B. L'ÉTAT DE LA RECHERCHE SUR LES ÉTHERS DE GLYCOL

De nombreuses études existent ou sont en cours de réalisation qu'il est impossible de les citer toutes ici. Cependant, il est instructif de retracer la progression de la connaissance sur les éthers de glycol.

Rapports et études sur les éthers de glycol :

• 1938 : Première publication sur un cas d' intoxication professionnelle par l'EGME (C. PARSONS et M. PARSONS).

• 1967 : Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS).

Fiche toxicologique sur les risques liés aux expositions professionnelles aux éthers de glycol.

• 1971 : Première publication (EG. STENGER) 13 ( * ) sur la toxicité reproductive des éthers de glycol (EGEE) chez l'animal .

• 1972 : Etude (EG. STENGER) 14 ( * ) montrant l' innocuité reprotoxique du PGME et justifiant sa préconisation comme produit de substitution.

• 1979 : Deuxième publication (K. NAGANO) 15 ( * ) sur la toxicité reproductive des éthers de glycol (EGME, EGMEA, EGEE, EGEEA) chez l'animal .

Aux États-Unis d'Amérique, plusieurs études confirment les effets toxiques des éthers de glycol de la série E tandis que ceux de la série P, nettement moins toxiques, sont considérés comme des produits de substitution .

• Mai 1982 : l'Etat de Californie lance le premier avis d'alerte portant sur l' EGME , l' EGMEA , l' EGEE et l' EGEEA , craignant que les effets reprotoxiques constatés chez l'animal puissent exister également chez l'homme.

• Juillet 1982 : ECETOC , le centre de toxicologie de l'industrie chimique européenne, publie un rapport concluant que « l'extrapolation à l'homme des données de l'expérimentation animale est fondée ».

• 1983 : Deuxième alerte aux États-Unis d'Amérique lancée, cette fois, par le National Institute of Occupational Safety ( NIOSH ) ( Current Intelligence Bulletin n° 39) à partir de treize études portant sur l' EGME , l' EGMEA et de douze études relatives à l' EGEE et à l' EGEEA relevant que ces deux éthers de glycol pouvaient causer des effets négatifs sur la reproduction chez les travailleurs de chacun des deux sexes et recommandant aux employeurs de réduire les niveaux d'exposition jusqu'au niveau garantissant la sécurité desdits travailleurs.

• Avril 1983 : Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)

Note documentaire sur les risques pour la reproduction humaine de certains éthers de glycol (éthers monoalkylés de l'éthylène glycol) à partir de l'extrapolation à l'homme des résultats obtenus chez l'animal.

Ce document fut établi à partir de la traduction d'un rapport du CEFIC (ECETOC) intitulé « Toxicité pour l'homme des éthers monoalkylés de l'éthylène glycol » concluant à la probabilité d'un effet chez l'homme .

• 1991 : INRS, CRAM Ile-de-France, CNRS, projet de recherche multidisciplinaire sur la toxicité des éthers de glycol , sous la responsabilité de M. André CICOLELLA (voir son audition).

L'axe 1 de ce projet a mis en valeur que l'exposition de la femme enceinte aux éthers de glycol augmenterait la survenue de malformations congénitales chez les enfants à naître, notamment les becs de lièvre dont le risque serait multiplié par 1,2 à 3,25.

L'axe 2 de ce projet a montré que l'exposition aux éthers de glycol entraînait des atteintes sanguines analogues à celles causées par le benzène mais sans exposition au benzène.

L'axe 3 a consisté à élaborer une grille d'estimation des expositions des salariés aux éthers de glycol selon les secteurs industriels . Les expositions les plus fortes résultant de la peinture aéronautique, la sérigraphie, la fabrication de circuits imprimés, le vernissage métallique et la fabrication de peintures. De plus, l'utilisation massive de produits d'entretien peut conduire à une exposition notable aux éthers de glycol, par passage cutané.

