AUDITIONS DU GROUPE D'ETUDES SUR L'ARCTIQUE, L'ANTARCTIQUE ET LES TERRES AUSTRALES FRANÇAISES (MARDI 25 SEPTEMBRE 2007)

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M. ERIC PILLOTON, PRÉFET, ADMINISTRATEUR SUPÉRIEUR DES TAAF

La réunion est ouverte à 16 h 15, sous la présidence de M. Christian Cointat, président du groupe d'études sur l'Arctique, l'Antarctique et les Terres australes.

M. Christian COINTAT, président du Groupe d'études sur l'Arctique, l'Antarctique et les Terres Australes - Je tiens à saluer la présence de nos invités. Nous comptons parmi nous Monsieur le préfet des Terres australes et antarctiques françaises, le directeur de l'IPEV 9 ( * ) et ses collaborateurs ainsi que plusieurs chercheurs. Je vous rappelle que le Sénat s'intéresse non seulement aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) mais aussi à l'Arctique. Notre groupe d'études parlementaire couvre en effet l'ensemble des questions polaires et, par conséquent, s'intéresse à l'ensemble des possessions et territoires français qui sont concernés par cet environnement difficile.

Chaque année, nous avons pour habitude de rencontrer et d'auditionner le préfet, administrateur supérieur des TAAF. A l'occasion de la première réunion de notre groupe d'études dans le cadre de l'année polaire internationale, nous avons souhaité organiser une audition spéciale, laquelle a la particularité d'être élargie à l'Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV) ainsi qu'aux chercheurs de différentes structures, afin qu'un dialogue puisse s'instaurer autour de questions qui intéressent de plus en plus nos concitoyens. Il est indéniable que le réchauffement climatique est au coeur des préoccupations : les citoyens y accordent une attention particulière et s'en inquiètent. Il ne s'agit bien sûr que d'un aspect parmi les nombreux thèmes qui peuvent être abordés - la recherche polaire permettant également de livrer des secrets sur les archives de notre planète.

Ainsi, nous avons décidé d'organiser une audition spéciale cette année et je remercie les scientifiques qui nous ont rejoints afin de participer aux tables rondes sur le développement de la recherche dans les TAAF.

Je tiens à excuser certains collègues qui arriveront en retard compte tenu de leurs impératifs parlementaires. Nombre d'entre eux ont néanmoins confirmé leur participation à nos travaux.

Pour commencer, je vais donner la parole à M. Eric Pilloton, qui remplace Monsieur Champon que nous avons bien connu dans notre groupe d'études, afin qu'il s'exprime sur les TAAF. Je tiens à ce qu'un accent particulier soit mis sur l'avenir. Un proverbe chinois dit que « l'expérience est une lanterne que l'on a accrochée dans le dos ». Ainsi, il suffit quelquefois de se tourner vers le passé pour éclairer le futur ! Or de nombreuses questions se posent quant à la situation future des TAAF, et notamment sur la manière d'organiser au mieux les possessions de la France dans l'Antarctique afin de permettre la recherche polaire et sur la manière d'améliorer la coordination de la recherche polaire menée au Nord et au Sud. Ce deuxième aspect sera abordé dans un second temps. Je cède la parole à Monsieur le préfet pour le premier aspect et j'en profite pour saluer l'arrivée du vice-président du groupe d'études qui vient de nous rejoindre.

M. Eric PILLOTON, préfet, administrateur supérieur des TAAF - Je vous remercie, Monsieur le président ainsi que Mesdames et Messieurs les sénateurs, de donner l'occasion au TAAF de s'exprimer régulièrement dans votre enceinte afin de vous exposer les problématiques que nous rencontrons ainsi que nos perspectives.

Je vais articuler mon propos autour de deux axes : après une présentation générale des Terres australes et antarctiques françaises pour laquelle je m'efforcerai d'être bref car vous connaissez déjà le sujet, je m'attacherai à vous exposer la manière dont les TAAF, en tant qu'entité institutionnelle, participent à la recherche scientifique menée sur ce territoire.

Une version papier du support de ma présentation vous est remise, ce qui me permettra de ne pas m'étendre sur certains points et mes propos seront accompagnés d'un support visuel qui permettra de les illustrer.

I. Les TAAF

Les TAAF sont caractérisées par trois éléments principaux :

* l'isolement : la carte montre à quel point les Terres australes et les Iles Eparses (rattachées au territoire des TAAF depuis février 2007) se trouvent à l'écart ;

* l'absence d'habitants permanents : la présence humaine est uniquement ponctuelle sur le territoire des TAAF ;

* l'importance des zones économiques exclusives, l'ensemble des TAAF représentant 2,8 millions de km² sur les 11 millions de km² qui relèvent du ressort de la France.

1. La présence humaine dans les TAAF

Deux raisons essentielles justifient la présence humaine physique française dans les TAAF.

* Une double dimension scientifique doit être prise en compte.

La première correspond à une dimension d'observation, la Terre-Adélie, les Terres australes ainsi que les Iles Eparses étant des sites privilégiés pour des opérations de surveillance. Je vous rappelle que le Centre national d'études spatiales (CNES) y est établi pour assurer un suivi satellitaire. De la même manière, Météo France y réalise des opérations d'observation et d'élaboration de prévision et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) s'y implante progressivement au titre du respect du traité d'interdiction des essais nucléaires.

