B. QUESTIONS POLITIQUES

La demande d'intégration de la Géorgie dans les structures euro-atlantiques

M. Agramunt (Espagne) présente brièvement son rapport. Il rappelle quelques éléments de l'histoire récente, fort mouvementée, de la Géorgie, et souligne que la vie politique de la Géorgie est aujourd'hui marquée par un système présidentiel fort qui n'a pas permis de faire émerger une opposition vigoureuse.

En ce qui concerne la sécurité extérieure, qui intéresse plus particulièrement l'UEO, il constate que l'intégrité territoriale du pays reste menacée par les tentatives de sécession de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Cette dernière a connu un conflit violent qui s'est terminé en juin 1992 par un accord entre la Géorgie et la Russie en vue d'une solution négociée. Mais depuis, peu de progrès ont été réalisés sur cette voie.

Le gouvernement géorgien se déclare prêt à accorder une large autonomie à cette région et y a lancé une campagne de conquête de l'opinion publique. Mais un gouvernement autoproclamé, constitué avec le soutien de la Russie, aspire à l'indépendance ou à la réunification avec l'Ossétie du Nord. En Abkhazie, les négociations n'ont pas davantage abouti.

La Géorgie a une position géostratégique importante, qui explique l'intérêt que lui portent la Russie, l'Union européenne et les États-Unis. La vie politique géorgienne vient de connaître une période mouvementée, liée aux prochaines élections présidentielles. Le gouvernement géorgien a invité des observateurs de toutes les organisations internationales à assister aux élections présidentielles.

Le Président Masseret ouvre ensuite la discussion générale. M. Walter (Royaume-Uni) est le premier orateur. Il indique qu'il a eu le plaisir de se rendre en Géorgie avec les Présidents de l'Assemblée et de la commission politique. Depuis la « Révolution des Roses », le gouvernement géorgien s'est efforcé de transformer le pays en une authentique démocratie. Mais il lui reste encore du chemin à faire. M. Walter appelle l'assemblée à accorder toute son attention à la question de l'intégrité territoriale de la Géorgie. Il estime que la Russie doit respecter le souhait de la Géorgie de faire partie de l'architecture européenne, car la population souhaite qu'à long terme, le pays devienne membre de l'OTAN et de l'Union. Cependant, l'Europe doit se montrer prudente et ne pas intégrer la Géorgie dans l'OTAN tant que les conflits gelés minant la région n'auront pas été résolus.

Lord Russell-Johnston (Royaume-Uni) félicite M. Agramunt pour son « rapport équilibré et constructif », et s'étonne que M. Walter ne prête pas attention à l'ambition de la Géorgie d'adhérer à l'Union européenne et à l'Otan tant que les conflits gelés n'auront pas été réglés. Malgré tout, il reconnaît qu'il faut faire preuve de modération. En conclusion, il considère que le rapporteur a raison de souligner que la Géorgie s'est engagée sur la voie de la démocratie, et qu'il faut la soutenir, ce qui passe en premier lieu par l'adoption du projet de recommandation.

M. Hancock (Royaume-Uni) est le dernier orateur. Il estime qu'il faut encourager la Géorgie à se montrer plus réaliste dans ses ambitions occidentales, et à traiter sérieusement ses problèmes avec la Russie. Il rappelle également les réserves sérieuses qui se sont exprimées en commission sur une éventuelle participation de la Géorgie à l'OTAN et à l'Union européenne. Les représentants de tous les groupes ont considéré qu'il faudrait un certain temps avant que ce pays puisse rallier l'une de ces organisations.

À la suite de la discussion générale, le projet de recommandation est adopté à l'unanimité.

Le rapport de M. Agramunt présente bien la volonté européenne de la Géorgie, sans cacher les réserves actuelles sur une adhésion de ce pays aux structures euro-atlantiques à court ou moyen terme. Le débat a révélé un consensus relatif de l'Assemblée sur cette question.

L'avenir de la non-prolifération nucléaire

M. Goerens (Luxembourg) présente son rapport. Celui-ci traite de trois sujets clés : les armes nucléaires existantes ; le terrorisme nucléaire ; les conséquences de la renaissance de l'énergie civile nucléaire.

