b) La fonction publique

La féminisation de la fonction publique - ou plutôt des fonctions publiques - apparaît comme une conséquence directe de la réussite des femmes dans les études supérieures.

Cette préférence des femmes pour les métiers du secteur public peut certes s'expliquer en partie par une recherche de sécurité, liée aux garanties statutaires qu'offre la fonction publique. Mais, de l'avis de certaines personnes auditionnées par la délégation, elle constitue aussi, en quelque sorte, le révélateur d'une ségrégation répandue dans le reste du marché du travail. Cette ségrégation, même implicite, est intériorisée par les femmes et les dissuade de s'engager dans des carrières où elles pressentent que les candidatures masculines seront privilégiées.

Le recrutement par concours, qui constitue la voie d'accès normal à la fonction publique semble en revanche bien convenir aux femmes : l'anonymat des épreuves écrites, l'égalité de traitement des candidats sont de nature à protéger, a priori, les candidates contre les risques d'arbitraire et de discrimination. En outre, la nature des épreuves de sélection, largement axées sur la maîtrise de la rédaction et de connaissances académiques ou techniques, est de nature à favoriser les étudiantes auxquelles les examinateurs reconnaissent, davantage qu'à leurs concurrents masculins, des profils de « bonnes élèves » et de « bosseuses ».

(1) L'évolution du cadre légal

Les femmes sont entrées massivement dans l'administration, dès le début du XX e siècle, mais par la petite porte : celle de l'auxiliariat, et c'est la jurisprudence administrative qui, petit à petit, a fait reconnaître leurs droits à passer des concours de fonctionnaires.

Peu après l'adoption d'une ordonnance prise par le gouvernement du Général de Gaulle, qui faisait enfin des Françaises des citoyennes à part entière, le Préambule de la Constitution de 1946 a confirmé, en faveur des femmes, le principe d'égal accès aux emplois publics contenu dans l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme.

Mais ces principes constitutionnels ne sont entrés que progressivement dans la réalité juridique : la loi n° 75-599 du 10 juillet 1975, tout en rappelant qu'aucune distinction ne devait être faite entre les hommes et les femmes, s'empressait de prévoir des dérogations à ce principe : elle autorisait, pour certains corps, des recrutements exclusifs d'hommes ou de femmes, ou, à titre exceptionnel, des recrutements et conditions d'accès distincts pour les hommes et les femmes. Finalement, ce n'est qu'en 1985 qu'ont été supprimés les recrutements distincts pour les douanes, en 1987 pour les instituteurs, ou en 1988 pour les professeurs d'éducation physique et sportive. Dans le même ordre d'idées, c'est en 1985 qu'ont été fusionnées l'École normale supérieure de la rue d'Ulm et l'École normale supérieure de jeunes filles de Sèvres.

Depuis le décret du 16 février 1998, le système des quotas féminins qui restreignait l'entrée des femmes dans les armées, a été supprimé, même si certaines exceptions sont maintenues pour une courte liste d'emplois réservés aux hommes : sous-mariniers, formations de commandos, emplois de gendarmerie mobile.

(2) Une féminisation majoritaire et croissante ...

Les données statistiques fournies par le ministère de la fonction publique 20 ( * ) confirment que la part des femmes dans les trois fonctions publiques n'a cessé de croître au cours des vingt dernières années et qu'elles représentent maintenant plus de la moitié des emplois. Ainsi, entre 1984 et 2004, le taux de féminisation est passé :

- de 45 % à 50 % dans la fonction publique de l'État ;

- de 57 % à 61 % dans la fonction publique territoriale.

Dans la fonction publique hospitalière, la progression est plus rapide encore, puisque le taux de féminisation est passé de 71 % en 1999 à 76 % en 2006.

D'après le dixième rapport sur la mise en oeuvre du principe d'égalité des sexes dans la fonction publique, transmis au Parlement en décembre 2006, ces évolutions s'expliquent certes, en partie, par une évolution des structures au profit des métiers traditionnellement plus féminisés. Mais elles résultent aussi d'une augmentation généralisée du taux de féminisation des différents métiers, qui touche également ceux qui étaient jusqu'alors considérés comme masculins.

(3) ... qui ne va pas jusqu'aux emplois de direction

Cette conquête par les femmes des emplois de la fonction publique constitue une avancée indéniable, et peut être largement imputable à leur réussite scolaire et universitaire. Elle doit être cependant relativisée car, même dans la fonction publique, les femmes restent sous-représentées dans l'encadrement supérieur. Certes, leur place y est moins inégalitaire que dans le secteur privé ; elles constituent 55 % des cadres A des trois fonctions publiques, contre 28 % seulement des cadres du privé.

Plus le niveau de responsabilité est élevé, et moins les femmes sont d'ailleurs nombreuses. En 2004, elles n'occupaient qu'un peu moins de 15 % des emplois de direction de la fonction publique de l'État, alors qu'elles représentaient 25 % des « viviers de nomination » constitués de fonctionnaires réunissant les conditions pour accéder aux emplois supérieurs.

A contrario , elles occupent beaucoup plus souvent que les hommes des emplois à temps partiel ou à temps incomplet : dans la fonction publique de l'État, 78 % de ces emplois sont occupés par des femmes, et cette proportion s'élève à 86 % dans la fonction publique territoriale, illustrant le poids des contraintes familiales et des choix personnels qu'elles impliquent.

* 20 Rapport annuel Fonction publique - Faits et chiffres 2006-2007, p. 130 et suivantes.

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