16. Un encadrement communautaire incertain

a) Un soutien communautaire au titre du premier pilier13 ( * ) comparativement défavorable avec d'autres filières

La réforme de la PAC du 29 septembre 2003 est entrée dans sa pleine application au 1 er janvier 2006. Pour le secteur ovin, la prime à la brebis et la prime supplémentaire sont découplées à 50 %, ainsi que la totalité de l'enveloppe de flexibilité.

Le montant restant de la prime à la brebis est, depuis 2006, de 10,5 euros par brebis allaitante et de 8,4 euros par brebis laitière. La prime supplémentaire, réservée aux producteurs dont la surface agricole utile (SAU) est au moins à 50 % en zone défavorisée et à ceux dont la production d'agneaux entre dans des filières qualité, est de 3,5 euros par brebis.

Le tableau ci-dessous fait clairement apparaître le moindre soutien de l'élevage d'ovins allaitants par rapport à celui d'autres filières comme celle des bovins viande et des céréales.

NIVEAU D'AIDE ET REVENU PAR UNITÉ DE TRAVAIL AGRICOLE FAMILIAL (UTAF)
PAR TYPE DE PRODUCTION

Ovins allaitants

Bovins viande

Céréales

Aide 1er pilier

10 857

18 511

31 900

Aide 2ème pilier

9 046

5 549

648

Autres aides

1 668

1 283

689

Total aides

21 571

25 343

33 237

Revenu

7 393

14 557

13 492

Source : INRA 2004

Ainsi, si les aides au titre du deuxième pilier bénéficient plus naturellement à l'élevage ovin, cet avantage est plus que compensé pour les autres filières par l'aide plus importante qu'elles se voient octroyer au titre du premier pilier. Au total, un céréalier percevra environ 50 % d'aides en plus qu'un éleveur d'ovins allaitants, et touchera quasiment le double de revenus.

Ce différentiel d'aides existant en défaveur de la production ovine s'est trouvé accentué dernièrement par la conjoncture agricole, favorable aux secteurs de l'élevage bovin et des cultures céréalières, là où l'élevage ovin connaissait un contexte morose. De plus, le soutien à l'élevage bovin -à travers la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes- est resté couplé à 100 %, là où l'aide à l'ovin était découplée d'au moins 50 %.

b) Une grande dépendance aux aides publiques du second pilier

Si l'élevage ovin bénéficie d'un « capital environnemental » important et perçoit à ce titre des soutiens substantiels versés au titre du second pilier de la PAC, plus que d'autres filières, il se trouve dans le même temps en position de dépendance par rapport à des subsides européens dont l'avenir n'est pas assuré.

LES AIDES ACCORDÉES À L'ÉLEVAGE OVIN AU TITRE DU SECOND PILIER

* L'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN)

Y a droit tout éleveur de moins de 65 ans, dont la résidence et plus de 80 % de l'exploitation sont situés en zone défavorisée et qui s'engage pour cinq ans à poursuivre son activité.

Existant depuis 2001, elle est calculée sur la base des surfaces déclarées, avec un minimum de 3 hectares et de 3 UGB, et un plafond de 50 hectares par exploitation. Conditionnée au respect d'une fourchette de chargement, elle fait l'objet d'une majoration pour les 25 premiers hectares primés de 35 % en 2007.

Cofinancée à 50 % par l'Union européenne, son montant varie selon que l'élevage est transhumant ou non, et qu'il est situé dans une zone plus ou moins difficile d'accès (zone de haute montagne, de montagne, de piémont ou défavorisée simple), dans une fourchette allant de 49 à 245 euros.

* La prime herbagère agro-environnementale (PHAE)

Il s'agit d'une mesure de gestion extensive des surfaces en herbe dont l'objectif est de les stabiliser, en particulier dans les zones menacées de déprise agricole, et d'y maintenir des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement.

Elle permet à un éleveur de souscrire soit la mesure visant le maintien de l'ouverture des espaces à gestion extensive, soit les mesures de gestion extensive des prairies par fauche ou pâturage, prévues dans le plan de développement rural national.

A compter de l'année 2007, une version rénovée de la PHAE -la PHAE 2- a été mise en oeuvre. Son cahier des charges reprend les grands principes de la PHAE, en simplifiant et en renforçant ses exigences.

* Les contrats d'agriculture durable (CAD) et les contrats territoriaux d'exploitation (CTE)

Le CAD est un contrat administratif signé entre l'Etat et un exploitant agricole pour cinq ans, par lequel ce dernier s'engage à développer un projet qui intègre les fonctions environnementales, économiques et sociales de l'agriculture, en vue d'un développement durable.

Il présente un volet obligatoire qui concerne la souscription à des mesures agro-environnementales visant un ou plusieurs des objectifs (lutte contre l'érosion des sols, diversité biologique, entretien et préservation des paysages et du patrimoine culturel ...), et peut également contenir un volet optionnel d'investissements qui concerne les aspects économiques et sociaux.

Au cours des années 2004, 2005 et 2006, environ 22.000 CAD ont été signés. Représentant un montant total de 556 millions d'euros, ils viendront à échéance entre les années 2009 et 2011. Depuis 2007, le dispositif des CAD, qui avait pris le relais des CTE, n'est plus ouvert à la souscription.