La seconde dimension scientifique est celle de la recherche. Compte tenu du gradient entre les Iles Eparses et le dôme C, le site s'avère être un lieu d'étude particulièrement privilégié pour de nombreux laboratoires. La France bénéficie d'une chance exceptionnelle vis-à-vis des autres pays car elle dispose d'une véritable continuité au niveau des observations du plus chaud élément au plus froid.

* L'activité économique liée à la pêche

Le secteur de la pêche se développe considérablement sur l'île de la Réunion. Or il faut savoir qu'une grande partie de la filière pêche de la Réunion est liée à la pêche à la légine et à la langouste, qui se pratique autour des Terres australes, principalement à Saint-Paul-et-Amsterdam pour la langouste et aux Kerguelen et à Crozet pour la légine. Cette activité génère un chiffre d'affaires croissant.

2. L'administration des TAAF

L'administration des TAAF évolue dans un contexte caractérisé par trois particularités.

La dimension internationale est permanente dans les TAAF dans la mesure où tout ce qui se passe en Antarctique est régi par le traité de Washington. Par ailleurs, les activités de pêches menées autour des Iles australes ou des Iles Eparses sont supervisées par des organisations régionales. Enfin, dans un contexte caractérisé par une forte dimension internationale, la souveraineté française sur certaines Iles Eparses n'est pas reconnue par la totalité de ses voisins.

L'administration des TAAF est caractérisée par un jeu d'acteurs simplifié. Le territoire ne comptant pas d'habitants, aucun élu ne le représente. Par conséquent, il est difficile pour ce territoire de faire avancer ses dossiers et de faire entendre ses besoins puisqu'il ne peut compter sur aucun accompagnement ou appui, contrairement aux autres territoires français.

M. Christian COINTAT, président - Je vous remercie pour cette remarque inhabituelle car il est plus courant de constater que la haute administration s'inquiète de la présence des élus. Dans votre cas, le sentiment inverse se produit puisque vous souhaiteriez être représenté par des élus.

M. Eric PILLOTON, préfet, administrateur supérieur des TAAF - L'administration des TAAF est également particulière en ce qu'elle évolue dans un partenariat constant avec le monde scientifique. Ce partenariat ne constitue pas notre seule vocation mais représente une large part de notre activité au quotidien. A ce titre, nous disposons d'un partenariat privilégié avec l'IPEV, notre ambition étant de pouvoir compter sur des relations sereines et constructives entre nos deux structures.

3. Les ambitions des TAAF à court et moyen terme

Les ambitions poursuivies par les TAAF sont de plusieurs ordres.

Il s'agit non seulement de pérenniser les activités actuelles qui fonctionnent (fonction logistique par exemple) ainsi que de poursuivre les objectifs actuels mais aussi de se lancer dans des chantiers importants.

Le premier chantier fondamental consiste à élaborer une vision d'ensemble pour les Iles Eparses. Ces îles ont récemment été intégrées au territoire des TAAF. Il convient de leur trouver une place en se positionnant d'un point de vue stratégique : est-il préférable de privilégier une vision unique pour les projets qui concernent ces îles ou est-il plus judicieux de distinguer les différentes îles qui les composent en déterminant des perspectives propres à chacune de celles-ci ? Toutes ces îles renferment un écosystème de grande valeur, même si celui-ci est plus riche chez certaines d'entre elles. Quoi qu'il en soit, ces écosystèmes sont particulièrement riches au titre de la science. En outre, le potentiel économique de ces îles ne doit pas être sous-estimé. La pêche au thon mérite d'y être développée. Il serait souhaitable que ce développement s'effectue sous les mêmes modalités que celles utilisées pour la pêche à la légine, modalités caractérisées par une gestion raisonnée de développement durable. La pêche à la légine est devenue une pêche exemplaire. Des acteurs des armements, du monde scientifique et de l'administration sont parvenus à mettre en place une pêche qui a vocation à pouvoir se perpétuer à long terme, des quotas de volumes et des prescriptions de pêche ayant été définis. Cet esprit de pêche raisonnée pourrait être transposé et appliqué aux activités de pêche menées autour des Iles Eparses.

Le deuxième chantier consistera à concevoir le plan de gestion de la réserve naturelle des Iles Australes. Elle a été créée l'année dernière. Il s'agit de la plus grande réserve de France, qui est à la fois terrestre et maritime. Le plan de gestion devrait pouvoir être finalisé d'ici à 2009. La tâche est considérable mais il s'agit d'un travail passionnant.

Pour le troisième chantier, il s'agit d'ériger les TAAF en tant que terrain d'exploitation pour le développement de certaines énergies renouvelables et la maîtrise de l'énergie. Dans ces territoires, nous sommes souvent confrontés à des conditions extrêmes (vent, rapidité de changement des conditions climatiques dans les Australes, températures élevées et cycloniques dans les Iles Eparses, etc.). Nous considérons que ces îles pourraient permettre à des chercheurs ou à des entreprises de tester des systèmes innovants de protection de production d'énergie, de conception de bâtiment de production d'eau, etc.

Les TAAF seront également confrontées à un challenge qui consistera à mieux associer le mécénat à la vie des TAAF. Nous devons faire face à un problème classique : nos ressources propres diminuent alors que nos dépenses augmentent. Le poste énergie occupe par exemple une part énorme de nos dépenses mais ces dépenses sont incontournables car il est nécessaire de remplir les bateaux de carburant afin que ceux-ci puissent aller alimenter les bases. Un effet ciseau se produit. Nous estimons que l'image des TAAF et l'intérêt qu'elles suscitent sont susceptibles de mobiliser - à l'avenir davantage qu'aujourd'hui - un certain nombre de mécènes.

