B. UNE LÉGITIMITÉ DES ELUS LOCAUX RENFORCÉE GRÂCE À L'ÉLECTION AU SUFFRAGE UNIVERSEL DIRECT

1. Des responsables d'exécutifs locaux français désignés par des conseils élus selon des modalités diverses

En France, seul le chef de l'État est choisi directement par les Français dans le cadre d'un scrutin majoritaire à deux tours. Les responsables des exécutifs locaux sont tous désignés par des conseils élus qui sont eux-mêmes désignés selon des modes de scrutin variables.

Les modalités de gouvernance locale en France ne répondent pas aux critères de l'analyse institutionnelle classique qui distinguent volontiers les régimes selon leurs modalités de séparation des pouvoirs exécutif et délibératif, sur un mode parlementaire ou présidentiel. La principale caractéristique de notre gouvernance locale réside même précisément dans l'absence de distinction formelle entre un organe exécutif et délibératif, le chef de l'exécutif local étant également le président du conseil élu.

On peut rappeler à cet égard que l'article L. 2122-1 du Code général des collectivités territoriales dispose que, dans chaque commune, « il y a (...) un maire et un ou plusieurs adjoints élus parmi les membres du conseil municipal » et que l'article L. 2122-4 du même code prévoit dans son premier alinéa que « le conseil municipal élit le maire et les adjoints parmi ses membres au scrutin secret et à la majorité absolue, nul ne peut être élu maire s'il n'est âgé de dix-huit ans révolus » .

On peut noter que des dispositions proches existent pour les autres collectivités locales que sont le conseil général (5 ( * )) et le conseil régional (6 ( * ). La seule exception, de taille, à cette absence de distinction entre des fonctions uniquement exécutive et délibérative concerne la collectivité territoriale de Corse.

Le statut particulier de la collectivité territoriale de Corse

Le statut de la collectivité territoriale de Corse a été modifié par la loi n°2002-92 du 22 janvier 2002. Ce statut se distingue du statut des régions métropolitaines en ce qu'il instaure un régime de gouvernement local de type parlementaire fondé sur la distinction entre un organe exécutif et un organe délibératif, le premier étant responsable devant le second. Il est toutefois à noter qu'il n'existe pas de droit de dissolution au bénéfice de l'exécutif local.

Le statut de la collectivité territoriale de Corse prévoit que l'Assemblée de Corse a pour mission de régler les affaires de la Corse et de contrôler le conseil exécutif (art. L. 4422-15). L'Assemblée de Corse élit son président (art. L. 4422-8 du CGCT) qui a pour mission d'exercer la police de l'assemblée et de fixer l'ordre du jour.

Le conseil exécutif de Corse est composé, quant à lui, d'un président assisté de huit conseillers exécutifs. Il dirige l'action de la collectivité territoriale, notamment dans les domaines du développement économique et social, de l'action éducative et culturelle et de l'aménagement de l'espace. Il élabore, en concertation avec les collectivités locales de l'île, et met en oeuvre le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse.

Le président du conseil exécutif est le candidat figurant en tête de la liste élue pour désigner les membres du conseil exécutif . La totalité des sièges à pourvoir est attribuée à la liste qui a obtenu le plus de suffrages. Par ailleurs, un membre du conseil exécutif ne peut cumuler sa fonction avec celle de conseil de l'Assemblée , puisqu'il est prévu que tout conseiller à l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif est regardé comme démissionnaire de ses fonctions de conseiller à l'Assemblée.

Conformément au « modèle parlementaire », l'article L. 4422-31 du CGCT prévoit que l'Assemblée de Corse peut mettre en cause la responsabilité du conseil exécutif par le vote d'une motion de défiance. Il s'agit toutefois d'une motion particulière qui s'apparente à la « défiance constructive » . Celle-ci doit, en effet, mentionner à la fois les motifs pour lesquels elle est présentée ainsi que la liste des noms des candidats aux mandats de président et de conseillers exécutifs de Corse appelés à exercer ces fonctions en cas d'adoption de la motion de défiance.

