B. UNE APPLICATION LA PLUS FAVORABLE POSSIBLE À L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE DANS LE RESPECT DE LA CONSTITUTION

1. Une irrecevabilité financière des amendements prononcée dès le dépôt

a) Tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel dans la concertation

Tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006, la Conférence des présidents du 20 juin 2007 a décidé, sur proposition de votre commission des finances, de mettre en place un nouveau système de vérification de la recevabilité financière des amendements au regard de l'article 40 de la Constitution . Cette nouvelle procédure, applicable depuis le 1 er juillet 2007, tend à déclarer, lorsqu'il y a lieu, l'irrecevabilité financière dès le dépôt de l'amendement.

Dans le courant du mois de juin 2007, j'ai donc écrit à l'ensemble des présidents de commission et des présidents de groupe afin de me tenir à leur disposition pour présenter l'état de la réflexion de la commission des finances sur les conditions nouvelles d'application de l'article 40 de la Constitution ainsi que les solutions que le groupe de travail interne à la commission, constitué à cette fin, avait envisagées. J'avais joint à ce courrier un « vade-mecum » adopté à l'unanimité par ce groupe de travail.

J'ai donc eu l'honneur de présenter à l'ensemble des commissions 2 ( * ) les nouvelles conditions d'application de l'article 40. J'ai eu également des contacts avec l'ensemble des groupes politiques dont les modalités ont été définies par leurs présidents respectifs : il a pu s'agir par exemple d'un entretien avec le Président du groupe ou d'une présentation devant l'ensemble des membres des groupes.

J'ai enfin écrit le 28 juin 2007 individuellement à l'ensemble de nos collègues sénateurs pour leur indiquer la nouvelle procédure applicable en ce qui concerne la recevabilité financière des amendements et préciser les engagements d'information et de conseil de la commission des finances en la matière.

b) Sécuriser sur un plan juridique les amendements venant en discussion

La nouvelle procédure a pu être adoptée sans modifier le Règlement du Sénat. Entre les deux hypothèses examinées - déclarer « en bloc » les amendements irrecevables à l'ouverture de la discussion d'un texte ou déclarer lorsqu'il y a lieu l'irrecevabilité dès le stade du dépôt - le choix de déclarer l'irrecevabilité financière dès le dépôt de l'amendement a présenté, à l'expérience, l'avantage de la simplicité, mais aussi de la concertation.

En effet, à chaque fois que cela est possible, les services de la commission sont, sous mon autorité directe, à la disposition des auteurs des amendements pour leur permettre de « gager » les amendements de recettes (cf. infra ) si un oubli a eu lieu, ou pour trouver les voies - techniquement parfois possibles - pour concilier le respect de l'article 40 et celui tout aussi essentiel du droit d'initiative parlementaire.

Par rapport à la situation antérieure, la nouvelle procédure présente surtout l'avantage d'une sécurité juridique accrue pour la discussion des amendements. En effet, tout amendement présenté par son auteur en séance publique présente donc une présomption forte de conformité à l'article 40 de la Constitution, sous la réserve de l'éventuelle appréciation ultérieure du Conseil constitutionnel . Le contrôle préalable de votre commission des finances offre donc des garanties importantes, supérieures à celles existant auparavant. Par ailleurs, la probabilité - sauf dans le cas éventuel d'un sous-amendement ou d'un amendement rectifié plus « coûteux » que le droit proposé ou le droit existant 3 ( * ) - que l'article 40 soit invoqué en séance, par le gouvernement ou par tout sénateur, est devenue extrêmement faible , ce qui permet à la discussion sur les amendements de se poursuivre jusqu'à leur vote. Dans le passé, de nombreux auteurs d'amendements se trouvaient frustrés de leur droit d'initiative lorsque, après avoir défendu un dispositif, parfois longuement et avec passion, celui-ci n'était pas mis aux voix en raison de l'invocation de l'article 40. Celui-ci apparaissait ainsi comme une « épée de Damoclès » pesant sur la discussion en séance publique.

Ainsi, votre commission des finances est amenée en application de l'article 40 de la Constitution à empêcher les amendements irrecevables de venir en discussion en séance publique. Aucun amendement déclaré irrecevable par la commission des finances n'étant distribué ou diffusé et, a fortiori , ne figurant sur le dérouleur de séance.

b) Le respect des trois engagements pris par la commission des finances

Afin de travailler de la manière la plus transparente possible, et d'informer en temps réel les auteurs d'amendements des difficultés éventuelles liées à l'application de l'article 40 de la Constitution, j'avais pris au nom de la commission des finances trois engagements , qui ont été tenus au fil des mois :

- l'auteur de l'amendement irrecevable est immédiatement prévenu , par téléphone, et un mail lui est adressé par la commission exposant les raisons de l'irrecevabilité ;

- dès le lendemain, voire le jour même, j'adresse personnellement une lettre à l'auteur de l'amendement, qui reprend cette justification. Si besoin est, cette lettre est suivie d'un contact téléphonique direct me permettant d'expliciter de vive voix les raisons de cette irrecevabilité ;

- enfin, comme je m'y étais engagé, le présent rapport fait un point sur les modalités d'application de la réforme, et la jurisprudence que la commission des finances a ainsi dégagée.

A l'expérience, le premier engagement a permis d'éviter que des amendements soient déclarés irrecevables sans laisser la possibilité à leurs auteurs d'envisager d'éventuelles modifications, comme par exemple de corriger un oubli de « gage » en recettes . Dans la mesure où la vérification de la recevabilité est effectuée en temps réel dès réception des amendements , le dialogue et les explications entre les services de la commission des finances, qui me rendent compte en temps réel, et les auteurs d'amendement n'ont pas eu pour effet de retarder la mise en ligne des amendements et la confection de dossier de séance ainsi que du dérouleur, éléments indispensables de la préparation de la séance publique.

* 2 Cf. le bulletin des commissions : communication devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées le 20 juin 2007, devant la commission des affaires culturelles le 27 juin 2007, devant la commission des lois également le 27 juin 2007, devant la commission des affaires économiques le 4 juillet 2007 et devant la commission des affaires sociales le 11 juillet 2007.

* 3 Dans ces deux cas, en application du premier alinéa de l'article 45 du Règlement intérieur du Sénat, le commissaire des finances de permanence -qui est un des membres du Bureau désigné chaque semaine à cette fin- déclare, s'il y a lieu, l'irrecevabilité de l'amendement. En cas de doute sur l'applicabilité de l'article 40, le commissaire des finances de permanence pourra demander la réserve de l'article en discussion, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 45 du Règlement du Sénat.

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