M. Goerens estime anormal q-ue, presque deux décennies après la guerre froide, les deux protagonistes d'alors, les États-Unis et la Russie, maintiennent encore des milliers d'armes nucléaires opérationnelles, dont un grand nombre sont en état d'alerte, prêtes à être lancées à tout moment. Au total, elles sont encore au nombre de 28 000.

M. Goerens fait ensuite quelques remarques sur le programme nucléaire de l'Iran. Ce pays a signé le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et, durant de longues années, il a poursuivi un programme nucléaire clandestin. L'Iran a ainsi violé l'esprit du TNP. Il existe donc un problème de confiance et l'Iran doit aujourd'hui faire un effort considérable pour combler ce manque de confiance, lorsqu'il prétend que ses activités nucléaires ont des visées entièrement pacifiques.

Mais c'est surtout la combinaison entre le programme nucléaire et le programme de missiles à longue portée qui inquiète M. Goerens. Il existe en effet un fort risque que, si l'Iran possède l'arme nucléaire, ses voisins se lancent à leur tour dans le développement de ces armes. Le rapporteur rappelle ensuite que le Traité START I sur la réduction des armements expirera en décembre 2009. Or, la Russie et les États-Unis ont des positions très différentes sur l'avenir de ce traité, ce qui laisse augurer des discussions difficiles.

Enfin, M. Goerens souligne que la sécurité de l'Europe implique une réflexion sur le rôle des armes nucléaires pour sa sécurité. Or, la Stratégie européenne de sécurité n'aborde pas du tout cette question. Il serait temps de lancer un dialogue au sein de l'Union à cet égard, dans la mesure où l'Europe est aujourd'hui à la portée des missiles de l'Iran.

Le Président ouvre alors la discussion générale. M. Chope (Royaume-Uni) est le premier orateur. Il estime que le rapport de M. Goerens n'est pas assez sévère et donne une impression générale de faiblesse. Par exemple, le rapport n'est pas assez explicite sur la nécessité ou non de doubler l'armement nucléaire au niveau de l'Union et de l'OTAN. Selon M. Chope, la priorité actuelle est de réussir à dissuader avec fermeté l'Iran d'utiliser l'arme nucléaire et de faire respecter le TNP.

M. Ducarme (Belgique) rend hommage au rapporteur. Au vu de la situation actuelle, il estime que le rapport présenté revêt un caractère complet et documenté. Il précise que le groupe libéral votera le projet de recommandation. M. Ducarme, contrairement à M. Chope, ne voit pas dans ce rapport un texte neutre ou faible.

M. Ducarme relève ensuite un certain nombre de points. Le rapport préconise d'encourager les discussions entre les vingt-sept membres de l'Union sur les forces nucléaires de dissuasion pour la sécurité de l'Europe. C'est un point essentiel pour l'avenir de la politique européenne de sécurité. Mais la question n'est pas de savoir si les autres membres de l'Union sont prêts à contribuer au programme. La question est de savoir si le Royaume-Uni et la France sont prêts à inclure, dans une politique européenne de sécurité et de défense, l'élément de puissance nucléaire. Il interpelle donc ses collègues britanniques et français, pour savoir si leurs pays sont prêts à participer à des négociations d'ordre multilatéral sur cette question. Il rappelle à cet égard les déclarations du Président français le 13 novembre 2007 au Parlement européen.

Enfin, M. Ducarme appelle tous ses collègues à relayer ce débat au sein de leurs Parlements nationaux. On peut à cet égard regretter l'absence d'un représentant du Gouvernement français lors de la session, car il aurait peut-être pu fournir quelques informations sur les intentions de la France en la matière.

M. Vrettos (Grèce) félicite le rapporteur au nom du groupe socialiste. Il déclare approuver le contenu du rapport mais émet des réserves sur la position exprimée vis-à-vis de l'Iran.