A l'issue de cette brève présentation, on peut retenir que le régime de la collectivité territoriale de Corse s'apparente à un régime parlementaire « rationalisé ». Le recours à une motion de défiance constructive lui fait partager des traits communs avec les institutions allemandes et espagnoles. En cela, ce régime se distingue des modalités de gouvernance locale qui se développent en Europe aujourd'hui sur le modèle présidentiel fondé sur l'élection au suffrage universel direct du chef de l'exécutif local et des membres du conseil élu.

La désignation des conseils élus diffère sensiblement pour chacune des collectivités : alors que le scrutin de liste est employé pour les élections municipales et régionales, c'est le scrutin uninominal majoritaire qui demeure en vigueur pour désigner les conseillers généraux.

Depuis 1884, l'élection des conseillers municipaux a lieu tous les six ans au suffrage universel direct. Le mode de scrutin pour les élections municipales est, lui-même, différent selon que la commune compte plus ou moins de 3.500 habitants. Dans les plus petites communes, il existe une obligation de composer une liste (sauf en dessous de 2.500 habitants) que les électeurs peuvent modifier en rayant ou en ajoutant un ou plusieurs noms. Au premier tour, seuls les candidats ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés sont élus, à condition que le nombre de suffrages représente, au moins, le quart des électeurs inscrits. Au second tour, les candidats ayant recueilli la majorité relative des suffrages sont élus.

Dans les communes de plus de 3.500 habitants, il existe une obligation de composer une liste selon le principe de parité. Les électeurs ne peuvent modifier les listes. Au premier tour, la liste ayant obtenu la majorité absolue détient la moitié des sièges, l'autre moitié des sièges étant répartie à la proportionnelle entre toutes les listes ayant eu au moins 5 % des suffrages. Au second tour, seules les listes ayant obtenu au 1er tour au moins 10 % des suffrages exprimés peuvent se présenter. La liste ayant obtenu la majorité relative des suffrages détient la moitié des sièges tandis que l'autre moitié des sièges est répartie entre toutes les listes ayant eu au moins 5 % des suffrages.

Les conseillers généraux sont élus au suffrage universel direct depuis la loi départementale du 10 août 1871. La durée de leur mandat est fixée à six ans et ils sont renouvelés par moitié tous les trois ans : une moitié en même temps que les élections municipales, l'autre moitié avec les élections régionales. La circonscription électorale est le canton et le mode de scrutin est majoritaire uninominal à deux tours. Un candidat est élu au premier tour s'il obtient la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de voix au moins égal au quart de celui des électeurs inscrits. Au second tour, seule la majorité relative est nécessaire pour être élu et seuls les candidats ayant obtenu au premier tour au moins 10 % du nombre des inscrits peuvent se présenter.

Enfin, il convient de rappeler que le mode de scrutin des élections régionales a été sensiblement modifié par la loi du 11 avril 2003. Les conseillers régionaux sont élus pour six ans au scrutin de liste. Au premier tour, la liste qui obtient la majorité absolue des voix obtient le quart des sièges à pourvoir, les sièges restant étant répartis à la représentation proportionnelle entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des voix. Si aucune liste n'a obtenu la majorité absolue, il y a un second tour auquel participent les listes ayant obtenu 10 % des voix au premier tour. La liste qui obtient le plus de voix dispose du quart des sièges à pourvoir, le reste des sièges est réparti à la proportionnelle entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des voix. Les sièges attribués à chaque liste sont répartis entre les sections départementales qui la composent au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département.