L'axe 4 n'a pu aboutir du fait d'impuretés dans les solutions d'éthers de glycol testées pour déterminer les effets des éthers de glycol sur la fabrication des cellules sanguines .

L'axe 5 a montré que les éthers de glycol n'ont pas d'effet génotoxique par eux-mêmes sauf, peut-être, le butylglycol (pour lequel les études in vitro et in vivo aboutissent à des résultats contradictoires) mais que leurs produits de bio-transformation (métabolites) dans l'organisme (aldéhydes...) ont cet effet avec une durée de vie très limitée.

L'axe 6, portant sur l'effet de la coexposition éthers de glycol/alcools industriels a montré que l'exposition aux alcools diminue la vitesse de dégradation du butylglycol limitant ainsi l'apparition des dérivés toxiques de celui-ci et donc les risques liés aux éthers de glycol eux-mêmes.

L'axe 7 a consisté à déterminer des indicateurs biologiques d'exposition (en l'occurrence l'urine pour la pénétration cutanée).

L'axe 8 relatif à la tolérance cutanée à certains éthers de glycol a révélé le pouvoir irritant du butylglycol et de l'isopropylglycol mais leur absence de pouvoir sensibilisant (risque d'allergie cutanée).

• 1992 : En Californie et à Baltimore est observé un excès d'avortements spontanés chez des employées exposées aux éthers de glycol ( EGME , EGEE , EGEEA ).

• 1992 : INRS. Publication par l'INRS d'une Note documentaire « Les éthers de glycol. Etat actuel des connaissances. Perspectives de recherche ». Cette note présente les huit axes du projet de recherche européen regroupant quinze équipes de recherche cité ci-dessus.

• 1994 : deuxième symposium international organisé à Pont à Mousson en coopération avec le NIOSH et le NIOH suédois, au cours duquel seront présentés, outre les résultats de ce programme, les travaux internationaux sur le sujet (40 communications orales et 40 posters , 200 participants provenant de 17 pays). Ce symposium était placé notamment sous les parrainages de l'Union européenne, de l'OMS, du Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC), de l'Agence pour la protection de l'environnement des États-Unis, de l'Institut national de la science de la santé environnementale des États-Unis, de l'Association internationale de l'hygiène du travail.

Mais, quelques jours avant l'ouverture de ce symposium, son auteur puis organisateur sera licencié de l'INRS pour faute lourde.

Ce trop dérangeant personnage n'est autre que M. André CICOLELLA (voir son audition) dont l'omniprésence sur le sujet n'a d'égal que la vision anticipatrice qu'il a eue... et pour laquelle il a été pénalisé ! Le Conseil de prud'hommes, la Cour d'appel de Nancy, confirmée par la Cour de cassation en 2000 estimeront la décision injustifiée, et cela fondera la première jurisprudence de la Cour de cassation sur la protection des lanceurs d'alerte . Après ces victoires judiciaires, ni les communications scientifiques ni les interdictions d'utilisation ne remettront en cause la pertinence de l'alerte lancée.

Les actes de ce symposium seront publiés en 1996 sous la responsabilité de son organisateur 16 ( * ) . Dans les publications les plus importantes figuraient celles issues du programme INRS dont l'étude européenne du Dr. Sylvaine CORDIER de l'INSERM (voir son audition) sur « Grossesse et environnement » évaluant l'impact de l'exposition aux éthers de glycol, ce qui a abouti à la première mise en évidence de malformations chez l'enfant à la suite d'une exposition maternelle aux éthers de glycol 17 ( * ) et celle de M. R. VINCENT évaluant l'exposition subie à cinquante-cinq types de postes de travail grâce à des milliers de prélèvements atmosphériques et urinaires et montrant que les postes les plus exposés étaient ceux de nettoyeurs d'avions (lors des changements de peintures), car les produits appliqués n'étaient pas arrêtés par les combinaisons de travail 18 ( * ) . Quant à la très vaste étude du Dr Z. ELIAS, de l'INRS, elle a mis en évidence, pour la première fois, un effet génotoxique des métabolites des éthers de glycol 19 ( * ) .