M. Goerens répond alors aux intervenants. Il revient sur un point qu'il n'avait pas explicité lors de son intervention liminaire. Selon lui, si l'on veut prévenir les risques nucléaires, il faut jeter un regard lucide et vigilant sur ce qui se passe dans le domaine du nucléaire civil. On peut en effet de nos jours offrir à ceux qui recourent au nucléaire civil des techniques qui sont compatibles avec les impératifs de sécurité. À titre d'exemple, il cite la pratique française, pays le plus avancé en matière de maîtrise nucléaire, notamment au regard de la sécurité des réacteurs civils. Il rappelle aussi que le TNP donnera lieu en 2010 à une conférence de révision, et conclut donc que l'ensemble des questions abordées dans son rapport devront faire l'objet d'un suivi régulier.

M. Agramunt Font de Mora, Président de la commission politique, précise que le rapport a été adopté avec une seule abstention. Il est ensuite procédé au vote des quatre amendements déposés par M. Goerens, déjà adoptés en commission. Les quatre amendements sont adoptés en séance plénière. Le projet de recommandation est alors adopté.

Les relations américano-européennes en matière de sécurité et de défense : discussion autour du rapport sur les défis transatlantiques relatifs à la sécurité, et intervention du Dr Patricia Sanders, Directeur adjoint de l'Agence de défense antimissile des États-Unis

M. Hancock présente son rapport. Celui-ci évoque les différents points de tension de la relation transatlantique à l'heure actuelle, qui concernent essentiellement des problèmes de sécurité mondiale. Qu'il s'agisse de la lutte contre le terrorisme, de la situation en Turquie ou du climat explosif du Moyen-Orient, la question est de savoir comment l'Europe et les États-Unis peuvent s'unir pour progresser ensemble. Le rapport aborde aussi la question épineuse du Kosovo.

M. Hancock a constaté et déploré en rédigeant son rapport que le dialogue entre l'Union européenne et l'OTAN reste parcellaire et incomplet. Les deux institutions n'ont pas réussi à établir de bonnes relations et s'opposent sur de très nombreuses questions. Ainsi, la défense antimissile des États-Unis est source de nombreuses tensions en Europe.

M. Hancock conclut en exprimant sa conviction que l'Assemblée de l'UEO, bien davantage que le Parlement européen, peut refléter les préoccupations quotidiennes des populations. Il lui revient donc de faire entendre la voix de l'Europe auprès des États-Unis.

Le Président ouvre alors la discussion générale. La Baronne Knight of Collingtree (Royaume-Uni) est la première oratrice. Elle intervient à propos du bouclier antimissile américain et s'étonne que la Russie proteste contre ce programme, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un équipement offensif. Elle déplore d'autant plus les objections russes que celles-ci suscitent la crispation de la République tchèque.

M. Laukkanen (Finlande) se félicite qu'il y ait un débat sain entre l'Union européenne, l'ONU et l'OTAN sur les questions de défense. Il constate que les États-Unis et l'Union européenne sont liés par des valeurs communes et une longue tradition de relations étroites. Il serait cependant nécessaire qu'ils pratiquent une coordination politique plus forte, afin d'avoir une approche cohérente des questions de défense, notamment à la suite des dernières élections russes. De plus, M. Laukkanen regrette que le fossé technologique se creuse entre les États-Unis et l'Europe. Il espère que l'Agence européenne de défense contribuera à le combler.

M. MacShane (Royaume-Uni) félicite M. Hancock pour son rapport. Il estime que la plus grande menace à laquelle sont aujourd'hui confrontés les États membres de l'UEO est le recul de l'Occident et de ses valeurs dans le monde. Il constate que la Russie devient un « État post-démocratique inquiétant » où le Président Poutine vient de s'arroger la possibilité d'être président à vie. Dans un grand nombre d'États, on assiste à une régression du droit au logement et à l'éducation. Sans parler des prisonniers politiques qui se comptent par milliers, en particulier en Chine. C'est dans ce contexte, qui voit les valeurs universelles malmenées, que le rapport plaide pour une coopération entre l'Union européenne et les États-Unis, qui lui paraît plus nécessaire que jamais.

Sur la question du Kosovo, M. MacShane estime qu'il faut soutenir la volonté des Kosovars d'aller vers l'indépendance et tenir à la Serbie un discours ferme sur sa possible accession à l'Union européenne.