Le statut de l'élu local en Belgique

La commune est un lieu de pouvoir extrêmement important dans le système institutionnel belge. Tout homme politique important se doit d'avoir un ancrage local. Il s'agit aussi pour les citoyens d'un lieu identitaire prononcé. Le lien structurel existant entre le conseil communal et le Centre public d'action sociale joue un rôle évident dans la visibilité de la commune. La pratique constante du cumul des mandats entraîne une relation étroite entre la commune et les autres niveaux de pouvoir (province, région, communauté, Etat fédéral, Parlement européen).

Si le vote est obligatoire, il n'en reste pas moins que le taux de participation varie (absences justifiées, votes blancs et nuls) : il faut souligner que la participation atteint, en général, son maximum lors des élections communales et ce taux a encore atteint un record à l'occasion des dernières élections communales, le 8 octobre dernier, pour atteindre 93%. Les sanctions judiciaires de l'absentéisme sont rares. En outre, l'absentéisme des membres du Bureau est systématiquement sanctionné.

L'électeur est satisfait de voir les responsables politiques nationaux participer aux élections locales (l'ensemble des Ministres fédéraux, régionaux et communautaires ont participé aux dernières élections locales, à quelques exceptions près) et le fait savoir grâce à la possibilité qu'il a de personnaliser son vote.

Il n'empêche que des scandales sont venus affecter l'image de certains élus locaux, singulièrement socialistes depuis 18 mois: sans surprise, le PS, principale force politique francophone, a souffert d'un léger recul de trois points en octobre 2006, par rapport aux régionales de 2004. L'extrême droite, pourtant très divisée et structurellement faible en Wallonie, a progressé.

Il n'existe pas de distinction entre élus à temps plein et ceux à temps partiel. Le plus souvent, les élus locaux conservent une activité professionnelle. Un congé politique de un à deux jours par semaine est prévu.

Une loi de 1999 revalorise les traitements des élus locaux. Le traitement des bourgmestres et échevins est fixé par la loi selon un barème qui varie en fonction du nombre d'habitants de la commune. Les conseillers municipaux ont des jetons de présence lorsqu'ils assistent aux réunions du conseil, des commissions et sections. Le montant de ces jetons est fixé par le conseil communal dans la limite du montant maximum fixé par la loi. Le traitement global (tous mandats cumulés) ne doit pas dépasser une fois et demie l'indemnité parlementaire. La notion de mandat est maintenue. De ce fait, l'élu local n'est ni un salarié, ni un fonctionnaire.

Les élus locaux sont élus pour 6 ans. Pour être élu local, il faut être âgé de 18 ans, de nationalité belge (ou ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne pour les conseillers communaux et les échevins), inscrit dans le registre de la population de la commune, ne pas être exclu du droit de vote suite à une condamnation.

Aucun statut pénal spécifique n'est attribué aux élus locaux. Ils sont, par conséquent, soumis aux règles de responsabilité pénale et civile. La loi du 4 mai 1999 relative à la responsabilité civile et pénale des bourgmestres, échevins et membres de la députation permanente aménage des mécanismes de garanties afin de soulager les mandataires locaux dont la responsabilité est mise en oeuvre. En effet, en ce qui concerne l'aspect civil de la procédure, la commune peut être appelée à la cause et condamnée au paiement des amendes auxquelles son bourgmestre ou échevin est condamné à la suite d'une infraction commise dans l'exercice normal de ses fonctions.

2. Une évolution européenne favorable à la désignation directe des responsables des exécutifs locaux

Le recours à l'élection au suffrage universel direct des maires concerne déjà 11 États membres (7 ( * )) de l'Union européenne. Pour l'essentiel, ce choix a été fait dans la deuxième moitié des années 1980, entre 1985 et 1990. Par ailleurs, plusieurs pays envisagent sérieusement de s'y convertir à l'instar des Pays-Bas, de l'Espagne et de la République tchèque, ce qui devrait faire qu'une majorité d'États membres en seront dès lors des adeptes.