Bien qu'il s'agisse là de la première étude épidémiologique faisant état d'un impact sur les enfants de travailleurs exposés, que le niveau d'exposition évalué en entreprise soit parfois équivalent à celui auquel des effets sont observés chez l'animal, M. André CICOLELLA a déploré qu'aucune exploitation ne soit faite par les pouvoirs publics de ces résultats et que les premiers résultats suggérant une atteinte génotoxique ne déclenchent pas non plus d'étude complémentaire.

• Novembre 1997 : Commission de la sécurité des consommateurs (CSC)

Rapport de M. André CICOLELLA « Évaluation des risques pour les consommateurs liés aux éthers de glycol » comprenant une classification des principaux éthers de glycol utilisés en fonction de leurs effets toxiques subaigus et subchroniques décroissants (1, 2, 3a, 3b).

C'est la première étude appliquant la démarche d' évaluation des risques aux éthers de glycol

1997 : INSERM

Etude de M. Luc MULTIGNER (voir son audition) « Exposition aux éthers de glycol et fertilité masculine ».

• 1997 : Publication de D. SAAVEDRA sur quarante-quatre cas d' enfants malformés (anomalies faciales, oculaires, ORL, musculo-squelettiques, neurologiques) dont les mères ont été exposées à l' EGME et à l'éthylène glycol dans une usine mexicaine de fabrication de condensateurs. Ces femmes utilisaient sans gants et sans masque, des bains d'électrolyse contenant 85 % d'EGME . Ces malformations seront ensuite désignées sous l'appellation de syndrome tératogénique de Saavedra .

En 2002, cette étude a été poursuivie (EL ZEIN) plusieurs années après la cessation de l'exposition sur quarante-et-un enfants issus de vingt-huit femmes. Six d'entre eux exposés in utero durant tout ou partie de la grossesse présentaient les mêmes types de malformation que la cohorte des quarante-quatre cas. Quant aux enfants non exposés in utero six présentaient des malformations principalement génitales ( cryptorchidie, organes génitaux de petite taille, pieds palmés ) jusqu'à douze ans après l'exposition de leur mère . Ces malformations étaient de même nature mais de moindre gravité que celles des enfants exposés pendant la grossesse.

Pour la première fois, une corrélation a été notée entre les anomalies congénitales et les aberrations chromosomiques observées sur les cellules sanguines des enfants .

• 1998 : Etude du National Toxicology Program montrant le caractère cancérogène de l'EGBE ; des études subséquentes mettront en évidence les effets vasculaires de l'EGBE (infarctus osseux et oculaires, thrombose).

• Octobre 1999 : INSERM

Rapport d' expertise collective « Ethers de glycol : quels risques pour la santé ? » comprenant des recommandations .

Conclusion de l'INSERM : certains éthers de glycol ont des effets toxiques sur l'homme (fonction de reproduction masculine ou féminine - altération des fonctions ou des capacités de reproduction, effets néfastes, non héréditaires, sur la descendance).

Considéré comme un bon rapport sur l'identification des dangers des éthers de glycol, il a pu être estimé qu'en dépit de son intitulé, cette expertise collective n'avait pas évalué les risques des éthers de glycol .

Or, si le danger est la caractéristique intrinsèque d'une substance, le risque est la probabilité d'occurrence de la survenue de ce danger. A cette occasion apparaît clairement la divergence de méthode pour analyser un problème de risque toxique par l'analyse des dangers ou par l'analyse des risques. Dans cette expertise collective, les articles relatifs à l'évaluation des risques ont été publiés en annexe mais non pris en compte dans les conclusions du rapport. Les auteurs de ces articles, MM. André CICOLELLA et Pascal EMPEREUR-BISSONET, n'ont pas été retenus dans le groupe d'experts. Cet exemple illustre la nécessité du respect de la multidisciplinarité dans la composition d'un comité d'experts.

