N° 33

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 octobre 2007

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le déplacement d'une délégation du bureau de la commission dans trois États du Golfe persique (Royaume d'Arabie Saoudite, Royaume de Bahreïn et Émirats arabes unis) du 27 mars au 1 er avril 2007,

Par MM. Jean ARTHUIS, Philippe MARINI, Aymeri de MONTESQUIOU, Philippe ADNOT, Michel MOREIGNE et Philippe DALLIER,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Mme Marie-France Beaufils, M. Roger Besse, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, André Ferrand, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Christian Gaudin, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

AVANT-PROPOS

Une délégation de votre commission des finances s'est rendue, du 25 mars au 1 er avril 2007, dans trois Etats du Golfe persique : Emirats arabes unis, Royaumes de Bahreïn puis d'Arabie Saoudite.

Présidée par le président de votre commission des finances, la délégation comprenait, outre votre rapporteur général, M. Philippe Marini, nos collègues Aymeri de Montesquiou, Philippe Adnot, Michel Moreigne, Philippe Dallier et Maurice Blin 1 ( * ) .

Les rencontres, particulièrement fructueuses, ont été de haut niveau.

Votre président souhaite remercier, à cet égard, MM. Patrice Paoli, ambassadeur de France à Abou Dabi, et Robert Jongeryck consul général à Dubaï, Mme Malika Berak , ambassadeur de France au Royaume de Bahreïn, et M. Charles de Bancalis de Maurel d'Aragon, alors ambassadeur de France au Royaume d'Arabie Saoudite, ainsi que les diplomates et membres des missions économiques des ambassades de France des trois pays, qui ont permis à ce déplacement de se dérouler parfaitement.

INTRODUCTION - LE NOUVEL « ÂGE D'OR » DES FONDS SOUVERAINS AU MOYEN-ORIENT

Le déplacement qu'une délégation de votre commission des finances a effectué du 27 mars au 1 er avril 2007, avait pour objectif d'examiner, sous l'angle économique, financier et géopolitique, la situation actuelle de trois Etats du Golfe persique bénéficiant de la « manne pétrolière », le Royaume d'Arabie Saoudite, le Royaume de Bahreïn et la Fédération des Emirats arabes unis (EAU).

Au terme de ce déplacement deux constats principaux peuvent être dressés.

- Ces économies, reposant sur une rente longtemps gérée de façon « familiale », sont désormais soucieuses de se diversifier en se tournant à la fois vers l'industrie et vers les services. Cette diversification nécessite de recourir, de façon pragmatique, aux « best practices » et de s'attacher le concours ou l'expertise des meilleurs spécialistes mondiaux.

- Malgré l'hétérogénéité des trois pays visités, votre délégation a constaté un « renouveau » de la manne pétrolière qui se traduit par un nouvel « âge d'or » et le poids croissant des « fonds souverains ». Ce renouveau entraîne une géopolitique financière riche d'opportunités, notamment pour les pays développés. D'une part, l'afflux de liquidités à la recherche de placement s'investit à la fois dans les immeubles prestigieux, les bons du trésor, les titres de sociétés cotées en bourse et le rachat d'entreprises. D'autre part, les pays du Golfe persique constituent des marchés considérables et solvables où s'affrontent les compétences du monde entier.

La situation de la région reste, malgré tout, fragile, en raison notamment de la « puissance tutélaire iranienne ».

I. UNE RENTE PÉTROLIÈRE DÉTENUE PAR DES ACTEURS TRÈS HÉTÉROGÈNES...

Qu'est-ce qu'une rente ?

La théorie économique définit traditionnellement l'économie de rente par son caractère non productif et non diversifié. Elle se traduit par l'exploitation d'une seule ressource, dont le produit est redistribué à la population par l'intermédiaire de l'Etat . Cette économie est donc, d'une part, largement dépendante de l'état des réserves de ladite ressource et, d'autre part, faiblement génératrice de croissance puisque reposant sur un secteur public prépondérant.

Dans le cas des pays du Golfe persique, on parle usuellement de « rente pétrolière ». A ce sujet, un courant contesté de la science politique, « le rentiérisme », formule même l'hypothèse d'un lien entre économie de rente pétrolière et Etat autoritaire 2 ( * ) .

A. DES MONARCHIES HÉRÉDITAIRES PLUS OU MOINS ABSOLUTISTES AU SEIN DESQUELLES LES PARLEMENTS N'ONT QU'UN ROLE LIMITÉ

1. Le Royaume d'Arabie Saoudite : un pays soumis à des tensions contradictoires

Proclamé en 1932 par le roi Abdulaziz bin Abdulrahman Al Saoud, le Royaume d'Arabie Saoudite est le fruit d'une alliance scellée au XVIII ème siècle entre la tribu des Al Saoud et Mohammed Abdel Wahhab, réformateur musulman prônant un islam rigoriste.

Le pays abrite les deux premiers lieux saints de l'Islam, la Mecque et Médine. S'appuyant sur cette légitimité religieuse, la famille Al Saoud dirige l'Etat depuis sa création en alliant conservatisme social et modernité économique. En 1992, la nouvelle Constitution a institué un Conseil consultatif de 60 membres (le Majlis Al Shoura), cooptés et sans réel pouvoir de décision.

Sur le plan politique, les fragilités du Royaume sont nombreuses : paupérisation relative des classes moyennes, croissance démographique de plus de 3 %, redistribution moins généreuse et inégalitaire, frustrations de la jeunesse (65 % de la population a moins de 25 ans) en quête d'emploi et de reconnaissance, tiraillements entre modernistes et conservateurs, sort de la minorité chiite concentrée dans la riche province orientale, réserves de la population à l'égard de la présence militaire américaine, et influence croissante des religieux .

Une série d'attentats et d'assassinats en 2003 et 2004 a renforcé la volonté saoudienne de lutter contre le terrorisme, manifestée notamment par de nombreuses arrestations, la signature de la convention pour la répression du financement du terrorisme ou encore l'organisation d'une conférence sur le terrorisme en février 2005. Dans le même temps, un « recadrage général » de l'influence des religieux est en cours, même s'il se heurte à des réticences certaines . La situation sécuritaire fait toujours l'objet d'une attention soutenue, notamment depuis le dramatique assassinat de trois ressortissants français survenu en février 2007.

Selon d'aucuns, la stabilité du Royaume ne semble cependant pas remise en cause . Les tensions sont contenues par la loyauté des tribus au roi Abdallah, dont l'autorité est incontestée, en l'absence d'opposition organisée .

Aujourd'hui, le roi Abdallah semble résolu à engager le royaume sur le chemin de la réforme. Une réflexion sur l'organisation de la société a été engagée nourrie par les réactions de la société civile, dont attestent le manifeste de 104 intellectuels réformistes , la tenue d'une Conférence internationale sur les droits de l'Homme, les sessions du « Forum pour le dialogue national », l'organisation d'élections municipales partielles entre février et avril 2005, ou l'élection de deux femmes à la Chambre de commerce de Djeddah. Néanmoins, les équilibres de la société et du régime saoudiens demeurent fragiles.

* 1 M. Maurice Blin a démissionné de son mandat de sénateur le 4 juillet 2007.

* 2 « Le concept de rente appliqué aux économies de la région MENA, pertinences et dérives ». Mme Fatiha Talahite, chercheur au CNRS (CEPN, Université Paris XIII, 2005).

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