Les Pays-Bas, après la Belgique, remettraient ainsi en question leur tradition de nomination des maires par le pouvoir exécutif. En Suède, la réflexion est menée au sein de l' « Association des communes et régions » qui estime que le recours à l'élection au suffrage universel permettrait de mieux valoriser les fonctions des élus locaux responsables d'un exécutif auprès de l'opinion publique.

En Espagne, la proposition figure dans les programmes de l'ensemble des principaux partis politiques et il semble exister un consensus pour l'adopter prochainement. Pour le moment, les maires sont désignés par leur conseil élu.

Lors de sa rencontre avec la délégation sénatoriale, Mme Carmen Gallego, conseillère municipale de la ville de Saragosse, a ainsi précisé que les élections municipales avaient lieu tous les 4 ans au scrutin proportionnel de liste fermé (présentée par les partis politiques) dans les villes importantes et ouvert dans les petites communes. Les maires sont élus par leurs pairs conseillers municipaux (31 conseillers à Saragosse), mais au suffrage universel direct dans les plus petites communes.

L'élection du maire au suffrage universel direct

En Allemagne, en Autriche et en Italie, le maire est élu au suffrage universel direct depuis les années 1990. Il en est de même en Hongrie, en Pologne, en Slovaquie et en Slovénie qui ont rejoint l'Union européenne en 2004. Depuis 2004, en Irlande, les « cathaoirligh » (responsables des exécutifs locaux) sont élus au suffrage universel direct.

En Espagne, les petites communes de moins de 100 habitants fonctionnent en « concejo abierto » avec un « alcalde » (« maire ») directement élu par le peuple. Par ailleurs, tous les partis politiques proposent d'étendre l'élection au suffrage universel direct à l'ensemble des maires.

La Lituanie, la République Tchèque et la Suède mènent des réflexions en faveur de l'introduction de ce mode de désignation de leurs édiles. Il en est de même en Flandre belge où le gouvernement régional a préparé un projet de loi visant à introduire l'élection du maire au suffrage universel.

En Norvège, depuis 1999, vingt municipalités se sont vu conférer la possibilité d'élire leur maire au suffrage universel. Ce nombre a été porté à 34 en 2004.

Au Portugal, le candidat en tête de la liste ayant obtenu le plus de suffrages devient automatiquement maire.

Procédures de désignation du maire en Europe

Pays

Nommé

Maire

________________

Élu par le Conseil

Élu au suffrage direct

Année d'élection au suffrage direct

Allemagne

X

Année 1990

Autriche

X

X

Année 1990

Belgique (Wallonie)

X

X

2005/projet (Flandres)

Chypre

X

1985

Danemark

X

1985

Espagne

X

X

1985

Estonie

X

1985

Finlande

X

1985

France

X

X

1985

Grèce

X

1864

Hongrie

X

1990

Irlande

X

2004

Italie

X

1993

Lettonie

X

1993

Lituanie

X

Projet

Luxembourg

X

Projet

Malte

X

Projet

Norvège

X

X

1999

Pays-Bas

X

Projet

Pologne

X

2002

Portugal

X

République tchèque

X

Projet

Royaume-Uni

X

X

2001-2002

Slovaquie

X

1990

Slovénie

X

1990

Suède

X

1990

Source : Elodie Guérin-Lavignotte et Eric Kerrouche, 2005

En Allemagne, le principe de l'élection au suffrage universel du maire s'est diffusé dans les années 1990 en partant des Länder du Sud où la pratique était connue vers les autres Länder du pays. On peut noter que ce modèle qui existait déjà au XIXème siècle a été conforté au lendemain de la Seconde guerre mondiale par les forces d'occupation américaines qui ont ainsi encouragé l'implantation d'un « système présidentiel local » caractérisé par un maire et un conseil élus au suffrage universel direct et dotés chacun de compétences propres.