A la suite de ces recommandations, un plan d'action interministériel allant même au-delà de celles-ci a été mis en oeuvre :

- la réglementation relative à la protection des travailleurs vis-à-vis des agents cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques a été renforcée ; elle vise les neuf éthers de glycol classés reprotoxiques , impose l'obligation de substituer à ces substances des substances moins dangereuses lorsque c'est techniquement possible et interdit d'exposer les femmes enceintes ou allaitantes aux agents toxiques pour la reproduction - tout en garantissant la rémunération des intéressées ;

- la classification européenne de plusieurs éthers de glyco l a été effectuée ;

- l'évaluation des risques de quatre éthers de glycol (EGBE, EGBEA, 2PG1ME, 2PG1MEA) a été entreprise par la France ;

- la réalisation de deux études épidémiologiques , l'une sur la fertilité masculine et l'autre sur la fertilité féminine.

• 2000 : Encyclopédie médicale et chirurgicale (toxicologie, pathologie professionnelle)

Article de M. André CICOLELLA : « Ethers de glycol ».

« Une exposition maternelle de courte durée aux éthers de glycol du groupe 1a peut induire un risque sur le développement embryofoetal . »...

« Les seuils d'effet chez l'homme sont probablement plus bas que chez l'animal , en raison d'une élimination plus lente des métabolites toxiques. »

« Les risques liés aux éthers de glycol des groupes 1b et 2 portent sur le développement embryofoetal . »...

« Une connaissance plus systématique de la pollution de l'eau apparaît également souhaitable en raison des niveaux de pollution qui ont pu déjà être mesurés. »

« En raison de leur toxicité, de l'importance des populations exposées et du niveau d'exposition de celles-ci, on peut s'interroger sur le rôle de certains éthers de glycol à côté d'autres catégories de substances comme les perturbateurs endocriniens, dans les diverses atteintes de la reproduction. »...

« D'une façon générale, la meilleure prévention passe par une politique de substitution des éthers de glycol les plus toxiques par les éthers de glycol les moins toxiques. »

• Lancement d'un programme piloté par M. André CICOLELLA (voir son audition) et le Dr Jean-Claude SOUFIR du service Biologie de la Reproduction de l'Hôpital Bicêtre pour évaluer l'impact de l'EGME sur la capacité reproductive de la descendance après exposition maternelle. Ce programme fut arrêté brutalement par la direction de l'INERIS en 2000. C'est le type d'effet chez l'homme qui sera mis en évidence par EL ZEIN en 2002.

• Novembre 2000 : Commission de la sécurité des consommateurs (CSC), « Avis relatif aux éthers de glycol » (11/2000) (voir son audition).

A la suite d'une saisine par l'« UFC- Que choisir ? » (voir son audition), en 1996, faisant écho aux inquiétudes d'un consommateur suspectant la nocivité pour la santé des peintures AVI 3000 contenant des éthers de glycol, le rapport de M. Alain CROISY et de M. André CICOLELLA a servi de base à l'avis de la CSC.

Avis en faveur d'une substitution complète des éthers de glycol des groupes 1, 2 et 3a de la série éthylénique (série E) par des éthers de glycol de la série propylénique (série P) qui recouvre les éthers de glycol du groupe 3b ou par toute autre substance autre que des éthers de glycol et ne présentant pas de risque pour les consommateurs. La CSC reconnaît que cette substitution n'est pas exempte de risques et qu'elle pourra être revue à la lumière d'autres résultats toxicologiques mais que les industriels ne sont pas en mesure de supprimer du jour au lendemain la totalité des éthers de glycol .

Selon le type d'effets constatés chez l'animal, le rapport préalable à l'avis classe les éthers de glycol en trois grands groupes :

Groupe 1 : toxicité reproductive chez le mâle, chez la femelle, toxicité pour le développement de l'embryon et du foetus.

Groupe 2 : effets sur le développement.

