombre des admissions à l'AJ (totale et partielle) et à l'AJ totale, l'examen de la courbe de croissance de l'AJ partielle ne peut pas surprendre . L'AJ partielle correspond en effet, mathématiquement, au complément ajouté à l'AJ totale pour atteindre le nombre des bénéficiaires à l'AJ quelque soit sa nature.

Le graphique ci-dessous décrit l'évolution des admissions à l'AJ partielle depuis 1991.

L'analyse de la hausse de l'AJ partielle révèle une progression plus « linéaire » que celle de l'AJ totale . Entre 1991 et 2006, l'AJ partielle a constamment augmenté, à l'exception de l'année 2001 où elle a enregistré une baisse de - 6,1 % du nombre de ses admissions.

Alors qu'en 2001 elle comptait 45.601 bénéficiaires, elle en dénombre désormais, à fin 2006, 105.379 27 ( * ) , soit une augmentation de + 131,1 % sur la période .

En 2001, dans son rapport sur la réforme de l'accès au droit et à la justice 28 ( * ) , M. Paul Bouchet parlait de « l'échec de l'aide juridictionnelle partielle ». Il constatait notamment que « le nombre de bénéficiaires de l'aide juridictionnelle partielle est limité, correspondant à environ 15 % du nombre de bénéficiaires de l'aide totale (93.000 bénéficiaires pour l'aide partielle, 606.000 pour l'aide totale en 2000) alors que le nombre de ménages couverts peut être évalué de façon grossière à 71 % de celui des ménages entrant dans le champ de l'aide totale ».

Six ans plus tard, le constat chiffré n'a guère évolué pour ce qui est de la part de l'AJ partielle dans l'ensemble des admissions à l'AJ . Le graphique ci-dessous fournit un élément de comparaison entre la situation existante en 1991 et celle prévalant aujourd'hui. On constate que la part de l'AJ partielle dans le nombre total des admissions reste limitée dans le temps.

Comparaison du poids de l'aide totale et de l'aide partielle dans les admissions en 1991 et 2006

1991

2006

Source : répertoire de l'aide juridictionnelle - Sous-direction de la statistique, des études et de la documentation

Pour autant, le bilan de l'AJ partielle doit probablement être nuancé et, alors que le rapport Bouchet préconisait la suppression de cette aide (au profit d'une aide totale améliorée), il convient assurément de préserver ce « filet de sécurité » .

Sa progression entre 1991 et 2006 (+ 131,1 %) témoigne, tout d'abord, d'une demande bien réelle. Son niveau en valeur absolue (105.379 bénéficiaires à fin 2006) impose, en outre, une approche prudente au vu du nombre important de justiciables concernés. Enfin et surtout, les auditions que votre rapporteur général a pu mener au cours de sa mission l'ont conforté dans sa conviction qu' en matière d'accès à la justice les « effets de seuil » doivent être tempérés le plus possible, au risque d'introduire un clivage doublé d'une profonde frustration entre « ceux ayant droit » à la prestation et une classe moyenne exclue brutalement du bénéfice d'aide et de soutien . Or, précisément, le mécanisme de l'AJ partielle permet de limiter une douloureuse fracture en la matière.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial souhaite souligner que s'il y a bien une croissance très forte des admissions à l'AJ depuis 1991 (+ 159,5 %), cette tendance résulte beaucoup plus de l'AJ totale que de l'AJ partielle . En effet, non seulement la première à augmenté dans des proportions supérieures à la seconde (+ 163,8 % contre + 131,1 %), mais son poids est beaucoup plus important dans le nombre total des admissions prononcées au titre de l'AJ.

4. La concentration de l'aide sur certains contentieux

L'AJ se répartit de manière très inégale selon le type de contentieux . Le graphique ci-dessous présente une ventilation en fonction des principales catégories.

Il convient de souligner deux catégories de contentieux se détachant du reste des procédures, de par les masses d'affaires concernées : le contentieux pénal et les procédures devant le juge aux affaires familiales (JAF) .

Le nombre d'AJ accordées au titre du contentieux pénal s'est élevé, en 2006, à 389.485 29 ( * ) .

Les affaires relevant de la compétence du JAF arrivent en deuxième position des admissions à l'AJ avec, en 2006, 224.089 AJ octroyées.

Le tableau ci-dessous présente une ventilation détaille, pour l'année 2005, des admissions à l'AJ selon la nature de la procédure .

L'évolution dans le temps des admissions à l'AJ selon la nature des procédures est présentée par le tableau ci-dessous.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1991, quelques grandes tendances peuvent ainsi être constatées.

Le contentieux administratif comme le contentieux relatif aux conditions de séjour des étrangers (dont les reconduites à la frontière) ont connu une progression régulière au cours de la période observée. En dépit de leur taille restreinte au regard du nombre total des admissions à l'AJ, il convient de souligner leur progression extrêmement forte en proportion. En effet, le contentieux administratif relevant de l'AJ a enregistré une hausse de + 527,8 % entre 1993 et 2006 , tandis que celui touchant aux conditions de séjour des étrangers a augmenté de + 652,6 % .

Le contentieux pénal a, lui aussi, connu une forte progression, quoique dans des proportions moindres que les deux précédents contentieux, dans la mesure où il a progressé de + 113,6 % sur la période considérée.

Le contentieux civil (hors JAF) et celui relevant du JAF ont pour, leur part, cru dans des proportions moins importantes, bien que très significatives, de respectivement + 41,6 % et de + 48,5 % .

B. DES AVOCATS « À LA PEINE »

Les avocats constituent l'un des rouages essentiels du système de l'AJ . Pourtant, depuis plusieurs années, la machine se « grippe ». Les mouvements des barreaux en 2000, puis à nouveau en 2006, agissent comme autant d'électrochocs pour rappeler les difficultés auxquelles la profession est confrontée dans le cadre des missions d'AJ.

Contrainte de rentabilité économique, lourdeurs administratives et incertitudes quant à la pérennité du système actuel placent les avocats dans un dilemme bien compliqué à résoudre, entre le devoir moral d'assister les plus fragiles devant la justice et une logique économique dictant ses impératifs.

1. La survie de certains cabinets en question

Tous les avocats ne contribuent pas au fonctionnement de l'AJ. Cependant, sur les 47.798 répartis sur le territoire, 22.466 avocats ont exercé au moins une mission d'AJ en 2005 (21.489 l'année précédente) 30 ( * ) , soit un peu moins de un sur deux (47 %) .

Alors qu' au moment du vote de la loi de 1991, peu d'informations statistiques étaient à la disposition du législateur sur cette profession et son investissement dans la bonne marche de l'aide judiciaire (telle que définie par la loi précitée du 3 janvier 1972), la situation a connu une sensible amélioration depuis lors. En particulier, le Conseil national des barreaux (CNB), par son Observatoire de l'AJ, produit depuis quelques années des séries statistiques permettant d'apporter un éclairage complémentaire sur la situation des avocats au regard de ces missions. La création d'un tel Observatoire et son activité statistique s'expliquent, d'ailleurs, non seulement par le souhait légitime de mieux connaître les trajectoires des avocats mais aussi, probablement, par une certaine inquiétude de la profession quant aux effets réels de l'AJ sur le fonctionnement des cabinets.

Le taux de 47 % des avocats ayant exercé au moins une mission d'AJ en 2005 ne représente qu' une moyenne nationale pouvant cacher de fortes disparités . En effet, la situation des avocats au regard de l'AJ varie d'un barreau à l'autre, dès lors que chaque barreau est maître de son organisation notamment en matière de désignation des avocats pour les dossiers d'AJ et d'organisation des permanences.

Le nombre de missions accomplies par un avocat peut ainsi différer fortement d'un avocat à l'autre . Tandis que certains n'effectuent que très occasionnellement des missions d'AJ, « d'autres y consacrent une part importante de leur activité professionnelle » 31 ( * ) .

Le tableau ci-dessous permet de mieux cerner cette réalité.

La répartition des missions d'aide juridictionnelle entre les avocats

La segmentation par strates de la profession d'avocat en fonction du nombre de missions d'AJ réalisées permet une analyse plus fine de la diversité des situations. En particulier, elle met en lumière un nombre moyen de missions réalisées par avocat variant entre 6,84 et 284,33 .

Ce mode d'approche souligne, en outre, une concentration des missions d'AJ sur un nombre relativement limité d'avocats . En effet, la segmentation mise en oeuvre met en évidence que 20 % des avocats ayant mené au moins une mission d'AJ (soit 4.492 avocats) assurent 64 % des missions 32 ( * ) .

Rapportée au nombre total d'avocats exerçant sur le territoire (47.798), la proportion d'avocats exerçant 64 % des missions ressort donc à 9,4 % .

Ce chiffre permet, notamment, de remettre en perspective l'affirmation souvent entendue selon laquelle certains avocats vivent essentiellement de l'AJ .

A ce stade de l'analyse, une donnée fait toutefois défaut pour appréhender encore plus finement cette affirmation. En effet, la part de l'AJ dans le montant annuel des bénéfices non commerciaux déclarés par les cabinets n'est actuellement mesurée par aucun indicateur. Cette lacune nuit à une juste appréciation de la situation financière des avocats sur laquelle l'AJ est concentrée.

Toutefois, au cours des auditions qu'il a menées, votre rapporteur spécial estime que les cas de cabinets vivant essentiellement sur l'AJ ne sont probablement pas aussi fréquents que l'image couramment véhiculée .

Il n'en reste pas moins qu'une difficulté économique se pose aux avocats conduisant des missions à l'AJ en termes de « seuil de rentabilité » . Un avocat est aussi un chef d'entreprise, qui ne peut s'abstraire d'une logique économique s'accordant parfois difficilement avec la logique de l'AJ. En particulier, il doit couvrir des charges liées à son activité et dont les principaux postes correspondent à son loyer, son salaire et celui de ses éventuels collaborateurs, ses déplacements, ses assurances et ses sources documentaires. Pour chaque dossier traité, il se livre donc à un calcul de rentabilité simple s'appuyant, notamment, sur l'amortissement de ses charges fixes. De ce calcul résulte l'établissement du niveau des honoraires proposés par convention à son client.

Dans le cadre de l'AJ, cette approche est nécessairement modifiée dans la mesure où la rétribution de l'avocat est fixée par l'Etat (cf. le principe du barème décrit supra, dans la partie I-E-2). Et précisément, la profession d'avocat considère aujourd'hui que le montant de l'UV est notablement inférieur au « point mort » (ie seuil de rentabilité) des cabinets .

Un exemple, tiré du rapport d'étape de la commission « Accès au droit » du CNB adopté les 12 et 13 janvier 2007 en assemblée générale, permet de comprendre l'argumentation développée par la profession.

UV et « point mort » des cabinets d'avocat : un exemple tiré du rapport d'étape de la commission « Accès au droit » du CNB adopté les 12 et 13 janvier 2007
en assemblée générale

Le rapport d'étape de la commission « Accès au droit » du CNB, adopté les 12 et 13 janvier 2007 en assemblée générale, met en lumière l'insuffisance du montant de l'UV au moyen d'un cas pratique à valeur représentative.

L'exemple s'appuie sur un cabinet composé de 2,5 avocats et de 1,5 secrétaire. Le cabinet est situé en province et son taux de charge s'élève à environ 60 % du chiffre d'affaires réalisé. Son taux horaire est de 150 euros hors taxe pour une facturation sur la base de 1.300 heures facturables.

Dans ces conditions, le « point mort horaire » du cabinet est estimé aux alentours de 100 euros .

Le montant de l'UV étant de 22,50 euros et cette UV étant censée correspondre à une demi-heure de travail de l'avocat, la rétribution de ce dernier au titre de l'AJ se monte à 45 euros de l'heure.

Un différentiel de 55 euros existe donc entre le « point mort horaire » du cabinet et la rétribution au titre de l'AJ. L'écart se creuse si la rétribution au titre de l'AJ est rapportée au taux horaire pris pour hypothèse (150 euros hors taxe) puisque le différentiel atteint alors 105 euros.

De cet exemple le CNB conclut que la charge de l'AJ est financée à hauteur de deux tiers environ par le cabinet d'avocat et de un tiers par l'Etat .

Par ailleurs, l'avocat à l'AJ travaille à perte, la rétribution horaire étant inférieure à son « point mort horaire ».

Dans le même rapport, le CNB précise que le nombre d'avocats ayant exercé des missions à l'AJ a augmenté régulièrement au cours des dernières années (de 1,8 point entre 2002 et 2005). Afin d'expliquer cette tendance à la hausse et ce paradoxe apparent (l'avocat travaille à perte sur les missions d'AJ, mais de plus en plus d'avocats font de l'AJ), il souligne qu'« à défaut d'être correctement indemnisée, les missions accomplies au titre de l'AJ ont l'avantage de générer facilement un volume d'activité et, une fois enclenchées, d'être effectivement payées. Avantage pour les cabinets individuels qui trouvent ainsi une source de revenus sûre. ».

Par ailleurs, votre rapporteur spécial estime que, dans une logique strictement économique, l'existence de l'AJ permet également de solvabiliser une demande de justice, qui ne pourrait probablement que difficilement s'exprimer sans la contribution financière de l'Etat .

2. La cristallisation autour du montant de l'unité de valeur (UV)

Les débats autour de l'AJ se sont principalement cristallisés, au cours des derniers mois, sur le montant de l'UV . Ainsi, à l'automne 2006, la profession d'avocat manifestait son souhait de voir l'UV revalorisée de + 15 %.

Dans son rapport précédemment cité, M. Paul Bouchet soulignait déjà en 2001 que la rétribution des avocats avait progressé mais sans que les engagements initiaux aient été tenus en la matière. Il soulignait notamment que l'effort budgétaire avait été multiplié par trois en huit ans (entre 1992 et 2000) au titre de l'AJ alors que, dans le même temps, le nombre de bénéficiaires n'avaient fait que doubler. Il rappelait toutefois que l'objectif initial, qui était d'aboutir sur trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi de 1991 à une rétribution horaire de 345 francs (soit 53 euros) n'avait pas été atteint. En effet, alors que l'UV avait été fixée à 125 francs (19 euros) en 1992, elle n'avait fait l'objet que de revalorisations limitées l'ayant finalement portée à un niveau de 134 francs (20 euros) en 2001.

Le tableau suivant permet de retracer l'évolution de l'UV entre 1992 et 2007 .

Evolution de l'UV depuis 1992

(en euros et en francs courants ainsi qu'en euros 2006 et en francs constants 2006)

1992

1993

1995

1998

2000

2004

2007

Montant de l'UV en francs courants

125

128

130

132

134

136,70

147,59

Montant de l'UV en euros courants (*)

19,06

19,51

19,82

20,12

20,43

20,84

22,50

Coefficient de transformation du franc d'une année en euro 2006 (**)

0,19112

0,18722

0,18102

0,17416

0,17041

1,03500

1,00000

Montant de l'UV en euros constants 2006

23,89

23,96

23,53

22,99

22,83

21,57

22,50

Evolution en euros constants par rapport à 1992

+0,3%

-1,5%

-3,8%

-4,4%

-9,7%

-5,8%

Montant de l'UV en francs constants 2006

156,71

157,19

154,36

150,80

149,79

141,49

147,59

(*) 1 euro = 6,55657 francs

(**) Source : INSEE le pouvoir d'achat de l'euro et du franc -Coefficient de transformation de l'euro ou du franc d'une année en euro ou en franc d'une autre année (pour 2007, les données ne sont pas disponibles, le coefficient 2006 a donc été conservé)

Source : Chancellerie

Conformément à l'article 27 de la loi précitée du 10 juillet 1991, le montant de l'UV est fixé par la loi de finances. Au total, depuis 1991, ce montant a été déterminé par sept lois de finances depuis 1991 , la dernière en date étant la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007.

De l'examen des revalorisations successives de l'UV, il ressort que cette unité de référence a progressé en euros courants, mais moins vite que l'inflation. Ainsi, le montant de l'UV en euros constants a régressé de - 5,8 % entre 1992 et 2007 .

3. Un barème de rétribution en voie d'obsolescence

L'impasse financière décrite par la profession d'avocat est concomitante d' une « usure » progressive du barème retenu pour calculer la rétribution des missions d'AJ.

Au-delà de la problématique de la revalorisation de l'UV, la question se pose, en effet, de la base de référence même de ce barème .

L'UV était à l'origine conçue comme représentative d'une demi-heure de travail de l'avocat. Or, cette correspondance semble avoir perdu de son sens au fil du temps. Au point que, désormais, l'UV ne peut plus que s'apparenter de très loin à la rétribution d'une demi-heure de travail de l'avocat . En réalité, cette référence pratique est désormais devenue largement théorique.

Un tel constat n'est pas sans incidence sur le décalage , vigoureusement critiqué par la profession d'avocat, entre le « point mort horaire » et la rétribution des missions à l'AJ.

4. Des lourdeurs administratives agissant comme autant de circonstances aggravantes

Les revendications des avocats en matière d'AJ, parfois même leur exaspération à l'égard du système en place, ne peuvent se comprendre sans un éclairage sur les difficultés et les lourdeurs administratives auxquelles ils sont confrontés dans l'accomplissement de leurs missions.

En la matière, votre rapporteur spécial n'aura pas la prétention de recenser ici toutes les « péripéties » rencontrées dans la conduite d'une mission d'AJ : les anecdotes qui lui ont été rapportées au cours des auditions qu'il a menées sont innombrables et d'inégale importance. Il souhaite à tout le moins relever les plus révélatrices et les plus emblématiques .

La principale difficulté à laquelle sont confrontés les avocats lors d'une mission d'AJ tient à une délivrance souvent tardive de l'attestation de fin de mission (AFM) .

L'attestation de fin de mission (AFM)

L'AFM est délivrée, par le greffier de la juridiction saisie, à l'avocat ayant assisté son client bénéficiaire de l'AJ. Elle mentionne la nature de la procédure, les diligences effectuées et le montant de la contribution de l'Etat à la mission de l'avocat. Une seule attestation, prenant en compte tous les événements survenus pendant le déroulement de l'instance civile ou pénale, est délivrée. Lorsque la mission est achevée avant la saisine du BAJ (cas notamment de l'urgence pénale), l'avocat commis d'office joint à la demande d'AJ l'AFM qui lui a été délivrée.

Cette attestation revêt un caractère essentiel pour l'avocat dans la mesure où le paiement qu'il va demander à la CARPA est subordonné à la transmission de cette pièce .

En matière d'assistance éducative, l'AFM est délivrée lorsque le juge des enfants rend le jugement sur le fond.

En 2006, le CNB a réalisé une consultation de la profession par l'intermédiaire d'un questionnaire 33 ( * ) . Ce « sondage », pour autant qu'il puisse être représentatif, met en lumière que le délai moyen de délivrance de l'AFM au greffier de la juridiction par l'avocat est de un mois. Toutefois, ce délai moyen cache manifestement de fortes disparités et 54 % des avocats ayant répondu au questionnaire du CNB ont fait part de difficultés pour obtenir les AFM . Il ressort de la même étude que, dans certains barreaux, le délai de délivrance peut aller parfois jusqu'à « trois, six ou neuf mois » 34 ( * ) . Souvent, dans de tels cas, les retards sont notamment imputables à un défaut de personnels de greffe affectés à ces tâches et / ou à des effectifs de greffe insuffisants.

Une fois l'AFM reçue, le délai de règlement des AJ varient, en outre, de quelques jours à plusieurs mois 35 ( * ) . Ce délai paraît fluctuer de manière aléatoire en fonction des barreaux.

En bout de chaîne, l'avocat ayant réalisée une mission à l'AJ doit, dans certains cas, patienter plusieurs mois, parfois même plusieurs années si le procès est particulièrement complexe et long, avant de se voir rétribué. Cet état de fait peut, on s'en doute, avoir de graves répercussions sur la trésorerie et la santé financière des cabinets, notamment dans le cas des petites structures effectuant un nombre important d'AJ.

C. UN RISQUE D'ASPHYXIE BUDGÉTAIRE

1. L'enveloppe budgétaire sous la menace d'un dérapage

Dans un contexte budgétaire tendu et sous la nécessité de respecter les règles qui s'imposent aux Etats membres de l'UE en matière de maîtrise des déficits et de la dette publique, les enjeux budgétaires de l'AJ se révèlent particulièrement importants.

L'évolution de l'enveloppe budgétaire consacrée à l'AJ entre 1991 et 2006 est présentée sur la page suivante.

L'analyse de cette évolution dans le temps met, tout d'abord, en évidence un bond des crédits alloués au financement de l'AJ entre 1991 et 1992 , date d'entrée en vigueur de la loi précitée du 10 juillet 1991. Cette hausse est, en effet, de + 114,3 % , la dépense (en euros courants) progressant de 61,14 millions d'euros en 1991 à 131,02 millions d'euros en 1992.

De 1992 à 2006 , cette dépense est ensuite passée de 131,02 millions d'euros à 300,41 millions d'euros, soit une augmentation de + 129,3 % .

Au total, sur la période 1991-2006, l'enveloppe des crédits consommés aura progressé de + 391,3 % .

En euros constants, c'est-à-dire après neutralisation de la variable que constitue l'inflation, cette tendance à la forte hausse est à peine moins marquée . Ainsi, l'augmentation de la dépense s'élève à + 109,3 % entre 1991 et 1992, + 82,9 % entre 1992 et 2006, et + 282,8 % entre 1991 et 2006.

La loi de finances pour 2007 36 ( * ) a ouvert une autorisation en crédits de paiement (CP) à hauteur de 328,7 millions d'euros et prévoit des autorisations d'engagement (AE) pour un montant total de 359,7 millions d'euros. Votre rapporteur spécial reviendra plus en détail ultérieurement ( cf. infra , partie II-C-4) sur la revalorisation de + 8 % , obtenue à l'occasion du débat budgétaire en 2007, de l'UV et donc de l'enveloppe budgétaire dédiée à l'AJ pour 2007.

Ainsi, rapportée aux crédits de la justice en France (6.271,1 millions d'euros de CP ouverts par le PLF pour 2007), la dépense de l'AJ représente, en 2007, 5,2 % de l'enveloppe budgétaire globale consacrée à la justice .

L'aide juridictionnelle dans le projet de loi de finances pour 2008

Le PLF pour 2008 prévoit une ouverture de crédits à hauteur de 318,1 millions d'euros en CP au titre de l'AJ (action n° 1 « Aide juridictionnelle » du programme n° 101 « Accès au droit et à la justice »).

Cette enveloppe budgétaire se situe ainsi en recul de - 3,2 % par rapport aux crédits ouverts pour 2007 , alors que le nombre d'admissions prévues pour 2008 (905.000) est identique à celui anticipé pour 2007 (Cf. projet annuel de performances de la mission « Justice » pour 2008).

Rapportée au total des ouvertures de crédits demandées au titre de la mission « Justice » pour 2008 (6.519,3 millions d'euros de CP), l'AJ représente 4,9 % de l'enveloppe budgétaire globale consacrée à la justice dans le PLF 2008.

Le poids relatif de l'AJ dans le budget de la justice et sa dynamique depuis 1991-1992 font de cette dépense une variable dont l'évolution est très préoccupante .

La maîtrise budgétaire du dispositif actuel est d'autant plus difficile que l'AJ, comme le rappelait votre rapporteur spécial dans son rapport sur les crédits de la mission « Justice » lors de la discussion du PLF pour 2007 37 ( * ) , peut s'analyser comme une dépense dont le justiciable est l'ordonnateur .