M. Volker Bouffier, ministre de l'Intérieur du Land de Hesse, a précisé lors de la rencontre avec la délégation sénatoriale que, s'agissant de l'organisation institutionnelle des collectivités, l'élection des maires relevait auparavant des Parlements locaux. Le choix de recourir à l'élection au suffrage universel direct a répondu à l'objectif de renforcer la légitimité du maire et d'impliquer davantage les citoyens. Ce mode de désignation est aujourd'hui devenu la norme en Allemagne. La durée du mandat de maire varie ; elle est, selon les Länder, de 5, 6 ou 8 ans. Dans le Land de Hesse, le mandat est de 6 ans.

L'élection directe du maire dans les Länder allemands

Länder

Année

de mise en place

Maire

Landrat

Bade-Wurtemberg

1956

X

-

Bavière

1952

X

X

Brandebourg (*)

1993/1998

X

Non

Hesse

1991/1992

X

X

Mecklembourg-Poméranie occidentale (*)

1999

X

X

Basse-Saxe

1996

X

X

Rhénanie-du-Nord - Westphalie

1994

X

X

Rhénanie - Palatinat

1993

X

X

Sarre

1994

X

X

Saxe (*)

1994

X

X

Saxe-Anhalt (*)

1994

X

X

Schleswig-Holstein

1996

X

X

Thuringe (*)

1994

X

X

(*) Länder de l'Est.

On peut également observer que, dans de nombreux Länder, il existe également une procédure de destitution du maire soit d'initiative populaire (Brandebourg, Saxe, Schleswig-Holstein) soit à l'initiative du conseil (8 ( * )).

Dans ce dernier cas, une majorité de Länder prévoit le recours à une majorité des 2/3 tandis que les autres se contentent d'une majorité simple. Enfin, le recours au référendum pour destituer le maire est aussi prévu avec des garanties en termes de participation.

Concernant les Kreise, M. Rainer Lavie, président du Kreistag de Darmstadt-Dieburg a expliqué à la délégation de l'Observatoire que les Kreise, qui ont été créés en 1932, sont organisés aujourd'hui selon le principe de la séparation des pouvoirs exécutif et délibératif, les Parlements locaux ayant pour mission de contrôler l'administration locale. Les membres de l'Assemblée sont élus pour un mandat de 5 ans au scrutin proportionnel. Le recours au mode de scrutin proportionnel fait qu'il est rare qu'il y ait des majorités absolues, c'est pourquoi l'exécutif des Kreise est élu au suffrage universel direct. M. Rainer Lavie a indiqué que les relations entre les deux pouvoirs pouvaient être difficiles en cas de divergences de majorité.

Par ailleurs, il a estimé que l'élection au suffrage universel direct du Président renforçait sa légitimité face au Parlement local et face à l'opinion publique . Il a observé que ce mode d'organisation correspondait à un objectif constitutionnel visant à donner la priorité à la démocratie .

Les procédures de destitution du maire en Allemagne

Länder

Existence

de la procédure

Initiative

populaire

Initiative

du conseil

Référendum

Maire

Landrat

Minimum de vote requis

(% de l'électorat)

Minimum de vote du conseil requis

Minimum

de vote positif requis

(% de l'électorat)

Bade-Wurtemberg

-

-

-

-

-

Bavière

-

-

-

-

-

Brandebourg (*)

X

Non

25/15

Majorité des 2/3

25

Hesse

X

X

-

Majorité des 2/3

25

Mecklembourg-Poméranie occidentale (*)

X

X

-

Majorité des 2/3

33,3

Basse-Saxe

X

X

-

Majorité

25

Rhénanie-du-Nord - Westphalie

X

X

-

Majorité des 2/3

25

Rhénanie - Palatinat

X

X

-

Majorité des 2/3

30

Sarre

X

X

-

Majorité des 2/3

30

Saxe (*)

X

X

33,3

Majorité

50

Saxe-Anhalt (*)

X

X

-

Majorité

30

Schleswig-Holstein

-

-

25

Majorité des 2/3

33,3

Thuringe (*)

X

-

-

Majorité

30

(*) Länder de l'Est

Source : Hellmut Wollmann. « « The Directly Elected (Chief Executive) Mayor and Local Leadership in German Local Government : In Comparative Perspective » - Kommunalilistieteelinen - Aikalkuauskira (Finnish Local Government Journal) n° 2/2003, p. 126-143.