Enfin, compte tenu du cinquantième anniversaire du traité de Washington qui approche (premier semestre 2009), la France, en tant que l'un des premiers pays signataires, devrait être amenée à exprimer sa vision de l'évolution du continent concerné. Selon moi, l'exécutif comme le législatif auront envie de participer à une prise de parole à cette occasion. Les TAAF y contribueront également.

Comme vous pouvez le constater, les chantiers qui se présentent au cours des semestres à venir sont considérables.

II. Les TAAF et la recherche scientifique

Après cette présentation générale sur les TAAF, je vais vous exposer la manière dont les TAAF s'associent au développement de la recherche scientifique sur le territoire ainsi que la manière dont ce développement est envisagé.

Lorsqu'il est question des TAAF, il est primordial de distinguer s'il est fait référence aux TAAF en tant que territoire ou en tant qu'entité institutionnelle, surtout que, dans certains cas les deux notions se recoupent ou peuvent donner lieu à des confusions au niveau de la compréhension.

1. La recherche dans les TAAF

Le territoire des TAAF constitue un lieu privilégié pour de nombreux domaines de la recherche scientifique depuis plusieurs décennies. Il m'a été donné de constater depuis quelques mois que les Iles Eparses sont prédisposées à présenter un intérêt au moins équivalent à celui qui caractérise l'Antarctique et les Iles australes pour le monde de la recherche français. L'administration des TAAF est concrètement associée aux activités de recherche via l'acheminement des personnes et des biens ainsi qu'au travers de la définition des règles de vie communes et des conditions de sécurité au niveau des bases. L'administration est partie prenante à l'activité de recherche. Par ailleurs, certains programmes scientifiques sont soumis à des autorisations par l'administration des TAAF. Ainsi, les programmes scientifiques menés en Antarctique sont systématiquement soumis à déclaration et à autorisation tandis que ceux qui sont conduits sur les Iles Australes, lorsqu'ils concernent certaines espèces ou impliquent l'entrée sur certaines portions des dites îles, sont également soumis à déclaration et autorisation. Les décisions sont prises sur la base d'avis scientifiques, exprimés soit par le Conseil national de protection de la nature, soit par le Comité pour l'environnement polaire, voire par les deux.

Néanmoins, il convient de préciser que l'administration des TAAF ne participe pas à la sélection des programmes scientifiques qui est une prérogative de l'IPEV - ce qui est logique -, ne participe pas au choix des personnels envoyés par les laboratoires de recherche, ce choix étant également une prérogative de l'Institut polaire et ne gère ni les commandes, ni les acheminements de matériels scientifiques jusqu'à la Réunion. La situation est quelque peu différente pour les Iles Eparses. L'Institut polaire n'intervenant pas en la matière, les relations sont bilatérales entre l'administration et le monde scientifique.

Les TAAF sont membres du conseil d'administration de l'IPEV. La quasi totalité des districts subantarctiques est classée en réserve naturelle, ce qui impose à l'administration de définir des objectifs ainsi que des mesures permettant de les atteindre. Par conséquent, il est nécessaire de récolter un nombre considérable d'informations auprès des laboratoires qui y travaillent depuis de nombreuses années afin d'être en mesure d'établir un plan de gestion qui soit le plus optimal possible et de définir les politiques à mettre oeuvre dès à présent ou à partir de 2009.

De manière générale, il s'avère que le territoire des TAAF serait susceptible d'accueillir aujourd'hui des activités et des programmes de recherche conduits par des entreprises françaises ou étrangères. Je note qu'à l'heure actuelle, aucune entreprise ne développe de programmes de recherche qui pourraient être menés sur le territoire des TAAF, alors qu'aucun obstacle ne se présente d'un point de vue administratif.

Pour conclure, il convient de souligner que, grâce à l'activité de recherche qui est menée - sous forme de recherche publique - la France occupe aujourd'hui une place prééminente dans le monde scientifique des régions subantarctique et antarctique. En effet, l'analyse du nombre de publications révèle que la France est le pays qui publie le plus sur la région subantarctique et qu'elle fait partie des cinq pays qui publient le plus sur l'Antarctique. Ce point pourra être davantage détaillé par les scientifiques dans le cadre des tables rondes à venir.

2. La vie des bases

Je considère qu'il est particulièrement important de prendre en compte l'état des bases lorsqu'il est question d'accompagner l'effort de recherche. Je vous rappelle que la présence humaine dans les différents districts au sein des îles est totalement artificielle, aucun habitant n'y résidant malgré les multiples tentatives d'implantation qui se sont toujours soldées par un échec. Seule une vie artificielle a pu se développer, à partir de bases qui ont été implantées à compter du début des années 1950. Ces bases constituent un élément central pour maintenir une présence humaine, et par conséquent une présence du monde scientifique, dans ces régions.

L'état des lieux qui peut être dressé sur la situation des bases révèle qu'aujourd'hui, les bases se trouvent dans un bon état global et ont vocation à le rester, tant qu'un entretien régulier sera assuré. Cet état satisfaisant est dû au fait qu'un important programme de rénovation et de construction a été mené au cours de la période 2000-2005. Un impératif de rattrapage s'était alors imposé. J'imagine que Brigitte Girardin, administrateur supérieur de l'époque, avait dû s'entretenir avec les assemblées parlementaires sur le sujet. A l'heure actuelle, il s'avère que ce programme a largement été mené à bien, bien qu'il ne soit pas encore totalement achevé. Ainsi, les bases semblent en bon état, même si un bémol peut être porté sur la base Dumont d'Urville, pour laquelle un retard a été constaté par rapport aux autres bases des districts austraux.