A cet égard, votre rapporteur spécial reprend volontiers à son compte l'expression utilisée par un magistrat, lors des auditions qu'il a menées, pour illustrer la situation actuelle : « le robinet coule... et on n'arrive pas à le fermer ! » 38 ( * ) .

2. La France dans une « moyenne basse » au regard du budget moyen consacré à l'aide juridictionnelle

Sous les observations précédentes, un élément de réflexion complémentaire peut être apporté par une comparaison internationale concernant le budget moyen consacré à l'AJ .

En France, la dépense unitaire moyenne pour une mission d'AJ se monte, en s'appuyant sur les données 2006 (904.532 admissions prononcées, 300,41 millions d'euros de crédits consommés), à 332,11 euros .

La Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) 39 ( * ) a réalisé une étude comparative en 2006 sur les systèmes judiciaires européens, en s'appuyant sur les données fournies par les Etats pour l'année 2004. Le résultat de cette étude du point de vue du montant moyen de l'aide judiciaire allouée par affaire est présenté dans le graphique suivant.

Le montant moyen de l'aide judiciaire allouée par affaire en 2004

(en euros)

* budget estimé ou calculé

Source : rapport sur les systèmes judiciaires européens, CEPEJ, Edition 2006

Quelques réserves méthodologiques doivent, certes, être apportées par votre rapporteur spécial concernant cette étude.

En effet, le montant unitaire moyen calculé pour une affaire relevant à l'AJ en France (350 euros) ne correspond pas exactement à l'estimation (329,32 euros) que votre rapporteur peut lui-même réaliser à partir des données à sa disposition et communiquées par la Chancellerie pour 2004 (831.754 admissions prononcées, 273,92 millions d'euros de crédits consommés).

En outre, ce résultat doit bien évidemment être interprété avec un certain recul en tenant compte des fortes spécificités de chaque pays en matière d'AJ, d'ailleurs soulignées par l'étude de la CEPEJ.

Toutefois, cette comparaison permet de dresser un tableau d'ensemble de l'AJ dans les pays membres du Conseil de l'Europe qui, dans les grandes lignes, n'est probablement guère éloigné de la réalité.

On constate ainsi que la France, au regard du budget moyen consacré à une affaire relevant de l'AJ, se situe plutôt dans une « moyenne basse » , devant le Danemark, le Portugal et la Belgique, mais loin derrière l'Islande, l'Angleterre et l'Irlande.

Le dilemme auquel elle est confrontée n'en est que plus compliqué à résoudre.

3. La nouvelle donne induite par la LOLF

Avec la mise en oeuvre de la LOLF, la physionomie de l'AJ a connu des modifications sensibles du point de vue budgétaire.

L'enveloppe consacrée à l'AJ relève désormais d'une action spécifique, l'action n° 1 « Aide juridictionnelle » , au sein du programme n° 101 « Accès au droit et à la justice » relevant de la mission « Justice ».

Par ailleurs, les crédits contenus dans cette enveloppe, qui étaient auparavant simplement évaluatifs, sont devenus limitatifs .

Le circuit de paiement de la dépense en a été modifié . Jusqu'au 31 décembre 2005, ces crédits (évaluatifs) étaient payés directement par le trésorier payeur général (TPG). Depuis le 1 er janvier 2006, la procédure de paiement de droit commun est appliquée. Celui-ci est effectué, après mandatement par le service administratif régional (SAR) de chaque cour d'appel, par le TPG près cette cour.

Un mode de gestion de la dépense renouvelé avec la mise en oeuvre de la LOLF

Le mode de gestion des crédits de l'AJ retenu par le ministère de la justice dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF se singularise par rapport aux autres programmes de la mission. Cette gestion s'effectue à trois niveaux distincts.

Un budget opérationnel de programme (BOP) central , placé sous la responsabilité du responsable du programme « Accès au droit et à la justice » (actuellement Mme Marielle Thuau, chef du SADJPV), est en charge de la gestion des dotations versées aux CARPA, de la dotation à la Caisse Nationale des Barreaux Français (droits de plaidoirie) et de la rétribution des avocats au Conseil d'Etat

Ainsi que l'indiquait l'annexe « Justice » du projet de loi de finances pour 2006, la complexité de l'analyse des données permettant de déterminer les dotations annuelles versées aux CARPA explique que la gestion de ces dépenses relève du BOP central. En effet, les dotations annuelles aux CARPA sont calculées à partir d'une prévision portant sur les missions achevées dans l'année et les missions engagées susceptibles de donner lieu au versement d'une provision. Elles tiennent compte également des reports résultant de la différence entre la dotation versée l'année précédente et la dotation liquidée. La liquidation de la dotation est prononcée à partir des bilans certifiés par un commissaire aux comptes.

Les autres dépenses (frais de procédure, rémunération des avoués de cour d'appel, des huissiers de justice, des notaires, des commissaires priseurs, des greffiers de tribunaux de commerce, des experts, des enquêteurs, des médiateurs, des interprètes et des traducteurs) , qui étaient jusqu'alors payées par les trésoreries générales sans ordonnancement ni engagement, sont désormais gérées par les SAR dans le cadre de BOP déconcentrés (un BOP par cour d'appel, placé sous la responsabilité des chefs de Cour).

Anticipant la mise en oeuvre de la LOLF, un protocole d'expérimentation de la gestion de l'AJ avait d'ailleurs été mis en place à la cour d'appel de Lyon en 2005, avec des résultats encourageants.

Enfin, le BOP de la Cour de cassation , placé sous la responsabilité du Premier Président de la Cour de cassation, regroupe la rétribution des avocats à la Cour de cassation et des huissiers.

Les conditions de délégation des crédits d'AJ aux CARPA ont également sensiblement évolué. Sous le régime de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, cette délégation de crédits s'opérait généralement courant mars / avril. Sous l'empire de la LOLF, elle intervient désormais plus tôt, dès janvier de chaque année.

Ce changement de calendrier n'est pas sans répercussions sur les conditions de gestion des CARPA. Ces caisses s'étaient constitué un fonds de roulement afin de subvenir aux échéances de règlement des AJ aux avocats en début d'exercice, avant la délégation de crédits. En outre, elles plaçaient leurs liquidités sur les marchés financiers afin que le produit de ces placements couvre leurs coûts de fonctionnement. Cette pratique est d'ailleurs toujours en vigueur aujourd'hui. Or, la mise en place de la LOLF s'accompagne d'un rythme de délégation plus proche de la réalité de la gestion de l'AJ au quotidien et d'une réduction des reports de dotation d'une année sur l'autre.

Dans cette perspective, deux questions se posent donc :

- qu'est devenu le fond de roulement des CARPA depuis la mise en oeuvre de la LOLF ?

- soumises désormais à des conditions de gestion plus « serrées », les CARPA parviendront-elles à couvrir désormais leurs coûts de fonctionnement ?

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, M. Pascal Clément, alors garde des Sceaux, ministre de la justice , s'était prononcé, en audition devant votre commission et en réponse à une question de votre président, M. Jean Arthuis, en faveur d'une « étude sur le niveau nécessaire du fonds de roulement » des CARPA 40 ( * ) .

A cet égard, votre rapporteur spécial se félicite que, à son initiative, votre commission ait demandé à la Cour des comptes, dans le cadre de sa mission d'assistance au Parlement prévue à l'article 58 - 2 de la LOLF, une enquête sur le fonctionnement et la gestion des CARPA.

Les conclusions de cette enquête, qui s'inscrit dans la continuité des relations très fructueuses entretenues par votre commission avec la Cour des comptes, permettront d'apporter un éclairage précieux sur, notamment, le devenir du fonds de roulement des CARPA ainsi que sur leurs charges de gestion.

Cette initiative paraît d'autant plus opportune à votre rapporteur spécial que le CNB lui-même, à l'occasion de la communication précitée de sa commission « Accès au droit et à la justice » en date du 24 octobre 2006, a souligné les difficultés de gestion des CARPA en la matière 41 ( * ) .

En s'appuyant sur les résultats du questionnaire adressé aux barreaux, le CNB évoque, dans cette même communication, des charges de gestion des CARPA, au regard de la dotation reçue au titre de l'AJ, variant entre 0,94 % et 6,18 % du montant de cette dotation. Il situe, en outre, les produits résultant du placement de cette dotation à un niveau compris entre 0,18 % et 1,30 % du montant de la dotation 42 ( * ) . La question se pose donc de la « soutenabilité financière » de cette gestion à moyen et long terme.

4. Un effort financier réalisé lors du projet de loi de finances pour 2007 méritoire, mais portant plus sur les symptômes que sur les causes de la crise

La discussion du projet de loi de finances pour 2007 a été l'occasion de clarifier les enjeux financiers de l'AJ tout en soulignant le risque d'impasse budgétaire à laquelle le système, en l'état, risque de se retrouver confronté.

A cet égard, votre rapporteur spécial considère que le débat parlementaire a pleinement joué son rôle et a fortement contribué à une nouvelle prise de conscience de la part de toutes les parties prenantes à ce mécanisme, s'il en était besoin .

Le projet de loi de finances pour 2007 déposé par le gouvernement devant le Parlement 43 ( * ) prévoyait initialement une majoration de l'AJ via une revalorisation de + 6 % du montant de l'UV. Cette revalorisation permettait de fixer le montant de la contribution de l'Etat à la rétribution de l'avocat à 22,09 euros (contre 20,84 euros depuis 2004).

Votre rapporteur spécial avait exprimé son doute quant au caractère suffisant de cette revalorisation 44 ( * ) , étant donnée la dynamique de croissance du nombre de demandes d'admission à l'AJ (+ 9,8 % en 2003, + 10 % en 2004 et + 6,6 % en 2005) et l'année de la dernière revalorisation de cette aide (2004).

Les crédits de paiement du programme « Accès au droit et à la justice » enregistrant un recul de 5,7 millions d'euros dans le projet de loi de finances présenté initialement par le gouvernement, votre rapporteur spécial avait alors proposé à votre commission un amendement afin d'augmenter (par redéploiement de crédits), dans une proportion plus conforme aux besoins attendus, l'enveloppe consacrée à l'AJ .

L'amendement de la commission des finances du Sénat
au projet de loi de finances pour 2007

L'amendement proposé par votre rapporteur spécial lors de l'examen du PLF 2007 et adopté par votre commission est joint en annexe au présent rapport (annexe 5).

Après adoption par votre commission, il a été cosigné par notre collègue M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des Lois du Sénat pour les crédits du programme « Accès au droit et à la justice ».

Il a finalement été adopté par le Sénat, puis confirmé en seconde délibération et en commission mixte paritaire (CMP) .

Votre rapporteur spécial se félicite de l'adoption définitive de cet amendement qui aura été, au cours de la dernière discussion budgétaire, le plus « lourd financièrement » parmi tous ceux adoptés par le Sénat et confirmés en CMP .

Les crédits de paiement du programme « Accès au droit et à la justice » ont ainsi pu être maintenus à leur niveau de l'exercice 2006, soit 344,1 millions d'euros, et la hausse des crédits de + 5,7 millions d'euros a été affectée à l'enveloppe destinée au financement de l'AJ (action n° 1 « Aide juridictionnelle ») .

Il en a résulté une revalorisation de + 8 % de l'UV, celle-ci passant à 22,50 euros .

L'effort financier ainsi réalisé dans la loi de finances pour 2007 a été, certes, significatif, mais il n'en a, en définitive, permis qu' un « colmatage de brèche » à court terme .

Salué par la profession d'avocat comme un geste encourageant , il ne s'est toutefois pas attaqué à la source même du problème posé par l'AJ et a plus traité un symptôme que réglé la question de fond.

En outre, par son nécessaire « gage » financier 45 ( * ) , l'amendement adopté a eu des répercussions sur d'autres actions devant être engagées par le ministère de la justice .

En effet, l'augmentation de + 5,7 millions d'euros des AE et des CP du programme « Accès au droit et à la justice » a été compensée par une réduction de - 2 millions d'euros des AE et des CP consacrés, au sein du programme « Conduite et pilotage de la justice et organismes attachés » (action n° 4 « Gestion administrative commune »), aux dépenses informatiques hors grands projets (- 1 million d'euros pour le poste « Maintien de l'existant » 46 ( * ) et - 1 million d'euros sur le poste « Renouvellement des matériels » 47 ( * ) ) et d'une réduction de - 3,7 millions d'euros des AE et des CP consacrés, au sein du programme « Justice judiciaire » (action n° 6 « Soutien »), aux dépenses immobilières 48 ( * ) .

D. D'INSUFFISANTS « GARDE-FOUS »

Le système de l'AJ comporte un certains nombre de « garde-fous » permettant de tempérer les rigidités éventuelles du mécanisme et d'assurer la qualité de la défense accordée au justiciable bénéficiaire de l'AJ.

Ces dispositifs, qui reposent largement pour leur mise en oeuvre sur la responsabilisation des acteurs essentiels de l'AJ que sont les magistrats et les avocats, souffrent cependant en pratique de réelles insuffisances dans leur application .

1. Le « retour à meilleure fortune »

La mécanique de l'AJ permet le retrait du bénéfice de l'AJ dans le cas d'un « retour à meilleure fortune » une fois la décision judiciaire rendue et passée en force de chose jugée.

L'article 36 de la loi précitée du 10 juillet 1991 dispose que « lorsque la décision passée en force de chose jugée rendue au profit du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a procuré à celui-ci des ressources telles que, si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle, celle-ci ne lui aurait pas été accordée, l'avocat désigné peut demander des honoraires à son client après que le bureau d'aide juridictionnelle a prononcé le retrait de l'aide juridictionnelle ».

Un tel cas de figure peut, par exemple, se présenter lorsqu'un jugement de divorce prononcé a accordé au conjoint bénéficiaire de l'AJ une prestation compensatoire ou a procédé à la liquidation de la communauté.

Ce « retour à meilleure fortune » s'entend également au sens large, c'est-à-dire dans le cas où une modification substantielle des ressources du bénéficiaire de l'AJ est intervenue à la hausse en cours d'instance.

Ainsi, l'article 50 de la loi précitée du 10 juillet 1991 prévoit que le bénéfice de l'AJ peut être retiré, en tout ou partie, « s'il survient au bénéficiaire, pendant cette instance ou l'accomplissement de ces actes, des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle, celle-ci n'aurait pas été accordée ».

En pratique, le recours à ces deux dispositifs, dits « article 36 » et « article 50 », paraît toutefois assez limité . Leur application se heurte, en effet, à un certain nombre d'obstacles.

Tout d'abord, la mise en oeuvre du retrait du bénéfice de l'AJ au titre de l'article 36 suppose la transmission, par le tribunal, de la décision rendue au BAJ . Or, cette transmission n'est pas systématique, en dépit notamment du rappel effectué, dans le cadre de la mise en application de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, par la circulaire NOR JUS J0590001C du 12 janvier 2005. En l'absence de transmission, le BAJ n'est pas informé des ressources nouvelles du bénéficiaire de l'AJ suite à la décision de justice rendue.

En outre, l'appréciation par le BAJ de l'évolution de la situation financière des parties en cours d'instance se révèle particulièrement difficile. L'article 50 est donc d'application mal aisée et reste, dans les faits, assez peu invoqué.

2. Le recouvrement sur l'adversaire du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle

La mécanique de l'AJ, définie par la loi précitée du 10 juillet 1991, comporte également un dispositif de recouvrement sur l'adversaire du bénéficiaire de l'AJ, en cas de succès de ce dernier en justice et si son adversaire ne bénéficie pas lui-même de l'AJ .

Ce recouvrement peut intervenir sur l'initiative soit de l'avocat (et des auxiliaires de justice), soit, d'office, de l'Etat.

L'article 37 de la loi précitée du 10 juillet 1991 prévoit, en son premier alinéa, que « les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre ».

Son deuxième alinéa ajoute que « en toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès , et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide ».

Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose alors d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée.

S'il recouvre cette somme, l'avocat renonce à percevoir le montant de l'AJ versé par l'Etat . S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de ce montant.

Au total, l'avocat voulant recouvrer ses honoraires et ses frais sur l'adversaire de son client doit donc présenter des conclusions dans ce sens au juge qui se prononcera sur cette demande.

En pratique, l'avocat fait cependant assez peu fréquemment ce choix . En effet, il redoute souvent une application trop parcimonieuse de cette disposition par le juge et ne veut pas courir le risque de se voir octroyer une somme trop faible au regard du coût de sa mission. En outre, il craint de ne pas pouvoir recouvrer in fine la somme allouée par le juge auprès de l'adversaire de son client.

Ces freins le conduisent, dans la plupart des cas, à préférer le paiement par l'AJ .

L'article 43 de la loi précitée du 10 juillet 1991 prévoit, quant à lui, que « lorsque la partie condamnée aux dépens ou la partie perdante ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, elle est tenue de rembourser au Trésor public les sommes exposées par l'Etat, à l'exclusion des frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police . Toutefois, pour des considérations tirées de l'équité ou de la situation économique de cette partie, le juge peut la dispenser totalement ou partiellement de ce remboursement ».

Malgré une sensibilisation accrue des acteurs de ce recouvrement au cours des dernières années, les montants recouvrés au titre de l'article 43 apparaissent cependant très insuffisants . En 2004 et 2005, ils n'ont représenté que, respectivement, 11,4 millions d'euros et 11,5 millions d'euros, pour un montant théorique maximal estimé à 20 millions d'euros 49 ( * ) .

Parmi les raisons invoquées par les juridictions pour expliquer ce faible niveau de recouvrement, l'insuffisance des effectifs dédiés à cette tâche est avancée, tout comme le manque de temps lié à la nécessité d'accorder la priorité à d'autres missions et la lourdeur de la procédure 50 ( * ) . Ainsi, en 2005, près de 30 % des TGI n'ont émis aucun titre de recette pour actionner ce recouvrement 51 ( * ) ( cf. infra , partie III-E).

3. Les protocoles de qualité de la défense, dits « protocoles de l'article 91 »

En vue de l'amélioration de la défense pénale (intervention de l'avocat au cours de la garde à vue, médiation ou composition pénale) dans le cadre de l'AJ, certains barreaux se sont dotés de protocoles, en accord avec la juridiction, portant sur les permanences organisées par le barreau, les formations dispensées aux avocats en charge de cette défense et la coordination de ce dispositif .

De tels protocoles sont prévus par l'article 91 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi précitée du 10 juillet 1991.

Dans ce cadre, les rétributions allouées pour les missions d'AJ en matière pénale peuvent être majorées , au sein de ces barreaux, jusqu'à 20 % 52 ( * ) . Ces protocoles ont vocation à être renouvelés tous les trois ans et comprennent des objectifs assortis de procédures d'évaluation.

En 2005, la dépense résultant de ces protocoles s'est élevée à 5,3 millions d'euros et est budgétée à hauteur de 6,4 millions d'euros pour 2007 53 ( * ) .

Votre rapporteur spécial ne peut que se féliciter de la mise en place de tels protocoles qui permettent d'accroître les garanties du justiciable dans le domaine de la défense pénale d'urgence . L'outil qu'ils représentent contribue à accompagner efficacement le développement du traitement en temps réel des affaires et l'accélération du déroulement des procédures pénales.

Toutefois, ces accords sont loin de concerner une majorité de barreaux. Seuls 39 barreaux se sont dotés d'un « protocole article 91 » , soit une proportion de 21,5 % des barreaux, et 6 nouveaux protocoles donneront lieu à paiement en 2007 54 ( * ) .

En outre, selon le CNB 55 ( * ) , « la situation des barreaux dotés de protocoles est assez préoccupante pour la plupart ». Sont ainsi notamment évoquées des difficultés liées aux coûts de fonctionnement de ces protocoles non totalement couverts par la majoration de la dotation, à l'absence de tableaux de bords suffisamment précis et réguliers pour suivre la mise en oeuvre de ces protocoles, à la multiplication des exigences en cas de renouvellement desdits protocoles, ainsi qu'à la complexité des documents à rédiger, à compléter et à fournir pour les créer et les faire vivre.

Afin d'apporter aux chefs de juridiction et aux barreaux un ensemble de réponses pratiques aux divers problèmes rencontrés lors de l'élaboration de ces protocoles, de leur exécution ou de leur renouvellement, la Chancellerie diffuse, depuis le 30 janvier 2007, un guide méthodologique , via notamment l'intranet du SADJPV.

4. L'encadrement plus rigoureux du dispositif de l'aide juridictionnelle : les circulaires de 2005

Afin de contribuer à une meilleure maîtrise du dispositif de l'AJ, la Chancellerie a souhaité encadrer plus rigoureusement la pratique de l'admission à l'AJ par le biais de deux circulaires en 2005.

D'une part, la circulaire du 12 janvier 2005 56 ( * ) relative à la mise en oeuvre de la réforme du divorce a souligné la nécessité de prendre en compte tout changement dans la situation financière du bénéficiaire de l'AJ en cours de procédure (reprise d'activité, versement d'une prestation compensatoire).

D'autre part, la circulaire du 25 février 2005 57 ( * ) relative à l'enregistrement et à l'instruction des demandes d'AJ par les BAJ a rappelé que la commission ou la désignation d'office n'avait ni pour objet ni pour effet d'entraîner l'octroi automatique du bénéfice de ce dispositif. Elle a, en outre, précisé que l'avocat commis d'office doit convenir des honoraires qu'il réclamera à la personne qu'il assiste, dès lors que celle-ci dispose de ressources supérieures au plafond pour l'obtention de l'AJ.

Toutefois, la profession d'avocat a exprimé un point de vue critique sur ces deux textes 58 ( * ) . En particulier, les avocats ont regretté, à cette occasion, que ces circulaires aient été élaborées sans concertation. Ils ont, en outre, souligné qu'en cas de retour à meilleure fortune de son client, l'avocat n'a bien souvent aucune garantie de recouvrer ses honoraires. Enfin, ils ont exprimé leurs craintes que ces dispositions ne les placent dans une situation délicate au regard des principes déontologiques de la profession, dès lors qu'ils auraient à « dénoncer » au BAJ un client qui connaîtrait un retour à meilleure fortune.

III. UNE RÉFORME CENTRÉE SUR LES PRINCIPES DE TRANSPARENCE ET DE RESPONSABILISATION

Si le diagnostic portant sur les limites atteintes par le système actuel de l'AJ est largement partagé, les « remèdes proposés » varient considérablement selon les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur spécial au cours de sa mission . Les solutions proposées sont en fait souvent, et de façon frappante, fonction du point de vue de celui qui les avance.

Une piste de réforme relativement évidente et simple, pour ne pas dire simpliste, serait naturellement de réviser à la baisse les plafonds de ressources conditionnant l'aide apportée par l'Etat au justiciable . L'économie pour le budget de l'Etat serait alors immédiate, du fait de l'abaissement mécanique du nombre de bénéficiaires.

Pour autant, votre rapporteur spécial ne privilégie pas cette baisse, dans la mesure où cette solution de facilité remettrait en cause le « contrat social » noué autour de l'AJ depuis maintenant près de 16 ans . Il a, en effet, constaté au cours de sa mission de contrôle qu'un consensus clair se dégage aujourd'hui tant sur la philosophie du système, à laquelle chacun est attaché, que sur le niveau des plafonds. La baisse des plafonds de ressources, qui ne pourraient en tout état de cause qu'être ajustés à la marge, serait perçue comme la soumission pure et simple de l'AJ à une logique budgétaire.