La Belgique se distingue avec des régimes électoraux propres pour la Flandre et la Wallonie. Dans cette dernière, pour être élu bourgmestre, il faut obtenir le plus de « voix de préférence » sur la liste la plus importante parmi celles qui composent la majorité communale. Il s'agit d'une désignation automatique sans possibilité d'intervention de la part du conseil élu. Cette formule rapproche le système wallon du « système présidentiel local » alors que précédemment les électeurs se contentaient de désigner les membres du conseil communal, celui-ci désignant le bourgmestre sous le contrôle du ministre de l'Intérieur de la Région.

L'élection du maire en Belgique

La loi du 13 juillet 2001 emporte le transfert des compétences en matière de réglementation des institutions communales aux Régions. Le mode de scrutin utilisé lors des élections communales est la proportionnelle. L'attribution des sièges se fait selon la méthode Imperiali. Celle-ci amplifie les résultats en sièges des listes les plus importantes en nombre de voix et diminue la représentation des petites listes. La Flandre et la Wallonie ont opéré des modifications différentes des règles relatives aux élections communales, en particulier en ce qui concerne le mode de désignation du bourgmestre.

En Région Flamande, le bourgmestre (il en est de même pour les échevins) est désigné parmi les conseillers belges sur la base d'un acte de présentation signé, d'une part, par une majorité des membres du conseil, d'autre part, par une majorité des conseillers élus sur la même liste que le candidat bourgmestre présenté. L'exigence de double majorité permet d'éviter que deux candidats prétendent à la fonction de bourgmestre sur la base d'une majorité (celle des membres du conseil pour l'un et celle des conseillers élus sur la même liste pour l'autre). En outre, le bourgmestre peut être désigné hors conseil communal.

Cette possibilité n'existe plus en Région wallonne où le mode de désignation du bourgmestre est profondément modifié par le décret du 8 décembre 2005. Est désigné de plein droit bourgmestre le conseiller de nationalité belge qui a obtenu le plus de « voix de préférence » sur la liste qui a obtenu le plus de voix parmi les groupes politiques qui participent au pacte de majorité adopté par le conseil communal . L'identité du bourgmestre découle donc, dans l'ordre : 1/ des groupes politiques qui participent au pacte de majorité, 2/ des scores électoraux obtenus par les listes correspondant à ces groupes, 3/ des « voix de préférence » au sein du groupe de la majorité dont la liste a obtenu le plus grand nombre de voix. Le législateur wallon cherche à rendre la désignation du bourgmestre plus démocratique puisqu'elle est fonction du nombre de « voix de préférence ». Il ne s'agit pas d'une élection directe mais d'une désignation automatique du bourgmestre . Le décret prévoit qu'au plus tard le 15 décembre qui suit les élections, le ou les projets de majorité doivent être déposés entre les mains du secrétaire général. Le pacte de majorité est adopté à la majorité des membres du conseil, au plus tard dans les trois mois suivant la date de validation des élections.

En Irlande, le recours à l'élection au suffrage universel direct a été motivé par le souci d'accroître la légitimité démocratique des élus locaux.

Il en a été de même en Italie afin de permettre au maire et au « presidente » de la province de s'affirmer au sein de leur organe respectif dans un contexte marqué en 1993 par la volonté de lutter contre la corruption et les méfaits de la représentation proportionnelle.

Lors de sa rencontre avec la délégation sénatoriale, M. Gian Valerio Lombardi, Préfet de la région de Milan, a remarqué que l'élection au suffrage universel direct des maires depuis 1993 avait permis de renforcer leur légitimité et avait donné lieu à la création d'un véritable « parti des maires ». Les maires des grandes villes sont en effet tous des personnalités qui se coordonnent pour peser sur le plan national.