Concernant le personnel, qu'il s'agisse de logisticiens ou de scientifiques, il dispose de moyens de travail qui peuvent être considérés a minima comme corrects et s'avèrent parfois très satisfaisants. Une seule nuance peut être apportée en la matière. Elle est liée à l'incapacité à assurer la sécurité de missions éloignées sur la partie occidentale de Kerguelen depuis qu'un bateau (La Curieuse) a été mis sous cocon à l'Ile Maurice pour des raisons budgétaires. Toutes les expérimentations conduites dans l'ouest des Kerguelen, dont l'accès se fait quasiment exclusivement par bateau, se trouvent de facto impactées. Excepté ce point, les conditions de travail sont satisfaisantes pour l'ensemble des personnels.

Chaque district, sans compter les Iles Eparses, dispose d'une infrastructure médicale de qualité avec un hôpital et au moins un médecin. La mise en place d'un hôpital correspond à un effort remarquable compte tenu du nombre de personnes concernées.

La dimension environnementale est rentrée dans la pratique de la vie des bases. Un programme de meilleure isolation des bâtiments a été mis en place, la construction des nouveaux bâtiments est conditionnée par la destruction des anciens, le tri des déchets est devenu la règle, les déchets non incinérés étant rapportés à la Réunion, et il est procédé à la sécurisation des procédures de délivrance de matière énergétique. Ces efforts ont été initiés il y a une dizaine d'années environ et portent aujourd'hui leurs fruits.

3. L'activité globale dans les districts

Il me semble que nous sommes confrontés à une tendance à la diminution du nombre de personnes qui résident dans les îles subantarctiques. Cette tendance s'explique largement par le mouvement d'agents contractuels. Il est évident que ces derniers étaient plus nombreux durant la période de rénovation et de construction qu'aujourd'hui puisqu'un point d'équilibre a été atteint d'un point de vue qualitatif. Du côté des scientifiques, il me semble qu'à certaine période de l'année, le nombre de personnel a diminué sur longue période- cette tendance doit néanmoins être vérifiée car, pour le moment, l'analyse ne repose pas sur une période suffisamment longue pour être représentative. Quant à la présence militaire qui permet notamment d'assurer les aspects logistiques, le nombre de militaires au sein des différents districts est stable. Des agents du CNES et de Météo France sont présents en permanence sur l'Ile de Kerguelen. Les personnes qui séjournent dans les différents districts restent entre un mois au minimum et jusqu'à douze ou treize mois au maximum.

Selon moi, les bases et le Marion Dufresne servant de vecteur de projection sont en mesure d'accueillir davantage d'hivernants et de campagnards d'été. Il semble envisageable d'acheminer, de faire travailler dans de bonnes conditions et d'héberger davantage de personnes au niveau des trois districts. A cet égard, le Marion Dufresne, bateau très connu, semble bien remplir son rôle. Il a été l'objet de plusieurs interrogations. Ce bateau a été bien conçu même si le chantier s'est caractérisé par des coûts de main-d'oeuvre élevés qui génèrent aujourd'hui des frais liés au remboursement de l'emprunt particulièrement lourd pour les TAAF et pour l'IPEV. Quoi qu'il en soit, le bateau permet de remplir les missions pour lesquelles il a été conçu.

En dehors de la pêche, aucune activité économique n'a pu s'implanter au sein des îles. Les différentes tentatives d'implantation se sont soldées par une série d'échecs, qu'elles aient été initiées récemment ou il y a un moment de cela. Plusieurs types d'activités ont été envisagés : pisciculture, conserverie de langoustes, algues, élevage de bovin, de rennes, de mouflons, etc. Aucun de ces projets n'a été couronné de succès. Il convient de noter qu'aucun projet n'est actuellement envisagé. La vague de créativité semble connaître une période d'essoufflement puisqu'aucune nouvelle aventure ne nous a été proposée.

La seule activité « économique » qui est menée sur les terres est générée par la quarantaine de passagers qui paient pour embarquer sur le Marion Dufresne à l'occasion des rotations, ce qui constitue pour ces personnes une occasion de découvrir les Iles Kerguelen, Crozet et Saint-Paul-et-Amsterdam.

Même s'il ne s'agit que d'une caractéristique accessoire, il s'avère que les trois bases subantarctiques servent de lieu d'appui appréciable pour les pêcheurs. Ils savent qu'ils peuvent compter sur une présence médicale et un approvisionnement en gazole, ce qui leur évite de faire 3 000 kilomètres pour regagner la Réunion. Pouvoir compter sur ces bases supports est particulièrement intéressant pour les pêcheurs.

Pour le moment, les recherches scientifiques menées dans les Iles Eparses sont ponctuelles. Une présence humaine est assurée par des détachements du 2 e régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMa) ou de la Légion étrangère de Mayotte. La présence scientifique pourrait être élargie si elle était appuyée sur les conditions d'accueil, mêmes rudimentaires, des militaires.

4. Les enjeux caractérisant la recherche dans les TAAF

Pour conclure, je tiens à vous présenter les enjeux, tels qu'ils sont perçus par l'administration des TAAF.

