N° 81

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 novembre 2007

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation pour la planification (1) sur les perspectives macroéconomiques et les finances publiques à moyen terme (2008-2012) ,

Par M. Joël BOURDIN,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Joël Bourdin, président ; M. Pierre André, Mme Évelyne Didier, MM. Joseph Kergueris, Jean-Pierre Plancade, vice-présidents ; MM. Yvon Collin, Claude Saunier, secrétaires ; MM. Bernard Angels, Gérard Bailly, Yves Fréville, Yves Krattinger, Philippe Leroy, Jean-Luc Miraux, Daniel Soulage .

AVANT-PROPOS

La philosophie de l'exercice présenté dans ce rapport d'information mérite d'être rappelée. Disons-le d'emblée : à l'heure où l'évaluation des politiques publiques - à laquelle votre Délégation a consacré un rapport d'information 1 ( * ) pour en montrer les conditions et en rappeler l'urgence - revient au rang des projets prioritaires, le Sénat trouvera, dans le présent rapport, un exercice d'évaluation de la politique économique à moyen terme proposée au pays.

La Délégation du Sénat à la Planification présente une projection à moyen terme des finances publiques , associée à une projection d'ensemble de l'économie française, réalisée à l'aide de modèles macroéconomiques .

Ce choix de présenter à la Haute Assemblée des travaux d'une technicité et d'une complexité certaines est motivé par deux raisons essentielles :

- Premièrement , une projection réalisée à l'aide d'un modèle macroéconomique assure la cohérence comptable de l'ensemble des résultats , et plus particulièrement la cohérence entre les résultats en matière de finances publiques (solde public, dette, prélèvements obligatoires...) et les résultats relatifs aux principaux agrégats macroéconomiques (croissance, emploi, chômage...).

Une projection réalisée à l'aide d'un modèle permet ainsi d'illustrer les liens complexes entre l'évolution des finances publiques et celle de la croissance : quel est l'impact d'une politique d'ajustement budgétaire sur la croissance ? Quel est l'impact de tel rythme de croissance économique sur l'évolution du solde public et de la dette ?...

Certains objecteront que les modèles macroéconomiques sont « trop keynésiens », c'est-à-dire qu'ils surestiment l'impact restrictif (ou expansionniste) d'une diminution (ou d'une augmentation) des dépenses publiques. D'autres estimeront, au contraire, que les modèles sont « insuffisamment keynésiens » parce qu'ils sous-estiment l'impact des finances publiques sur la croissance.

Mais quel qu'il soit, ce type d'objection est respectable mais un peu secondaire, car l'objectif d'une projection n'est pas de donner des résultats indiscutables - surtout à un horizon de moyen terme - mais, au contraire, en évaluant, à sa manière, les conséquences des choix de politique économique, d'ouvrir une discussion pouvant se référer à des enchaînements probables et réalistes .

Ainsi, on peut par exemple soutenir qu'une réduction de la dépense et du déficit publics aura un impact positif sur la croissance. Une projection à l'aide d'un modèle montrera précisément à quelles conditions une baisse de la dépense publique et du déficit public aura effectivement un impact favorable sur la croissance : par exemple, que les ménages anticipant une baisse de la dette publique, donc de leurs impôts futurs diminuent suffisamment leur épargne pour compenser la « réépargne » publique (enchaînement dit « ricardien »). Chacun pourra ainsi juger si ce type d'enchaînement est susceptible d'être vérifié ou, à tout le moins, son « réalisme ».

- Deuxièmement , en faisant le choix de présenter chaque année une projection à moyen terme des finances publiques au moment du débat budgétaire, votre Délégation souhaite enrichir l'analyse de la loi de finances par une mise en perspective pluriannuelle . En effet, une politique budgétaire s'apprécie, aussi, sur la durée d'un cycle économique , sur sa capacité à amortir les fluctuations cycliques, à freiner la conjoncture en cas de « surchauffe », ou au contraire à la soutenir dans la situation inverse. Sur ce plan, le principe d'annualité budgétaire fixe un cadre d'analyse trop étroit, que ce type de travaux permet d'élargir.

D'ailleurs, à partir de 1993, les gouvernements successifs se sont également efforcés, sous des formes variables, d'insérer la loi de finances de l'année dans une « programmation » pluriannuelle des finances publiques, obligation désormais consacrée par la loi organique sur les lois de finances.