Mme Letizia Moratti, maire de Milan, a pleinement confirmé cette évolution aux sénateurs de l'Observatoire de la décentralisation lors de l'entretien qu'elle leur a accordé. Elle a estimé, en particulier, que l'élection au suffrage universel direct était très importante pour renforcer la responsabilité du maire vis-à-vis de la collectivité. Les candidats doivent faire campagne sur un programme et un bilan de l'action du maire est établi à la fin du mandat. C'est pourquoi le recours au suffrage universel direct apporte responsabilité et légitimité. Une fois qu'il est élu, il revient au maire de nommer ses adjoints qui portent le titre de commissaires. Mme Letizia Moratti a nommé 16 commissaires. Le maire ne peut pas poser une question de confiance au Conseil municipal, il doit donc agir par consensus.

M. Manfredi Palmeri, président du Conseil municipal de Milan, a expliqué pour sa part à la délégation sénatoriale qu'en Italie également, il existait un débat sur la démocratie locale. Depuis 1993, les pouvoirs du maire ont été séparés du Conseil municipal et le maire est élu au suffrage universel direct. Il a estimé que cette dernière évolution permettait de respecter le choix des citoyens compte tenu du fait qu'auparavant, le maire était désigné par le Conseil à l'issue d'alliances entre listes réalisées postérieurement à l'élection.

En Italie, les conseils élus se sont vus, par ailleurs, confortés dans leur fonction de contrôle par la possibilité qui leur a été reconnue de voter une motion de censure qui a pour effet de mettre un terme aux mandats respectifs de l'exécutif et de l'assemblée locale et de provoquer de nouvelles élections.

En Espagne, la même loi de 2003 a transformé les organes élus locaux en organes « parlementaires » délibérants privés de fonctions exécutives et administratives.

Au Royaume-Uni, la réforme de 1997 a eu pour objectif d'accroître la visibilité des responsables politiques locaux et de lutter contre l'abstention en favorisant l'implication des électeurs dans la désignation de leurs élus locaux et la transparence du processus de décision publique.

Le mouvement en faveur de l'élection au suffrage universel direct des détenteurs du pouvoir exécutif local apparaît donc puissant. Il correspond à une tendance de fond qui est encouragée au niveau européen.

En effet, la recommandation 151 du Conseil de l'Europe adoptée en 2004 recense les avantages et les inconvénients de l'élection directe de l'exécutif local. Parmi les avantages, elle retient notamment : le renforcement de la légitimité du système local, une meilleure identification des décideurs, une plus grande responsabilité des élus et une meilleure gouvernance.

En fait, la personnalisation du pouvoir local qu'accélère l'élection au suffrage universel direct apparaît comme une garantie d'indépendance de l'élu à la fois vis-à-vis de son conseil élu, de l'administration locale et de l'État. En cela, elle se présente comme un élément naturel du gouvernement local à un moment où les électeurs ont tendance à se désintéresser des collectivités locales comme l'illustre la progression de l'abstention depuis un certain nombre d'années.

* (5) Le premier alinéa de l'article L. 3122-1 du CGCT prévoit que « le conseil général élit son président lors de la réunion de droit qui suit chaque renouvellement triennal ».

* (6) Le premier alinéa de l'article L. 4133-1 du CGCT prévoit que « le conseil régional élit son président lors de la réunion de droit qui suit chaque renouvellement ».

* (7) Allemagne, Autriche, Chypre, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Pologne, Portugal, Slovaquie, Slovénie.

* (8) Voir sur ce sujet les analyses de Mme Élodie Guérin-Lavignotte et de M. Éric Kerrouche, « Les élus locaux en Europe - Un statut en mutation », Les études de la Documentation française, 2006.

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