Le premier enjeu est lié aux moyens accordés à l'IPEV. Je vous rappelle que l'importance de la présence scientifique sur le terrain est déterminée par cet institut. La présence humaine artificielle sur les îles se justifie à hauteur d'environ 95 % par le support de l'activité scientifique. A l'heure actuelle, l'accueil et l'acheminement des personnes se font dans de bonnes conditions, en sachant qu'il est possible d'augmenter leur nombre, encore faut-il que l'organisme qui soutient et sélectionne les projets dispose des moyens nécessaires pour les y envoyer.

Le deuxième enjeu concerne plus directement mon administration et réside dans la nécessité de stopper la diminution des ressources affectées au territoire, faute de quoi, les activités supports que nous prenons en charge verront leur qualité diminuer et rendront la présence scientifique plus difficile et moins appréciable. Un cercle vicieux risquerait alors de s'engager, d'autant plus que la situation actuelle n'est pas réellement florissante.

Le troisième enjeu consiste à favoriser davantage le développement de la dimension internationale des programmes de recherche. Les TAAF ne sont ni un territoire à accès restreint, ni un espace militarisé. Une présence scientifique élargie et des coopérations avec les laboratoires pourraient être envisagées dans les districts élargis, dans le district subantarctique ainsi qu'au niveau des bases Dumont d'Urville et Concordia.

Enfin, le quatrième enjeu particulièrement essentiel au titre de la recherche pour les TAAF serait d'être en mesure de développer et d'intensifier les recherches menées dans les Iles Eparses, celles-ci présentant un fort intérêt pour le monde scientifique, aussi bien au niveau des recherches sur l'évolution du climat que sur la faune aviaire, les tortues marines ou les récifs coralliens. Nous pourrions accueillir davantage de programmes de recherche et de scientifiques aujourd'hui, pour leur permettre d'accéder à des données fondamentales.

Mon exposé est terminé. Je me suis attaché à synthétiser la manière dont la recherche scientifique est perçue au niveau des TAAF. Je suis disposé à répondre à vos questions éventuelles.

M. Christian COINTAT, président - Je vous remercie pour votre intervention. Comme vous l'avez signalé, vous êtes en charge d'un territoire de la République française qui ne compte pas de résidents permanents. Par conséquent, il s'avère pertinent d'employer ces territoires pour contribuer au bien-être de l'humanité et pour préserver la place que la République française peut avoir dans cette zone.

Par ailleurs, cette zone occupée par la France lui donne accès à des territoires devenus cruciaux pour disposer d'une meilleure connaissance de la planète et pour déterminer la conduite à tenir pour la sauvegarder. Compte tenu de ces préoccupations, il me semble que les questions budgétaires que vous avez évoquées sont particulièrement sensibles. Inutile de préciser que notre groupe de travail parlementaire est conscient des enjeux. Lorsqu'une pareille chance se présente, il est fondamental de ne pas la laisser passer, notamment pour permettre à la France de jouer un rôle clé dans la connaissance de notre planète et dans la détermination des mesures à prendre pour l'avenir. En d'autres termes, il est évident que disposer d'un territoire revient à disposer d'un support qui peut servir à la recherche.

Vous connaissez, monsieur le préfet, ma position sur la question. J'ai déjà eu plusieurs occasions pour la défendre et je l'ai notamment affirmée lorsqu'il s'est agi de modifier le statut des TAAF dans la précédente loi organique. Je souhaite profondément que ces îles réparties dans le monde servent à la recherche. Nous sommes parvenus à intégrer les Iles Eparses dans les TAAF. Il ne manque plus que l'Ile de Clipperton pour que nous puissions disposer d'un ensemble de recherche complet. Il est fondamental de mettre l'accent sur la recherche. Je suis particulièrement satisfait que nous ayons pu compter sur la présence des scientifiques dans le cadre du présent débat.

Je vais céder la parole à mes collègues afin qu'ils puissent vous poser leurs questions. Je tiens à préciser que cette réunion sera diffusée sur la chaîne Public Sénat en différé.

Mme Anne-Marie PAYET - Je note que monsieur le préfet a émis le souhait de voir se développer la présence scientifique dans les TAAF. Personnellement, je suis en faveur d'une présence de surveillance. Est-ce également votre cas ? Il n'est pas rare que des bateaux soient arraisonnés car ils pêchent de manière illégale. Il va sans dire que ceux qui sont arraisonnés sont ceux qui ont été pris grâce à des mesures de surveillance efficaces. D'après certains journalistes, il semblerait que des bateaux réussissent à échapper aux contrôles, les bateaux arraisonnés ne représentant qu'une infime partie de cette activité illégale. Pouvez-vous nous livrer votre sentiment sur la question ?

M. Eric PILLOTON - Je n'ai pas abordé ce sujet dans le cadre de ma présentation sur les TAAF, considérant que l'angle recherche devait être privilégié, comme l'avaient souhaité Messieurs les sénateurs Cointat et Gaudin. Je suis néanmoins prêt à aborder la question de la surveillance des pêches. Selon moi, il convient de distinguer la pêche menée autour des Terres australes de celle menée autour des Iles Eparses.

