B. LES ANALYSES DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

1. Les propositions du « rapport Besson » et de la note de l'inspection générale des finances : une piste intéressante pour « booster » les créations d'emplois

Le rapport Besson et la note de l'inspection générale des finances ouvrent une piste intéressante.

En tout état de cause, ils ont le mérite de poser clairement les termes du débat.

En effet, schématiquement, on peut opposer deux conceptions de la TVA sociale, impliquant un choix de nature politique :

- selon une première conception, la TVA sociale a pour seul objectif de créer le plus d'emplois possible. Il faut alors concentrer les exonérations de charges sur les bas salaires, dont la demande par les entreprises est la plus sensible à leur coût. Le problème est qu'alors les secteurs bénéficiant de la mesure sont pour l'essentiel des secteurs protégés et peu technologiques, et qu'il existe un risque de « trappe à bas salaires » ;

- selon une deuxième conception, correspondant à la TVA sociale « classique », la TVA sociale a pour objectif essentiel de renforcer la compétitivité de l'économie, par une forme de dévaluation compétitive. Les exonérations de charges ne doivent alors pas être concentrées sur les bas salaires, le problème étant que le nombre d'emplois créés s'en trouve réduit. Il faut en particulier être conscient du fait que l'impact sur l'emploi de la TVA sociale pourrait alors être nettement inférieur à celui des fluctuations de l'euro : ainsi, selon la DGTPE, une appréciation de 10 % du taux de change de l'euro face aux autres devises détruit 131.000 emplois au bout de 3 ans 20 ( * ) .

Le rapport Besson et la note de l'inspection générale des finances proposent donc une solution intermédiaire , qui, pour un « calibrage » à 1,5 point de taux normal de TVA, certes crée « seulement » 100.000 emplois (au lieu de 300.000 avec un simple renforcement du dispositif Fillon, et 35.000 avec la TVA sociale « ordinaire »), mais minimise le risque de « trappe à bas salaires » et de spécialisation dans des secteurs peu technologiques. Par ailleurs, il ne serait pas nécessaire de mettre en place des cotisations négatives ou de prévoir des allégements de cotisations ne concernant pas la sécurité sociale stricto sensu (UNEDIC, retraite complémentaire) 21 ( * ) .

2. Le « rapport Chartier » : des propositions qui créeraient vraisemblablement moins d'emplois que la TVA sociale

Le rapport Chartier ne présente pas d'estimation du nombre d'emplois créés par le dispositif qu'il préconise. Il est vrai qu'il propose de simples pistes. La réforme envisagée semble cependant devoir créer moins d'emplois que la TVA sociale « classique ».

a) Dans le cas de la « TVA pouvoir d'achat », dont la mise en place est préconisée à « court terme »

Tel serait tout d'abord le cas de la « TVA pouvoir d'achat ».

A court terme la baisse de cotisations salariés permise par la « TVA pouvoir d'achat » relancerait l'activité (comme n'importe quel allégement de prélèvements obligatoires), mais comme dans le même temps la TVA serait augmentée à due concurrence, l'impact global sur l'activité devrait être à peu près nul.

Selon certaines analyses, la mesure pourrait être plus intéressante à long terme , si elle accroît l'offre de travail par les salariés. Selon l'EDHEC, du fait de ce mécanisme, une « TVA emploi » 22 ( * ) de 25 milliards d'euros, correspondant à une augmentation du taux normal de TVA de 4 points, permettrait de créer de 63.000 à 114.000 emplois à long terme. On peut donc considérer que, dans le cas d'un transfert de 14 milliards d'euros, envisagé par le rapport Chartier, le nombre d'emplois créés serait de l'ordre de 30.000 à 60.000. Ramené à notre « calibrage » commun à 1,5 point de taux normal de TVA, soit environ 10 milliards d'euros, cela correspond à un nombre d'emplois créés compris entre 25.000 et 50.000.

Cependant, votre rapporteur général est sceptique sur cette « TVA pouvoir d'achat ». Il lui semble en effet que la sensibilité de l'offre d'emploi par les salariés à la rémunération du travail est difficile à évaluer, d'un point de vue économétrique.

Par ailleurs, une mesure qui accroîtrait la demande interne tendrait, toutes choses égales par ailleurs, à accroître le déficit extérieur , ce qui lui semble devoir être évité. Il juge en effet essentiel d'améliorer la compétitivité des entreprises françaises, dans une économie globalisée, ce qui correspond à la logique de la TVA sociale.

En outre, les allègements porteraient sur les risques les plus « contributifs » par nature (vieillesse et chômage) et leur prise en charge partielle par la fiscalité irait totalement à l'encontre des messages appelant l'opinion publique à un plus grand sens des responsabilités dans ces domaines. Au contraire, la « TVA sociale classique » diminue les charges des employeurs au titre des régimes qui ont le plus vocation à être financées par l'impôt, car se rattachant davantage au principe de solidarité (famille et maladie).

b) Dans le cas de la TVA sociale « élargie » à la CSG et à la C3S, dont la mise en place est préconisée à « moyen terme »

La TVA sociale « élargie » à la CSG et à la C3S, dont le rapport Chartier préconise la mise en place à « moyen terme », semble elle aussi moins intéressante que la TVA sociale.