Votre rapporteur spécial estime au contraire que la réflexion à mener en matière de réforme de l'AJ doit être conduite « version grand angle », par une « investigation à 360° » des solutions envisageables .

Il lui apparaît notamment essentiel que cette réforme soit accomplie en s'appuyant sur deux principes fondamentaux : la transparence du système et la responsabilisation des acteurs de l'AJ .

A. LA RÉFORME DE L'ASSURANCE DE PROTECTION JURIDIQUE : UNE AVANCÉE IMPORTANTE MAIS NE RÉPONDANT QU'INDIRECTEMENT À LA PROBLÉMATIQUE DE L'AIDE JURDICTIONNELLE

1. Le principe de l'assurance juridique

L'assurance de protection juridique est un des moyens privilégiés d'accès à la justice . Son régime est défini par les articles L. 127-1 et suivants du code des assurances et procède, notamment, de la transposition de la directive n° 87/344/CEE du Conseil des Communautés européennes du 22 juin 1987 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance de protection juridique 59 ( * ) .

L'assurance de protection juridique se définit comme une garantie de protection juridique permettant la prise en charge, en cas de litige, des frais de procédure ou la prestation de services en vue de permettre la défense de l'assuré partie à un procès ou confronté à une réclamation, ou le règlement amiable de son différend. Le contrat d'assurance de protection juridique met à la disposition des assurés une large palette d'instruments : information, conseil juridique ou encore prise en charge des honoraires de l'avocat.

Ce dispositif de protection se diffuse progressivement depuis le début des années 90 et a rencontré, au cours des dernières années, un succès réel auprès des particuliers et des entreprises . Ainsi, les cotisations relatives à ces contrats ont progressé de plus de 8 % par an depuis cinq ans 60 ( * ) .

L'assurance de protection juridique présente des avantages indéniables au regard de l'accès au droit et à la justice . D'une part, l'assureur joue un rôle déterminant en phase amiable en favorisant le règlement rapide des différends grâce à l'appui de plateaux techniques téléphoniques performants. D'autre part, à l'instar d'autres pays européens 61 ( * ) , l'assurance de protection juridique peut constituer un utile relais à l'AJ.

2. La réforme de l'assurance de protection juridique grâce à la loi n° 2007-210 du 19 février 2007

La loi n° 2007-210 du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de protection juridique a été adoptée sur proposition de loi conjointe de notre collègue Pierre Jarlier et plusieurs de ses collègues relative aux contrats d'assurance de protection juridique 62 ( * ) et de notre collègue François Zocchetto visant à réformer l'assurance de protection juridique 63 ( * ) .

Elle a permis de répondre à une situation de blocage relatif dont souffrait ce dispositif, en apportant des aménagements limités au régime de l'assurance de protection juridique, principalement pour clarifier les relations entre les assureurs et les avocats.

En effet, ainsi que l'a décrit notre collègue Yves Détraigne dans son rapport sur les deux propositions de loi précitées 64 ( * ) , l'assurance de protection juridique souffrait d'un manque de lisibilité et de transparence de ses contrats pour les assurés . En particulier, beaucoup d'entre eux ignorent qu'ils détiennent une telle protection juridique, celle-ci étant le plus souvent souscrite en contrat accessoire à un contrat support (multirisques habitation, par exemple). En outre, lorsqu'ils en ont connaissance, ils ignorent souvent le contenu des prestations et l'étendue de la garantie à laquelle ils ont droit.

Par ailleurs, comme le décrivait notre collègue Yves Détraigne dans son rapport précité, les avocats apparaissaient comme des acteurs marginalisés dans l'exercice de leurs missions au titre de l'assurance de protection juridique, notamment en cas de règlement du litige à l'amiable. Le marché de l'assurance de protection juridique courrait, en outre, le risque d'être « confisqué » par quelques professionnels liés aux réseaux des assureurs 65 ( * ) , avec des tarifs prédéterminés par les assureurs 66 ( * ) .

Enfin, notre collègue Yves Détraigne, reprenant les conclusions de la commission des clauses abusives 67 ( * ) , déplorait « certains comportements des compagnies d'assurance tendant à opposer, trop facilement, à l'assuré, la déchéance de sa garantie de protection juridique ».

La réforme adoptée par la loi du 19 février 2007 précitée a permis d'apporter des solutions réalistes à ces points de blocage et d'assurer une meilleure compatibilité entre l'exercice du métier d'avocat et les pratiques professionnelles des assurances 68 ( * ) .

3. Un impact encore difficile à mesurer sur l'aide juridictionnelle mais, a priori, limité

La loi du 19 février 2007 précitée pose le principe de subsidiarité de l'AJ par rapport à l'assurance de protection juridique . Aux termes de son article 5, l'AJ n'est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge au titre d'un contrat d'assurance de protection juridique ou d'un système de protection 69 ( * ) .

Ainsi que le relevait l'étude de législation comparée du Sénat n° 137 de juillet 2004, ce principe de subsidiarité est assez fréquent au sein des systèmes d'accès au droit parmi nos voisins européens.

Il renvoie à une logique claire : le justiciable qui a fait l'effort financier de régler une prime doit d'abord solliciter sa compagnie d'assurance avant de solliciter la solidarité nationale , quand bien même serait-il éligible à l'AJ.

Ce principe, pour être correctement mis en oeuvre, suppose toutefois en pratique un engagement de l'avocat , qui se doit de vérifier si son client est assuré lorsqu'il se voit confier une nouvelle affaire. Le client peut, en effet, ne pas avoir le réflexe de le vérifier par lui-même ou, tout simplement, être ignorant de la garantie dont il bénéficie. Le niveau des seuils de rémunération prévus par les contrats d'assurance de protection juridique, supérieurs à ceux de l'AJ, devraient d'ailleurs inciter l'avocat à cette précaution préalable.

Pour autant, l'impact de cette réforme de l'assurance de protection juridique sera probablement limité sur le nombre d'admissions à l'AJ et, partant, sur le budget de ce système d'aide.

En effet, ces contrats d'assurance ne couvrent jamais la matière pénale , sauf éventuellement les délits non-intentionnels.

En outre, ils ne couvrent que rarement le champ du droit de la famille . Or, ces deux secteurs du droit représentent les plus forts contingents d'admission à l'AJ ( cf. supra , partie II-A-4).

Votre rapporteur spécial estime qu'il est encore trop tôt pour pouvoir tirer un bilan de cette réforme, même s'il considère que l'assurance de protection juridique constitue plus un complément ou un relais à l'AJ qu'un véritable substitut . A cet égard, votre rapporteur spécial renvoit à l'analyse réalisée par notre collègue Yves Détraigne dans son rapport précité, analyse qui demeure toujours valable quelques mois plus tard.

L'assurance de protection juridique : complément ou substitut à l'AJ ?

Rapport n° 160 (2006-2007) de Yves Détraigne sur les propositions de loi n° 85 (2006-2007) de Pierre Jarlier et plusieurs de ses collègues relative aux contrats d'assurance de protection juridique et n° 86 (2006-2007) de François Zocchetto visant à réformer l'assurance de protection juridique.

« (...) Dans ce contexte, l'assurance de protection juridique pourrait donc relayer utilement l'effort consenti par l'Etat. Comme l'a souligné M. Bernard Cerveau, président de l'association des juristes d'assurance et de réassurance, entendu par votre rapporteur, si l'on considère que le barème proposé pour l'accès à l'aide totale couvrirait un peu plus de 40 % des ménages, ceci signifie que 60 % d'entre eux constituent la base de développement pour les assureurs de protection juridique.

Ce dispositif s'adresse en effet principalement à des citoyens ayant des ressources supérieures aux plafonds d'aide juridictionnelle (du moins s'agissant du plafond fixé pour le bénéfice de l'aide totale) mais insuffisantes pour avoir recours habituellement aux services d'un avocat pour la gestion de leurs affaires .

Toutefois, la mise en place d'un système d'accès à la justice fondé, en fonction du niveau de revenu, sur l'aide juridictionnelle relayée par l'assurance de protection juridique appelle deux évolutions indispensables : l'élargissement de l'étendue des garanties de protection juridique et le développement plus conséquent de l'assurance de protection juridique dont, malgré son dynamisme, la diffusion est encore limitée.

Comme l'avait relevé en 2001 la commission de l'accès au droit et à la justice, « à l'heure actuelle [le] champ [de l'assurance de protection juridique] ne permet pas d'y voir une alternative à l'aide juridictionnelle. En effet, tant la matière pénale que le contentieux familial et notamment le divorce, sont très mal couverts par la protection juridique. » Ce constat vaut encore aujourd'hui, le champ de la garantie n'incluant généralement pas, ou sous des conditions extrêmement restrictives, ces deux matières.

Actuellement, le nombre de procès pris en charge par les assureurs s'établit à environ 50.000 affaires, soit à peine 2 % des affaires nouvelles portées devant les juridictions françaises. Sont principalement concernées des affaires en droit de la consommation, ce qui ne représente qu'une infime partie des contentieux portés devant les juridictions qui touchent toutes les branches du droit.

Ces chiffres démontrent que les champs de l'aide juridictionnelle et de l'assurance de protection juridique se recoupent encore peu . ».

B. L'ACTION DE GROUPE : UNE PISTE NE LAISSANT ESPÉRER QUE DES GAINS ASSEZ RÉDUITS

1. Le principe des actions de groupe ou « class actions »

Le principe des actions de groupe, encore appelées « class actions », repose sur la possibilité offerte à plusieurs plaignants de se regrouper pour faire valoir collectivement des droits à dommages et intérêts à l'encontre d'une seule et même personne présumée être l'auteur d'un ou plusieurs préjudices subis par chacun d'entre eux.

Une telle procédure est fréquemment envisagée afin de renforcer les droits des consommateurs , qui n'ont souvent qu'un intérêt financier très limité à agir individuellement en justice concernant des litiges portant sur des dommages d'un faible montant.

Elle trouve son origine et son inspiration dans le modèle de droit anglo-saxon où elle est largement développée. Ainsi, les Etats-Unis ont introduit les « class actions » en 1966 dans leur législation fédérale, et le Canada connaît également ce type d'action.

L'action de groupe rencontre un certain engouement en Europe depuis le début des années 1990. La Suède, la Norvège, le Portugal, l'Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni se sont dotés de ce type de procédure, avec des particularismes marqués selon les systèmes juridiques concernés. Un des principaux facteurs de différenciation réside en particulier dans certaines spécificités procédurales et dans l'option de représentation (« opt in » ou « opt out ») des plaignants.

Pour l'heure, le droit français ne connaît pas d'action de groupe . Toutefois, diverses dispositions législatives autorisent d'ores et déjà des actions ayant un objet proche.

Ainsi, les associations de consommateurs agréées peuvent exercer des actions dans l'intérêt collectif des consommateurs dans le cadre de l'action civile ou pour faire cesser des agissements illicites. Elles peuvent également intervenir dans le cadre d'actions en réparation aux fins d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi par l'intérêt collectif des consommateurs . Cependant, ces actions ont des effets limités pour les consommateurs individuels , puisqu'elles ne permettent d'assurer que la réparation du préjudice subi collectivement par les consommateurs et non celle du préjudice subi par chacun d'eux 70 ( * ) .

En dehors du droit de la consommation , certaines dispositions particulières assurent l'exercice d'actions en réparation pour le compte d'une pluralité de victimes. Tel est le cas, en particulier, des actions exercées par les associations agréées de protection de l'environnement 71 ( * ) , par les associations de santé agréées 72 ( * ) ou par les associations de défense des investisseurs 73 ( * ) .

2. Des publics distincts : les contentieux de masse pour les actions de groupe, les situations individuelles pour l'aide juridictionnelle

L'action de groupe est présentée par certains comme un moyen de parvenir à mieux réguler les flux d'admissions à l'AJ . Le raisonnement sous-tendu ici s'appuie sur l'espoir que nombre d'affaires relevant actuellement de l'AJ puissent « basculer » sur les « class actions » engagées. Ainsi, M. Paul Bouchet, dans son rapport précité, considérait-il que « la technique de l'action de groupe mériterait d'être développée et étendue à d'autres secteurs du droit (droit du logement, droit administratif...) ». Il précisait qu'elle « s'avère extrêmement intéressante dans tous les cas où la plupart des intéressés renonceraient à faire valoir leurs droits, en raison du coût ou de la complexité de la procédure juridictionnelle ».

L'effet attendu de l'introduction d'une telle novation au sein du système juridique français sur les demandes d'admission à l'AJ dépendrait naturellement, notamment, du champ couvert par le dispositif adopté : droit de la consommation, droit de l'environnement, droit de la santé, droit administratif...

Pour autant, votre rapporteur spécial estime que le développement des actions de groupe en droit français n'aurait qu'un impact très limité sur l'évolution des demandes d'AJ .

D'une part, l'action de groupe présente les mêmes limites que l'assurance de protection juridique au regard de la matière pénale . Les « class actions » n'auraient évidemment aucun effet sur le stock d'affaires au pénal relevant de l'AJ.

D'autre part, l'action de groupe a vocation à traiter des contentieux de masse, alors que l'AJ concerne plutôt des situations individuelles : divorce, mineurs...

Aussi, tout laisse à penser que l'instauration de « class actions » en droit français aurait, outre les interrogations que cette procédure soulève au regard de notre tradition processuelle 74 ( * ) , un impact inférieur à celui de la récente réforme de l'assurance de protection juridique en termes d'effet sur les effectifs de justiciables à l'AJ.

C. DE LA RÉTRIBUTION DE L'AVOCAT À SA RÉMUNÉRATION : LE « BARÊME HORAIRES »

1. Une refonte d'ensemble du barème pour mieux assurer la rémunération de l'avocat

Entre rétribution et rémunération, le débat récurrent autour de la question de l'indemnisation de l'avocat participant au bon fonctionnement de l'AJ n'est pas que sémantique. Il recouvre un véritable enjeu : l'appréciation à sa juste valeur de la prestation de l'avocat auprès du bénéficiaire de l'AJ.

Alors que la loi de 1991 parle de « rétribution » en faveur des avocats et des auxiliaires de justice, le protocole d'accord conclu le 18 décembre 2000 entre le garde des Sceaux, ministre de la justice, et les organisations professionnelles d'avocats arrête « le principe de la rémunération des avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle ». Votre rapporteur spécial joint en annexe au présent rapport ce protocole (cf. annexe 6).

Votre rapporteur spécial approuve le principe d'une rémunération des avocats et souhaite que le nouveau dispositif permette de corriger le caractère désormais largement daté, si ce n'est dépassé, du barème actuel permettant l'indemnisation des avocats ( cf. supra , partie II-B-3).

La modernisation du barème a, par ailleurs, pour conséquence de rendre pour ainsi dire secondaire la problématique de la revalorisation de l'UV qui a trop longtemps cristallisé les mécontentements. En effet, dans le cadre d' une refonte d'ensemble du barème , le montant de l'UV correspond surtout à une variable d'ajustement au sein d'une équation plus globale. En devenant plus générale, la réflexion s'écarte aussi des considérations de court terme qui masquent, en définitive, les enjeux les plus décisifs.

2. Une grille de rémunération plus transparente : le « barème horaires »

Le barème actuel repose sur un principe devant être maintenu : un forfait selon le type de procédure . Cependant ce forfait doit être beaucoup mieux adapté qu'aujourd'hui à la réalité du travail accompli par l'avocat afin de permettre sa juste rémunération.

Dans ce but, deux leviers doivent être pris en considération :

- le coût horaire de la prestation de l'avocat ;

- le temps passé par type de mission.

L'objectif poursuivi est de parvenir à l'établissement d' un « barème horaires », principe sur lequel les « Assises de l'accès au droit et de l'aide juridictionnelle » organisées par la Chancellerie le 30 janvier 2007 ont, semble-t-il, permis de dégager un certain consensus.

Le coût horaire , tout d'abord, doit intégrer à la fois la rémunération de la prestation intellectuelle de l'avocat et la couverture de ses frais.

La base de rémunération de la prestation intellectuelle pourrait, dans un tel système, prendre pour référence la rémunération nette d'un magistrat. Ce principe avait d'ailleurs déjà été retenu par M. Paul Bouchet dans son rapport précité et recueille l'assentiment du CNB 75 ( * ) . Cette base de référence pourrait, en outre, être modulée selon l'ancienneté de l'avocat.

Une fois cette base définie, il conviendrait ensuite de déterminer le nombre d'heures à retenir pour en déduire la rémunération horaire. A titre d'exemple, M. Paul Bouchet évoquait dans son rapport un quantum de 1.200 heures facturables par an, compte tenu de l'impossibilité de facturer au client la perte de temps lié au traitement judiciaire de l'affaire (attente, renvoi...) et de la nécessité de prendre en considération le temps consacré à des activités de formation et de gestion du cabinet qui ne peut être affecté à un dossier. Cette base du nombre d'heures à retenir devra, en tout état de cause, s'appuyer sur des données rendant compte objectivement de l'activité des cabinets pour garantir la fidélité du mode de calcul à la réalité du travail accompli.

L'appréciation des frais à retenir dans le calcul du coût horaire est plus complexe. Certains peuvent se mesurer relativement aisément, en particulier les cotisations sociales de l'avocat, la cotisation à son Ordre, les assurances ainsi que la taxe professionnelle. D'autres, en revanche, sont plus difficiles à estimer. Il s'agit, notamment, des frais d'équipement en matériel informatique et de documentation, ou des dépenses de loyer (qui varient fortement selon le lieu d'implantation du cabinet).

Une fois encore à titre d'exemple, le rapport Bouchet proposait de retenir comme référence le taux de charge médian des cabinets dont au moins 25 % du chiffre d'affaires provient de l'AJ . Il conviendrait toutefois de pondérer ce taux de charge par un coefficient incorporant les disparités régionales, liées au coût des loyers notamment.

L'évolution du tarif horaire , garante du maintien du niveau de rémunération dans le temps face aux divers phénomènes d'érosion, serait dans ce dispositif assurée par l'évolution de la rémunération nette d'un magistrat. En matière de charges, la référence pour la prise en compte des frais pourrait être indexée sur l'indice des prix.

Avec la détermination du coût horaire, l'appréciation du temps passé selon le type de mission constitue la seconde variable clef dans l'élaboration du « barème horaires ». Elle devra naturellement procéder d'une étroite concertation avec la profession d'avocat afin de garantir la viabilité du système et son acceptation par toutes les parties prenantes.

Votre rapporteur spécial considère que le « barème horaires » ainsi défini répond non seulement à la nécessité d'une rémunération plus juste et réaliste de l'avocat, mais aussi à un impératif de transparence, dont le dispositif actuel s'est progressivement éloigné .

3. Une politique de protocoles et de conventions d'honoraires plus responsabilisante

La mise en place du « barème horaires » doit s'accompagner d' une politique active de développement des protocoles de qualité de la défense , dits « protocoles de l'article 91 » ( cf. supra , partie II-D-3).

En effet, ainsi que votre rapporteur spécial le soulignait, seuls 39 barreaux se sont dotés d'un tel protocole , soit une proportion encore trop faible de 21,5 % des barreaux, et 6 autres sont en cours de mise en place.

L'instauration du « barème horaires » doit être l'occasion d'impulser une nouvelle dynamique en la matière auprès des barreaux et des juridictions avec, éventuellement, l'extension de ces protocoles à la matière civile , afin de garantir encore plus largement la qualité de la prestation dont profite le bénéficiaire de l'AJ. Une telle extension est d'ailleurs déjà envisagée par la profession d'avocat 76 ( * ) .

L'entrée en vigueur de ces engagements de disponibilité et de qualité pourrait, en outre, donner lieu à une modulation plus incitative des tarifs horaires prévus par le nouveau barème mis en place.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial estime nécessaire de systématiser la conclusion d'une convention entre l'avocat et le bénéficiaire de l'AJ, en vue d'une plus grande responsabilisation de part et d'autre . Le contenu de cette convention pourrait être défini par le législateur et / ou négocié entre la Chancellerie et la profession d'avocat.

Ce document comporterait, notamment, les droits et les obligations de chacune des deux parties et indiquerait le montant de la rémunération versée par l'Etat à l'avocat pour l'affaire traitée.

Cette convention rappellerait également la possibilité du retrait de l'AJ en cas de « retour à meilleure fortune » afin d'insister plus encore sur ce point essentiel auprès du bénéficiaire de l'aide.

Sur ce dernier point, l'instauration d'une telle convention pourrait, en outre, s'accompagner d' une simplification de la procédure de retrait de l'AJ , dès lors que le principe en serait clairement exposé au justiciable. Dans les cas manifestes où la décision de retrait s'imposerait, l'initiative pourrait alors découler de l'accord entre le bénéficiaire et son avocat ou être confiée au bâtonnier de l'Ordre. Une telle proposition est avancée par la profession d'avocat 77 ( * ) et s'inscrirait dans une certaine continuité avec le rôle du bâtonnier, par ailleurs garant de la modération des honoraires des avocats relevant de son Ordre.

D. LA FIN DE L'INÉGALITÉ CHOQUANTE DES AVOCATS DEVANT LES CHARGES DU SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE

1. Une profession « à deux vitesses » au regard de la contribution au fonctionnement de l'aide juridictionnelle

Un rapide retour en arrière est nécessaire pour remettre en perspective la philosophie du système de l'AJ et ses dysfonctionnements actuels.

L'AJ est, en effet, l'héritière d'une pratique relevant tout à la fois de la charité et du devoir de solidarité envers les plus démunis . Tel était, notamment, l'inspiration du législateur en 1851 instaurant une protection juridique afin de garantir un équitable accès aux tribunaux et à la justice. Ce souci était partagé par l'avocat, conscient de son rôle en la matière.

Le vocabulaire juridique a d'ailleurs forgé une expression rendant compte de cet esprit doublé d'une pratique : le « pro bono » . Ce terme, signifiant littéralement « pour le bien public », traduit la démarche de l'avocat consacrant volontairement une partie de son temps, gratuitement ou pour des honoraires modiques, à faire reconnaître ou protéger les droits de personnes défavorisées, à fournir des services juridiques afin d'aider des organisations représentant les intérêts de membres démunis de la collectivité ou à améliorer les lois ou le système de justice.

Cette oeuvre collective de défense des plus démunis a toutefois eu tendance à se déliter au fil du temps pour en laisser finalement peser la charge à un nombre limité d'avocats.

Ainsi que le soulignait votre rapporteur spécial ( cf. supra , partie II-B-1), tous les avocats ne contribuent pas aujourd'hui au fonctionnement de l'AJ . Sur les 47.798 répartis sur le territoire, seuls 22.466 avocats ont exercé au moins une mission d'AJ en 2005, soit un peu moins de un sur deux (47 %). Une concentration probablement excessive est même en cours, dès lors que 9,4 % des avocats (soit 4.492 avocats) assurent 64 % des missions d'AJ.

Cette rupture de l'égalité des charges au regard de ce service public qu'est en réalité l'AJ pèse sur l'ensemble de la profession d'avocat . Elle explique certains des dysfonctionnements actuels et des récriminations formulées par la profession. Ainsi en va-t-il, par exemple, du cas des avocats refusant, ponctuellement ou systématiquement les missions à l'AJ 78 ( * ) , dans la mesure où un tel investissement remettrait en cause la rentabilité et, parfois même, la survie de leur cabinet. Parallèlement et assez paradoxalement, du côté des pouvoirs publics, un soupçon peut également s'insinuer quant à la nature de la contribution de l'AJ à la rentabilité financière de certains cabinets. Il n'est, en effet, pas rare d'entendre que certains d'entre eux « ne vivent que de l'AJ » 79 ( * ) .