Pour réaliser ce type de travaux, votre Délégation a eu longtemps recours à la méthode qui lui paraissait la plus économe pour les deniers publics : recourir, sur une base contractuelle, aux outils et aux équipes du Ministère de l'Économie et des Finances. Dans le cadre de cette prestation de services, votre Délégation assumait l'entière responsabilité des hypothèses et des résultats de ces simulations.

Cependant, à partir du milieu des années 1990, le débat public s'est crispé sur les critères d'adhésion à l'Union économique et monétaire, et plus particulièrement sur le critère de déficit public de 3 %.

Dès lors, l'exercice réalisé par votre Délégation devenait délicat, puisqu'il pouvait conduire à afficher des projections de déficit public différentes de celles transmises par le Gouvernement aux autorités bruxelloises, sur la base de travaux réalisés avec le concours technique des mêmes services du Ministère de l'Économie et des Finances...

Il a ainsi dû être mis un terme à cette collaboration.

Néanmoins, malgré la difficulté à sortir ces travaux d'une certaine confidentialité, malgré leur caractère parfois répétitif, votre Délégation a souhaité les poursuivre, en recourant à un nouveau prestataire, l' Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) .

Pourquoi cette constance ?

Les deux motivations d'origine n'ont pas disparu. S'y est cependant ajoutée une troisième, essentielle aujourd'hui.

La coordination des politiques économiques en Europe est inscrite dans le Traité d'Amsterdam (article 99). En pratique, les Etats membres disposent de deux outils pour coordonner les politiques budgétaires : les Grandes orientations de politique économique (GOPE) et le Pacte de stabilité et de croissance . Ces deux outils sont complétés par une réflexion dans le cadre d'une enceinte informelle de discussion entre les ministres des Finances de la zone euro - l'Eurogroupe 2 ( * ) .

Outre un aspect « coercitif », le Pacte de stabilité et de croissance comprend un volet « préventif » sous la forme des programmes de stabilité pluriannuels , présentés à la fin de chaque année N (le budget est voté pour l'année N+1 et une projection est réalisée par les gouvernements pour les années N+2 à N+4). Ce programme comporte un ou des scénarios macroéconomiques, souvent peu détaillés, et l'ensemble des mesures prévues pour aboutir à une position budgétaire « proche de l'équilibre ou en léger excédent » sur le moyen terme.

Ces programmes nationaux constituent donc le pivot autour duquel devrait se construire la coordination des politiques économiques des Etats membres, coordination essentielle et indispensable pour que l'Union européenne puisse mettre en oeuvre des politiques économiques.

Il faut en effet rappeler qu'à défaut d'une coordination des politiques économiques, « pensée » et conçue au niveau de l'Union, les Etats membres peuvent être conduits à mettre en oeuvre des stratégies individuelles non coopératives , qui au total pénalisent la croissance de l'ensemble des partenaires de l'Union 3 ( * ) .

La crédibilité des programmes de stabilité et de convergence a été assez largement altérée par les entorses qui leur ont été souvent faites au stade de leur exécution par les Etats. Elle doit donc être renforcée, ce qui en suppose une évaluation plus poussée qu'actuellement par les autorités européennes, mais également au sein des Etats membres eux-mêmes.

C'est précisément ce à quoi s'efforce votre Délégation dans ce rapport d'information annuel : évaluer si les engagements budgétaires à moyen terme du Gouvernement sont compatibles avec les objectifs de croissance affichés, et, plus précisément, montrer à quelles conditions les engagements budgétaires qui sont pris sont compatibles avec l'objectif de croissance affiché et, le cas échéant, explorer des trajectoires alternatives .

Tel est le sens de l'exercice présenté ci-après qui, au-delà de son objectif d'évaluation macroéconomique du programme de stabilité et de convergence, permet, en creux, de poser les principales questions de politique économique qui se posent à un horizon de cinq ans.

Ce faisant, votre Délégation est le seul organe public extérieur au Gouvernement, au service du Sénat et de ses commissions permanentes, à apporter au débat public, régulièrement, à travers un éclairage quantitatif sur les perspectives à moyen terme de l'économie française et de ses finances publiques, des éléments d'évaluation de l'impact des politiques en question .

*

* *

* 1 « Placer l'évaluation des politiques publiques au coeur de la réforme de l'Etat ». Rapport n° 392 (2003-2004) du 30 juin 2004. Sénat. Délégation pour la Planification. MM. Joël Bourdin, Pierre André et Jean-Pierre Plancade.

* 2 La coordination entre les politiques budgétaires et la politique monétaire est quant à elle, de facto, inexistante.

* 3 Comme l'illustrera ce rapport d'information.

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