Sur la question du terrorisme, M. MacShane constate que les réactions à ce fléau qui touche de très nombreuses nations ne sont malheureusement pas coordonnées. Il se montre très inquiet par les idéologies qui sous-tendent ces actes terroristes.

M. Malins (Royaume-Uni) souligne qu'a été rendue publique début décembre l'information selon laquelle les services de renseignement américains avaient informé la Maison Blanche qu'il n'existait aucune preuve de fabrication de l'arme nucléaire par l'Iran, et que ce pays avait mis fin à son programme nucléaire militaire depuis un certain temps. M. Malins se réjouit de cette information si elle s'avère véridique.

Mme Sliska (Fédération de Russie) souligne que la question du système de défense antimissile lui paraît particulièrement importante, car elle est au centre des préoccupations de l'opinion publique russe et internationale. Selon elle, il n'est pas vrai que les intérêts de la Russie ne seraient pas visés par le système déployé, car aucune garantie n'existe sur l'augmentation ultérieure de la capacité de ce système, y compris par des moyens spatiaux. Selon elle, les relations entre la Russie et les États-Unis devraient être fondées sur la sécurité bilatérale, la confiance et la coopération. Elle rappelle que la Russie a respecté ses différents engagements au regard des accords internationaux, notamment en matière de réduction des forces conventionnelles, contrairement aux États-Unis.

En conclusion, Mme Sliska invite l'ensemble des parlementaires à rediscuter ces questions et rappelle que la Russie est un partenaire incontournable sur tous ces sujets et souhaite coopérer avec les Occidentaux en tant que véritable acteur opérationnel et pas seulement comme simple consultant.

Mme Jipa (Roumanie), M. Pflug (Allemagne), M. Jelincic (Slovénie) posent des questions sur le bouclier antimissile et sur les réelles motivations des États-Unis à cet égard. Ils s'interrogent notamment sur la proportionnalité du bouclier antimissile américain par rapport à la menace iranienne.

M. Bodewig (Allemagne) souhaite rassurer la Russie : elle est un partenaire incontournable avec lequel les Européens souhaitent dialoguer. Il exprime sa méfiance à l'égard du bilatéralisme et souhaite adopter une attitude prudente sur la question iranienne.

M. Hancock répond ensuite aux intervenants. Il est d'accord pour rester prudent sur le cas iranien. Il estime comme M. Bodewig que la force de la coopération transatlantique pâtit des accords bilatéraux. Il se réjouit des nombreuses interventions dans le débat, qui ont montré que la question des défis transatlantiques a des implications très concrètes. Enfin, il rappelle que les États-Unis ne sauraient oublier qu'ils sont liés à un système de responsabilité collective dans le cadre de l'OTAN, en vertu duquel ils ont l'obligation de consulter les autres États sur les questions de sécurité.

M. Agramunt Font de Mora (espagnol), président de la commission politique, indique que le rapport a été adopté à l'unanimité par la commission. Le projet de recommandation est alors adopté à l'unanimité.

Le Président Masseret souhaite la bienvenue au Docteur Sanders. Il explique que l'Agence de défense antimissile américaine dépend du Département de la Défense des États-Unis, et que sa mission consiste à développer, tester et préparer le terrain au déploiement d'un système de défense antimissile. Il rappelle ensuite qu'une délégation de parlementaires de l'UEO a visité l'Agence de défense antimissile quelques mois auparavant. Il invite alors le Docteur Sanders à prendre la parole.

Le Docteur Sanders estime qu'il est évidemment essentiel que l'Europe et les États-Unis nouent un dialogue sur les questions de défense et de sécurité. À cette fin, l'Agence de défense antimissile des États-Unis a organisé une vingtaine de visites dans les capitales européennes et reçu de nombreuses délégations européennes et de l'OTAN pour bien expliquer son système antimissile.