Au total, votre rapporteur spécial regrette cette trop grande disparité au sein de la profession d'avocat dans le cadre de la mise en oeuvre de l'AJ et estime nécessaire une plus juste répartition de la charge .

2. Une répartition plus équitable de la charge entre les avocats : le système « participation temps » / « participation financière »

Face aux difficultés auxquelles est aujourd'hui confronté le système de l'AJ, une piste de réflexion est parfois évoquée qui consisterait à réserver purement et simplement les missions à l'AJ à des avocats rémunérés à cet effet. La solution ici proposée est couramment appelée, par la profession, « l'internat pénal » et aurait pour conséquence pratique de créer, en quelque sorte, un sous-groupe d'avocats spécialistes de l'AJ.

Votre rapporteur spécial n'est pas favorable à cette perspective , dès lors qu'elle n'apporterait aucune réponse significative à la question financière posée actuellement par l'AJ. L'internat pénal ne ferait, en effet, que déplacer le problème sur un sous-groupe clairement identifié, mais confronté aux mêmes difficultés...

Par ailleurs, l'internat pénal pourrait présenter, à terme, le risque d'une « fonctionnarisation » de certains avocats , ce qui ne paraît conforme ni à l'esprit de cette profession, ni aux attentes exprimées par le plus grand nombre des avocats aujourd'hui.

Enfin, la création de ce « corps » d'avocats concentrerait encore un peu plus la charge de l'AJ sur certains , avec la crainte de la constitution d'un sous-groupe d'avocats dévalorisé aux yeux du reste de la profession, alors que l'enjeu apparaît au contraire de répartir plus équitablement la cette charge.

Votre rapporteur spécial juge préférable de privilégier un système permettant l'implication de l'ensemble de la profession autour du bon fonctionnement de l'AJ. Un tel système doit naturellement viser à la responsabilisation de chacun dans la plus grande transparence .

Dans cette perspective, le dispositif proposé par votre rapporteur spécial repose sur une participation des avocats soit en temps, « participation temps », soit par le biais d'une contribution financière, « participation financière » .

Ce dispositif repose sur une idée simple : dans la mesure où l'ensemble de la profession participe au bon fonctionnement de l'AJ, les avocats peuvent choisir d'apporter leur contribution à ce fonctionnement soit en acceptant les missions d'AJ (« participation temps »), soit en contribuant financièrement à la bonne marche du système (« participation financière »). Le principe de ce dispositif correspond à un objectif de plus grande équité au sein de la profession . En outre, il convient de souligner que le libre choix entre la « participation temps » et la « participation financière » est laissé à l'avocat.

Ce dispositif requiert une estimation suffisamment précise du temps moyen consacré à l'AJ par un avocat , de manière à établir une norme qui soit la pierre angulaire du système. Une fois cette norme établie (en concertation avec la profession), l'avocat peut alors « fixer le curseur » où il le souhaite entre le nombre de missions d'AJ qu'il décide d'accomplir et la contrepartie financière qu'il préfère reverser au financement de l'AJ.

Lorsque l'avocat n'atteint pas l'objectif cible en termes de « participation temps », sa « participation financière » est calculée, dans le dispositif proposé, en appliquant au chiffre d'affaires réalisé par l'avocat le différentiel entre la « participation temps » (fixée comme cible en concertation avec la profession) et le temps qu'il a effectivement consacré à l'AJ.

Le calcul de la « participation financière » de l'avocat au bon fonctionnement de l'AJ

Dans le cas où le temps effectivement consacré à l'AJ par l'avocat est inférieur à la « participation temps » cible, la formule permettant de calculer sa « participation financière » au bon fonctionnement de l'AJ est la suivante :

PF = CA * (PTC  - TEAJ)

Avec :

- PF = « participation financière »

- CA = chiffre d'affaires

- PTC = « participation temps cible »

- TEAJ = temps effectivement consacré à l'AJ par l'avocat

Afin d'illustrer ce raisonnement, votre rapporteur spécial a travaillé sur un exemple chiffré. Les hypothèses de départ sont certes à prendre sous toutes les réserves qui s'imposent à un tel exercice de simulation , mais cet exemple a le mérite non seulement de mettre en application la logique du dispositif proposé mais aussi de fournir quelques ordres de grandeur.

La « participation temps » et la « participation financière » des avocats au bon fonctionnement de l'AJ - Un exemple de simulation

Hypothèses de travail :

- un avocat consacre en moyenne 10 % de son temps par mois à l'AJ (soit environ deux missions par mois) ; cette proportion correspond à la « participation temps » cible retenue ;

- un avocat A a un revenu de 1.700 euros par mois et consacre 50 % de son temps à l'AJ ;

- un avocat B a un revenu de 3.000 euros par mois et consacre 7 % de son temps à l'AJ ;

- un avocat C a un revenu de 6.000 euros par mois et ne fait jamais d'AJ ;

- il y a 47.798 avocats en France ;

- au sein de la profession d'avocat, il y a 30 % d'avocats A, 60 % d'avocats B et 10 % d'avocats C.

Application du dispositif « participation temps / participation financière » :

- l'avocat A dépasse la cible « participation temps », sa « participation financière » est donc égale à 0 euro ;

- l'avocat B doit s'acquitter d'une « participation financière » de 90 euros, en effet :

Participation financière de B = 3.000 * (10 % - 7 %) = 90

- l'avocat C doit s'acquitter d'une « participation financière » de 600 euros, en effet :

Participation financière de C = 6.000 * (10 % - 0 %) = 600

- le montant total de la « participation financière » versée sur le mois est de 5.448.972 euros ;

- le montant total de la « participation financière » versée sur l'année est de 65.387.644 euros.

La simulation effectuée est assurément très au-delà de l'envisageable , dans la mesure où il en ressort une « participation financière » à hauteur de 65,3 millions d'euros en année pleine, soit 19,9 % du budget de l'AJ pour 2007.

Elle permet toutefois de mettre en lumière la mécanique du système et le déséquilibre choquant qui existe aujourd'hui au sein de la profession d'avocat .

En laissant le libre choix entre la « participation temps » et la « participation financière », le dispositif proposé permet, par ailleurs, de lever l'hypothèque concernant les différentes spécialisations des avocats : aujourd'hui certains d'entre eux ne mènent en effet jamais de mission d'AJ dans la mesure où ils estiment ne pas disposer des compétences requises (spécialisation en droit pénal, en droit de la famille...) pour assurer une défense de qualité sur ces dossiers . Par exemple, avec le dispositif envisagé, un avocat d'affaires ne pouvant être sollicité pour un dossier de défense pénale d'urgence peut, en revanche, apporter sa participation financière au fonctionnement de l'AJ.

E. LA PLUS GRANDE RESPONSABILISATION DES JUSTICIABLES : LE « TICKET MODÉRATEUR JUSTICE » ET LE PRÊT À TAUX ZÉRO

1. La prévention des comportements procéduriers

Parce que le justiciable est au coeur du système de l'AJ, il doit également prendre sa part à la régulation de ce dispositif d'aide et d'assistance.

Si la majorité des justiciables ne font appel qu'en extrême limite à la justice et, le cas échéant, à l'AJ, certains « comportements limites » contribuent toutefois au déséquilibre du système dans son ensemble.

Au cours des auditions qu'il a menées, votre rapporteur spécial a, en effet, pu constater que l'AJ n'était pas épargnée par des abus de justiciables particulièrement procéduriers. Chaque président de BAJ semble être en mesure de livrer quelques anecdotes concernant des bénéficiaires de l'AJ multipliant les actions en justice d'autant plus aisément qu'ils finissent par acquérir une parfaite connaissance de l'appareil judiciaire et disposent d' un « droit de tirage » illimité en matière d'AJ.

Tout se passe alors comme si ces justiciables « tiraient à plein », si ce n'est de manière excessive, profit du système avec un coût entièrement supporté par la collectivité. Outre que toutes ces actions en justice ne sont pas toujours justifiées au regard du sérieux des causes de litige invoquées, elles contribuent, qui plus est, à engorger encore un peu plus les juridictions .

Votre rapporteur spécial estime nécessaire d'endiguer de tels comportements par une plus grande responsabilisation des bénéficiaires potentiels de l'AJ .

2. L'instauration d'un « ticket modérateur justice » plutôt qu'un prêt à taux zéro

D'une manière plus générale, votre rapporteur spécial juge souhaitable une meilleure responsabilisation de l'ensemble des bénéficiaires de l'AJ et dresse, à cet égard, un parallèle avec d'autres systèmes d'aide, eux aussi confrontés à des difficultés de financement .

Si l'AJ constitue un « filet de sécurité » pour les plus démunis en matière d'accès à la justice, elle s'apparente grandement à d'autres dispositifs d'aide et de soutien, notamment ceux relevant de l'assurance maladie 80 ( * ) . Elle présente avec eux de nombreux points communs : une philosophie d'assistance aux plus fragiles, un financement mutualisé reposant sur l'ensemble de la collectivité, des conditions d'accès en fonction des ressources.

Afin de garantir la pérennité de son financement et de renforcer la responsabilité de chacun face au système d'aide, l'assurance maladie s'est toutefois dotée de « mécanismes de rappel » tels que le forfait journalier en matière d'hospitalisation ou le ticket modérateur en matière de dépenses de santé.

Dans un contexte de crise de l'AJ qui n'est pas sans rappeler sur de nombreux points celui de l'assurance maladie, votre rapporteur spécial considère nécessaire de parvenir à une meilleure responsabilisation du justiciable en imaginant une évolution profonde du dispositif existant .

Une première piste parfois évoquée 81 ( * ) consiste en la mise en place d'un mécanisme de « prêt à taux zéro » au bénéfice du justiciable à l'AJ. Le remboursement d'un tel prêt n'interviendrait qu'à l'issue de la procédure et pourrait être recouvré sur la partie adverse succombante, partagé entre les parties, ou laissé à la charge du bénéficiaire. Encore faut-il souligner que, lorsqu'il est envisagé, ce prêt ne concerne dans la plupart des cas que le justiciable à l'AJ partielle et le paiement de tout ou partie des honoraires complémentaires librement consentis entre le justiciable et son avocat.

Votre rapporteur spécial ne privilégie pas cette piste , dans la mesure où elle supposerait le recours à un fonds ou à un organisme prêteur avec compensation par l'Etat du différentiel d'intérêt. Par ailleurs, elle impliquerait probablement des délais supplémentaires, à des fins de constitution de dossier de prêt, peu compatibles avec certaines situations d'urgence traitées à l'AJ. Enfin, cette constitution de dossier de prêt, par son abord relativement complexe, pourrait contribuer à dissuader les publics les plus fragiles, averses au risque financier et peu enclins à s'engager dans une procédure de financement dont ils percevraient peut être mal les contours et l'aboutissement final, de mettre en oeuvre leur droit à la justice.

S'inspirant de la logique de l'assurance maladie, votre rapporteur spécial estime, en revanche, souhaitable d'introduire un « ticket modérateur justice » dans le dispositif de l'AJ .

Ce ticket modérateur laisserait à la charge du bénéficiaire de l'AJ une part de la dépense de justice liée à son affaire. De par son principe, il nécessiterait bien évidemment un reprofilage de l'AJ partielle (redéfinition des niveaux de prise en charge à l'AJ partielle).

Certains publics (outre naturellement les bénéficiaires sans ressources) pourraient être exemptés de ce ticket , par exemple :

- les bénéficiaires des minimas sociaux (revenu minimum d'insertion, allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité, revenu de solidarité active...) ;

- les mineurs ;

- les victimes de crimes d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, ainsi que de leurs ayants droit.

A cet égard, votre rapporteur spécial précise que de telles exemptions ne devraient naturellement pas donner lieu à un éventuel transfert de charges sur le budget des conseils généraux.

Le niveau du « ticket modérateur justice » constitue bien évidemment le noeud de ce nouveau dispositif d'AJ. Trop élevé, il représenterait une barrière à l'accès à la justice et remettrait en cause l'esprit même de l'AJ. Trop bas, il n'aurait qu'un effet de responsabilisation à la marge et resterait sans réelle incidence sur la problématique du financement de l'AJ.

La comparaison avec le système de l'assurance maladie peut ici, une nouvelle fois, se révéler éclairante. Le forfait journalier s'élève à 16 euros par jour dans la majorité des cas et à 12 euros par jour dans les services psychiatriques des établissements de santé 82 ( * ) . Le ticket modérateur, qui définit la part financière restant à la charge de l'assuré après le remboursement de l'assurance maladie, varie en fonction des actes et des médicaments, ainsi que du respect ou non du parcours de soins coordonnés.

La consultation chez un médecin généraliste : un exemple du ticket modérateur de l'assurance maladie

Lorsque l'assuré consulte son médecin traitant qui est un médecin généraliste conventionné en secteur I, il règle 21 euros (tarif au 1 er août 2006).

Sur ce montant, l'assurance maladie lui rembourse 70 % du tarif, soit 14,70 euros, moins 1 euro au titre de la participation forfaitaire.

Son remboursement est donc de 13,70 euros et le montant du ticket modérateur demeurant à sa charge est de 7,30 euros , soit 34,8 % du tarif du médecin.

Afin d'illustrer le raisonnement et de contribuer à la réflexion sur les masses financières en jeu, votre rapporteur spécial a procédé à une simulation selon quatre scénarios en fonction du niveau du « ticket modérateur justice ».

Une fois encore, les hypothèses doivent ici être prises avec toutes les réserves qui s'imposent . En particulier, votre rapporteur spécial n'a pris en compte, dans la simulation qu'il vous propose, que l'effet du ticket modérateur sur l'AJ totale et a laissé de côté son impact sur l'AJ partielle. En outre, en s'appuyant sur les statistiques fournies par le ministère de la justice statistiques suffisamment fines, il a retenu pour hypothèse de travail le nombre total des admissions à l'AJ duquel ont été retranchés les bénéficiaires « sans ressources » (447.218 en 2005) ainsi que les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI), du Fonds national de solidarité et de l'allocation d'insertion (73.321 en 2005).

L'impact du « ticket modérateur justice » sur le budget de l'AJ :
une simulation selon quatre scénarios

Votre rapporteur spécial a retenu quatre scénarios possibles quant au niveau du « ticket modérateur justice » :

- scénario n° 1 - « Ticket bas » : le « ticket modérateur justice » est fixé à 5 euros ;

- scénario n° 2 - « Ticket moyen - » : le « ticket modérateur justice » est fixé à 15 euros ;

- scénario n° 3 - « Ticket moyen + » : le « ticket modérateur justice » est fixé à 30 euros ;

- scénario n° 4 - « Ticket haut » : le « ticket modérateur justice » est fixé à 40 euros.

Le nombre de justiciables concernés est fixé à 278.614 (nombre de bénéficiaires à l'AJ totale en 2006 duquel ont été retranchés les bénéficiaires « sans ressources », les bénéficiaires du RMI, du Fonds national de solidarité et de l'allocation d'insertion).

Le budget de l'AJ est fixé à 328,7 millions d'euros (crédits ouverts en loi de finances pour 2007).

Scénario

Ticket bas

Ticket moyen -

Ticket moyen +

Ticket haut

Recette budgétaire (en millions d'euros)

1,4

4,2

8,4

11,2

Part du budget de l'AJ

0,4 %

1,2 %

2,6 %

3,4 %

En fonction du scénario retenu, on constate donc que la recette budgétaire obtenue via l'instauration du « ticket modérateur justice » varie de 1,4 million d'euros à 11,2 millions d'euros . Rapportés au budget de l'AJ ouvert par la loi de finances pour 2007 (328,7 millions d'euros), ces montants varient de 0,4 % à 3,4 % de l'enveloppe budgétaire consacrée à cette aide .

Afin de remettre en perspective les niveaux envisagés dans la simulation pour le « ticket modérateur justice » , votre rapporteur spécial juge utile de rappeler le montant du revenu minimum d'insertion (RMI), qui s'élève à 440,86 euros pour une personne seule et 661,29 euros pour un couple 83 ( * ) , ainsi que le plafond de l'AJ totale, qui est fixé à 874 euros 84 ( * ) .

F. L'AMÉLIORATION IMPÉRATIVE DU RECOUVREMENT DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

1. Un recouvrement défaillant de l'aide juridictionnelle

L'article 43 de la loi précitée du 10 juillet 1991 prévoit que les frais avancés au titre de l'AJ sont recouvrables contre l'adversaire du bénéficiaire de l'AJ condamné aux dépens et qui ne bénéficie pas lui-même de l'AJ. Ce dernier est tenu, sauf dispense totale ou partielle du juge, de rembourser au Trésor public, dans la proportion des dépens mis à sa charge, les sommes avancées par l'Etat au titre de l'AJ ( cf. supra , partie II-D-2).

Le recouvrement est effectué par le Trésorier payeur général (TPG) au vu d' un état de recouvrement transmis par le SAR, après avoir été établi et notifié à la personne contre qui les sommes sont à recouvrer par le greffier de la juridiction concernée.

Toutefois, dans les faits, nombre des juridictions n'établissent pas systématiquement d'état de recouvrement, et certaines n'en établissent pas du tout. Ainsi, un tiers des juridictions judiciaires n'établit pas d'états de recouvrement 85 ( * ) . Cette proportion, déjà trop importante, traduit qui plus est une dégradation du recours à cette procédure, puisqu'en 2000-2001 seulement 20 % des juridictions déclaraient ne pas établir d'états de recouvrement.

Au final, comme votre rapporteur spécial l'a déjà indiqué ( cf. supra , partie II-D-2), les montants recouvrés au titre de l'article 43 apparaissent très insuffisants. En 2004 et 2005, ils n'ont représenté que, respectivement, 11,4 millions d'euros et 11,5 millions d'euros, pour un montant théorique maximal estimé à 20 millions d'euros 86 ( * ) .

Montant de l'AJ recouvré

(en millions d'euros)

Année

2002

2003

2004

2005

Montant recouvré

9,8

10,3

11,4

11,5

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie - direction générale de la comptabilité publique

Cette défaillance du recouvrement de l'AJ est d'autant plus préjudiciable que, non seulement, elle nuit à la bonne gestion des deniers publics, mais que, par ailleurs, elle ne permet pas de garantir l'égalité entre les justiciables astreints à supporter le coût du fonctionnement de la justice mis à leur charge .

2. Une obligation de plus grande performance

L'audit de modernisation sur le recouvrement de l'AJ, dont les conclusions ont été rendues en février 2007, met en évidence une marge de progression de l'ordre de 9 millions d'euros, soit 2,7 % du budget de l'AJ .

Sans reprendre tous les constats dressés par l'audit de modernisation réalisé, votre rapporteur spécial souhaite néanmoins souligner les principaux facteurs de blocage identifiés à l'occasion de cet audit ainsi que les pistes d'amélioration suggérées.

L'audit relève, en effet, la grande complexité de la chaîne de recette correspondant au recouvrement de l'AJ, dont le processus est décrit dans le tableau suivant.

Les acteurs du processus de la chaîne de recouvrement

Décision AJ/ transmission aux juridictions

Mise à jour du répertoire

civil,

enregistrement

des données d'état civil des parties

Vérification, certification, taxation des justificatifs de dépense (AFM, mémoires)

Décision
de
condamnation aux dépens

Etat de frais, notification, état de recouvrement, transmission au SAR

Formule exécutoire du titre de recette

Recouvrement,

poursuite du redevable

BAJ

Oui

Greffier en chef/greffier

Oui

Oui

Oui

Magistrat

Oui

Oui

SAR

Oui

Trésor

Oui

Source : audit de modernisation - rapport sur le recouvrement de l'aide juridictionnelle (février 2007)

Rappelant que l'émission des titres de recette n'est pas le « coeur de métier » des juridictions, l'audit constate que nombre d'acteurs de la chaîne du recouvrement perçoivent mal la finalité de cette émission de recette et y voient même, parfois, comme une injustice pour les personnes astreintes au paiement, notamment pour les moins fortunées d'entre elles.

Plus fondamentalement, les raisons invoquées par les BAJ pour expliquer ces carences en matière de recouvrement renvoient au manque de personnel et de temps , à la méconnaissance des procédures , au manque d'information sur l'adresse du débiteur et à la survenance d'appels et de recours.

Le délai de mise en recouvrement 87 ( * ) traduit ces carences et est couramment supérieur à un an. Dans certains cas, il peut même dépasser deux ans.

Au regard des montants pris en charge par le Trésor public , le taux d'encaissement constaté est de 48,3 % et, après la prise en compte des admissions en non valeur, le taux de recouvrement de l'AJ s'élève à 72,2 % 88 ( * ) .

Ces taux témoignent de la difficulté du recouvrement de l'AJ du fait des caractéristiques socio-économiques et psychologiques des débiteurs de l'AJ, qui présentent des spécificités souvent peu propices à un recouvrement facile . Ainsi, les redevables sont-ils souvent en situation précaire. Comme le souligne l'audit de modernisation, « des délais de paiement sont accordés, mais rarement respectés. Les poursuites mises en oeuvre dans le cas des saisies-ventes (au-dessus de 200 euros) aboutissent souvent à l'établissement de procès verbaux de carence, compte tenu de l'absence de patrimoine du débiteur ».

En outre, le dispositif de récupération des avances d'AJ est méconnu des redevables, qui acceptent difficilement de payer les frais de leur adversaire , tandis que les procédures applicables au recouvrement de l'AJ sont parfois difficiles à mettre en oeuvre lorsque le débiteur refuse de payer. En particulier, elles nécessitent la plupart du temps l'intervention d'un huissier.

Les principales recommandations , auxquelles souscrit votre rapporteur spécial, résultant de l'audit de modernisation sur le recouvrement de l'AJ sont reprises dans l'encadré suivant.

Les principales recommandations de l'audit de modernisation sur le recouvrement de l'AJ (février 2007)

Les principales conclusions de l'audit de modernisation sur le recouvrement de l'AJ tendent à préconiser de :

- finaliser une circulaire commune au garde des Sceaux et au ministre des finances donnant des instructions précises sur les conditions requises pour un recouvrement efficace ;

- s'appuyer sur des comités de pilotage locaux constitués entre les SAR et les services du Trésor ;

- prévoir un doublement des montants de recouvrement émis par les SAR aux trésoreries ;

- focaliser la politique de recette sur les cours d'appel, dans la mesure où leur rendement potentiel en euros est le plus important parmi l'ensemble des juridictions ;

- inciter tous les TGI à procéder à l'émission de titres ;

- faire des SAR le pivot de l'organisation de la chaîne de recette de recouvrement dans sa phase relevant des juridictions ;

- conduire une expérimentation permettant d'apprécier le dispositif centralisé faisant intervenir le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) attaché au ministère de la justice ;

- mettre en place un dispositif permettant de corriger l'insuffisance ou l'inexactitude des renseignements identifiant le redevable ;

- sensibiliser les acteurs à l'importance du processus de recette ;

- introduire des objectifs et des indicateurs mobilisateurs pour la recette dans les programmes 101 « Accès au droit et à la justice » et 156 « Gestion fiscale » ;

- diffuser auprès des juridictions un guide pratique de la recette établi avec le concours de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) ;

- renforcer la formation des greffiers et des magistrats sur le processus de recette de l'AJ ;

- développer une approche client auprès des redevables visant à mieux informer du caractère potentiellement remboursable de l'AJ, de son montant, de son fondement et des conditions de reversement.

