3. L'organisation des capacités de réponse au changement climatique
D'ores et déjà, l'inertie des systèmes climatiques planétaires fait que la vitesse acquise par le phénomène amplifiera d'ici 2050 les conséquences que l'on observe dès maintenant sur l'équilibre des écosystèmes.
Cela revient à rappeler que la façon la plus sûre de lutter contre les effets du changement climatique sur la diversité du vivant est de réduire fortement nos émissions de gaz à effet de serre, au lieu, comme nous le faisons, de les augmenter.
Mais même si ce mouvement de lutte contre l'effet de serre se mondialise et prend de l'amplitude, cela ne dispense pas de mettre en place des politiques ménageant l'avenir de la biodiversité du vivant .
a) La nécessité de multiplier et de coordonner les actions de surveillance
Les différences de réactions aux pressions de l'environnement de tous les éléments de chaque écosystème supposent que l'on puisse mesurer de façon assez détaillée les réactions d'un maximum de ces écosystèmes au changement climatique.
A l'échelon de la planète, ce constat renvoie à la nécessité de mettre en place une structure capable de centraliser les observations et les recherches dans ce domaine.
L'établissement d'un tel réseau qui serait l'équivalent du groupe d'experts intergouvernementaux sur le climat (GIEC) pour l'observation de l'évolution climatique, a été proposé sous le nom d'IMOSEB par la diplomatie française.
Le principe de sa mise en oeuvre pourrait être acquis, en 2008, à la conférence de Bonn sur la biodiversité.
Mais cette surveillance à l'échelle planétaire requiert aussi l'intervention d'une organisation spécifique de l'ONU dédiée à l'environnement, dont l'établissement a été également plusieurs fois souhaité dans ce rapport.
Car si les réseaux de surveillance des pays développés et de quelques pays émergents sont constitués ou en voie de constitution, cette surveillance est sporadique ou partielle dans beaucoup de pays en voie de développement.
Former des scientifiques dans ces pays et les doter des moyens pour contrôler l'évolution de la biodiversité est la condition de la création d'un système d'observation planétaire complet.
Cette observation doit notamment être organisée au niveau des grands ensembles régionaux. Dans l'union Européenne le réseau « Lifewatch » qui a été évoqué par ailleurs doit être mis en place.
En France même, la politique volontariste de placettes d'observation menées par l'ONF doit trouver un répondant dans la surveillance systématique de l'évolution de la biodiversité des prairies et des zones adjacentes aux cultures.
Demeure le problème des milieux côtiers et océaniques . La France, qui possède le deuxième espace maritime mondial du fait de son implantation outre-mer, a également la chance de posséder un organisme de recherche de niveau mondial, l'IFREMER.
Cet institut mène des actions d'étude et de surveillance de la biodiversité, à la fois sur le domaine côtier et dans les océans.
Or, il se trouve que les crédits de l'IFREMER connaissent depuis plusieurs années une stabilisation qui menace la poursuite de cette politique, alors même qu'elle devrait être systématisée tant par les eaux côtières que par les milieux océaniques.
b) Anticiper les évolutions
Si, comme cela est probable, le réchauffement climatique se poursuit d'ici 2050, il va être nécessaire d'anticiper ses conséquences et, en particulier, sur les aires d'extension des essences et des biotopes forestiers.
Les espèces - c'est-à-dire les essences - et les biotopes associés pourront-ils assurer cette migration ?
Et si oui, comment ?
Deux types d'actions publiques pourraient y contribuer : la lutte contre le fractionnement des territoires et la mise au point de scénarios de réponse.
* Les corridors climatiques
La constitution de corridors qui a déjà été évoquée précédemment devient d'autant plus nécessaire qu'il faut donner aux espèces atteintes par le changement climatique la possibilité de migrer. Or, sur le territoire de la métropole, très anthropisé, cette migration devra s'effectuer aux travers d'espèces consacrées à la culture, aux sols appauvris. Les fonds du deuxième pilier dans la politique agricole commune devrait être utilisé de façon plus systématique dans ce but et les plans d'aménagement de l'espace rural, support de la trame verte proposée par le groupe de travail « biodiversité » au « Grenelle de l'environnement » devront prendre en considération l'établissement de couloirs climatiques.
* Les scénarios de réponses
La mise au point de scénarios de réponses est un objectif majeur dont la validation suppose que l'on puisse déterminer si et comment le changement climatique risque d'éradiquer certains écosystèmes forestiers.
Le succès de cette capacité de réponse dépendra aussi, comme le colloque précité tenu par l'ONF et l'INRA le propose, de la mise au point de modèles de fertilité par essence en fonction de l'évolution des variables climatiques.
Ces modèles devraient également être complétés par des modèles de fertilité des sols qui sont un élément fort de résistance au stress hydrique.
Ces scenarios de réponse permettront d'asseoir des politiques de choix des essences et des modes de renouvellement.
« Les choix des essences :
A court et moyen terme, pour augmenter la résilience des peuplements, il faut privilégier les mélanges d'essences, notamment dans les zones où l'espèce principale en place devrait régresser sous l'effet du changement climatique.
A plus long terme, l'ampleur des changements environnementaux annoncés imposera probablement de recourir à des déplacements volontaires d'espèces . Il faut d'ores et déjà s'y préparer en maintenant et valorisant les essais de provenance et arboreta mis en place il y a quelques décennies dans un objectif de création de variétés nouvelles : ces essais peuvent en effet nous apporter de précieuses informations sur les essences de reboisement utilisables en cas de dépérissements massifs.
Les modes de renouvellement :
La régénération naturelle, lorsque l'essence principale en place n'est pas menacée à court terme, offre l'avantage de permettre l'adaptation in situ des peuplements aux évolutions de leur environnement.
Lorsque la régénération artificielle est nécessaire, un certain brassage des populations à moyenne distance pourrait être favorable à une adaptation plus rapide des peuplements, en élargissant la variabilité adaptive des individus. » 43 ( * )
In fine , on ajoutera qu'une attention particulière devrait être accordée à la façade méditerranéenne qui est à la fois le plus grand réservoir de biodiversité de la métropole et la zone où le changement climatique aura eu le plus d'effets sur les biotopes si on se réfère aux modélisations qui y prévoient une forte réduction des précipitations.
* 43 Cf. colloque ONF/INRA « la forêt face aux changements climatiques » Opcit