Un tel système doit d'abord répondre au développement des missiles balistiques des Iraniens de courte, moyenne, et bientôt de longue portée. Même si les rapports des services de renseignement comportent des incertitudes, il semble que les systèmes de missiles à longue portée de l'Iran seraient capables de toucher l'Europe et les États-Unis dès 2015. La menace ne doit donc pas être sous-estimée. C'est là toute la finalité du dispositif antimissile américain, qui intègre des capteurs au sol, en mer et dans l'espace, ainsi que des intercepteurs capables de détruire en vol des missiles de courte et de longue portée.

Ces précisions étant apportées, elle ajoute que le déploiement prévu en Europe vise la défense la plus efficace possible du territoire européen comme celui des États-Unis. À cet effet, dix sites d'interception, de la grandeur d'un terrain de football américain, ont été choisis en Pologne, la République tchèque abritant quant à elle un radar du type de celui déployé au Japon.

Le Docteur Sanders est consciente que la Russie a fait état de ses préoccupations, mais le gouvernement américain s'emploie activement à la rassurer. De plus, les autorités russes connaissaient le projet bien avant qu'il ne soit rendu public, car il y a eu un dialogue intensif à ce sujet. Le gouvernement américain leur a d'ailleurs fourni toutes les données nécessaires pour démontrer que l'installation en Europe de bases antimissile ne menacera en rien la Russie.

Le Docteur Sanders conclut son intervention en soulignant que les États-Unis disposent aujourd'hui de tous les moyens nécessaires pour réaliser le déploiement en Europe. Il reste à conclure les accords correspondants avec la Pologne et la République tchèque pour commencer la construction des sites. Elle se déclare convaincue que l'Europe participera à cet effort.

Le rapport de M. Hancock, le débat qui l'a suivi, et l'intervention du Docteur Sanders ont révélé la sensibilité de la question de la défense antimissile balistique de l'Europe, ainsi que la susceptibilité des Russes sur le sujet.

La défense antimissile balistique en Europe : un sujet récurrent à l'Assemblée de l'UEO

L'Assemblée a organisé un colloque sur la défense antimissile balistique en Europe, le mercredi 7 novembre 2007 au Sénat. Ce colloque a permis l'émergence d'un véritable débat européen, en présence des Américains et des Russes, sur cette question stratégique et éminemment politique.

La 1 ère session était consacrée à la problématique de la défense antimissile balistique en Europe. M. Edward O'Hara (Royaume Uni, Groupe Socialiste), Président de la commission technique et aérospatiale de l'Assemblée, a analysé les menaces et les risques actuels. Il a notamment fait un bilan des accords de non-prolifération et de la menace balistique et nucléaire aujourd'hui. M. Bruno Gruselle, de la Fondation de la Recherche Stratégique (FRS), a présenté les projets de défense antimissile des États-Unis, de l'OTAN et de la Russie.

La 2 ème session s'est efforcée de répondre à la question suivante : « Une défense antimissile balistique en Europe ou européenne ? » . M. Robert Bell, de la Science Applications International Corporation (SAIC), a présenté la vision américaine de la problématique, tandis que M. Viktor Zavarzine, Président de la commission de défense de la Douma, a exposé le point de vue russe. M. Denis Vandensavel, Secrétaire adjoint pour la défense antimissile balistique de l'OTAN, a dressé l'état des lieux des réflexions en cours à l'OTAN sur ce sujet.

Au total, les débats ont été fructueux et ont permis de présenter tous les enjeux de la question. Ainsi, les Américains assurent viser uniquement des pays tels que l'Iran ou la Corée du Nord. Mais la Russie n'y croit pas. Le sénateur français Jean-Pierre Masseret a regretté que l'UE exclue pour l'instant toute discussion sur le sujet. Pour sa part, l'OTAN s'est jusqu'à présent concentrée sur la mise en place d'une défense contre les missiles de théâtre, en vue de protéger les troupes déployées sur le terrain. Si les Européens décidaient de développer un système de défense antimissile, d'énormes efforts budgétaires seraient nécessaires. Par ailleurs, le système de défense antimissile ne remplacera pas la dissuasion nucléaire. Se pose donc la question du partage de la dissuasion nucléaire entre Européens, et surtout de la volonté de la France et du Royaume-Uni de protéger l'ensemble des citoyens de l'UE.