3. Un facteur de progrès dans le recouvrement : l'achèvement de la réforme des bureaux d'exécution des peines (BEX)

L'article 44 de la loi du 10 juillet 1991 prévoit que le recouvrement des sommes dues à l'Etat a lieu comme en matière d'amendes ou de condamnations pécuniaires .

Partant de ce principe, votre rapporteur spécial considère qu'il conviendrait, en matière de recouvrement de l'AJ, de s'appuyer sur les bureaux d'exécution des peines (BEX). La réforme en cours permet d'ores et déjà des progrès substantiels pour le recouvrement des condamnations judiciaires (amendes) dont la partie pratique peut néanmoins être améliorée 89 ( * ) .

En effet, dans le domaine de la recette en matière d'AJ, le dispositif actuel manque de lisibilité pour le redevable et des marges de progrès sont envisageables.

Il convient, notamment, de mieux organiser l'information du justiciable sur la restitution des sommes engagées, et de faire en sorte que, dès l'intervention de la décision de justice, il ait connaissance du montant à rembourser . Un tel dispositif devrait naturellement s'accompagner d'une émission de titre très rapide et réactive, dès l'intervention de la décision de justice, tout en tenant compte toutefois des délais d'exercice de voies de recours. Il s'agirait, enfin, de faciliter les procédures de paiement dès la sortie du tribunal .

Ces objectifs correspondent pour une large part à la vocation des BEX , qui pourraient ainsi être utilement mis à contribution dans le cadre d'un recouvrement plus performant de l'AJ.

G. LA POURSUITE DE L'EFFORT DE SENSIBILISATION DES MAGISTRATS ET DES AGENTS DES BAJ

1. L'effort de formation en direction des magistrats et des greffiers

Les magistrats et les greffiers sont au coeur du dispositif de l'AJ, et le bon fonctionnement de ce système repose pour une grande part sur leur implication. Dès lors, comme pour un certain nombre de questions telles que la mise en oeuvre de la LOLF ou les frais de justice 90 ( * ) , la sensibilisation et l'acquisition des réflexes essentiels passent par un effort de formation et de pédagogie auprès de ces acteurs indispensables à la bonne marche de l'AJ.

Cet effort doit, tout d'abord, porter sur la formation initiale . Il s'agit surtout, à ce stade, de sensibiliser les auditeurs de justice à la problématique de l'AJ, au cours de leur scolarité à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM), et de permettre l'apprentissage des mécanismes de base aux élèves de l'Ecole nationale des greffes (ENG).

A cet égard, votre rapporteur spécial se félicite que ce sujet soit abordé tant à l'ENM qu'à l'ENG au sein de modules de formation initiale .

C'est à l'ENG que l'insistance sur l'AJ se révèle la plus marquée, avec un module de formation de 4 jours (contre 3,5 jours avant la réforme de la scolarité intervenue en 2003) au cours de la seconde période de scolarité suivie à l'école par les élèves. Ce cours, intitulé « L'aide juridictionnelle et l'accès au droit », s'intègre dans le bloc de formations consacrées aux « Attributions spécifiques du greffier en chef ». Son contenu est présenté dans l'encadré ci-dessous.

Le module « L'aide juridictionnelle et l'accès au droit »
en formation initiale à l'ENG

Le module « L'aide juridictionnelle et l'accès au droit », dispensé sur 4 jours , est orienté vers :

- la compétence du greffier en chef vice-président du BAJ ;

- le contrôle de la délivrance des AFM ;

- le traitement des états de recouvrement ;

- le greffier en chef secrétaire du CDAD ;

- la présentation de l'application informatique.

A l'ENM, aucun cours, en formation initiale, ne porte spécifiquement sur la problématique et les enjeux de l'AJ . En revanche, le module « Economie de la justice » aborde, parmi d'autres thèmes (la LOLF, les frais de justice, les notions d'objectifs et d'indicateur de performance, ainsi que les statistiques judiciaires), le sujet de l'AJ. En outre, l'un des stages prévus dans le déroulement de la scolarité à l'ENM, le stage « Juge au TGI » , donne lieu à la découverte des différentes activités des magistrats du siège, et peut offrir une approche concrète et opérationnelle de la mécanique de l'AJ ainsi que du fonctionnement d'un BAJ.

Au vu de ce constat, votre rapporteur spécial considère que la scolarité à l'ENM gagnerait certainement à s'enrichir d'une approche plus complète et plus directe du fonctionnement et des enjeux de l'AJ. Cette formation, sous la forme d'un nouveau module par exemple, se verrait, notamment, assigner pour objectif de faire comprendre au futur magistrat la spécificité du rôle et des missions de l'avocat dans le cadre de l'AJ .

En formation continue , l'ENM et l'ENG ont proposé, en 2005 et 2006, un module commun exclusivement consacré à l'AJ (session de formation sur une journée).

Toutefois ce module a disparu en 2007, ce que ne peut que regretter votre rapporteur spécial .

Pour expliquer cette absence du catalogue des formations continues, l'ENM a indiqué à votre rapporteur spécial qu'une forte diminution des candidatures (165 places étaient offertes en 2006 pour finalement seulement 45 participants) était à l'origine de cette suppression. Pour autant, votre rapporteur spécial estime qu'un redimensionnement du format de cette action de formation (moins de places offertes) aurait probablement été préférable à sa disparition pure et simple et que cette évolution devrait être envisagée pour 2008 .

Fort heureusement, l'AJ donne lieu à des actions de formation déconcentrées au sein de certaines cours d'appel par les magistrats délégués à la formation continue déconcentrée. Ainsi, le 27 avril 2007, la cour d'appel de Rennes a-t-elle organisée une journée de formation intitulée « L'aide juridictionnelle à l'épreuve des nouveaux textes » au cours de laquelle est intervenu le SADJPV.

Par ailleurs, chaque année, l'ENM organise une action de formation continue ouverte aux « nouveaux chefs de juridiction » 91 ( * ) , laquelle comprend un module de présentation de l'AJ préparé par le SADJPV. Cette action se déroule en deux sessions. Elle permet de présenter le régime de l'AJ et ses récentes réformes, mais également de rappeler la compétence propre des présidents de TGI la matière.

Enfin, l'ENM envisage également la création d'une action de formation, pour 2008, en lien avec l'AJ : « Présider un CDAD » (module d'une journée ouvert à 30 participants maximum).

2. Le lancement d'un audit pour mieux connaître l'activité et l'organisation des BAJ

La sensibilisation des magistrats et des fonctionnaires des BAJ au bon fonctionnement de l'AJ sera d'autant mieux adaptée qu'il sera possible de disposer d' une connaissance précise de l'activité et de l'organisation des juridictions au regard de l'AJ.

Certes, la Chancellerie s'est dotée au fil des années d'un appareil statistique d'ores et déjà performant, mais il conviendrait désormais d' affiner à la fois l'étude et l'outil.

Le niveau d'exigence en matière de constitution d'un dossier d'AJ et des pièces à fournir, comme la démarche et les critères adoptés pour apprécier les ressources du demandeur paraissent fluctuer d'un BAJ à l'autre. De même, les modalités d'organisation du travail, d'émission des états de recouvrement ou de délivrance des AFM semblent présenter des différences sensibles selon les BAJ . Enfin, les moyens humains et informatiques (liaisons informatiques entre les BAJ et les CARPA, par exemple) restent difficiles à apprécier dans une vision d'ensemble de l'activité des BAJ, ce qui ne peut que nuire à la justesse de l'appréciation portée sur la performance du système mis en place 92 ( * ) .

Face à cette apparente hétérogénéité des pratiques et des moyens, votre rapporteur spécial juge souhaitable de lancer une mission d'audit sur l'organisation et le fonctionnement des BAJ . Cette mission couvrirait aussi bien le volet juridique du fonctionnement du BAJ (critères et modalités d'appréciation des ressources des demandeurs, rôle des représentants des usagers au sein des BAJ...) que le volet budgétaire (moyens consacrés à l'AJ dans chaque BAJ, efficience de ces moyens...). Elle devrait avoir pour finalité, notamment, la diffusion des bonnes pratiques ainsi repérées . Une telle mission pourrait, par exemple, être confiée à l'inspection des services judiciaires (ISJ).

H. UN MEILLEUR SUIVI DE LA PERFORMANCE EN VUE D'UNE PLUS GRANDE RESPONSABILISATION

1. Un suivi de la performance encore embryonnaire dans le cadre de la LOLF

Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, la performance du système de l'AJ est mesurée par trois indicateurs renvoyant à deux objectifs . Ces objectifs et les indicateurs qui s'y rapportent figurent dans le PAP et le rapport annuel de performances (RAP) de la mission « Justice », au titre du programme « Accès au droit et à la justice ».

Le premier objectif correspond à l'amélioration du délai de traitement des admissions à l'AJ . A cet objectif, sont rattachés deux indicateurs de performances présentés ci-dessous.

Délai moyen national de traitement des demandes d'AJ

Unité

2004 Réalisation

2005 Réalisation

2006 Prévision

PAP 2006

2006 Prévision PAP 2007

2006 Réalisation

2009
Cible

PAP 2006

Jour

nd

60

nd

60

63

60

Source : rapport annuel de performances pour 2006

Pourcentage de BAJ dont le délai moyen de traitement des demandes d'AJ
est supérieur à deux mois

Unité

2004 Réalisation

2005 Réalisation

2006 Prévision

PAP 2006

2006 Prévision PAP 2007

2006 Réalisation

2009
Cible

PAP 2006

%

nd

38

nd

30

32

10

Source : rapport annuel de performances pour 2006

L'analyse de ces indicateurs met en évidence une dégradation du délai moyen de traitement des demandes d'AJ entre 2005 et 2006, ce délai passant de 60 jours à 63 jours .

En revanche, on constate une homogénéisation croissante des délais de traitement des demandes d'AJ , le pourcentage de BAJ dépassant le délai moyen d'instruction de 2 mois étant passé de 38 % en 2005 à 32 % en 2006.

Le RAP pour 2006 précise que, face à la dégradation du délai moyen de traitement, « il a été demandé aux chefs de cour et aux présidents des BAJ d'assurer un suivi trimestriel et la mise en place, pour les BAJ qui dépassent le délai cible de 2 mois, de mesures appropriées pour s'en rapprocher, notamment par la mise en oeuvre de redéploiements internes et par des modalités homogènes d'enregistrement des demandes, tout au long de la chaîne de traitement. ».

Il convient de souligner que ce premier objectif assigné dans le PAP au programme « Accès au droit et à la justice » (l'amélioration du délai de traitement des admissions à l'AJ) est certes utile, mais qu'il ne s'intéresse toutefois qu'au point de vue du justiciable, sans prendre en considération le délai subi par l'avocat ayant accompli la mission .

Le second objectif du programme « Accès au droit et à la justice » en matière d'AJ concerne la maîtrise des coûts de gestion d'un dossier d'AJ . L'indicateur de performances qui lui est rattaché renvoie à la dépense engendrée par le traitement d'une décision d'AJ par le BAJ.

Au regard de cette nécessaire maîtrise des coûts, votre rapporteur spécial ne peut que déplorer que l'indicateur n'ait pas été renseigné dans le PAP pour 2007, pas plus que dans le RAP pour 2006 . Le RAP pour 2006 précise que « les données 2006 seront recueillies sur l'année 2007 et seront disponibles dans le PAP annexé au PLF pour 2008 ».

Le PAP pour 2008 fournit, quant à lui, une première donnée chiffrée relative à la performance réalisée en 2006 : 16,43 euros de coût de traitement par dossier d'AJ. Pour autant, la valeur de cet indicateur reste sujette à caution, dès lors que le PAP précise qu'elle n'a pu être établie qu'à partir d'un échantillon de 11 Cours d'appel sur 35 (l'échantillon ne couvre que 42 % des demandes d'AJ examinée au niveau national) et que les dépenses de fonctionnement n'ont pas pu être prise en compte.

Les retards dans la mise en place de cet indicateur de performances traduisent des lacunes en matière de contrôle de gestion et de mise en oeuvre d'une comptabilité analytique fiable. L'évaluation du coût du traitement d'un dossier d'AJ suppose, en effet, la capacité à isoler les postes de dépense (charges de personnel, dépenses d'équipement, dépenses d'investissement) après avoir défini des « clefs de répartition » représentatives de l'activité de la juridiction et du BAJ.

De telles lacunes ne peuvent que renforcer l'utilité de l'audit préconisé par votre rapporteur spécial sur l'activité et le fonctionnement des BAJ ( cf. supra , partie III-G-2).

2. Une évaluation de la performance en matière de recouvrement de l'AJ à développer

Au regard des considérations précédentes, votre rapporteur spécial souhaite un enrichissement de l'évaluation de la performance du programme « Accès au droit et à la justice » .

Dans la mesure où des marges de progression significatives existent dans le domaine du recouvrement de l'AJ ( cf. supra , partie III-E) et qu'un gain potentiel de l'ordre de 9 millions d'euros est envisageable, votre rapporteur spécial souhaiterait qu'un indicateur de performances vienne désormais compléter le PAP de la mission « Justice ». Cet indicateur viserait à rendre compte du taux d'émission des états de recouvrement de l'AJ par les juridictions, selon les degrés d'instance, et figurerait au sein du programme « Accès au droit et à la justice » .

Un tel indicateur permettrait ainsi de mieux suivre les efforts réalisés au sein des juridictions pour améliorer le taux de recouvrement des avances faîtes au titre de l'AJ.

3. L'utilité de créer un indicateur relatif au délai de délivrance des attestations de fin de mission (AFM)

L'évaluation de la performance dans le domaine de l'AJ est, jusqu'à présent, essentiellement tournée vers l'usager (Cf. objectif n° 1) ou le contribuable (Cf. objectif n  2). Cette approche correspond à la logique d'ensemble des PAP et ne représente donc nullement une spécificité de la mission « Justice ».

Pour autant, dans la mesure où l'avocat joue un rôle essentiel dans le dispositif de l'AJ, il ne paraîtrait pas incongru qu'un indicateur s'intéresse à la satisfaction qu'il peut lui aussi retirer du système.

Dans cette perspective, votre rapporteur spécial souhaite la création d'un indicateur de performances rendant compte du délai de délivrance de l'AFM à l'avocat . Cette attestation conditionne, en effet, le règlement de la mission à l'avocat par la CARPA et son délai de délivrance influe donc sur le degré de satisfaction que peut retirer l'avocat ayant conduit une mission à l'AJ.

I. LA MISE EN CONFORMITÉ AVEC LES RÈGLES EUROPÉENNES EN MATIÈRE DE TVA

1. La spécificité française de la TVA à taux réduit (5,5 %) pour l'aide juridictionnelle

Les prestations fournies par les avocats au titre de l'AJ sont soumises à la TVA, comme toute prestation de service. Cependant, le taux appliqué est le taux réduit à 5,5 % .

L'impact de cette disposition est différent selon le type de bénéficiaire de l'AJ .

Dans le cas de l'AJ totale, l'application d'un taux de TVA réduit est sans incidence sur le bénéficiaire de l'AJ, celui-ci se voyant pris totalement en charge la dépense de son avocat et ne percevant donc pas l'effort consenti par l'Etat en termes de réduction du taux de TVA. Ainsi, pour résumer la situation, la TVA est indolore et invisible pour le bénéficiaire de l'AJ totale .

Tel n'est pas le cas pour le bénéficiaire de l'AJ partielle. En effet, dans cette configuration, le bénéficiaire de l'AJ s'acquitte d'un honoraire complémentaire librement consenti auprès de son avocat. Aussi, l'application d'un taux de TVA réduit n'est pas sans incidence sur le bénéficiaire de l'AJ partielle, qui profite d'un « coup de pouce fiscal » supplémentaire .

Du point de vue de l'avocat , l'application de la TVA donne lieu à collecte, cette TVA pouvant par ailleurs être déduite. Les missions à l'AJ sont les seules prestations de l'avocat soumises au taux réduit de TVA, toutes les autres étant soumises au taux normal de 19,6 %.

Depuis plusieurs années, la profession d'avocat réclame la généralisation du taux de TVA réduit à l'ensemble des prestations de l'avocat, c'est-à-dire y compris aux prestations ne relevant pas de l'AJ. Outre le coût fiscal élevé d'une telle mesure, cette généralisation ne pourrait relever d'une décision strictement nationale et supposerait une décision prise au niveau de la Communauté européenne. La revendication de la profession d'avocat va, par ailleurs, à rebours d'une récente décision de la Commission européenne, ainsi que va l'exposer votre rapporteur spécial dans la partie suivante.

2. La saisine de la Cour de justice des Communautés européennes par la Commission européenne

En vertu de la législation communautaire, les fournitures de biens et de services soumis à la TVA sont normalement soumises à un taux normal d'au moins 15 %. Cependant, les Etats membres de la Communauté européenne peuvent choisir d'appliquer un ou deux taux réduits, supérieurs ou égaux à 5 %, à une liste restreinte de biens et de services 93 ( * ) .

Or, les services des avocats ne figurent pas dans cette liste .

Aussi, étant donnée la situation existante caractérisée par l'application du taux réduit à 5,5 % aux prestations de l'avocat dans le cadre de l'AJ et parce que la France n'a pas modifié sa législation malgré la demande officielle de la Commission européenne sous forme d'un avis motivé 94 ( * ) , la Commission européenne a décidé de saisir la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) 95 ( * ) .

A l'occasion de sa saisine, la Commission européenne a souligné que « l'application du taux normal de TVA n'aura pas d'incidence sur la situation financière des bénéficiaires lorsque l'aide juridictionnelle est entièrement prise en charge par l'Etat ». Elle a, en effet, rappelé que « lorsque cette prise en charge n'est que partielle, (...) la France est libre d'utiliser les recettes supplémentaires provenant de l'application du taux normal à ces services pour relever le niveau de l'aide et donc compenser l'augmentation des coûts ».

La Commission européenne a, enfin, considéré que « le respect par la France des principes régissant la TVA, conformément auxquels les services en cause doivent être soumis au taux normal, n'est donc en rien incompatible avec la décision (de la France) d'apporter une aide juridictionnelle aux citoyens les plus modestes et de leur faciliter l'accès aux conseils juridiques ».

Votre rapporteur spécial estime que la réforme désormais nécessaire et urgente du système de l'AJ doit également être l'occasion de mettre en conformité la France avec les règles qui s'imposent à tous les Etats membres de la Communauté européenne .

Il rappelle, toutefois, que l'alternative à cette option consisterait à modifier la liste des biens et des services figurant à l'annexe H de la sixième directive. Mais la procédure de modification de cette liste est relativement longue 96 ( * ) .

J. LA SYSTÉMATISATION DE L'ÉVALUATION DE L'IMPACT SUR LES CRÉDITS DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE DE TOUTE NOUVELLE LOI

1. Les incidences mal maîtrisées sur l'évolution des admissions de l'extension mécanique du bénéfice de l'aide juridictionnelle par la loi

Depuis l'entrée en vigueur de la loi précitée du 10 juillet 1991, un certain nombre de textes de loi ont eu pour effet direct d'élargir le champ de l'AJ. Ces extensions, qui répondaient au souci de mieux garantir l'accès à la justice de certaines catégories de justiciables, ont toutefois contribué à alimenter mécaniquement la dynamique à la hausse des admissions à l'AJ .

Parmi les exemples les plus symptomatiques, votre rapporteur spécial relève, notamment, la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, dite « loi Borloo » , qui a institué, en particulier, une procédure nouvelle de rétablissement personnel . Dans leur avis rendu au nom de la commission des Lois sur les crédits de la mission « Accès au droit et à la justice » lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 97 ( * ) , nos collègues Yves Détraigne et Simon Sutour estimaient que cette nouvelle procédure avait entraîné « une augmentation de 19 % des admissions à l'AJ introduites devant le juge de l'exécution ».

Dans le même rapport, nos collègues considéraient également que la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile , en unifiant la procédure d'instruction des demandes d'asile 98 ( * ) , avait entraîné une hausse des recours juridictionnels de + 10 % et une augmentation concomitante des admissions à l'AJ.

Enfin, et sans que cette énumération ait une quelconque prétention à l'exhaustivité, il convient de rappeler que la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a, d'une part, ouvert, sans condition de ressources, le bénéfice de l'AJ aux victimes des crimes les plus graves (atteintes volontaires à la vie, viols) ainsi qu'à leurs ayants droit, et, d'autre part, créé une possibilité pour les victimes d'infractions pénales souhaitant se constituer partie civile de demander la désignation d'un avocat dès le début de la procédure judiciaire.

2. Le gonflement des admissions à l'aide juridictionnelle résultant aussi de la présence de l'avocat rendue obligatoire par de nombreux textes de loi

L'accroissement considérable des admissions à l'AJ au cours des dernières s'explique aussi, pour une part importante, par la multiplication des textes rendant le recours à l'avocat obligatoire .

Sans chercher à être exhaustif, votre rapporteur spécial souhaite à cet égard illustrer son propos par deux exemples particulièrement éclairants en matière pénale : la défense des mineurs et le « plaider coupable ».

Dans le domaine de la défense pénale des mineurs , les années 1990 ont marqué une rupture. Sous le régime de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, la place de l'avocat était relativement limitée, l'intérêt de l'enfant étant d'abord entre les mains du juge, secondé par les acteurs du champ socio-éducatif.

En phase avec l'application de la convention internationale des droits de l'enfant 99 ( * ) , le législateur a progressivement élargi les droits de l'enfant en justice et les prérogatives de son avocat dans la procédure pénale . Alors que l'avocat n'était obligatoire qu'au moment du jugement du mineur, la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale a rendu sa présence obligatoire tout au long de la procédure pénale , dès la première comparution devant le juge, dès lors qu'une infraction pénale est susceptible d'être retenue contre le mineur. Cette réforme a aussi étendu les droits de la défense lors de la garde à vue du mineur avec la présence de l'avocat.

Enfin, la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a permis aux majeurs comme aux mineurs de s'entretenir avec un avocat dès la première heure de garde à vue , pour un délai d'une demi-heure 100 ( * ) .

De même, dans le domaine pénal, la diversification des poursuites pénales et l'alternative au procès correctionnel offertes par l'instauration du « plaider coupable » ont contribué à alimenter les admissions à l'AJ. La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité , plus connue sous le nom de « plaider coupable » ou de CRPC , a été introduite par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Elle s'applique, sur décision du procureur de la République, lorsque que la personne poursuivie a reconnu dès les premiers interrogatoires les faits qu'on lui reproche et qu'il s'agit de faits simples. Elle s'accompagne, notamment, de la présence obligatoire de l'avocat.

3. La nécessité d'une évaluation préalable des conséquences de toute nouvelle loi sur les crédits de l'aide juridictionnelle

Dans un contexte budgétaire tendu, la bonne gestion des deniers publics impose une véritable « prudence budgétaire » au moment du vote de la loi.

Dans cette perspective, votre rapporteur spécial veut tout particulièrement insister sur un « principe de précaution » élémentaire devant désormais prévaloir : « aucune évolution (de la loi) sans évaluation préalable (de son impact sur les crédits de l'AJ) » .