Groupe 3 : pas de toxicité reproductive mais possible toxicité reproductive et effets sur le développement de certaines impuretés.

La CSC recommande la mise en place d'un étiquetage informatif des préparations destinées au grand public.

L'esprit dans lequel la CSC agit est indiqué dans les considérants de l'avis : « Si la CSC se doit de se référer à des données scientifiques incontestées, elle a également le devoir d'agir en permanence pour la protection des consommateurs et, en absence de preuve d'innocuité, il convient qu'en cas de besoin elle fasse appel sans réserve au principe de précaution , quitte à réviser ultérieurement sa position ».

Cela a conduit la CSC à prendre en considération les données expérimentales animales même si elles ne sont pas toujours transposables à l'homme plutôt que d'attendre les résultats d'enquêtes épidémiologiques pour le moment inexistantes. Et la CSC a rappelé que « le cas de l'amiante devrait être exemplaire en santé publique pour agir ».

La CSC met également en garde contre la substitution de produits dangereux par d'autres produits potentiellement aussi dangereux .

• Novembre 2002 : Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF) : « Les éthers de glycol dans les produits de consommation et la santé ».

Un groupe d'experts présidé par le Pr. Denis ZMIROU (voir son audition) a remis un rapport devenu un avis du 7 novembre 2002 de la section « milieux de vie » et comprenant des recommandations d'interdiction des éthers de glycol classés reprotoxiques et les experts ont souligné que leur rapport ne devait pas être considéré comme un rapport final .

La question des risques reprotoxiques liés à l' EGBE et celle de la cancérogénicité des éthers de glycol sont identifiées comme les sujets à traiter en priorité. Pour répondre à une des questions de la saisine, le niveau de concentration accepté par l'Union européenne dans les produits domestiques pour les substances reprotoxiques (0,5 %) a été jugé comme pouvant engendrer un risque inacceptable pour les consommateurs. Cette recommandation n'a pas été suivie d'une initiative de la France vis à vis de l'Union européenne.

Ces recommandations ont été traduites par des compléments au plan d'action interministériel engagé en 1999 à travers un volet en direction des usages domestiques des éthers de glycol : saisine de l'AFSSET en vue de l'élaboration d'un programme de recherche sur les éthers de glycol dont les effets sur la santé seraient encore mal connus et sur les niveaux d'exposition du public aux éthers de glycol . L'« UFC - Que choisir ? » a été sollicitée sur ce dernier aspect.

Un arrêté a été pris, le 28 octobre 2004, ajoutant à la liste de substances toxiques pour la reproduction de catégorie 2 l'éthylène glycol diméthyl éther ( EDGME ) et le triéthylène glycol dimethyléther ( TEGDME ).

Une charte avec les industriels responsables de la mise sur le marché de ces substances a été élaborée.

Des mesures d'interdiction ont frappé des produits de santé, des produits cosmétiques et des produits à usage vétérinaire (voir ci-dessous).

• Mars 2004 : Conclusion de l'étude de M. Luc MULTIGNER (voir son audition), coordonnée par l'InVS et réalisée par l'INSERM sur la fertilité masculine (observation effectuée chez des hommes exposés avant 1995 à la RATP et à la Mairie de Paris) lancée en 2001 par le ministère chargé du travail :

« L'exposition professionnelle à des produits contenant des éthers de glycol est associée à une atteinte de la qualité séminale sans modification des niveaux circulants d'hormones de la reproduction. »

C'est la première fois qu'un tel effet est mis en évidence chez des salariés ne subissant plus d'exposition actuelle.

En fait, M. Luc MULTIGNER a mené une étude en 1999 et une autre après cette date sur des hommes exposés professionnellement à des éthers de glycol et ces deux études ont abouti à des conclusions similaires : les éthers de glycol sont aussi présents aujourd'hui qu'il y a vingt ans dans 20 % du total des produits utilisés mais, après 1990, les éthers de glycol reprotoxiques ont pratiquement disparu et, entre 1995 et 2005, seuls les éthers de glycol non CMR ont subsisté .