Enfin, la problématique de la défense antimissile balistique a fait l'objet d'un récent rapport de l'Assemblée intitulé : « La défense antimissile : une position commune aux Européens ? » . Présenté par M. Edward O'Hara au nom de la commission technique et aérospatiale (doc A/1971), ce rapport a été débattu lors de la première partie de la 53 ème session de l'Assemblée le 6 juin dernier. À l'unanimité, l'Assemblée a voté plusieurs recommandations estimant que c'est en commun que les Européens devraient évaluer les menaces d'attaque contre l'Europe par des armes de destruction massive et des missiles. L'Europe pourrait alors clairement décider, en toute connaissance de cause, de la nécessité ou non de développer son propre système de défense antimissile, qui serait interopérable avec le système américain et ouvert aux propositions russes de coopération.

Les activités terroristes à la frontière entre la Turquie et l'Irak

M. Walter (Royaume-Uni) présente brièvement les conclusions de son rapport. La Turquie est membre de l'OTAN depuis longtemps, candidat à l'adhésion à l'Union européenne, membre associé de l'UEO, donc membre de la famille européenne. Le PKK est une organisation terroriste. Il revient donc à l'UEO d'apporter son soutien à son allié, la Turquie, et sa solidarité dans la lutte contre le terrorisme.

À l'issue de cette présentation, le Président introduit deux intervenants extérieurs, venus prononcer un discours devant l'Assemblée de l'UEO sur le sujet du rapport de M. Walter.

M. Vecdi Gönül, Ministre de la défense de la République de Turquie , rappelle que la Turquie est membre associé de l'UEO depuis 1992, institution qu'il qualifie d'essentielle pour l'établissement d'une structure de défense en Europe. La Turquie a toujours aspiré à s'intégrer pleinement dans la civilisation occidentale contemporaine. Ainsi, elle s'est adaptée à l'État de droit, a conduit des réformes démocratiques et s'est dotée d'une union douanière, pour devenir un pays candidat à l'Union européenne.

Si plusieurs pays représentés à l'UEO ont été récemment la cible de groupes terroristes, la Turquie doit faire face à la menace terroriste depuis 40 ans. Elle a toujours insisté sur la nécessité d'une réaction internationale collective au terrorisme, et se félicite qu'après le 11-septembre, la communauté internationale se soit unie pour combattre ce fléau. Le PKK a déjà causé des dommages auprès de 35 000 citoyens, dont 13 000 morts. Depuis 1984, 2 000 bâtiments publics, 250 écoles, 110 mosquées, plusieurs églises, 50 dispensaires, des centres téléphoniques ont été touchés. Au total, ce sont 360 000 personnes qui ont dû quitter leur ville d'origine. En 23 ans, le PKK, qui opère dans de nombreux pays, est devenu une organisation terroriste internationale. Il ne représente nullement la population turque d'ethnie kurde : celle-ci est représentée au parlement turc et possède les mêmes droits que tous les autres citoyens du pays. Depuis 2003, le PKK a renforcé sa présence dans le nord de l'Irak et multiplié les attentats terroristes contre la Turquie. La présence du PKK dans le nord de l'Irak a été encouragée par la carence du pouvoir central dans cette région au cours des dernières années. On estime que 70 % des terroristes du PKK s'abritent dans des camps au nord de l'Irak.

Sur le plan diplomatique, le gouvernement turc a pris de nombreuses initiatives visant notamment à la reconnaissance par l'Irak du PKK comme organisation terroriste, à la fermeture des camps d'entraînement du PKK et à l'extradition ou au jugement de ses dirigeants. Le 28 septembre 2007, les ministres de l'Intérieur de la Turquie et de l'Irak ont signé un accord de lutte contre le terrorisme.

La nation turque est résolue à mettre fin au terrorisme du PKK par tous les moyens nécessaires. Aucun pays au monde ne pourrait rester indifférent à la colère de la population frappée par des actes terroristes, ni permettre à une organisation terroriste de trouver refuge dans son voisinage immédiat. Le 17 octobre dernier, le Parlement turc a autorisé le gouvernement, par un vote presque unanime, à mener des opérations au-delà de la frontière. Au cas où une opération transfrontalière serait menée par les forces de sécurité turques, l'objectif n'en serait ni l'invasion de l'Irak, ni la mise en place d'une administration locale dans le nord de ce pays, mais seulement l'éradication de la présence terroriste.