* Concernant la pêche australe, l'intérêt nutritif de la légine ayant été découvert récemment, cette ressource a largement été pillée de 1995 à 2004. Aujourd'hui, la combinaison des moyens mis en place permet d'affirmer que le phénomène a été éradiqué à hauteur de 98 %. Je vous rappelle les moyens qui ont été déployés pour préserver cette ressource. Trois éléments ont été couplés pour que les mesures soient efficaces :

* une surveillance satellitaire - le système de détection par satellite permettant de prendre des photos de ce qui se trouve autour des îles australes toutes les cinq heures environ ;

* la présence de bâtiments de la marine nationale, des affaires maritimes (payées par les TAAF et les armements), voire de bâtiments australiens, qui permet, en cas de détection d'un écho suspect, qu'un bateau se rende sur place pour procéder à des vérifications ;

* un suivi judiciaire qui s'est avéré déterminant pour éradiquer le phénomène, la réponse judiciaire apportée étant particulièrement dissuasive puisqu'elle consiste à confisquer les stocks de poisson saisis à bord des bateaux arraisonnés, voire à confisquer les bateaux et à les vendre au profit des domaines. La perte d'un investissement représentant une dizaine de millions d'euros pour les armateurs, issus d'une région ou d'un pays souvent proche de la France, les a incités à pêcher ailleurs.

La pêche illégale menée dans cette partie de l'océan Indien n'est pas éradiquée mais a été repoussée en dehors de nos zones économiques exclusives. Nous sommes conscients qu'en cas de baisse de notre vigilance ou d'assouplissement de notre dispositif, les activités de pêche illégale ne manqueraient pas de s'engouffrer dans la brèche. Nous pouvons aujourd'hui compter sur un dispositif qui est efficace car il est dissuasif. Cet équilibre étant particulièrement fragile, il ne nous est pas permis de baisser la garde, sous peine de voir ressurgir une pêche illégale de grande ampleur.

Je tiens à vous rappeler, et je pense que le Professeur Duhamel pourra le confirmer, que la légine qui se trouvait également autour des Iles Marion, à quelques centaines de kilomètres à l'ouest des Iles Crozet, a disparu en l'espace d'une dizaine d'années dans cette zone car elle a été surpêchée. Nous avons également frôlé ce type de catastrophe autour des Iles Crozet. L'état de la situation autour des Iles Kerguelen est encourageant pour l'avenir : le stock halieutique s'est stabilisé et une forte proportion de jeunes légines laisse espérer une croissance du nombre de légines pour les prochaines années. Il s'agit d'une bonne nouvelle compte tenu de la catastrophe qui aurait pu se produire.

Concernant les Iles Eparses, nous nous trouvons dans une perspective différente car l'espèce pêchée est une espèce pélagique migratoire (différentes espèces de thon en particulier). Ainsi, même si ces poissons ne sont pas pêchés dans notre zone, ils peuvent être pêchés ailleurs. Nous avons néanmoins l'intention, depuis l'intégration des Iles Eparses dans les TAAF, d'y appliquer l'esprit développé dans les Terres australes concernant les activités de pêches, en introduisant des prescriptions en matière de pêche et en essayant de contrôler les bateaux, la pêche pratiquée dans la zone économique des Eparses étant désormais soumise à une licence. En effet, une loi de 1966 impose de disposer d'une licence pour pêcher dans les TAAF. Cette disposition permettra de contrôler plus efficacement ceux qui viennent pêcher autour des Iles Eparses.

La démarche de pêche raisonnée pourrait par ailleurs être mise en avant pour que la France serve d'exemple dans l'océan Indien. Les ressources en thon y sont importantes à l'heure actuelle. Même si les experts ne considèrent pas qu'un risque de surpêche du thon soit à craindre, il se pourrait que la tendance bascule rapidement. Il me semble que la France, en introduisant un concept de pêche raisonnée, pourrait faire valoir une approche différente de la pêche dans cette partie de l'océan Indien.

M. Christian COINTAT, Président - Je vous remercie pour cette réponse fournie. Je donne à présent la parole à Madame Garriaud Maylam, en vous rappelant que nous avons un programme à respecter. Je vous demande par conséquent d'être aussi concis que possible afin que nous puissions aborder rapidement les tables rondes.

Mme Joëlle GARRIAUD MAYLAM - J'aimerais interroger monsieur le préfet sur les pistes qui existent en matière de coopération internationale dans le domaine de la recherche scientifique. J'ai été frappée par le fait qu'aucun programme de recherche ne soit mené par des entreprises françaises ou étrangères dans le territoire des TAAF actuellement. Je me demande comment il serait possible de remédier à une telle situation. Je suis sûre que vous avez une opinion sur la question.

M. Eric PILLOTON - Il convient de distinguer les activités de recherche qui sont du ressort de l'entreprise de celles qui émanent du monde de la recherche publique. Je vous confirme qu'aucune entreprise, française ou étrangère, n'a sollicité l'administration des TAAF en vue de pouvoir s'installer sur ledit territoire pour y mener des activités de recherche alors que la possibilité existe. Il nous incombe d'être en mesure de les intéresser, en leur montrant par exemple en quoi, en matière de production d'énergie renouvelable, expérimenter des matériels innovants dans les TAAF aurait un sens puisque ceux-ci seraient soumis à des conditions extrêmes.

En matière de recherche publique, mon propos a dû être trop simplificateur. Certains programmes français sont menés en collaboration avec des laboratoires étrangers. Le directeur de l'IPEV serait plus à même de vous apporter des précisions sur la question.

M. Gérard JUGIE, directeur de l'Institut polaire français Paule-Emile Victor (IPEV) - Je vais compléter ce point. Sur la soixantaine de programmes de recherche menés dans différents secteurs, il s'avère que l'intégralité des programmes de recherche est caractérisée par une composante internationale. L'une des caractéristiques de la recherche menée dans les milieux polaires est la coopération, en particulier en Antarctique et dans les îles subantarctiques. Les programmes de recherche bilatéraux sont minoritaires, la plupart des programmes impliquant trois, voire quatre partenaires. L'exemple le plus significatif est le programme de forage glaciaire EPICA 10 ( * ) qui correspond au rassemblement de dix programmes européens. Il s'agit véritablement d'un archétype des programmes menés dans cette zone.