Cette observation est à rapprocher des résultats de l'étude sur la fertilité féminine conduite par le Dr. Sylvaine CORDIER de l'INSERM (voir son audition) lorsqu'elle note que les éthers de glycol plus toxiques étaient peu présents dans les prélèvements d'urine mais que, en revanche, beaucoup d'éthers de glycol provenant de produits cosmétiques ont été trouvés .

• Avril 2004 : Journées de Pharmacologie de Strasbourg , présentation des cas d' insuffisances rénales irréversibles liées à l'absorption du diurétique Pilosuryl .

• 2005 : INRS, LEMI « Effets in vitro des éthers et acétates de l'éthylène glycol et du propylène glycol sur des cellules humaines en culture ».

• En cours : le ministère du Travail a également lancé en 2001 une autre étude épidémiologique coordonnée par l'Institut national de veille sanitaire, l'InVS, et réalisée par l'INSERM, sur les éthers de glycol en milieu professionnel (évaluation du risque d'anomalie du développement intra-utérin chez les femmes lors d'exposition aux éthers de glycol pendant leur grossesse et mesure des conséquences de l'exposition sur la fertilité masculine - les résultats étaient attendus pour 2006).

En cours : évaluation du risque de quatre éthers de glycol par l' INRS (effets sur la santé humaine et risques pour le travailleur) et par la Direction générale de la santé (risques pour le consommateur).

l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), devenue en 2005 l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET - voir son audition) , a été saisie en octobre 2003 pour mener des études sur l'exposition aux éthers de glycol.

En collaboration avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), l'AFSSET a actualisé en 2006 l'expertise collective menée par l'INSERM en 1999 .

Le Dr. Jeanne ETIEMBLE (voir son audition) qui supervisait cette nouvelle expertise collective intitulée « Ethers de glycol, nouvelles données toxicologiques » a été entendu par votre rapporteur de même que le Dr. Sylvaine CORDIER et M. Luc MULTIGNER(voir leur audition) qui faisaient partie du groupe des cinq experts et auteurs. Cette expertise s'est appuyée sur les données scientifiques disponibles jusqu'à la fin du premier trimestre 2005 ; environ cent cinquante documents (articles et rapports d'évaluation) ont constitué sa base documentaire.

Les nouvelles données publiées de la littérature sont analysées comme n'apportant pas d'éléments nouveaux .

Toutefois, le Dr. Robert GARNIER (voir son audition), membre du comité d'experts de l'expertise collective de 2006, a mentionné, à propos de l' EGBE , l'existence d'une étude du National Toxicology Program jamais publiée, mais analysée dans le monde entier, portant sur le rat et la souris et montrant qu' alors qu'aucun effet n'est observé chez le rat, la souris mâle développe des tumeurs du foie et la souris femelle des tumeurs de l'estomac . Il a été jusqu'alors considéré que les résultats sur la souris n'étaient pas transposables à l'homme mais le débat scientifique sur ce sujet reste ouvert.

Comme M. Luc MULTIGNER, chargé de recherche à l'INSERM, le Dr. Robert GARNIER a également exprimé des réserves sur l'opposition entre les « méchants » éthers de glycol de la série E et les « gentils » éthers de glycol de la série P , certains de ces derniers pouvant être toxiques. De plus, il a souligné qu'un éther de glycol (série P), molécule asymétrique, peut donner des produits bien différents, ce qui n'est pas le cas des éthers de glycol de la série E.

Quant au Dr. Jeanne ETIEMBLE, responsable de l'expertise collective de 2006, elle a relevé que des résultats d'études étaient encore attendus sur les expositions à bas bruit et les produits à faible toxicité qui concernent l'ensemble de la population, exposée de manière multiple, par exemple, du fait de l'EGBE présent dans les produits nettoyants d'usage courant .