Le fléau terroriste ne pourra être vaincu que par une coopération internationale contre toutes les menaces terroristes, quel qu'en soit le contexte. Dans ce cadre, les initiatives prises par l'OTAN et l'Union européenne pour soutenir le gouvernement turc sont très importantes.

Son Excellence M. Mowafak Abboud, ambassadeur de la République d'Irak en France , rappelle que le régime de Saddam Hussein n'accordait guère d'importance aux relations pacifiques avec le monde extérieur, et que sa politique étrangère fondée sur le conflit et l'agression des pays voisins et du monde entier a eu pour effet l'isolement du pays sur la scène internationale et les sanctions qu'il a subies.

Au contraire, le nouvel Irak s'efforce d'être un membre pleinement intégré à la communauté internationale. Sa politique étrangère tente de dépasser un héritage de méfiance et d'hostilité en développant avec ses voisins des relations positives fondées sur le respect mutuel et la non-ingérence.

L'Irak est aux côtés de la Turquie dans la lutte contre la menace terroriste du PKK. Le pays est prêt à prendre toutes les mesures qui s'imposent pour s'opposer à ses activités. Le gouvernement a d'ailleurs pris un certain nombre de mesures concrètes : mise en place d'une cellule de crise ministérielle en vue de constituer un comité regroupant l'Irak, la Turquie et les États-Unis et engagement du gouvernement irakien de s'opposer à toute activité du PKK. Le gouvernement a toutefois demandé aux autorités turques de faire preuve de modération et de s'abstenir de recourir à une option militaire sur le territoire irakien.

À la suite de ces deux interventions, le Président ouvre la discussion générale sur le rapport de M. Walter. M. Hancock (Royaume-Uni) est le premier orateur. Il s'exprime au nom du groupe libéral. L'enjeu de ce débat est selon lui le droit pour la Turquie de défendre sa population sur son propre territoire, face aux agissements des terroristes du PKK réfugiés dans un pays voisin. Il rend hommage aux membres de la délégation turque, qui ont fait preuve d'un véritable esprit d'ouverture ayant permis l'adoption par la commission du projet de recommandation. M. Hancock exprime également sa sympathie pour le régime irakien.

M. Haibach (Allemagne) intervient au nom du groupe fédéré. Il se réjouit que la commission politique soit parvenue à un accord sur ce texte important. Selon lui, l'Europe doit aider son partenaire turc. 3 000 combattants du PKK se trouvent dans la région frontalière entre la Turquie et l'Irak, et 80 % des Turcs plébiscitent une opération transfrontalière. Il s'agit avant tout de supprimer tout ce qui crée la base du soutien au PKK. Des actions militaires pourront être nécessaires mais il faudra, afin d'éviter une escalade qui serait intolérable, garder une attitude modérée et veiller à la proportionnalité des moyens engagés.

M. Pangalos (Grèce) s'exprime au nom du groupe socialiste. Il se montre beaucoup plus réservé que les deux précédents orateurs sur le rapport et sur la nécessité de l'opération militaire turque. Il souligne qu'à l'heure où ils discutent, l'action militaire est déjà engagée, malgré l'opinion de la communauté internationale, des États-Unis, et contre la volonté de l'État irakien qui ne veut pas de troupes étrangères sur son territoire. M. Pangalos estime que la Turquie, qui possède une armée très performante et l'une des plus grandes polices du monde, aurait pu résoudre seule le problème sur son territoire et se demande pourquoi cela n'a pas été le cas. Enfin, il met en garde contre la précipitation et rappelle le précédent malheureux de l'invasion américaine en Irak.

M. Vis (Royaume-Uni) remercie le rapporteur mais ne partage pas ses positions. Il rappelle que la Turquie occupe depuis 1974 37 % de l'île de Chypre. Il estime que la Turquie devrait d'abord envisager le retrait de ses troupes pour obtenir la compréhension des autres pays sur le déploiement en cours à la frontière irakienne.