Votre rapporteur spécial estime indispensable que chaque texte désormais soumis à votre vote soit accompagné d' une étude d'impact détaillée sur les crédits de l'AJ, s'il y a lieu. Il s'agit par là de prévenir tout nouvel emballement du dispositif en s'astreignant à identifier, le plus précisément possible, les facteurs d'évolution des admissions à l'AJ résultant des futurs dispositifs adoptés.

Il faut, en effet, en finir avec un pilotage à vue du système judiciaire qui ne peut que contraindre, à moyen terme, à des « à-coups » nuisant fortement à la rationalisation et à la programmation de la dépense, et pouvant aller jusqu'à mettre en péril la viabilité même du système de l'AJ dans son ensemble.

Votre rapporteur spécial considère que sur ce terrain aussi, et peut être encore plus qu'ailleurs, les principes de transparence et de responsabilité doivent « faire loi » .

K. LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE : TIRER PROFIT D'UNE NOUVELLE DONNE

La réforme de la carte judiciaire, voulue par M. le Président de la République et annoncée par Mme le garde des Sceaux, ministre de la justice, s'annonce comme l'une des réformes majeures de la législature . Cette nouvelle impulsion donnée doit pouvoir être mise à profit pour assurer le succès de la réforme de l'AJ.

1. Accompagner la réforme de la carte judiciaire d'une réorganisation des juridictions

La révision de la carte judiciaire engagée par la Chancellerie doit s'accompagner, pour réussir, d'une réflexion sur la réorganisation des juridictions. Dans ce cadre, le volet de l'AJ a bien évidement toute sa place, dès lors qu'il concerne aussi bien les personnels des juridictions, via les décisions rendues par les magistrats et le BAJ, que les relations que les juridictions entretiennent avec les avocats et les auxiliaires de justice.

Cette réorganisation doit être pensée pour parvenir à offrir une justice d'encore plus grande qualité et toujours plus efficace aux justiciables, parmi lesquels les bénéficiaires de l'AJ comptent pour une large part (904.532 admissions à l'AJ prononcées en 2006).

La réflexion sur un nouveau maillage du territoire par les juridictions doit intégrer une nouvelle stratégie de répartition des moyens, en particulier humains, dédiés au traitement des demandes d'AJ . Il convient, en effet, de redimensionner les BAJ pour leur permettre de réduire les délais de traitement des dossiers de demandes. Les effets d'échelle résultant de la concentration des moyens au sein de juridictions à l'implantation mieux rationalisée peuvent utilement contribuer à améliorer l'efficience des BAJ. A cet égard, l'audit des BAJ préconisé par votre rapporteur spécial ( cf. supra , partie III-G-2) doit offrir un éclairage complémentaire à la prise de décision (identification des bonnes pratiques, évaluation du nombre cible de dossiers traités par agent...).

Par ailleurs, la réforme de la rémunération des avocats au titre de l'AJ, via la création d'un « barème horaires » ( cf. supra , partie III-B-2), doit pouvoir également s'appuyer sur la redéfinition de la carte judiciaire pour traiter au plus juste certains aspects de cette rémunération. L'une des revendications de la profession d'avocat concerne, en effet, la couverture financière des déplacements et des visites en prison dans le cadre des missions d'AJ (ces frais ne sont aujourd'hui pas pris en compte dans le calcul de la rétribution de l'avocat). La négociation à engager sur ces points devra prendre en considération la nouvelle donne résultant d'une répartition plus cohérente des juridictions sur l'ensemble du territoire.

Plus généralement, votre rapporteur spécial considère que la réforme de la carte judiciaire devra s'opérer dans le souci de préserver la proximité des plus démunis avec les lieux de justice . Il ne servirait, en effet, à rien de réformer le système de l'AJ pour sauvegarder cette aide si, dans le même temps, les publics les plus fragiles et les plus démunis voyaient s'éloigner d'eux les Palais de justice.

De ce point de vue, votre rapporteur spécial juge nécessaire de s'appuyer encore plus largement sur les structures existantes que sont les maisons de la justice et du droit (MJD), principalement implantées jusqu'à présent dans les zones urbaines sensibles, et les points d'accès au droit (PAD) . Ces lieux ont vocation à devenir, plus encore que par le passé, de véritables relais entre les demandeurs de l'AJ et le Palais de justice. Une réflexion pourrait notamment s'engager avec la profession d'avocat pour optimiser mieux encore leur fonctionnement, les services qui peuvent y être offerts (permanences pénales, par exemple), leurs horaires d'ouverture, leurs implantations et leurs taux d'occupation.

Enfin, votre rapporteur spécial estime que la Chancellerie pourrait, dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, utilement engager une discussion avec d'autres administrations ou institutions publiques pour imaginer de nouveaux points de relais entre les demandeurs de l'AJ et les Palais de justice . Déjà, dans le cadre de l'accès au droit, certains barreaux ont mis en place des partenariats avec des mairies, le ministère de l'intérieur (commissariats), des associations d'aide aux victimes, des chambres de commerce...

2. Ne pas manquer l'occasion de maximiser les gains réalisables grâce aux nouvelles technologies

La réforme de la carte judiciaire est également l'occasion de diffuser encore plus largement l'usage des nouvelles technologies au sein de l'institution judiciaire au sens large. De remarquables progrès ont d'ores et déjà été accomplis (dématérialisation en cours de la chaîne pénale, par exemple) et ils témoignent de l'ouverture et de la réactivité en la matière des magistrats et des personnels de justice. Ces efforts doivent aussi s'appliquer au système de l'AJ.

Déjà, les dossiers de demande d'AJ sont accessibles par téléchargement en ligne sur internet avec les explications nécessaires à la compréhension des mécanismes qui régissent cette aide (plafonds de ressources...), ce qui contribue fortement à répondre au besoin de proximité du justiciable. La dématérialisation du formulaire de demande d'AJ doit désormais s'accompagner de progrès dans la dématérialisation de l'instruction de la demande (pièces justificatives de ressources scannées ...).

La mise en place de plates-formes numériques d'échange sécurisées entre les juridictions, d'une part, et les avocats et les auxiliaires de justice, d'autre part, doit être accélérée (un réseau privé virtuel est en cours de déploiement pour les avocats). De telles infrastructures, qui ont certes un coût initial d'installation, peuvent toutefois contribuer à améliorer la circulation de l'information et des pièces (pièces manquantes pour la constitution d'un dossier de demande d'AJ, par exemple). Par le gain de temps qu'elles pourraient engendrer, elles seraient de nature à accroître la rentabilité des missions d'AJ menées par l'avocat. Elles contribueraient, en outre, à améliorer la transparence tout au long des procédures et à réduire les délais de réponse ou de délivrance des AFM par les BAJ.

Plus largement, le recours à la vidéoconférence pourrait également être développé en concertation avec la profession d'avocat. A l'heure où toutes les juridictions sont en passe d'être équipées de tels matériels, cette innovation technologique permettrait de limiter le temps d'attente des avocats dans les Palais de justice lors de leurs missions d'AJ et de réduire également leurs frais de déplacement.

3. Envisager le regroupement des CARPA

La réforme de la carte judiciaire n'est pas sans conséquence sur l'organisation de la profession d'avocat. En particulier, l'un des premiers secteurs concernés sera probablement celui des CARPA . La « carte » des CARPA devra, en effet, s'adapter à l'évolution du maillage du territoire par les juridictions.

Dans ce contexte, des regroupements de CARPA pourraient être envisagés et permettraient de jouer sur des effets d'échelle pour mieux amortir leurs coûts fixes de fonctionnement . Ces mesures répondraient à leur souci de voir leurs produits financiers décliner et à leur crainte de ne plus pouvoir couvrir leurs frais de fonctionnement ( cf. supra , partie II-C-3).

Ce mouvement de concentration est d'ailleurs déjà amorcé . Ainsi, sur les 182 caisses d'origine, 29 se sont déjà regroupées 101 ( * ) . On constate notamment une tendance au regroupement autour de certains « pôles » attractifs : les CARPA de Grenoble, de Rennes, de Toulouse ou de Montpellier sont ainsi citées en exemple, sans que cette liste soit exhaustive 102 ( * ) .

Une telle concentration permet tout à la fois de préserver l'expertise en matière de gestion de fonds acquise au fil du temps par ces structures, tout en desserrant la contrainte de gestion par un meilleur étalement des coûts fixes de fonctionnement.

Un tel mouvement doit pouvoir s'amplifier sous l'effet de la réforme de la carte judiciaire.

CONCLUSION

Il faut réformer l'AJ .

Si toute réforme nécessite certes du courage et peut se révéler difficile, celle de l'AJ présente au moins l'avantage de s'appuyer sur un diagnostic largement partagé par les acteurs partie prenante au dispositif. Le système en place depuis 1991 a désormais « touché ses limites » et doit être remis à plat.

Les deux piliers de la réforme de l'AJ doivent, incontestablement, être les principes de transparence et de responsabilité . La perte de vue de ces points cardinaux explique en effet, pour une part, le grippage actuel de la mécanique.

Dans la perspective de la réforme, un élément doit être relevé comme un facteur clef de réussite de l'action à mener : tous les acteurs ont leur part à prendre dans la modernisation de l'AJ . Il ne s'agit ni de remettre en cause la philosophie même de l'aide et de laisser le justiciable le plus fragile s'éloigner inexorablement de la justice, ni de stigmatiser une profession, et encore moins d'organiser méthodiquement un désengagement de l'Etat aux conséquences imprévisibles. Il s'agit, en revanche, d'imaginer un nouveau contrat autour de l'accès à la justice pour les plus démunis.

Au terme de sa mission de contrôle, votre rapporteur spécial est convaincu que ce nouveau contrat peut reposer sur quelques grandes idées simples.

Tout d'abord, la profession d'avocat dans son ensemble doit être pleinement impliquée dans le système de l'AJ. Il faut, en effet, en finir avec cette inégalité particulièrement choquante qui consiste à ce qu'un avocat sur deux ne participe pas au bon fonctionnement de l'aide . Le rétablissement de l'équité au sein de cette profession passe par une participation, en temps ou en argent, à cette expression de la solidarité nationale qu'est l'AJ. Dans le même temps, l'avocat doit pouvoir bénéficier d'une rémunération plus proche qu'aujourd'hui de la réalité de son travail et de la qualité de son engagement au service des plus fragiles, grâce à l'instauration d' un nouveau « barème horaires » .

Le justiciable , ensuite, ne peut se désintéresser d'un système qui lui garantit un accès de qualité à la justice lorsqu'il ne dispose que de moyens très limités ou se retrouve dans une situation de détresse particulière. La création d'un « ticket modérateur justice » doit contribuer à responsabiliser le bénéficiaire de l'AJ. Le niveau de ce ticket devra bien évidemment être fixé de manière à inciter suffisamment à un comportement citoyen sans freiner pour autant l'accès des plus démunis aux Palais de justice.

Conformément à l'esprit et à la ligne directrice tracée par la LOLF, l'Etat , pour sa part, doit être le garant de la performance du système de l'AJ, non seulement parce qu'il le finance mais aussi parce qu'il l'opère. La chaîne de l'AJ, qui va du BAJ aux services du Trésor public (pour le recouvrement) en passant par les magistrats, réunit une communauté autour d'un objectif partagé : rendre des décisions de qualité, dans les meilleurs délais possibles, en facilitant l'accès des plus faibles à la justice. Cette communauté doit désormais relever le défi des réorganisations induites par la réforme de la carte judiciaire et le passage aux nouvelles technologies , en faisant de ces évolutions non une contrainte subie mais un levier de progrès activé au profit d'un système de l'AJ modernisé.

Enfin, pour l'avenir, l'évaluation de l'impact sur les crédits de l'AJ de toute nouvelle loi s'impose comme indispensable . Le succès de la réforme de l'AJ dépendra en effet, sur le moyen terme, de la capacité du législateur à en finir avec un pilotage à vue pénalisant l'institution judiciaire dans son ensemble et mettant en péril la soutenabilité de la dépense liée à l'AJ en particulier.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 9 octobre 2007, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission des finances a entendu une communication de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, sur l'aide juridictionnelle.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a rappelé qu'il avait décidé d'engager en application de l'article 57 de la LOLF une mission de contrôle budgétaire sur l'aide juridictionnelle (AJ) à l'issue de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, qui avait été marqué par un débat autour de la revalorisation de l'unité de valeur (UV) servant de base à la rétribution des avocats menant des missions d'AJ.

Il a estimé que la revalorisation de l'UV obtenue pour 2007, sur amendement du Sénat, avait permis de débloquer une situation délicate et de répondre, au moins partiellement, aux attentes de la profession d'avocat, mais que cette réponse ne pouvait être qu'une solution de court terme. Il a ajouté que le système de l'AJ était à bout de souffle et traversait une grave crise, tant financière que morale.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a souligné l'accroissement considérable du nombre des admissions au titre de l'AJ. Il a noté qu'en 1991 le nombre des admissions s'élevait à un peu plus de 340.000 et qu'en 2006, un peu plus de 900.000 admissions avaient été prononcées. Il a rappelé que le nombre des admissions avait ainsi connu une hausse de + 159,5 %. Il a précisé que cet emballement concernait aussi bien le nombre de bénéficiaires de l'AJ totale (+ 163,8 %, pour atteindre en 2006 près de 799.000 admissions) que celui de l'AJ partielle (+ 131,1 %, et quelque 105.000 admissions).

Il a remarqué qu'une telle augmentation du nombre des admissions pouvait s'interpréter diversement car si elle témoignait d'une réussite incontestable du dispositif en place, elle traduisait aussi une certaine paupérisation de la population française sur la période. Il a souligné que cette évolution faisait peser une lourde hypothèque sur la soutenabilité de la dépense consacrée à l'AJ sur le moyen terme, l'enveloppe des crédits consommés ayant progressé de 391,3 % entre 1991 et 2006.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a rappelé que la loi de finances pour 2007 avait ouvert des crédits de paiement (CP) à hauteur de 328,7 millions d'euros, tandis que le projet de loi de finances pour 2008 prévoyait une ouverture de crédits à hauteur de 318,1 millions d'euros. A cet égard, il s'est interrogé sur le caractère réaliste de cette prévision. Il a indiqué que, rapportée aux crédits de la justice en France (6.271,1 millions d'euros de CP ouverts par la loi de finances pour 2007), la dépense de l'AJ représentait, en 2007, 5,2 % de l'enveloppe budgétaire globale consacrée à la justice, et 4,9 % des crédits de la justice en 2008.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a considéré que son poids dans le budget de la justice et sa dynamique depuis 1991 en faisaient une variable, dont l'évolution était très préoccupante. Il a estimé que la maîtrise budgétaire du dispositif actuel était d'autant plus difficile que l'AJ pouvait s'analyser comme une dépense dont le justiciable était lui-même l'ordonnateur.

Il a remarqué, par ailleurs, que la crise financière se doublait d'une crise morale, notamment au sein de la profession d'avocat. Il a souligné que la contrainte de la rentabilité économique, les lourdeurs administratives et les incertitudes quant à la pérennité du système actuel plaçaient les avocats face à un dilemme compliqué à surmonter, entre le devoir moral d'assister les plus fragiles devant la justice et une logique économique dictant ses impératifs.

Il a indiqué que la profession d'avocat considérait aujourd'hui que le montant de l'UV était notablement inférieur au « point mort », c'est-à-dire au seuil de rentabilité des cabinets. Il a rappelé que cette unité correspondait aujourd'hui à 22,50 euros et qu'elle avait progressé moins vite que l'inflation entre 1992 et 2007.

Il a souligné qu'au cours des différentes auditions qu'il avait pu mener dans le cadre de son contrôle budgétaire, un consensus s'était très largement dégagé sur le diagnostic porté sur le système de l'AJ en vigueur depuis 1992.

Il a noté que le « spectre » du désengagement de l'Etat était régulièrement agité, notamment par les avocats conscients de leur devoir d'aide aux plus démunis, mais aussi légitimement désireux de ne pas supporter seuls le fardeau de cette « mission de service public ». Il a indiqué que le souci des justiciables bénéficiant de l'AJ de ne pas pâtir d'une défense « au rabais », de moindre qualité car assurée par des avocats démobilisés, devait également être pris en compte. Il a, par ailleurs, insisté sur le malaise diffus au sein de classes dites « moyennes » déplorant d'être toujours « trop riches » pour être aidées, y compris en matière de justice, et toujours « trop pauvres » pour engager sans obstacle financier une action devant les tribunaux afin de défendre leurs droits.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a estimé qu'une piste de réforme serait naturellement de réviser à la baisse les plafonds de ressources conditionnant l'aide apportée par l'Etat au justiciable. Pour autant, il n'a pas souhaité privilégier cette baisse, dans la mesure où cette solution de facilité remettait en cause le « contrat social » noué autour de l'AJ depuis maintenant près de 16 ans. Il a en effet souligné qu'un consensus clair s'était dégagé tant sur la philosophie du système que sur le niveau des plafonds.

Il a insisté, en revanche, sur les deux principes fondamentaux devant inspirer la réforme à mener : la transparence du système et la responsabilisation des acteurs de l'AJ.

Il a indiqué que certaines pistes, parfois évoquées, ne paraissaient pas être de nature à modifier fondamentalement la donne, en particulier l'assurance de protection juridique, récemment réformée sur proposition de loi conjointe de MM. François Zocchetto et Pierre Jarlier, ainsi que la création de « class actions ». Il a précisé que ces outils ne permettaient de couvrir ni la matière pénale, sauf éventuellement les délits non intentionnels, ni le champ du droit de la famille, ces deux secteurs du droit représentant les plus forts contingents d'admission à l'AJ.

Il a reconnu que le principe d'une véritable rémunération des avocats s'imposait et que le nouveau dispositif proposé devait permettre de corriger le caractère désormais dépassé du barème actuellement utilisé. Il a noté que la modernisation du barème avait, par ailleurs, pour mérite, de rendre secondaire la problématique de la revalorisation de l'UV, qui avait trop longtemps cristallisé les mécontentements.

Il a fait valoir que le barème actuel reposait sur un forfait selon le type de procédure, dont le principe devait être maintenu, mais que ce forfait devait être beaucoup mieux adapté qu'aujourd'hui à la réalité du travail accompli par l'avocat.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a présenté deux leviers qui devaient être pris en considération : le coût horaire de la prestation de l'avocat et le temps passé par type de mission.

Il a indiqué que l'objectif poursuivi était de parvenir à l'établissement d'un « barème horaires », principe sur lequel les « Assises de l'accès au droit et de l'aide juridictionnelle » organisées par la Chancellerie le 30 janvier 2007 avaient permis de dégager un certain consensus.

Il a affirmé qu'il convenait, parallèlement, de mettre fin à une inégalité choquante des avocats devant les charges du service public que constitue la justice. Il a ainsi rappelé que l'AJ était l'héritière d'une pratique relevant de la charité et du devoir de solidarité envers les plus démunis. Il a déploré que cette oeuvre collective de défense des plus démunis ait eu tendance à se déliter au fil du temps, pour en laisser finalement peser la charge à un nombre limité d'avocats.

Il a observé que tous les avocats ne contribuaient pas aujourd'hui au fonctionnement de l'AJ et que sur les quelque 47.000 répartis sur le territoire, seuls, 22.000 avaient exercé au moins une mission d'AJ en 2005. Il a également souligné qu'une concentration probablement excessive était même en cours, 9,4 % des avocats assurant aujourd'hui 64 % des missions.

Il a relevé que cette rupture de l'égalité des charges au regard de ce service public qu'était en réalité l'AJ pesait sur l'ensemble de la profession d'avocat. Afin d'y remédier, il a indiqué que le dispositif proposé, correspondant à un objectif de plus grande équité au sein de la profession, reposait sur une participation des avocats, soit par l'acceptation de missions d'AJ, soit par une contribution financière à la bonne marche du système.

Il a ajouté que la participation de l'avocat au bon fonctionnement du système représentait une juste contrepartie à la solvabilisation par le budget de l'Etat d'une clientèle qui, sans l'AJ, ne franchirait probablement pas la porte d'un cabinet d'avocat.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a ensuite relevé que le justiciable devait également prendre sa part à la régulation de ce dispositif d'aide et d'assistance.

De ce point de vue, il a noté qu'une plus grande responsabilisation de l'ensemble des bénéficiaires de l'AJ paraissait souhaitable. Il a indiqué que si l'AJ constituait un « filet de sécurité » pour les plus démunis en matière d'accès à la justice, elle s'apparentait à d'autres dispositifs d'aide et de soutien, notamment ceux relevant de l'assurance maladie. Ainsi, il a noté qu'en s'inspirant de la logique de l'assurance maladie, la réforme proposée visait à introduire un « ticket modérateur justice » dans le dispositif de l'AJ, ce ticket modérateur laissant à la charge du bénéficiaire de l'aide une part de la dépense de justice liée à son affaire.

Il a précisé que certains publics pourraient être exemptés de ce ticket, par exemple les bénéficiaires des minima sociaux, (revenu minimum d'insertion, allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité, revenu de solidarité active...), les mineurs, les victimes de crimes et d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, ainsi que leurs ayants droit.

Il a souligné que le niveau du « ticket modérateur justice » constituait bien évidemment le noeud de ce nouveau dispositif d'aide, et que, trop élevé, il représenterait une barrière à l'accès à la justice et remettrait en cause l'esprit même de l'aide juridictionnelle, tandis que, trop bas, il n'aurait qu'un effet de responsabilisation à la marge et resterait sans réelle incidence sur la problématique du financement.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a indiqué qu'il avait effectué une simulation selon quatre scénarii en fonction du niveau du « ticket modérateur justice » : 5 euros, 15 euros, 30 euros et 40 euros. Il a rappelé que le forfait journalier hospitalier s'élevait à 16 euros par jour dans la majorité des cas et a estimé qu'un ticket à 15 euros pouvait être envisagé.

Il a également insisté sur le fait que l'Etat devait améliorer son efficacité, et qu'il convenait, tout d'abord, de progresser dans le recouvrement de l'AJ. Il a rappelé qu'un récent audit de modernisation avait mis en évidence que les montants recouvrés en 2004 et 2005 n'avaient représenté, respectivement, que 11,4 millions d'euros et 11,5 millions d'euros, pour un montant théorique maximal estimé à 20 millions d'euros.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a estimé qu'une obligation de plus grande performance apparaissait ici nécessaire, et quelle devrait passer, notamment, par des efforts accrus de formation à destination des magistrats et des greffiers qui étaient les « chevilles ouvrières » de l'AJ au sein des bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ).

Il a indiqué, par ailleurs, que les potentialités de la LOLF devaient également être mises à contribution dans cette perspective. Il a rappelé que depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, la performance du système de l'AJ était mesurée par trois indicateurs renvoyant à deux objectifs au sein du programme « Accès au droit et à la justice » de la mission « Justice ». Il a ajouté que les conclusions de son contrôle budgétaire visaient à enrichir les projets annuels de performances (PAP) et les rapports annuels de performances (RAP) de cette mission de deux indicateurs supplémentaires : l'un portant sur le niveau de recouvrement de l'AJ et l'autre mesurant le délai de délivrance des attestations de fin de mission (AFM), qui conditionnaient le règlement de leurs missions aux avocats.

Il a ensuite relevé que la réforme de la carte judiciaire, qui s'annonçait comme l'une des réformes majeures de la législature, ne pouvait pas être déconnectée de la nouvelle impulsion donnée à l'AJ. Elle devait s'accompagner, pour réussir, d'une réflexion sur la réorganisation des juridictions. Il a estimé que, dans ce cadre, le volet de l'AJ avait bien évidement toute sa place.