Elle a douté que des études épidémiologiques menées sur l'homme puissent jamais lever les doutes sur cette question en raison des expositions multiples à prendre en compte.

Cette expertise a été l'objet de réserves ultérieures de la part de M. André CICOLELLA, spécialiste des éthers de glycol, non entendu dans ce cadre, qui a relevé que n'ont pas été pris en compte la publication relative aux cas d'insuffisance rénale dus au DEGEE , les résultats du Laboratoire d'évaluation des matériels implantables (LEMI, INRS) sur les effets hématologiques in vitro et que serait sous-estimé l'effet persistant de l'atteinte à la qualité séminale due à des produits contenant des éthers de glycol. Il a relevé qu'aucune audition des autres experts de l'expertise collective conduite par l'INSERM en 1999 n'avait eu lieu.

De plus, aucun spécialiste de l'évaluation des risques n'a été inclus dans le comité d'experts et, comme en 1999, aucun jugement n'est porté sur les risques , ce que reflète l'intitulé de cette expertise collective à l'ambition plus modeste que celle de 1999.

Cette expertise pose la question déjà soulevée par la précédente, à la fois sur sa composition, puisque la multidisciplinarité est encore moins respectée qu'en 1999 et que, notamment, aucun spécialiste de l'évaluation des risques n'a été sollicité pour faire partie du comité d'expert. La question posée n'est plus la même qu'en 1999 et ne traite pas de la question du risque. Une autre question a été soulevée sur le conflit d'intérêt posé par la présence d'un représentant de l'AFSSAPS alors qu'un des éléments nouveaux survenu depuis 1999 est la décision de retrait par l'AFSSAPS du médicament Pilosuryl reformulé avec un éther de glycol, le DEGEE, à la suite de la mise en évidence de plusieurs cas d'insuffisance rénale dont un mortel (voir ci-dessous).

Les conclusions de cette expertise ont été mises en cause par le Collectif éthers de glycol (voir son audition), tirant argument de la sous-estimation de données majeures du point de vue de la santé publique. Il s'agit principalement des études mettant en évidence un impact acquis même après la cessation de l'exposition aux éthers de glycol : d'abord l'étude de EL ZEIN de 2002 déjà mentionnée ci-dessus à propos du syndrome tératogénique. Cette étude a été la première à mettre en évidence une corrélation entre des malformations congénitales et des perturbations cytogénétiques liées à l'EGME de même qu'un effet chez l'enfant qui perdure après l'exposition maternelle. Cette étude conforte l'hypothèse d'une atteinte génotoxique.

En 2004, l'étude de Mme Michelle JANSEN, de l'Institut national des sciences de la santé environnementale nord-américain, démontre une action de type perturbateur endocrinien pour l' EGME . Des acides gras à chaîne courte auxquels est apparenté MAA, le métabolite de l'EGME, sont capables de moduler la sensibilité des cellules aux oestrogènes et dérivés de la progestérone et ce dans des proportions considérables : l'hypothèse d'un risque accru de cancer hormono-dépendant (sein, ovaire), en particulier pour des femmes qui seraient exposées à l'EGME alors qu'elles prendraient concomitamment des traitements à bases d'oestro-progéstatifs (contraception orale, traitement substitutif de la ménopause, tamoxifène) a naturellement été soulevée.

Enfin, en 2007, l'étude de M. Luc MULTIGNER a mis en évidence la permanence de la baisse de la qualité du sperme après cessation de l'exposition aux éthers de glycol de peintres de la Ville de Paris.

Par ailleurs, les atteintes vasculaires liées à l'EGBE , substance de substitution de plusieurs éthers de glycol et les atteintes rénales liées à l'exposition au DEGEE et à l'EGBE n'ont pas été analysées alors qu'elles font apparaître un problème de santé publique nouveau potentiellement important.

Les personnes regroupées dans l'Association de victimes des éthers de glycol (AVEG) , à l'origine de la saisine de l'OPECST, insistent sur la nécessité d'interdire tous les éthers de glycol toxiques.