Pour certains producteurs ovins, les aides perçues au titre du second pilier représentent plus du tiers du total des soutiens perçus et presque 60 % de leur revenu. Les indemnités perçues au titre de l'ICHN, des mesures agro-environnementales (MAE) et des CAD-CTE équivalent même à la totalité des revenus pour 35 % des éleveurs ovins spécialisés.

Deux facteurs expliquent ce niveau particulièrement élevé de soutien à la production : d'une part, la localisation de la production ovine, qui s'est largement repliée dans les zones difficiles ; d'autre part, les faibles revenus dégagés par cette orientation.

Cette dernière n'est pas sans susciter des interrogations et des doutes sur l'avenir de ce soutien. En effet, de nombreuses exploitations ovins viande ont souscrit un CAD dont le volet environnemental est comparable à la PHAE. Or, ces contrats vont se terminer prochainement et les éleveurs devront alors se tourner vers la nouvelle prime herbagère, dont le montant ne compensera pas la perte de soutien due à la fin du CAD 14 ( * ) .

c) Une organisation commune de marché à l'avenir incertain

Régie par le règlement (CE) n° 2529/2001, l'OCM ovin et caprin n'a pas été affectée par la récente réforme de l'OCM unique, qui a visé à regrouper une vingtaine d'OCM au sein d'un même texte réglementaire.

LES PRINCIPAUX ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE L'OCM OVIN

* Marché intérieur

Une prime à la brebis (21 euros) et à la chèvre (16,8 euros) est attribuée pour chaque animal.

En sus, une prime supplémentaire (7 euros) est versée pour chaque animal élevé dans des zones où la production d'ovins et de caprins constitue une activité traditionnelle ou contribue de manière non négligeable à l'activité rurale.

Les Etats membres peuvent conserver jusqu'à 50 % de la prime couplée.

* Stockage privé

Une aide au stockage privé de carcasses, demi -carcasses et découpes peut être décidée lorsqu'il existe une situation de marché particulièrement difficile dans un ou plusieurs Etats membres. Les cotations constituent l'un des critères de jugement.

Cette mesure a été utilisée pour la dernière fois en 2001 pour la Grande-Bretagne, durant l'épizootie de fièvre aphteuse.

* Echange avec les pays tiers

Il n'y pas de restitutions à l'exportation de viandes ovine et caprine.

Les importations sont effectuées dans le cadre de contingents à droits nuls ou très faibles (hors produits transformés et abats). Les droits de douane sont suffisamment élevés pour protéger le marché communautaire.

Les contingents représentent 20 % de la consommation de l'Union européenne, soit 283.902 tec. Ils sont définis par pays ou groupe de pays. Le contingent le plus important est celui de la Nouvelle-Zélande, qui représente 227.854 tec (soit 80 % du total).

La gestion des contingents se fait selon la règle du « premier arrivé-premier servi ». Une caution égale au montant des droits de douane est demandée aux importateurs dès que 75 % du contingent a été utilisé.

L'intérêt de ce système est de simplifier les démarches (suppression des certificats d'importations) et de mieux se prémunir contre les dépassements de contingents que l'on constatait auparavant.

* Cotations

L'OCM prévoit une cotation hebdomadaire des carcasses d'agneaux lourds, d'agneaux légers et de brebis. La France ne cote que les agneaux lourds (animaux de plus de 13 kilos) et les brebis.

* Mesures de crise

Ces mesures sont prévues dans trois cas :

- en cas de baisse des prix sur les marchés de l'Union susceptible d'entraîner une perturbation persistante ;

- en cas de crise sanitaire entraînant des restrictions dans la libre circulation (mesures prises à la demande de l'Etat membre concerné) ;

- en cas d'urgence pour d'autres problèmes spécifiques.

En revanche, la révision du système d'aide à la production, telle qu'elle résulte de la dernière réforme de la PAC du 26 juin 2003, a eu de profondes incidences sur le développement et la localisation de la production. Le règlement « horizontal » 1782/03 15 ( * ) instaurant le découplage -possible entre 50 et 100 % en matière ovine- a eu des effets « désincitatifs » sur la production.

Vos rapporteurs ont d'ailleurs pu le constater lors d'une mission d'information en Irlande, pays traditionnellement agricole, et plus particulièrement pays d'élevage ovin, qui se désengage progressivement du secteur primaire et de l'élevage. Ils ont ainsi rencontré des éleveurs ayant préféré bénéficier des primes et arrêter leur production, vu le découplage total, quitte à compléter leurs revenus par d'autres types d'activités.

Le possible passage, suite au bilan de santé de la PAC qui aura lieu cette année, et en tout état de cause suite à sa prochaine réforme prévue pour 2013, à un système de découplage total pour tous les secteurs, accentuerait encore cette évolution. En n'incitant plus à produire, cette réforme limiterait les volumes, ce qui influerait à la hausse sur les prix, réduirait la consommation et surtout favoriserait les importations en provenance de pays tiers.

* 13 Le « premier pilier » de la PAC concerne les OCM des différentes filières de production, tandis que le « second pilier » renferme toutes les mesures relatives au développement rural.

* 14 Les derniers de ces contrats quinquennaux encore en cours d'exécution s'achèveront au mois de juillet 2008.

* 15 Règlement n° 1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la PAC et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs modifié.

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