Par ailleurs, il a considéré que la réforme de la rémunération des avocats au titre de l'AJ, via la création d'un « barème horaires », devait pouvoir s'appuyer sur la redéfinition de la carte judiciaire pour traiter certains aspects de cette rémunération, comme la couverture financière des déplacements et des visites en prison dans le cadre des missions d'AJ.

Il a souligné que la réforme de la carte judiciaire, qui devait s'appuyer sur un recours accru aux nouvelles technologies, ouvrirait également de nouvelles pistes de travail dans le domaine de l'AJ : téléchargement en ligne des dossiers de demandes, plates-formes numériques d'échange sécurisées entre les juridictions, d'une part, et les avocats et les auxiliaires de justice, d'autre part, vidéoconférence...

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , s'est félicité de ce que la commission ait demandé, sur son initiative, à la Cour des comptes, dans le cadre de sa mission d'assistance au Parlement prévue à l'article 58 - 2° de la LOLF, une enquête sur le fonctionnement et la gestion des Caisses autonomes de règlement pécuniaire des avocats (CARPA), qui assurent le règlement des missions d'AJ auprès des avocats.

Il a insisté également sur la responsabilité du législateur au regard de la sauvegarde de ce système d'aide, précisant que trop de lois avaient été votées sans évaluation préalable de leur impact sur les crédits de l'AJ. Il a considéré que ce « pilotage à vue » n'avait pas été sans conséquence sur l'emballement du nombre des admissions et, partant, sur le risque d'asphyxie budgétaire couru aujourd'hui.

Un large débat s'est ensuite ouvert.

M. Jean Arthuis, président , s'est réjoui de la présence de membres de la commission des lois. Il a rappelé la volonté de la commission d'associer le plus étroitement possible les autres commissions à ses travaux de contrôle grâce, notamment, à l'implication des rapporteurs pour avis.

Il a souligné l'importance de l'enjeu représenté par l'AJ et s'est félicité de l'analyse ainsi que de la mise en perspective qui venaient d'être faites. Il a rappelé son attachement aux principes de transparence et de responsabilisation des acteurs du système de l'AJ. A cet égard, il s'est réjoui de la décision de la commission de demander à la Cour des comptes une enquête sur le fonctionnement des CARPA et a estimé que le fonds de roulement de ces dernières pouvait représenter une variable d'ajustement importante.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a fait part des premiers échanges conduits avec la Cour des comptes sur cette question et s'est félicité de l'excellente collaboration qu'ils laissaient entrevoir. Il a indiqué que la Cour des comptes avait d'ailleurs déjà tenté de mener une telle enquête sur les CARPA, mais que cette initiative avait avorté.

M. Yves Détraigne a indiqué qu'il partageait le diagnostic de M. Roland du Luart sur l'impasse dans laquelle le système de l'AJ était parvenu et a souligné que les réponses à apporter étaient d'autant plus délicates à concevoir que les publics concernés comptaient parmi les plus démunis. Il a fait part de son intérêt pour les propositions issues de la mission de contrôle budgétaire et s'est interrogé sur les systèmes d'AJ existant à l'étranger.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a indiqué que le budget consacré à l'AJ en France se situait dans la moyenne des pays au sein de l'Union européenne (UE). S'agissant des publics les plus fragiles, il a indiqué que, d'après les statistiques fournies par le ministère de la justice, 70.000 bénéficiaires de l'AJ étaient également bénéficiaires de minima sociaux et que plus de 400.000 admissions à l'AJ concernaient des justiciables sans ressources. Il en a déduit que le « ticket modérateur justice » proposé s'appliquerait à un peu moins de 500.000 bénéficiaires de l'AJ, compte tenu des exemptions suggérées pour la mise en oeuvre de ce dispositif.

M. Jean-René Lecerf a fait part de son intérêt pour les pistes de réforme avancées par M. Roland du Luart. Il a rappelé que la refonte du système était attendue par la profession d'avocat, comme la récente assemblée générale du conseil national des barreaux (CNB) l'avait une nouvelle fois démontré.

Il a insisté sur les conditions de fonctionnement des bureaux d'AJ (BAJ) et a évoqué une étude à mener sur ce thème. Il a, par ailleurs, envisagé une gestion des crédits de l'AJ plus largement prise en charge par les barreaux. Il a, en outre, estimé que la réforme de l'assurance de protection juridique conduite en 2007 aurait un impact réel sur le nombre d'admissions à l'AJ.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a indiqué que, parmi les propositions formulées à l'issue de sa mission de contrôle budgétaire, figurait précisément un audit des BAJ, dans la mesure où ces bureaux paraissent se caractériser par une grande hétérogenéité dans leur organisation et leur mode de traitement des demandes d'AJ.

Il a, par ailleurs, remarqué que les publics concernés par l'AJ et l'assurance de protection juridique ne se recoupaient pas exactement, mais que les effets de la récente loi portant réforme de l'assurance de protection juridique ne pouvaient vraisemblablement pas encore être pleinement évalués.

M. François Trucy a souligné l'importance du rôle de l'avocat dans le bon fonctionnement de l'AJ et s'est prononcé pour l'introduction d'un ticket modérateur, ainsi que d'une plus grande équité dans le système. Il s'est par ailleurs interrogé sur l'évolution des tarifs des missions à l'AJ.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a rappelé qu'à l'origine l'UV était censée couvrir 30 minutes de travail de l'avocat. Il a déploré que ce principe ne puisse plus aujourd'hui s'appliquer à la réalité des missions accomplies par l'avocat et a indiqué que la création proposée d'un « barème horaires » visait à rattraper le retard accumulé en la matière. Il a souligné que la logique de ces propositions était celle d'un « gagnant-gagnant », entre, d'une part, un barème moderne, et, d'autre part, une plus grande participation de l'ensemble de la profession au bon fonctionnement de l'AJ.

Dans cette perspective, il a rappelé que l'enquête demandée à la Cour des comptes sur les CARPA reposait sur la volonté de faire prévaloir un principe de transparence dans le cadre de la réforme à mener.

M. Jean Arthuis, président , a souligné la grande diversité de situation financière entre les différents cabinets d'avocats et s'est prononcé en faveur d'une meilleure mutualisation de la charge de l'AJ reposant sur cette profession.

A cet égard, M. Roland du Luart a observé que certains membres de cette profession rencontraient de graves difficultés financières.

M. François Trucy a, notamment, évoqué l'exemple du tribunal de grande instance de Pontoise et la proportion d'avocats y vivant essentiellement de l'AJ.

M. Charles Guené a considéré que l'assurance de protection juridique n'apportait effectivement qu'une réponse très partielle à la problématique de l'AJ, dans la mesure où les publics concernés ne se recoupaient que marginalement. Il s'est prononcé en faveur d'un forfait permettant la rémunération des avocats et qui soit adapté à la réalité de leurs missions.

Il a, également, soutenu la création d'un ticket modérateur laissant à la charge du bénéficiaire de l'AJ une part des frais d'avocat. Il a, toutefois, souligné la nécessité d'assortir l'octroi de l'AJ à un montant annuel maximum d'aide, afin d'éviter certains dérapages liés à la multiplication des procédures par les bénéficiaires de l'AJ.

Il s'est, enfin, félicité de la décision de la commission de s'appuyer sur la Cour des comptes pour mener une enquête sur la gestion des CARPA.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a précisé que la mise en place d'un ticket modérateur devait permettre de freiner les dérives éventuelles du système de l'AJ. Il a ajouté qu'un règlement de ce ticket, à l'entrée ou à la sortie du tribunal, pouvait être envisagé.

M. Jean Arthuis, président , s'est inquiété du possible transfert de la charge de ce ticket modérateur sur le budget des conseils généraux.

M. Charles Guené a ajouté que cette question était d'autant plus sensible que les trois quarts des bénéficiaires de l'AJ pourraient être considérés comme exonérables du ticket.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a indiqué qu'il conviendrait effectivement de s'entourer de toutes les garanties nécessaires lors de la mise en oeuvre de ce ticket modérateur.

M. Jean Arthuis, président , a remarqué que le gonflement des admissions à l'AJ pouvait également trouver son origine dans le comportement de certains avocats n'orientant pas suffisamment fréquemment leurs clients vers des modes de règlement alternatifs au procès.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a, également, insisté sur la responsabilité collective du législateur au regard de l'évolution des admissions à l'AJ.

M. Charles Guené a estimé que les conseils juridiques orientaient largement les justiciables vers des modes de règlement alternatifs au procès.

M. Adrien Gouteyron a déclaré partager le diagnostic du rapporteur spécial et a jugé la dérive du système de l'AJ dramatique. Il s'est toutefois inquiété de certaines rigidités politiques et psychologiques susceptibles d'entraver les mesures, souhaitables et conformes à la tradition française, proposées par le rapporteur spécial. Il a, en outre, considéré que la réforme de l'AJ ne pouvait être dissociée de celle de la réforme de la carte judiciaire.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a estimé que le « barème horaires » proposé permettait de tenir compte de la future réforme de la carte judiciaire, notamment en matière de frais de déplacement. Il a, par ailleurs, relevé que certains représentants de la profession d'avocat n'étaient pas hostiles à une plus grande mutualisation de la charge des missions d'AJ entre les différents cabinets d'avocats. Il a ajouté que cette proposition devait faire l'objet d'un débat mais qu'eu égard à la contrainte budgétaire actuelle, il n'était pas envisageable de revaloriser l'UV chaque année, comme ce fut le cas en 2006.

Il a souligné que l'enquête de la Cour des comptes sur les CARPA devrait contribuer à la transparence du système de l'AJ en fournissant une image exacte de la trésorerie de ces caisses et permettant d'engager la réflexion sur d'éventuels regroupements entre elles.

M. Jean Arthuis, président , a estimé que ces différentes propositions devaient désormais être le plus largement possible mises en débat.

La commission a ensuite donné acte , à l'unanimité, à M. Roland du Luart, rapporteur spécial, de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information .

ANNEXES

Pages

Annexe 1 : Liste des personnes auditionnées

97

Annexe 2 : Document nécessaire à la demande d'aide juridictionnelle

99

Annexe 3 : Barème de la contribution de l'Etat à la rétribution des missions d'aide juridictionnelle au 1 er janvier 2007


103

Annexe 4 : Dotation versée aux barreaux au titre de l'aide juridictionnelle en 2006


108

Annexe 5 : Amendement présenté par votre rapporteur spécial sur la mission « Justice »


113

Annexe 6 : Protocole d'accord entre le garde des Sceaux, ministre de la justice, et les organisations professionnelles représentant les avocats


115

Annexe 1 Liste des personnes auditionnées

Chancellerie

- M. Philippe-Pierre Cabourdin, conseiller pour le budget et l'administration générale ;

- Mme Marielle Thuau, chef du service de l'accès au droit et à la justice et de la politique de la ville (SADJPV).

Tribunal de grande instance du Mans (dans le cadre du séminaire de la commission des finances du Sénat dans la Sarthe, mars 2007)

- M. Loïc Chauty, président ;

- M. Christian Elek, procureur de la République ;

- Mme Fontaine, greffière en chef.

Tribunal de grande instance de Pontoise

- M. Daniel Tardif, président ;

- M. Xavier Salvat, procureur de la République ;

- M. Thierry Silhol, secrétaire général de la présidence ;

- Mme Anny Guizouarn, magistrate, présidente du bureau de l'aide juridictionnelle ;

- Mme Lydie Moebs-Dioux, magistrate, présidente de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle ;

- M. Patrick Sclavon, greffier en chef, chef du greffe ;

- Mme Marie-France Coroyer, greffière en chef ;

- Me Robert Dupaquier, bâtonnier de l'Ordre des avocats du Val d'Oise.

Conseil national des barreaux (CNB)

- Me Brigitte Marsigny, présidente de la commission « Accès au droit et à la justice » du CNB, ancien bâtonnier du barreau de Saint-Denis.

Ordre des avocats

- Me Marie-Chantale Cahen, membre du conseil de l'Ordre.

Conférence des bâtonniers

- Me Franck Natali, président.

- Me Frédéric Covin, ancien bâtonnier de Valenciennes.

GIE « Conseil national des barreaux - Barreau de Paris - Conférence des bâtonniers »

- M. Jacques-Edouard Briand, conseiller, GIE Conseil national des Barreaux, Barreau de Paris, Conférence des Bâtonniers.

Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA)

- M. Xavier Roux.

Association « Consommation, logement et cadre de vie » (CLV)

- Mme Reine-Claude Mader, présidente.

Chambre nationale des avoués

- Me Jean-Louis Lagourgue, président.

Annexe 2 Document nécessaire à la demande d'aide juridictionnelle

Annexe 3 Barème de la contribution de l'Etat à la rétribution des missions d'aide juridictionnelle au 1er janvier 2007

(articles 90 et 153 du décret modifié n° 91-647 du 19 décembre 1991, articles 5 et 10 du décret modifié n° 91-1369 du 30 décembre 1991)

PROCEDURES CIVILES

PROCEDURES

Coefficient de base

MAJORATIONS POSSIBLES CUMULABLES DANS LA LIMITE DE 16 UV

Incidents (1) (dans la limite de 3 majorations)

Mesures de médiation ordonnées par le juge

Expertises

Vérifications personnelles du juge

Autres mesures d'instruction dont enquêtes sociales

sans déplacement

avec déplacement

I.- Droits des personnes

I.1 Divorce par consentement mutuel (*)

30

(2)

3

2

4

9

5

2

I.2 Autres cas de divorce (*)

34

(8)

3

2

4

9

5

2

I.3 Procédure après divorce devant le juge aux affaires familiales (JAF)

14

2

4

9

5

2

I.4 Autres instances devant le JAF

16

2

4

9

5

2

I.5 Incapacités

10

4

9

5

2

I.6 Assistance éducative

16

I.7 Autres demandes ( cf. IV)

II.- Droit social

II.1 Prud'hommes

30

4

9

5

2

II.2 Prud'hommes avec départage

36

4

9

5

2

II.3 Référé prud'homal

16

4

9

5

2

II.4 Référé prud'homal avec départage

24

4

9

5

2

II.5 Tribunal des affaires de sécurité sociale

14

4

9

5

2

II.6 Autres demandes ( cf. IV)

III. - Baux d'habitation

III.1. Instance au fond

21

4

9

5

2

III.2. Référé

16

4

9

5

2

IV.- Autres matières civiles

IV.1 Tribunal de grande instance et tribunal de commerce, instance au fond (3)

26

(4)

3

4

9

5

2

IV.2 Autres juridictions, instance au fond (5)

16

4

9

5

2

IV.3 Référés

8

4

9

5

2

IV.4 Matière gracieuse

8

IV.5 Requête

4

IV.6 Difficultés d'exécution devant le juge de l'exécution (JE)

4

IV.7 Demande de réparation d'une détention provisoire

6

(6)

V- Appel

V.1 Appel et contredit

14

(7)

3

4

9

5

2

V.2 Appel avec référé

18

(7)

3

4

9

5

2

(1) Ces incidents sont ceux qui donnent lieu, après discussion contradictoire, à une décision du magistrat chargé de l'instruction de l'affaire, dans les cas prévus aux 1° à 4° de l'article 771 du nouveau code de procédure civile et aux articles 911, 912 et 944 du même code.

(2) Porté à 50 UV quand le même avocat représente deux époux et que ceux-ci ont tous deux l'aide juridictionnelle.

(3) Ainsi qu'en cas de renvoi à la formation collégiale (art. L. 311-12-2 du code de l'organisation judiciaire).

(4) Le nombre d'UV est de 26 pour les missions d'aide juridictionnelle achevées à compter du 1 er janvier 2004. Pour les missions achevées entre la date de publication du décret n° 2003-853 du 5septembre 2003 et le 31 décembre 2003, il est de 24.

(5)Y compris le juge de l'exécution et le juge de proximité.

(6) Ce coefficient est porté à 8 lorsque l'avocat intervenant au cours de la procédure de demande de réparation n'est pas l'avocat qui est intervenu au cours de la procédure pénale clôturée par la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.

(7) Ces coefficients sont portés respectivement à 20 et 24 en cas de procédure d'appel sans représentation obligatoire.

(8) Ce coefficient est porté à 36 UV en cas de projet d'acte notarié de liquidation du régime matrimonial homologué par le JAF lors du prononcé du divorce.

PROCEDURES PENALES

PROCEDURES

COEFFICIENTS

VI.- Partie civile

VI.1 Assistance d'une partie civile ou d'un civilement responsable devant une juridiction de jugement de premier degré, à l'exception des procédures mentionnées aux VI.2 et VI.4.

8

VI.2. Assistance d'une partie civile ou d'un civilement responsable devant le tribunal de police ou le juge de proximité (contraventions de police de la 1ère à la 4ème classe)

2

VI.3. Assistance d'une partie civile ou d'un civilement responsable devant la chambre des appels correctionnels

13

VI.4. Assistance d'une partie civile ou d'un civilement responsable devant la cour d'assises, la cour d'assises des mineurs, ou le tribunal pour enfants statuant au criminel

35

(1)

VI.5. Assistance d'une partie civile pour une instruction correctionnelle (2)

8

VI.6. Assistance d'une partie civile pour une instruction criminelle (2)

18

En cas de pluralité d'avocats commis ou désignés d'office pour assister une personne à l'occasion des procédures pénales prévues dans la présente rubrique, une seule contribution est due

VII.- Procédures criminelles

VII.1. Instruction criminelle

50

VII.2. Assistance d'un accusé devant la cour d'assises, la cour d'assises des mineurs, ou le tribunal pour enfants statuant au criminel

50

(1)

VIII.- Procédures correctionnelles

VIII.1. Première comparution devant le juge d'instruction ou le juge des enfants ou présentation du mineur devant le Procureur de la République dans le cadre d'un jugement à délai rapproché

3

VIII.2. Débat contradictoire relatif au placement en détention provisoire

2

VIII.3. Première comparution devant le juge d'instruction ou le juge des enfants ou présentation du mineur devant le Procureur de la République dans le cadre d'un jugement à délai rapproché et débat contradictoire relatif à la détention provisoire lorsqu'ils sont assurés par le même avocat

4

VIII.4. Instruction correctionnelle avec détention provisoire : juge d'instruction (JI) ou JE

20

VIII.5. Instruction correctionnelle sans détention provisoire (JI )

12

VIII.6. Instruction correctionnelle sans détention provisoire (JE) avec renvoi devant le tribunal pour enfants

12

VIII.7. Assistance d'un prévenu devant le juge des enfants (audience de cabinet y compris la phase d'instruction)

6

(3)

VIII.8. Assistance d'un prévenu devant le tribunal correctionnel ou le tribunal pour enfants

8

(3) (4)

VIII.9. Assistance d'une personne faisant l'objet de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

5

(3)

IX.- Procédures contraventionnelles

Assistance d'un prévenu devant le tribunal de police ou le juge de proximité (contraventions de police de la 5 ème classe)

2

(3)

X.- Procédures d'appel et procédures devant la chambre de l'instruction

X.1 Assistance d'un prévenu devant la chambre des appels correctionnels

8

(3) (4)

X.2 Assistance d'un prévenu pour les appels des ordonnances du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention (5) et autres procédures devant la chambre de l'instruction (y compris extradition et procédures de remise résultant de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen )

5

Les missions d'assistance pour les phases d'instruction et de jugement devant les tribunaux des forces armées sont rétribuées selon les coefficients applicables aux juridictions de droit commun.

Les prestations devant la chambre de l'instruction et les tribunaux des forces armées sont rétribuées de la même façon que pour la phase procédurale à l'occasion de laquelle ils sont amenés à statuer.

XI.- Procédures d'application des peines

XI.1. Assistance d'un condamné devant le juge de l'application des peines ou le juge des enfants statuant en matière d'application des peines, le tribunal de l'application des peines, ou le tribunal pour enfants statuant en matière d'application des peines

4

(6)

XI.2. Représentation d'un condamné devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel, son président ou la chambre spéciale des mineurs

4

(6)

XI.3. Assistance d'un condamné lors du recueil de son consentement pour le placement sous surveillance électronique

2

XII.- Rubrique supprimée par l'article 8 du décret du 2 avril 2003

XIII.- Procédures prévues par l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France

XIII.1. Article 35 bis

4

XIII.2. Article 35 quater

4

(7)

XIV. - Tribunal administratif et cour administrative d'appel

XIV.1. Affaires au fond

20

(8)

XIV.2. Référé fiscal

6

XIV.3. Référé suspension, référé liberté, référé conservatoire

8

XIV.4. Autres référés et procédures spéciales de suspension

4

XIV.5. Difficulté d'exécution d'une décision

6

XIV.6. Reconduite d'étrangers à la frontière

6

XV.- Commission des recours des réfugiés

8

XVI.- Assistance d'un requérant devant le tribunal départemental des pensions ou la cour régionale des pensions et les autres juridictions administratives, sauf le Conseil d'Etat

XVI.1 Assistance d'un requérant devant le tribunal départemental des pensions ou

20

la cour régionale des pensions

XVI.2 Autres juridictions administratives

14

XVII.- Commissions administratives

XVII.1. Commissions d'expulsion des étrangers

6

XVII.2. Commission de séjour des étrangers

6

XVIII. - Audition de l'enfant en justice

3

(9)

XIX.- Procédure de révision

XIX.1- Assistance ou représentation du requérant devant la commission de révision

7

XIX.2- Assistance ou représentation du requérant devant la cour de révision

10

XIX.3- Assistance ou représentation de la partie civile devant la cour

7

XX.- Réexamen d'une décision pénale consécutif au prononcé d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) - Assistance ou représentation d'un condamné devant la commission de la Cour de cassation

17

(1) Majoration possible : 16 UV par jour supplémentaire.

(2) Une seule contribution est due pour l'assistance de la partie lors de l'ensemble de la phase procédurale visée, que la chambre de l'instruction ait été ou non saisie.

(3) Majoration en cas de présence d'une partie civile assistée ou représentée par un avocat : 3 UV.

(4) Majoration par jour supplémentaire d'audience : 6 UV.

(5) L'ensemble des appels portés au cours de l'instruction devant la chambre de l'instruction donne lieu à une rétribution forfaitaire de 5 UV.

(6) Majoration lorsque le débat contradictoire ou une audition préalable du condamné en présence de son avocat a lieu au sein de l'établissement pénitentiaire : 1 UV.

(7 ) Majoration en cas d'audience dans l'emprise portuaire et aéroportuaire : 1 UV.

(8) Majorations possibles cumulables dans la limite de 16 UV. en cas :

- d'expertise avec ou sans déplacement: 4 UV ou 9 UV.

- visite des lieux ou enquêtes : 5 UV.

(9) Majoration possible : 1 UV. par audition supplémentaire décidée par le juge dans la limite de trois majorations.

