II. UNE DES BOITES A OUTILS DE LA QUATRIEME REVOLUTION INDSTRIELLE
La mise en parallèle à l'horizon 2050, de la croissance du nombre d'hommes, de l'augmentation de leurs besoins, et de la raréfaction des ressources mises à notre disposition nous contraindra à modifier assez rapidement l'assise de notre développement économique.
Or, notre mode de développement est largement l'héritier de la révolution industrielle et des nombreux acquis technologiques du dernier siècle et repose sur un postulat de disponibilité de ressources qui vont se raréfier. Certes, on peut estimer que le passage progressif à une société numérisée permettra d'optimiser graduellement certains de nos processus industriels.
Mais, pour l'essentiel, beaucoup de procédés industriels que nous mettons en oeuvre sont dispendieux en matières premières, coûteux en énergie et insuffisamment sélectifs.
A l'opposé de ces procédés industriels physicochimiques, l'évolution a produit des solutions biologiques, beaucoup plus sophistiquées que les artéfacts humains pour répondre aux pressions de sélection.
Cette « mémoire de réussite » que constitue la biodiversité du vivant doit conduire à une montée de l'industrie basée sur la biologie et la biotechnologie qui jointe à la montée des nanotechnologies, sera un des ressorts de la prochaine révolution industrielle .
Deux grands chantiers scientifiques et technologiques vont y contribuer : la bio-inspiration et les biotechnologies.
A. LES PRODUITS BIO-TECHNIQUES ET BIO-INSPIRES
Le mythe d'Icare, les planches de Léonard de Vinci ou la « chauve-souris » de Clément Ader témoignent du fait que, dans le passé, la biodiversité du vivant a été une source d'inspiration du progrès technologique.
Plus proche de nous, on peut mentionner l'invention du Velcro en 1941 par un ingénieur Suisse, Georges de Mestral, qui s'est interrogé sur les données physiques qui permettaient aux chardons de rester accrochés à la fourrure de son chien.
Dans les dernières années, on a assisté à un rapprochement dans la démarche de certains physiciens ou chimistes avec les modes de fonctionnement du vivant.
Les exemples de la structure autonettoyante de la feuille de lotus, du placement de la punaise d'eau sur un liquide, ou de l'utilisation des liaisons de Van der Waals qui permet aux millions de poils des pattes du gecko de s'accrocher aux parois verticales, sont connus.
On peut aussi citer pour l'aérodynamique et l'hydrodynamique la bio-inspiration en nautisme et aéronautique.
Mais la démarche scientifique et industrielle devient plus systématique sur ce point : elle vise à analyser les propriétés complexes des matériaux et des processus biologiques du vivant et de les détourner à des fins industrielles en utilisant soit le biomimétisme, soit la bio-inspiration.
1. Des matériaux aux propriétés complexes.
Par rapport aux produits issus de l'activité industrielle, les matériaux du vivant ont des qualités particulières.
En premier lieu, ils se fabriquent généralement sous thermisation faible et donc avec une grande économie d'énergie.
Ensuite, ils possèdent des propriétés complexes :
- ils sont autonomes ; ils s'auto-organisent, se reconfigurent et s'auto-régénèrent.
- ils possèdent un degré très élevé d'optimisation des structures composites.
On peut donner deux exemples de cette optimisation. La coquille d'ormeau est un matériau très dur (les physiciens disent qu'il a une très grande ténacité). Faite d'aragonite (CaCo3), cette coquille a une résistance propre plus de dix fois supérieure à celle de son composant.
Pourquoi ? Parce que, dans cette structure, les plaques d'aragonite sont maintenues entre elles par une colle organique (elle-même formée à partir de protéines qui ont servi à la croissance de la coquille de carbonate de calcium) :
Autre illustration, l'organisation multi-échelles des matériaux . Le bois composé de celluloses se caractérise par les typologies d'organisation très différentes de cette cellulose, au sein d'une espèce entre la fibre et l'arbre, ou entre espèces ligneuses, en quelque sorte du chêne au roseau.
- ils mettent en oeuvre des combinaisons sophistiquées entre le biologique et le minéral qui donnent à certains organismes vivants :
des propriétés optiques , car le minéral est stable à la lumière et permet de la focaliser (comme le font, par exemple, les calamars géants pour voir leurs proies, ou les bactéries extrêmophiles des évents marins qui utilisent cette capacité pour concentrer la lumière).
des propriétés magnétiques , comme celles de ces bactéries qui contiennent de l'oxyde de fer qui leur permet de s'orienter en fonction du champ magnétique terrestre.
Cette formation des matériaux par les êtres vivants aboutit à deux voies de recherche originales, par rapport aux biotechnologies traditionnelles, le biomimétisme et la bio-inspiration.