Pour la partie industrielle, je tiens à confirmer que ce type d'activités de recherche est marginal. Un certain nombre de collaborations industrielles peut néanmoins être rattaché à des programmes de recherche fondamentaux, aussi bien en termes de recherche fondamentale que d'application technologique. En effet, pour oeuvrer dans ces zones, il convient de mettre en place des systèmes particuliers, lesquels ne sont fort heureusement pas sollicités pour une application quotidienne. Développer un système de traversée terrestre en Antarctique n'a par exemple pas d'application concrète dans nos milieux habituels.

M. Christian COINTAT, président - Je donne à présent la parole à M. Lanier, ancien président du groupe d'étude parlementaire que je préside aujourd'hui.

M. Lucien LANIER - Je souhaite attirer votre attention sur plusieurs points.

La question du rapport des territoires avec un élu ne se pose pas véritablement puisqu'elle a déjà été résolue au cours des années précédentes, étant donné qu'il revient à un administrateur supérieur, aidé d'un conseil consultatif, de gérer les TAAF. Il est par conséquent naturel que le sénateur chargé des affaires d'Outre-mer se soit enquis des TAAF et siège au conseil consultatif. Il conviendrait d'insister davantage sur ce point, afin qu'un sénateur en exercice puisse continuer à siéger au sein du conseil consultatif et représenter le Sénat, lequel soutient les TAAF notamment du point de vue financier, ce qui n'est pas négligeable.

Il me semble que l'affaire est assez urgente. Je vous rappelle qu'au cours des dernières décennies, les TAAF ont donné beaucoup d'elles-mêmes, non seulement du point de vue de la recherche mais aussi au niveau de la maintenance de la présence française et de la défense de l'écologie. La problématique des pêches devait être prise en considération, compte tenu de l'anarchie qui régnait sur ces mers et qui risquait de faire disparaître la légine. En la matière, l'action des TAAF a été essentielle et doit persister car, au moindre signe de relâchement, des pirates réinvestiront ces zones et les dévasteront. Il est impératif que le travail entamé soit poursuivi, pour préserver non seulement l'écologie mais aussi les ressources piscicoles de ces territoires.

Il est évident qu'une nouvelle problématique va surgir. Au cours des dernières années, les TAAF ont consacré d'importants crédits, qui leur étaient concédés par le gouvernement, à la remise en état des installations et à leur modernisation. L'hôpital a été rénové, les groupes électrogènes ont été remis à neuf, etc. Il est certain que ces mesures ont pu être mises en place grâce à l'octroi de crédits d'entretien. Or il faut être conscient que les opérations d'entretien ont leurs limites. Ainsi, le bateau L'Astrolabe qui assure les transports pour la Terre Adélie par exemple ne tardera pas à être hors service tant il est vieux, d'où la nécessité de le remplacer. Quant au bateau qui fait le tour des TAAF, il s'avère également en très mauvais état - Monsieur le préfet peut certainement en témoigner. Une révision de ce bateau s'impose. Compte tenu de ces éléments, il est évident que le problème financier des TAAF va se poser avec une certaine acuité, sans parler des besoins de fonctionnement quotidiens. Je vous livre mon point de vue sur la question, en sachant qu'il revient à l'élu, en partenariat avec le gouvernement, d'envisager le travail à réaliser.

Par ailleurs, je souhaite profondément que les efforts entamés il y a trois ans soient poursuivis en vue de développer des rapports de plus en plus étroits avec l'IPEV. Il semble que la création de l'Institut polaire ait donné lieu à des rivalités infondées, qui ont nuit à certains projets. Je considère qu'il est indispensable que les TAAF et l'Institut polaire jumellent de plus en plus leurs actions, voire même qu'ils s'orientent vers la mise en place d'actions uniques dans le domaine de la recherche notamment.

M. Christian COINTAT, président - Je vous remercie pour votre intervention, qui me permet de compléter votre question sur le Marion Dufresne. Je ne pense pas qu'il soit en mauvais état mais il me semble qu'il avait été construit pour une durée de vie de 20 ans. Sa construction datant de 1995, nous approchons par conséquent de l'échéance, même s'il nous reste encore un délai pour réagir. Par ailleurs, il me semble que ce bateau s'avère surdimensionné par rapport aux besoins actuels. Le recours aux laboratoires a été envisagé mais s'agit-il de la solution la plus adaptée ? Par ailleurs, la répartition des coûts avec l'IPEV serait apparemment source de problèmes. Comment envisagez-vous l'avenir sur ce point ? Ne serait-il pas préférable de prévoir un bateau de plus petite taille et d'autres moyens d'acheminement en parallèle ? Que pouvez-vous nous dire sur la piste d'aviation des Iles Kerguelen permettant de déposer des matériels ?

Nous sommes amenés à constater qu'une véritable problématique de communication se pose. Nous souhaitons certes développer la recherche mais encore faut-il être en mesure de communiquer et de ventiler les différents coûts. Il est impératif de s'organiser pour que les attentes des uns et des autres puissent être satisfaites. Il convient par exemple de servir les bases. Nous avons eu l'occasion d'entendre le point de vue d'un chef de district de Crozet qui participait à l'audition du préfet l'année dernière et ses propos étaient riches en enseignement. Il faut également pouvoir acheminer le matériel des chercheurs, leurs moyens logistiques, etc., y compris lorsqu'il s'agit de matériel lourd - Christian Gaudin nous en dira davantage sur le sujet lorsqu'il nous parlera de la base Concordia dans un instant.