M. Greenway (Royaume-Uni) déplore la position de M. Vis. Pour lui, il est inconcevable que le Royaume-Uni refuse de soutenir un allié de la famille européenne dans un cas d'une telle nécessité. Les membres de l'Assemblée ne doivent pas sous-estimer le sentiment d'outrage et de colère qui habite aujourd'hui la population turque devant la passivité des alliés occidentaux de la Turquie. Il conclut donc que les Européens doivent envoyer un message fort de soutien au peuple truc, et assure le rapporteur de son soutien lors du vote.

M. Austin (Royaume-Uni) estime aussi que tout doit être mis en oeuvre pour lutter contre le terrorisme et le blanchiment d'argent qui l'alimente. Il regrette toutefois que le texte de M. Walter ne soit pas complet. En effet, il omet de préciser que des infractions au droit international ont été commises contre les populations kurdes sous l'égide du gouvernement turc.

M. Çavusoglu (Turquie) souligne que les terroristes du PKK jouissent d'une impunité de mouvement au nord de l'Irak et salue l'action du gouvernement irakien, qui s'emploie, en dépit de ses difficultés actuelles, à mettre un terme aux activités de cette organisation. La Turquie a toujours favorisé l'intégrité territoriale de l'Irak. Elle souhaite aujourd'hui réagir à la menace du PKK dans le cadre du droit international, et sollicite le soutien de ses alliés pour combattre les activités criminelles du PKK.

M. Mercan (Turquie) remercie le rapporteur pour son excellent travail, et précise que son pays n'a jamais envisagé de lancer une opération militaire transfrontalière sans être autorisé à le faire. Dans le cas de la lutte contre le terrorisme, une telle initiative découle directement du droit international. M. Mercan exprime son incompréhension sur le lien qui a été établi par M. Vis entre la question du PKK et la question chypriote. Ce sont deux questions bien distinctes, et dans une situation aussi grave, il convient de s'unir pour lutter contre le terrorisme.

M. Pflug (Allemagne), s'oppose aux propos de M. Vis et rappelle que le PKK est interdit en Allemagne depuis 1993. Cependant, il ajoute que le problème kurde ne saurait se réduire à celui du PKK.

M. Varvitsiotis (Grèce) manifeste son soutien à la Turquie dans la lutte contre le terrorisme. Toutefois, il exprime son scepticisme sur l'utilisation de la force à l'extérieur des frontières d'un pays. Selon lui, un contrôle politique et parlementaire s'impose, tant on ne saurait laisser l'armée seule décider de la lutte contre le terrorisme.

M. Magdeev (Fédération de Russie) rappelle que son pays condamne fermement les méthodes terroristes pour régler les problèmes politiques. Pour autant, une intervention sur le territoire du nord de l'Irak risque à son avis de déstabiliser gravement la région.

M. Walter reprend la parole pour commenter ces interventions. Il se félicite du débat qui a eu lieu, preuve que l'UEO est une assemblée bien vivante. Il répète sa conviction que la Turquie a parfaitement le droit de se défendre dans le cas présent. Il rappelle que l'objectif de la recommandation est d'exprimer la solidarité de cette Assemblée avec « un ami et un partenaire ». Il ajoute, enfin, que la question chypriote relève d'un autre débat à part entière.

M. Agramunt Font de Mora (Espagne) précise que la discussion sur le rapport en commission a été particulièrement intense, et que le rapport a finalement été approuvé avec 2 voix contre et 2 abstentions. Le projet de recommandation est alors adopté.

Les deux interventions extérieures, qui ont complété utilement le rapport de M. Walter, ont permis de présenter le point de vue des représentants des deux principaux acteurs impliqués dans cette crise. On regrettera cependant qu'il n'y ait pas eu de discussion entre l'Assemblée et les deux intervenants, qui ont dû partir rapidement pour répondre à d'autres obligations. Le débat a mis à jour d'importants clivages au sein de l'Assemblée sur ce sujet.

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