Votre rapporteur général ne peut qu'exprimer son désaccord avec la proposition du rapport Chartier de financer les nouveaux allégements de cotisations employeurs par un « panier » de ressources fiscales dont la TVA ne serait qu'une composante parmi d'autres. Une telle proposition apparaît exagérément complexe et politiquement illisible . Elle est habile dans la mesure où elle dilue et occulte le débat de la TVA sociale, mais les problèmes structurels que le groupe de travail croit avoir contournés demeureraient entiers... On peut certes estimer que si l'on allège les cotisations employeurs, et si l'on finance cet allégement en augmentant des recettes fiscales, « en gros » l'impact à court terme sera le même quels que soient les impôts concernés, si l'on considère que, dans tous les cas, le « multiplicateur keynésien » est proche de l'unité. Cependant, on a vu ci-avant que la TVA sociale présentait l'intérêt de permettre un scénario où, dans l'hypothèse où les entreprises répercuteraient la baisse des cotisations patronales sur leurs prix hors taxes, la mesure s'apparenterait à une dévaluation, ce qui permettrait de majorer les créations d'emplois, tout en évitant de faire supporter la mesure par le contribuable national.

Par ailleurs, votre commission des finances s'oppose, d'une manière générale, à un alourdissement de la fiscalité du revenu ou de la fiscalité des entreprises. On peut en particulier s'interroger sur la pertinence d'alourdir la C3S, même réformée de manière à exclure de son assiette les coûts salariaux. En effet, comme il s'agit d'une taxe sur le chiffre d'affaires, elle taxe d'autant plus les entreprises que celles-ci sont situées en « bout de chaîne », ce qui semble économiquement absurde.

A ce stade, votre rapporteur général estime devoir rappeler son analyse et sa position sur l'idée de la TVA sociale et sa mise en oeuvre, et ceci sous la forme des quelques principes ci-après :

1- Pour en valoir la peine, la mesure doit être simple, forte, immédiate, lisible . Cela veut dire que le transfert n'a d'intérêt que s'il porte sur une valeur macro-économique significative (plutôt 20 milliards d'euros que 10 milliards d'euros), et si la compétitivité globale du système productif a des chances réelles d'en être améliorée.

2- Pour autant et dans ce cadre, il ne faut pas récuser une concentration des avantages sur les plus bas salaires , si l'impact-emploi se révèle réellement beaucoup plus important, car de vrais bénéfices sociaux mais aussi économiques (le redressement durable de l'emploi étant un facteur majeur d'amélioration de l'ensemble des anticipations), et bien entendu politiques, jouent dans le sens de l'acceptabilité de cette politique fiscale.

3- Les conséquences inflationnistes , qui semblent toujours obséder la direction du Trésor ou la Banque centrale, ne sont pas crédibles dans une économie globalisée où s'exercent des pressions croissantes sur les prix des biens de consommation et d'équipement des ménages, et alors que la conjoncture immobilière laisse présager une détente des prix dans un secteur qui occupe une place centrale dans le budget des familles. Les modèles économétriques utilisés pour les simulations ci-dessus ne tiennent absolument pas compte de ces réalités.

4- La réforme doit avoir un réel impact sur la gouvernance des finances publiques, en conduisant à fiscaliser , et donc à intégrer au budget de l'Etat, les risques « maladie » et « famille » ; l'association des partenaires sociaux peut fort bien être maintenue dans le cadre d'un statut d'opérateur que pourraient adopter les caisses nationales concernées ; cela ne changerait donc rien à l'esprit d'un paritarisme dont les méthodes et procédures actuelles ne doivent pas être sanctifiées, comme le montrent les tristes déboires de l'U .I.M.M....

5- Surtout, la TVA sociale incarne une stratégie fiscale de rupture , et le choix de la compétitivité comme premier objectif de la politique fiscale ; elle appelle un réexamen global de l'ensemble des impôts et fait participer l'opinion et l'ensemble des milieux économiques au succès de la réforme.

6- En effet, celle-ci ne se conçoit qu'en se plaçant au coeur d'une stratégie de communication politique, impliquant une mobilisation totale des acteurs , du haut en bas de l'édifice socio-économique. Les bénéfices à en attendre sont naturellement à la mesure des risques politiques qu'il faudrait prendre. Chacun conçoit, à partir de cela, que la décision ne puisse appartenir qu'au Président de la République, en fonction de l'évaluation qu'il fera de l'ensemble des paramètres en jeu.

* 20 Source : programme de stabilité 2008-2010.

* 21 De tels allégements sont nécessaires dès lors qu'on voudrait réduire le coût du travail au niveau du SMIC, puisqu'il n'y a quasiment plus de cotisations patronales au niveau du SMIC.

* 22 On a vu que c'était ainsi que l'EDHEC désignait ce que le rapport Chartier appelle « TVA pouvoir d'achat ».

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