Le Collectif éthers de glycol estime que les éthers de glycol toxiques devraient être interdits comme l'ont recommandé les expertises de la CSC et du CSHPF et ce d'autant plus que les produits de remplacement existent. Pour ce Collectif, les expertises INSERM n'ont pas répondu à la question qui était posée et qui est la seule légitime, à savoir l'étendue des risques liés aux éthers de glycol. Il demande que la question des victimes soit enfin prise en considération, car les niveaux d'exposition ont été élevés et les effets chez l'homme sont en cohérence avec les données animales.

A l'inverse, les industriels considèrent que l'INSERM a bien cerné toute la question , que REACH complétera par des évaluations ultérieures et que toutes les précautions relatives à l'utilisation des éthers de glycol ont maintenant été prises en France , pays qui, pour eux, finit par être regardé avec étonnement par les étrangers en raison de son intérêt excessif pour les dangers des éthers de glycol.

l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) suit les produits contenant du glycol dans sa commission de cosmétologie.

Elle a lancé des études sur le DEGEE (excipient commercialisé sous le nom de « Transcutol ») à la suite d'accidents - atteintes rénales et comas  - liés à une consommation de « Pilosuryl » dont l'autorisation de mise sur le marché a été suspendue en juin 2003 puis rétablie en juin 2004, une fois le Transcutol retiré de sa formulation. L'AFSSAPS a estimé qu'il s'agissait de cas de consommation abusive. De leur côté, M. André CICOLELLA, le Collectif éthers de glycol et « l'UFC- Que Choisir ? » considèrent au contraire que cette toxicité rénale pouvait être déduite des données expérimentales. L'application de la démarche d'évaluation des risques conduit en effet à calculer un indice de risque supérieur à la valeur repère de 1. Sur cette base, l'autorisation de mise sur le marché n'aurait donc pas du être donnée.

En outre, les laboratoires pharmaceutiques ne doivent plus utiliser de Transcutol dans l'élaboration de produits administrés par voie orale .

Cette énumération de nombreux travaux retraçant l'état de la recherche montre que les études sur les éthers de glycol sont nombreuses , que plusieurs sont récentes et que d'autres études sont actuellement en cours .

Il apparaît aussi que de multiples effets des éthers de glycol sur la santé existent et que des questions nouvelles majeures sont apparues comme celles de la permanence des effets pour les atteintes de la reproduction et la mise en évidence d'une atteinte génétique chez l'enfant après exposition maternelle. Un rapport de l'INRS sur les essais in vitro montrant une atteinte du cycle cellulaire et une aneuploïdie, publié sur le site de l'INRS en novembre 2005, et non pris en compte dans le rapport de l'INSERM, conforte les interrogations sur ce type d'atteinte.

* 13 STENGER EG. et al. « Zur Toxikologie des Athylenglykol-Monoäthyläthers » Arzneimittelforschung, 1971 Jun;21(6):880-885.

* 14 STENGER EG, « Toxicity of propyleneglykol-monomethylether » Arzneimittelforschung , 1972 Mar;22(3):569-74.

* 15 NAGANO K. et al. « Testicular atrophy of mice induced by ethylene glycol mono alkyl ethers » Sangyo Igaku, 1979 Jan;21(1):29-35.

* 16 CICOLELLA A., HARDIN B., JOHANSSON G. : « Glycol ethers, new data, new questions », Occupational Hygiene 1996, vol 2.

* 17 CORDIER S. et al. « Congenital malformation and exposure to glycol ethers », Epidemiology 1997 ; 8, 4 : 355-363.

* 18 VINCENT R. et al. « Exposure assessment to glycol ethers by atmosphere and biological monitoring ». Occup. Hyg . , 1996 ; 2 : 79-90.

* 19 ELIAS Z. et al. « Genotoxic and/or epigenetic effects of some glycol ethers: results of different short-term tests », Occup. Hyg. 1996 ; 2 : 187-212.

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