Annexe 4 Dotation versée aux barreaux au titre de l'aide juridictionnelle en 2006

Cour d'Appel

Barreau

Versement 2006
(en millions d'euros)

AGEN

AGEN

1 500

AGEN

CAHORS (LOT)

578

AGEN

GERS (AUCH)

731

AGEN

MARMANDE

440

AIX EN PROVENCE

AIX EN PROVENCE

2 748

AIX EN PROVENCE

ALPES HTE PROVENCE (DIGNE)

589

AIX EN PROVENCE

DRAGUIGNAN

1 244

AIX EN PROVENCE

GRASSE

1 486

AIX EN PROVENCE

MARSEILLE

4 065

AIX EN PROVENCE

NICE

1 590

AIX EN PROVENCE

TARASCON

733

AIX EN PROVENCE

TOULON

2 073

AMIENS

ABBEVILLE

501

AMIENS

AMIENS

2 974

AMIENS

BEAUVAIS

960

AMIENS

COMPIEGNE

482

AMIENS

LAON

1 226

AMIENS

PERONNE

303

AMIENS

SAINT QUENTIN

673

AMIENS

SENLIS

449

AMIENS

SOISSONS

611

ANGERS

ANGERS

1 916

ANGERS

LAVAL

922

ANGERS

LE MANS

2 101

ANGERS

SAUMUR

762

BASTIA

AJACCIO

695

BASTIA

BASTIA

1 118

BESANCON

BELFORT

887

BESANCON

BESANCON

1 029

BESANCON

DOLE

412

BESANCON

LONS LE SAULNIER

452

BESANCON

LURE

468

BESANCON

MONTBELIARD

745

BESANCON

VESOUL

633

BORDEAUX

BERGERAC

623

BORDEAUX

BORDEAUX

5 440

BORDEAUX

CHARENTE (ANGOULEME)

1 531

BORDEAUX

LIBOURNE

696

BORDEAUX

PERIGUEUX

1 658

BOURGES

BOURGES

1 155

BOURGES

CHATEAUROUX

1 269

BOURGES

NEVERS

851

CAEN

ALENCON

868

CAEN

ARGENTAN

696

CAEN

AVRANCHES

266

CAEN

CAEN

2 133

CAEN

CHERBOURG

567

CAEN

COUTANCES

588

CAEN

LISIEUX

557

CHAMBERY

ALBERTVILLE

364

CHAMBERY

ANNECY

664

CHAMBERY

BONNEVILLE

384

CHAMBERY

CHAMBERY

946

CHAMBERY

THONON LES BAINS

341

COLMAR

COLMAR

1 868

COLMAR

MULHOUSE

1 314

COLMAR

SAVERNE

496

COLMAR

STRASBOURG

2 725

DIJON

CHALON SUR SAONE

1 089

DIJON

CHAUMONT (HTE MARNE)

1 157

DIJON

DIJON

2 188

DIJON

MACON

504

DOUAI

ARRAS

1 023

DOUAI

AVESNES SUR HELPE

2 090

DOUAI

BETHUNE

4 228

DOUAI

BOULOGNE SUR MER

2 282

DOUAI

CAMBRAI

1 021

DOUAI

DOUAI

2 024

DOUAI

DUNKERQUE

1 837

DOUAI

HAZEBROUCK

512

DOUAI

LILLE

5 233

DOUAI

SAINT OMER

850

DOUAI

VALENCIENNES

2 286

FORT DE FRANCE

GUYANE

535

FORT DE FRANCE

MARTINIQUE

1 593

GRENOBLE

BOURGOIN JALLIEU

703

GRENOBLE

GAP (HTES ALPES)

531

GRENOBLE

GRENOBLE

2 370

GRENOBLE

VALENCE

1 585

GRENOBLE

VIENNE

485

GUADELOUPE

GUADELOUPE

1 007

LIMOGES

BRIVE

706

LIMOGES

GUERET (CREUSE)

450

LIMOGES

LIMOGES

1 856

LIMOGES

TULLE

462

LYON

BELLEY

226

LYON

BOURG EN BRESSE

1 556

LYON

LYON

7 386

LYON

MONTBRISON

347

LYON

ROANNE

611

LYON

SAINT ETIENNE

2 084

LYON

VILLEFRANCHE SUR SAONE

633

METZ

METZ

2 552

METZ

SARREGUEMINES

1 222

METZ

THIONVILLE

632

MONTPELLIER

BEZIERS

2 133

MONTPELLIER

CARCASSONNE

816

MONTPELLIER

MILLAU

269

MONTPELLIER

MONTPELLIER

4 124

MONTPELLIER

NARBONNE

831

MONTPELLIER

PERPIGNAN

2 127

MONTPELLIER

RODEZ

514

NANCY

BRIEY

557

NANCY

EPINAL

651

NANCY

MEUSE (BAR LE DUC)

641

NANCY

NANCY

2 687

NANCY

SAINT DIE

329

NIMES

ALES

612

NIMES

AVIGNON

1 554

NIMES

CARPENTRAS

797

NIMES

MENDE

231

NIMES

NIMES

2 784

NIMES

PRIVAS (ARDECHE)

577

ORLEANS

BLOIS

1 197

ORLEANS

MONTARGIS

343

ORLEANS

ORLEANS

1 645

ORLEANS

TOURS

1 885

PARIS

AUXERRE

794

PARIS

EVRY (ESSONNE)

3 152

PARIS

FONTAINEBLEAU

478

PARIS

MEAUX

2 102

PARIS

MELUN

1 197

PARIS

PARIS

8 321

PARIS

SEINE ST DENIS (BOBIGNY)

4 143

PARIS

SENS

316

PARIS

VAL DE MARNE (CRETEIL)

2 321

PAU

BAYONNE

949

PAU

DAX

708

PAU

MONT DE MARSAN

975

PAU

PAU

1 851

PAU

TARBES

1 296

POITIERS

BRESSUIRE

544

POITIERS

LA ROCHE SUR YON

928

POITIERS

LA ROCHELLE

662

POITIERS

LES SABLES D'OLONNE

456

POITIERS

NIORT

926

POITIERS

POITIERS

2 313

POITIERS

ROCHEFORT SUR MER

609

POITIERS

SAINTES

931

REIMS

CHALONS EN CHAMPAGNE

830

REIMS

CHARLEVILLE MEZ (ARDENNES)

1 275

REIMS

REIMS

1 021

REIMS

TROYES

1 212

RENNES

BREST

1 006

RENNES

DINAN

151

RENNES

GUINGAMP

511

RENNES

LORIENT

707

RENNES

MORLAIX

267

RENNES

NANTES

2 884

RENNES

QUIMPER

750

RENNES

RENNES

2 497

RENNES

SAINT BRIEUC

951

RENNES

SAINT MALO

275

RENNES

SAINT NAZAIRE

760

RENNES

VANNES

618

RIOM

AURILLAC (CANTAL)

448

RIOM

CLERMONT FERRAND

1 874

RIOM

CUSSET

813

RIOM

LE PUY (HTE LOIRE)

637

RIOM

MONTLUCON

543

RIOM

MOULINS

635

RIOM

RIOM

625

ROUEN

BERNAY

439

ROUEN

DIEPPE

870

ROUEN

EVREUX

1 457

ROUEN

LE HAVRE

2 244

ROUEN

ROUEN

4 515

SAINT DENIS DE LA REUNION

SAINT DENIS DE LA REUNION

1 910

SAINT DENIS DE LA REUNION

SAINT PIERRE

1 369

TOULOUSE

ALBI

876

TOULOUSE

CASTRES

835

TOULOUSE

FOIX (ARIEGE)

751

TOULOUSE

SAINT GAUDENS

196

TOULOUSE

TARN & GARONNE (MONTAUBAN)

1 210

TOULOUSE

TOULOUSE

4 831

VERSAILLES

CHARTRES

1 356

VERSAILLES

NANTERRE (HAUTS DE SEINE)

2 300

VERSAILLES

VAL D'OISE (PONTOISE)

2 521

VERSAILLES

VERSAILLES

2 946

Total

239 144

Barreau de Paris : la dotation versée représente 3,48% de la dotation globale.

Annexe 5 Amendement présenté par votre rapporteur spécial sur la mission « Justice »

Annexe 6 Protocole d'accord entre le garde des Sceaux, ministre de la justice, et les organisations professionnelles représentant les avocats

* 1 Loi du 22 janvier 1851 créant l'assistance judiciaire pour les personnes dépourvues de ressources.

* 2 Articles L. 222-1 à L. 222-6 du code.

* 3 Article L. 312-2 du code.

* 4 Articles L. 511-1 et L. 512-1 à L. 512-4 du code.

* 5 Articles L. 522-1 et L. 522-2 du code.

* 6 Articles L. 552-1 à L. 552-10 du code.

* 7 Appel des décisions mentionnées aux articles L. 512-1 à L. 512-4 du code.

* 8 Le litige transfrontalier se définit comme celui dans lequel la partie qui sollicite l'aide a sa résidence habituelle ou son domicile dans un Etat membre de l'Union européenne (UE) autre que celui où siège la juridiction compétente sur le fond du litige ou dans celui dans lequel la décision doit être exécutée. Cette situation s'apprécie au moment où la demande d'AJ est présentée.

* 9 L'article 388-1 du code civil régit l'audition de l'enfant devant le juge aux affaires familiales (JAF).

* 10 Crimes prévus et réprimés par les articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-6, 222-8, 222-10, 222-14 (1° et 2°), 222-23 à 222-26, 421-1 (1°) et 421-3 (1° à 4°) du code pénal.

* 11 Procédure prévue par les articles 495-7 et suivants du code de procédure pénale.

* 12 A l'exception du Danemark.

* 13 Fixé par décret en Conseil d'Etat.

* 14 Fixé par décret en Conseil d'Etat.

* 15 Lorsque le barreau dont relève l'avocat établit une méthode d'évaluation des honoraires tenant compte des critères fixés ci-dessus, le montant du complément est calculé sur la base de cette méthode d'évaluation.

* 16 Le bureau près le Conseil d'Etat est également compétent pour les demandes relevant du tribunal des conflits et de la Cour supérieure d'arbitrage.

* 17 Ils peuvent également être présidés par un magistrat ou un membre honoraire de ces juridictions.

* 18 Le BAJ établi près la Cour de cassation est présidé par un magistrat du siège de cette cour en activité ou honoraire. Le greffier en chef en est vice-président. Il comporte en plus deux membres choisis par la Cour de cassation.

Le BAJ établi près le Conseil d'Etat est présidé par un membre du Conseil d'Etat en activité ou honoraire. Il comporte en plus deux membres choisis par le Conseil d'Etat ou, lorsque la demande concerne le tribunal des conflits, un membre choisi par le Conseil d'Etat et un membre choisi par la Cour de cassation.

Le BAJ établi près la commission des recours des réfugiés est présidé par un des présidents de section mentionnés à l'article 5 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 portant création de l'office français de protection des réfugiés et apatrides(OFPRA).

* 19 Dans les conditions fixées par le bâtonnier ou par le président de l'organisme dont il dépend.

* 20 Les avocats sont répartis par barreau, un barreau étant attaché à chaque TGI. Chaque barreau constitue un « Ordre ».

* 21 En 2006, le Conseil national du barreau (CNB) estimait à 47.798 le nombre d'avocats en France (CNB, Observatoire de l'aide juridictionnelle, Cahiers n° IV, septembre 2006).

* 22 Créées en 1957 et renforcées par la loi précitée du 31 décembre 1971, les CARPA ne sont ni une banque ni un établissement financier, mais une caisse à laquelle les avocats exerçant en France doivent obligatoirement déposer l'argent qu'ils reçoivent pour le compte de leurs clients, dès lors que ce mouvement d'argent est accessoire à l'acte professionnel. La loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise a réellement consacré leur existence. Elles sont devenues obligatoires depuis 1986.

* 23 Les séries statistiques fournies à votre rapporteur spécial par les services de la Chancellerie ne permettent pas d'isoler, respectivement, les années 1992 et 1993.

* 24 Données provisoires en cours de consolidation.

* 25 Les séries statistiques fournies à votre rapporteur spécial par les services de la Chancellerie ne permettent pas d'isoler, respectivement, les années 1992 et 1993.

* 26 Données provisoires en cours de consolidation.

* 27 Données provisoires en cours de consolidation.

* 28 « La réforme de l'accès au droit et à la justice », rapport à Madame la garde des Sceaux, ministre de la justice, de M. Paul Bouchet, Documentation française (2001).

* 29 Données provisoires en cours de consolidation.

* 30 Conseil national des barreaux (CNB), Observatoire de l'aide juridictionnelle, Cahiers n° IV (septembre 2006).

* 31 CNB, Observatoire de l'aide juridictionnelle, Cahiers n° IV (septembre 2006).

* 32 Ce résultat est obtenu en regroupant les classes correspondant aux avocats ayant réalisé plus de 61 missions au cours de l'année.

* 33 D'après le CNB, le questionnaire a été retourné par 913 avocats. L'analyse de ces retours a été présentée dans une communication de la commission « Accès au droit et à la justice » du CNB en date du 24 octobre 2006.

* 34 D'après la même communication.

* 35 Idem.

* 36 Loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006.

* 37 Rapport spécial « Justice », n° 78 - tome III - annexe 15 (2006-2007).

* 38 Audition de M. Daniel Tardif, président du TGI de Pontoise, le 23 mai 2007.

* 39 La CEPEJ a pour objet l'amélioration de l'efficacité et du fonctionnement de la justice dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. Elle a été créée le 18 septembre 2002 par la résolution Res(2002)12 du comité des ministres du Conseil de l'Europe.

* 40 « En réponse à M. Jean Arthuis, président, (M. Pascal Clément) a indiqué que dans la mesure où la LOLF permettait d'accélérer le versement de la dotation aux CARPA, il convenait effectivement de mener une étude sur le niveau nécessaire du fonds de roulement de ces dernières » (Bulletin de la commission des finances, semaine du 13 novembre 2006).

* 41 Cf. notamment, les observations de Mesdames les bâtonniers Ghislaine Dejardin et Marie-Christine Wienhofer, membres de la commission, qui ont insisté sur ces difficultés.

* 42 Observations de Madame Isabelle Teilleux, membre de la commission.

* 43 Article 49 du texte déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.

* 44 Rapport spécial « Justice », n° 78 - tome III - annexe 15 (2006-2007).

* 45 Le « gage » financier correspond à une contrepartie en termes de réduction de crédits dédiés à d'autres programmes de la mission, afin de garantir la recevabilité financière de l'amendement en conformité avec l'article 40 de la Constitution.

* 46 Le poste « Maintien de l'existant » était doté, dans le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, de 36,5 millions d'euros en CP.

* 47 Le poste « Renouvellement des matériels » était doté, dans le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, de 7,7 millions d'euros en CP.

* 48 Les dépenses immobilières faisaient l'objet, dans le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, d'une autorisation de CP à hauteur de 103,2 millions d'euros.

* 49 Rapport de la mission d'audit de modernisation sur le recouvrement de l'aide juridictionnelle (février 2007).

* 50 Au cours de cette procédure, les acteurs sont nombreux : le BAJ, le greffier en chef ou le greffier, le magistrat, le SAR et le Trésor.

* 51 Rapport de la mission d'audit de modernisation sur le recouvrement de l'aide juridictionnelle (février 2007).

* 52 Les protocoles sont homologués par un arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, qui fixe le montant de la majoration appliquée lors de la liquidation de la dotation annuelle.

* 53 Cf. projet annuel de performances (PAP) de la mission « Justice » pour 2007.

* 54 Idem.

* 55 Communication précitée de la commission du CNB « Accès au droit et à la justice » du 24 octobre 2006.

* 56 Circulaire NOR JUS J 05 90 001 C du 12 janvier 2005.

* 57 Circulaire NOR JUS J 05 90 002 C du 25 février 2005.

* 58 Cf. rapport pour avis de MM. Yves Détraigne et Simon Sutour « Justice et accès au droit », n° 104 - tome III (2005-2006).

* 59 La directive du Conseil des Communautés européennes du 22 janvier 1987 a été transcrite en deux temps en droit interne : la loi du 31 décembre 1989 portant adaptation du code des assurances à l'ouverture du marché européen a transposé ce dispositif dans le code des assurances aux articles L. 127-1 à L. 127-7 et l'ordonnance du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité l'a étendu au secteur mutualiste en insérant dans le code de la mutualité les articles L. 224-1 à L. 224-7.

* 60 Rapport n° 160 (2006-2007) de M. Yves Détraigne sur les propositions de loi n° 85 (2006-2007) de M. Pierre Jarlier et plusieurs de ses collègues relative aux contrats d'assurance de protection juridique et n° 86 (2006-2007) de M. François Zocchetto visant à réformer l'assurance de protection juridique.

* 61 Allemagne, Pays-Bas, Suède (Cf. étude de législation comparée du Sénat n° 137, juillet 2004).

* 62 Proposition de loi n° 85 (2006-2007).

* 63 Proposition de loi n° 86 (2006-2007).

* 64 Rapport n° 160 (2006-2007).

* 65 En dépit du principe de libre de choix de l'avocat.

* 66 Dans son rapport précité, notre collègue Yves Détraigne soulignait que « à l'exception de ceux agréés par un réseau de sociétés d'assurance et de mutuelles, les avocats jugent contraires au caractère libéral de leur profession les conventions d'honoraires passées entre les avocats correspondants des réseaux et les compagnies d'assurance et mutuelles, alors même que le statut qui les régit affirme le principe de la libre fixation de leur niveau de rémunération. Ils considèrent au demeurant que les tarifs imposés par les assureurs ne tiennent pas compte du coût effectif de la prestation fournie, forfaitisée. ».

* 67 Recommandations adoptées le 21 février 2002 par la commission des clauses abusives.

* 68 La réforme n'interdit pas la possibilité, pour les assureurs, de proposer le nom d'un avocat correspondant d'un réseau de sociétés d'assurance ou de mutuelles mais l'encadre plus rigoureusement. Par ailleurs, tout en affirmant le principe de la liberté de la fixation des honoraires entre l'avocat et son client, la réforme prévue ne crée pas de contraintes excessives de nature à entraver la liberté d'entreprendre des assureurs.

* 69 Par exemple, le système de protection attaché au statut de fonctionnaire.

* 70 Depuis la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs, une action en représentation conjointe, proche d'un véritable système d'action de groupe, permet à des associations de consommateurs agréées et représentatives au plan national d'agir en réparation pour le compte de consommateurs identifiés, à condition d'avoir obtenu mandat de ces derniers .

* 71 Article L. 1114-2 du code de l'environnement.

* 72 Article L. 142-2 du code de la santé publique.

* 73 Articles L. 452-2 à L. 452-4 du code monétaire et financier.

* 74 Parmi les questions qui se posent, on peut notamment évoquer les suivantes : une action de groupe, quelle que puisse être sa forme, offrirait-elle une meilleure protection des victimes que ne l'assure actuellement le droit français ? Nos principes constitutionnels autorisent-ils un tel mécanisme ? Est-il possible d'introduire une procédure d'action de groupe sans mettre à mal la cohérence de notre système de procédure civile ?

* 75 Rapport d'étape de la commission « Accès au droit et à la justice » du CNB, adopté en assemblée générale les 12 et 13 janvier 2007.

* 76 Rapport d'étape de la commission « Accès au droit et à la justice » du CNB, adopté en assemblée générale les 12 et 13 janvier 2007.

* 77 Rapport d'étape de la commission d'accès au droit du CNB, adopté en assemblée générale les 12 et 13 janvier 2007.

* 78 Un avocat commis d'office ne peut refuser sa commission, sauf motif légitime apprécié par le bâtonnier.

* 79 Même si les représentants de la profession d'avocat contestent que certains d'entre eux puissent vivre exclusivement de l'AJ, votre rapporteur spécial a pu constater, au cours de sa mission, que cette critique était pourtant assez fréquemment menée.

* 80 Notamment la couverture maladie universelle (CMU) qui permet d'accéder aux soins sans reste à charge ni avance de frais.

* 81 Cf. notamment le rapport d'étape de la commission d'accès au droit du CNB, adopté en assemblée générale les 12 et 13 janvier 2007.

* 82 Barème au 1 er janvier 2007.

* 83 Montants au 1 er janvier 2007.

* 84 Plafond au 1 er janvier 2007.

* 85 Cf. lettre de cadrage relative à la mission d'audit de modernisation sur le recouvrement de l'AJ dont les conclusions ont été rendues publiques en février 2007.

* 86 Rapport de la mission d'audit de modernisation sur le recouvrement de l'aide juridictionnelle (février 2007).

* 87 Le délai de mise en recouvrement est le délai entre le moment où la décision de justice est notifiée aux parties et celui où la partie condamnée aux dépens reçoit l'avis de paiement du Trésor.

* 88 Etude réalisée sur la période 1993-2005 par l'audit de modernisation.

* 89 Cf. notamment le rapport de notre collègue Bernard Angels suite à l'enquête demandée par votre commission à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur le recouvrement contentieux des amendes et condamnations judiciaires : « Recouvrement des sanctions pénales et fiscales : la fin de l'impunité ? » (Sénat, rapport d'information n° 381 (2006-2007)).

* 90 Cf. le rapport de votre rapporteur spécial « La justice, de la gestion au management ? Former les magistrats et les greffiers en chef », Sénat, rapport d'information n° 4 (2006-2007).

* 91 Cf. le rapport précédemment cité de votre rapporteur spécial « La justice, de la gestion au management ? Former les magistrats et les greffiers en chef », Sénat, rapport d'information n° 4 (2006-2007).

* 92 Par exemple, alors que les BAJ tendent à déplorer des moyens humains insuffisants à l'origine des défaillances dans l'émission des états de recouvrement de l'AJ, la mission ayant conduit l'audit de modernisation sur le recouvrement de l'AJ relève que « le temps consacré exclusivement à l'émission du titre est, en fait, assez réduit (...). La plupart des tâches préparatoires à l'établissement des états de recouvrement seront de toute façon effectuées, qu'il y ait établissement d'un état de recouvrement ou pas, puisqu'elles sont la condition du paiement des auxiliaires de justice ».

* 93 Les Etats-membres ont la possibilité d'appliquer un ou deux taux réduits de TVA, à une liste limitative de cas, figurant au sein de l'annexe H de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes n° 77 / 388 CEE du 17 mai 1977, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, dite « sixième directive TVA de 1977 ». Cette annexe recense dix sept catégories de biens et de prestations de services éligibles aux taux réduits.

* 94 Le 21 décembre 2006.

* 95 Le 6 juillet 2007.

* 96 Tous les deux ans, le champ d'application du taux réduit de la TVA doit être revu. La Commission européenne remet un rapport sur la base duquel le Conseil des Communautés européennes réexamine le champ d'application des taux réduits. Le Conseil peut, sur proposition de la Commission européenne, et en statuant à l'unanimité, décider de modifier la liste des biens et services figurant à l'annexe H de la directive. L'histoire récente a toutefois montré une certaine réticence de la Commission à modifier l'annexe H de la directive de façon pérenne. Elle lui préfère fréquemment l'ouverture de dérogations ponctuelles, souvent sectorielles.

* 97 Sénat, rapport pour avis n° 104 (2005-2006).

* 98 Cette loi a unifié l'instruction des demandes d'asile quel que soit le statut demandé (réfugié ou protection subsidiaire). Ce changement s'est traduit par la généralisation de la compétence de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et par un transfert de compétences, en cas de contestation, à la commission des recours des réfugiés.

* 99 La convention internationale des droits de l'enfant (ou convention relatives aux droits de l'enfant) a été adoptée par l' Assemblée générale des Nations unies en novembre 1989 . En France, elle est entrée en vigueur le 2 septembre 1990 .

* 100 Parallèlement à ces évolutions législatives, des groupes d'avocats spécialisés dans la défense des mineurs se sont d'ailleurs progressivement implantés dans les tribunaux pour enfants.

* 101 D'après la communication précitée de la commission « Accès au droit et à la justice » du CNB, en date du 24 octobre 2006.

* 102 Idem.

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