CONCLUSION

Le contrôle de l'action gouvernementale, loin d'être un simple prolongement de l'activité législative, apparaît au contraire comme la seconde fonction du Parlement : pour paraphraser une célèbre formule, le Parlement « doit marcher sur ses deux jambes » , voter la loi et contrôler le gouvernement.

Le contrôle budgétaire, qui constitue la forme de contrôle plus spécifique aux commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale, montre tout particulièrement cette ambivalence de la mission qui incombe aux Parlements des démocraties modernes, au-delà des frontières partisanes. Dans un contexte de tension sur les finances publiques, l'examen des projets de loi de finances est à l'origine de missions de contrôle budgétaire ou marque, au contraire, l'aboutissement des opérations conduites sur la bonne utilisation des deniers publics.

Le contrôle n'est pas un temps isolé de l'action parlementaire, mais bien le fil conducteur de l'activité des rapporteurs spéciaux de votre commission des finances tout au long de la session parlementaire .

Dans ce contexte, l'idée du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V ème République, présidé par notre ancien collègue député Edouard Balladur, consistant à créer un comité d'audit parlementaire dans chaque assemblée, n'emporte pas la conviction. S'il est nécessaire de revaloriser encore la fonction de contrôle, ce qui suppose en effet un engagement de tous les parlementaires en ce sens, disjoindre les activités législatives du contrôle de l'action gouvernementale reviendrait à segmenter les missions parlementaires et donc à réduire leur efficacité.

L'exemple de la commission des finances du Sénat, où il n'a pas été mis en place de structure spécifiquement dédiée au contrôle, prouve l'efficacité d'une unité organique du contrôle budgétaire et du vote des projets de loi, notamment de lois de finances . Le fait que la commission des finances du Sénat soit la seule, des douze commissions permanentes du Parlement français, dont tous les membres interviennent au moins une fois par an en séance publique au nom de votre commission, a probablement contribué à l'efficacité des contrôles menés depuis 2002 et à l'affirmation de propositions qui dépassent les clivages politiques traditionnels.

La revalorisation de la loi de règlement, depuis la mise en oeuvre de la LOLF, doit encore conforter la double mission de contrôle et de législateur des membres de notre commission des finances, en mettant en lumière les anomalies ou les imperfections constatées au stade de l'exécution budgétaire.

La volonté d'une rationalisation de la dépense publique, aux différentes étapes de la préparation budgétaire, peut ainsi s'appuyer sur l'engagement déterminé de chacun des rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat.

Mais au-delà du strict contrôle budgétaire dont la responsabilité incombe principalement, d'une part, à la commission des finances pour le budget de l'Etat et, d'autre part, à la commission des affaires sociales pour les comptes de la sécurité sociale, il doit être souligné que l'ensemble des membres du Parlement sont appelés à partager cette mission.

Il en est déjà ainsi pour les rapporteurs pour avis qui ont désormais la possibilité de prendre part aux travaux de contrôle budgétaire, aux côtés des rapporteurs spéciaux de la commission des finances. Plus globalement, ce qui est en cause, c'est l'évaluation des politiques publiques. C'est en cela qu'il paraît opportun d'insérer dans la Constitution, comme le prévoit le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la V ème République, que si « Le Parlement vote la loi et contrôle l'action du Gouvernement » (art. 9 modifiant l'article 24 de la Constitution), il doit aussi « évaluer les politiques publiques ».

C'est donc un vaste champ d'intervention qui s'offre à l'ensemble des membres du Parlement. L'évaluation va bien au-delà du contrôle dont l'impact reste cantonné aux considérations budgétaires, comptables et financières. Il s'agit d'apprécier, par une série de critères et d'indicateurs à déterminer, la performance de chacune des unités de service public, allant du fonctionnement d'une école à celui d'une université, d'une réglementation relative aux assistantes maternelles à celle s'appliquant aux tutelles, de la définition du format des armées au mode d'intervention des forces françaises sous mandat de l'ONU, de l'impact des lois fiscales et sociales sur la compétitivité de l'économie à la justification des seuils et autres régimes dérogatoires et particuliers.

La tâche est immense et exaltante. Il reste à la consacrer dans la culture parlementaire. L'écho médiatique devrait progressivement donner l'élan et la mesure d'une démarche appelée à devenir populaire. Son accomplissement effacera le soupçon accréditant l'idée selon laquelle le Parlement serait complice des dysfonctionnements de l'Etat et plus globalement de la sphère publique.

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