B. L'ABSENCE DE PRISE EN COMPTE DE LA CONTRIBUTION DE LA FRANCE À L'OPÉRATION DE MAINTIEN DE LA PAIX AU DARFOUR

Le directeur du budget l'a souligné lors de son audition : l'opération de maintien de la paix au Darfour, la MINUAD, ne figure pas au projet de budget pour 2008. Celui-ci a ainsi fait valoir « qu'il n'était pas possible à ce stade de connaître le coût de l'opération Darfour, notant par ailleurs que la préparation du budget conduisait à un moment donné à « arrêter les compteurs » et à ne pas budgéter les dépenses non chiffrables ». Il a ajouté que « le mécanisme de la réserve de précaution devait par ailleurs permettre de couvrir les dépassements de dépenses en cours d'année ».

Le courrier précité de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et des affaires européennes, et M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, s'il reconnaît que la « prévision n'inclut pas à ce stade l'éventuel impact budgétaire de l'opération de maintien de la paix au Darfour », précise que « le budget n'a pas encore été établi ; une première estimation, à confirmer, fait état d'un coût possible pour la France de 110 millions d'euros qui n'a pas bien sûr, compte tenu de son caractère incertain et tardif, pu être pris en compte lors de nos travaux de préparation du budget 2008 ».

Il convient de nuancer le caractère tardif de la décision prise en matière d'opération de maintien de la paix. Il est exact que la résolution du Conseil de sécurité 1769 relative à la MINUAD a été prise le 31 juillet 2007, soit sans doute après les derniers arbitrages rendus sur les dépenses de l'Etat. Néanmoins, une « fiche » en date du 9 juillet 2007, transmise à votre commission des finances par M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et des affaires européennes le 13 juillet 2007, soulignait déjà que les besoins en matière de contributions internationales s'établissaient à 786 millions d'euros, soit un niveau proche des 836 millions d'euros évalués par l'administration du Quai d'Orsay, en incluant le Darfour, le 7 septembre 2007.

On peut donc supposer que le ministère des affaires étrangères avait d'ores et déjà, à cette date, provisionné dans ses estimations un montant consacré à ce qui allait devenir la MINUAD . Comme le prévoit le contrat de modernisation du 18 avril 2006 précité, la direction du budget reçoit en communication les télégrammes de la représentation permanente à l'ONU et du Département (NUOI) relatifs aux mesures nouvelles imprévues, au budget régulier et aux quotes-parts.

De plus, l'opération au Darfour était déjà envisagée depuis de nombreux mois tant par les directions politiques du Quai d'Orsay que par sa direction des affaires financières : une estimation de son coût avait d'ailleurs été transmise à votre commission des finances 8 ( * ) et à celle de la commission des affaires étrangères 9 ( * ) du Sénat au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, évoquant, après prise en compte du taux de change euro/dollar de l'époque un montant de 83 millions d'euros !

Par ailleurs, si les détails de l'opération de maintien de la paix pouvaient encore être mal connus en juillet 2007, ils le sont bien davantage aujourd'hui, et permettent ainsi au gouvernement de proposer par voie d'amendement au projet de loi de finances initiale une dotation correspondant à la contribution financière à la MINUAD, par application du « principe de précaution ».

Ainsi, la résolution 1769 du 31 juillet 2007 précise que la MINUAD sera dotée d'un effectif militaire de 19.555 personnels au maximum, dont 360 observateurs militaires et officiers de liaison, et d'une composante civile de taille appropriée composée au maximum de 3.772 personnels de police et de 19 unités de police constituées, comportant chacune un effectif maximum de 140 personnes.

Surtout, elle engage les Etats membres à confirmer leurs contributions à la MINUAD dans les 30 jours suivant l'adoption de ladite résolution, et le secrétaire général de l'ONU et le Président de la commission de l'Union africaine à arrêter la composition définitive de l'élément militaire de la MINUAD dans le même délai .

Elle termine en indiquant que « en octobre 2007 au plus tard, la MINUAD devra se doter de capacités opérationnelles initiales à son siège, notamment des structures d'administration, de commandement et de contrôle au moyen desquelles les directives opérationnelles seront appliquées, et devra mettre en place les arrangements financiers nécessaires pour couvrir les dépenses afférentes à tous les personnels affectés à la MUAS ». A la même date, fait valoir la résolution, « la MINUAD devra finir de se préparer à assumer le commandement opérationnel des dispositifs d'appui initial et du personnel actuellement affecté à la MUAS, ainsi que des dispositifs d'appui renforcé et du personnel hybride qui pourraient être déployés à cette date, afin de s'acquitter de son mandat ».

Dans ces conditions, il paraît peu douteux qu'une provision de 110 millions d'euros permette de faire face aux premières opérations de maintien de la paix au Darfour. Par ailleurs, il est préférable que le gouvernement les inscrive dès le projet de loi de finances initiale pour 2008, plutôt qu'il les ouvre en gestion, par décret d'avance, sans décision formelle du Parlement. En effet, compte tenu des engagements pris au plus haut niveau de l'Etat en ce qui concerne le Darfour, et de ce qui relève d'une parole forte de la France, il ne paraît pas raisonnable que le Parlement ne consacre pas sur un plan budgétaire une telle opération.

* 8 Rapport général n° 78 (2006-2007), annexe 1 de votre rapporteur spécial sur le projet de loi de finances pour 2007.

* 9 Rapport pour avis n° 81, tome I, (session 2006-2007) de M. Jean-Guy Branger fait au nom de la commission des affaires étrangères.

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