Il ne fait aucun doute que la question des transports est essentielle. Je remercie Lucien Lanier d'avoir abordé ce sujet.

J'invite monsieur le préfet à nous faire part de sa réponse et le remercie par avance pour la concision de son propos car il faut que nous débutions nos tables rondes.

M. Eric PILLOTON - Vous avez évoqué les différends qui ont pu caractériser les relations entre les TAAF et l'IPEV. Il est cependant fort à parier que notre discours sur le sujet du Marion Dufresne soit identique. Personnellement, je serais plus optimiste que vous sur le sujet.

Il ne faut pas faire un amalgame entre la durée de l'emprunt qui a été conclu en 1993 pour financer une partie du coût du Marion Dufresne, la durée de 20 ans retenue pour lier le groupe d'intérêt économique (GIE), propriétaire du bateau, avec un armateur (la CMA CGM) et la durée de vie possible du bateau. Si nous continuons à entretenir le bateau de la même manière que jusqu'à présent et si nous sommes en mesure de réaliser des investissements classiques pour un bateau de ce type, à échéance de trois ou quatre ans, lesquels devraient représenter quelques millions d'euros, nous pourrons faire fonctionner ce bateau sans difficulté au minimum jusqu'en 2025 - et probablement au-delà. L'hypothèse que ce bateau soit envoyé à la casse en 2015 ne me préoccupe pas car, compte tenu de la situation actuelle et de l'état du bateau, elle ne risque pas de devenir réalité.

Quant à votre question portant sur le surdimensionnement du bateau, j'y répondrais en soulignant que la taille du bateau est adaptée aux missions qui lui ont été confiées. Celles-ci sont en effet extrêmement variées : le bateau doit non seulement acheminer des personnes, des matériels, des liquides (fioul), des containers, etc. mais il doit également servir de support hélicoptère. En effet, les conditions portuaires des trois districts impliquent que la quasi-totalité des opérations de fret soit effectuée par hélicoptère. Ce bateau a été conçu pour résister à des mers spécifiques à cette région du monde. Il a ainsi été adapté aux quarantièmes rugissants. Il permet de transporter hommes et matériels dans des conditions satisfaisantes.

Avant de laisser Monsieur Jugie nous faire part de son point de vue, je vais vous livrer mon sentiment sur cette question. Si l'entretien du bateau est assuré de manière correcte, sa mission pourra être prolongée au-delà de 2015 et nous n'avons pas à remettre en cause son dimensionnement ou la façon dont il a été conçu. Le seul regret que nous pourrions avoir est lié au choix de l'endroit retenu pour le construire. Le chantier retenu en 1993 ne représentait probablement pas la solution la plus économe. Nous aurions sans doute pu avoir un bateau similaire pour un coût moins élevé s'il avait été construit ailleurs à des conditions économiques plus favorables. Il s'agit-là d'un débat du passé qui a néanmoins une implication bien concrète pour nous puisque nous devons assumer aujourd'hui le remboursement de l'emprunt. Quoi qu'il en soit, ce bateau a été bien construit à partir de plans bien conçus.

M. Gérard JUGIE - Je partage totalement les remarques de monsieur le préfet. Je tiens simplement à ajouter qu'il ne faut pas omettre que le Marion Dufresne est le fleuron de la flotte océanographique européenne à plusieurs niveaux. Pour compléter la réponse faite à madame la sénatrice sur la nature des relations avec l'industrie, il s'avère pertinent de signaler que le Marion Dufresne est un exemple de relation industrielle avec les milieux de la recherche. Il s'agit du navire le plus performant au monde en matière de prélèvements de sédiments profonds. Le record du monde lui appartient dans ce domaine (66 mètres). Ces prélèvements servent aussi bien à la recherche fondamentale qu'à l'industrie.

Un remboursement de deux millions d'euros par an est à la charge de l'Institut polaire. Je ne suis pas certain qu'il soit légitime qu'il revienne à l'Institut de rembourser ce type d'emprunt d'Etat mais il s'agit d'un autre débat.

Je souhaite évoquer le sujet de l'Astrolabe. Ce bateau est loin d'être en fin de vie. Il vient de recevoir des certifications pour être exploité dix années supplémentaires. Ce navire est très bien entretenu et n'est utilisé que 120 jours par an. C'est un excellent navire. Il serait néanmoins pertinent d'interroger l'Etat français sur le futur de l'Astrolabe, ce qui revient à s'interroger sur ce qui peut être envisagé après 2017. La France souhaite-elle s'équiper d'un brise-glace, d'un navire polaire, etc. ? Quoi qu'il en soit, l'Astrolabe sera opérationnel jusqu'en 2017.

M. Christian COINTAT, Président - Vous avez raison d'attirer notre attention sur l'avenir de l'Astrolabe qui est indispensable à la poursuite de nos opérations dans l'Antarctique.

Nous allons à présent aborder la partie de notre échange consacrée aux tables rondes. Pour commencer, je vais céder la parole à Christian Gaudin, qui est le seul parlementaire à connaître les lieux que nous évoquons puisqu'il s'est rendu en Antarctique. Après son intervention liminaire, nous aborderons notre première table ronde consacrée aux écosystèmes marins et terrestres.

* 9 Institut polaire français Paul-Emile Victor.

* 10 European Project for Ice Coring in Antarctica.

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