B. LA NOUVELLE POLITIQUE DE DÉSENCLAVEMENT FONDÉE SUR LA NOTION D'ACCESSIBILITÉ

Si la situation actuelle n'est pas satisfaisante, ce n'est pas simplement parce qu'elle empêche de conceptualiser une véritable politique de désenclavement avec des objectifs propres. C'est aussi parce que l'inexistence de reconnaissance officielle de l'intérêt spécifique du désenclavement risque de nuire très directement à la réalisation des projets dans les années qui viennent. En effet, il est très probable que le poids des évaluations objectives dans les décisions d'infrastructures soit renforcé à l'avenir.

D'une part, cela tient à la mise en place d'un système d'évaluation plus fiable et plus systématique 33 ( * ) sur fond de raréfaction de l'argent public. D'autre part et surtout, cette évolution devrait découler de la volonté manifestée par le Grenelle de l'environnement de n'entreprendre de nouveaux projets routiers que s'ils sont réellement justifiés par leur utilité 34 ( * ) au regard de certains objectifs.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement va procéder dans les mois qui viennent à une évaluation ou à une réévaluation de l'ensemble des projets d'infrastructures de transports envisagés.

Vos rapporteurs estiment dès lors urgent que l'objectif de désenclavement puisse être pris en compte en fonction de critères qui lui sont propres . A cette fin, ils proposent que l'évaluation des projets intègre les gains que présentent les infrastructures en termes d'accessibilité.

1. L'accessibilité, une notion connue et mesurée selon des méthodes déjà éprouvées

Vos rapporteurs ont été frappés par le contraste existant entre, d'une part, l'absence de critère officiel du désenclavement et, d'autre part, la connaissance de la situation concrète des territoires qui existe bel et bien dans les administrations centrales et chez les acteurs locaux.

C'est ainsi que les services d'études du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables (MEDAD) disposent depuis plusieurs années d'une série d'indicateurs permettant de mesurer l'accessibilité des différents territoires pour les voyageurs, tant au niveau régional qu'européen.

Par leur diversité, ces indicateurs donnent en effet une traduction intéressante des situations d'enclavement.

a) L'accès à un panel de villes

Le premier indicateur pertinent permet de classer les départements selon le niveau d'accessibilité des voyageurs aux villes. Il concerne tous les modes de transport de voyageurs (routier, ferroviaire et aérien) et consiste en la mesure du temps de transport entre le chef-lieu du département et un panel de villes importantes au niveau départemental, régional, national et européen.

(1) L'accessibilité aux villes au niveau infrarégional

L'indicateur correspond au temps moyen nécessaire pour effectuer le déplacement depuis la préfecture du département considéré jusqu' aux préfectures et villes importantes des départements limitrophes (ou ville importante du département considéré) ainsi qu'à la préfecture de la région à laquelle appartient le département.

Pour chaque département, ils mesurent à la fois, les conditions d'accès aux villes (indicateur du panel de ville, le niveau de desserte des territoires ou encore l'efficacité des liaisons transversales).

Cette mesure de l'accès aux villes proches permet ensuite de comparer la situation des Pyrénées Atlantiques à celle des autres départements français, comme indiqué ci-dessous.

Ces cartes mettent en évidence que, pour le mode routier, en 2004, les préfectures qui enregistraient la vitesse moyenne d'accès la plus rapide au panel de villes environnantes sont situées en périphérie du territoire français et au carrefour de grands axes autoroutiers (Bordeaux, Nantes, Metz, Marseille...). La faible vitesse d'accès local de certaines d'entre elles peut s'expliquer par un effet global de saturation (région parisienne), le relief, mais surtout l'absence de liaison rapide directe entre préfectures voisines (cas de la Charente et de la Nièvre).

Selon les données disponibles entre 2000 et 2004, on constate aussi que le développement du réseau autoroutier a une incidence au niveau local. Ainsi les mises en service successives de l'A89 (Bordeaux-Périgueux ouest, Périgueux est-Thenon et Brive-Ussel), de l'A77 (Briare-Nevers), de l'A66 (Pamiers-jonction avec A61) et de l'A75 (Lodève-Millau, viaduc inclus) permettent à certaines préfectures d'un large quart sud-ouest du territoire d'améliorer leur vitesse d'accès aux villes voisines.

S'agissant du mode ferroviaire, la baisse de vitesse observée pour la Saône-et-Loire s'explique par la moins bonne qualité de la desserte Mâcon - Lons le Saunier (correspondance à Bourg-en-Bresse moins bien optimisée).

Quant à celle observée pour la Haute-Marne, elle s'explique par la sous-optimisation des correspondances à Lure pour la liaison Chaumont-Epinal et à Vitry-le-François pour la liaison Chaumont-Bar-le-Duc. Entre 2000 et 2004, on observe, en revanche, une augmentation importante de la vitesse d'accès dans la vallée du Rhône due à la mise en service du TGV Méditerranée.

Quant au point de savoir quel est le mode le plus rapide, pour rallier les principales villes au niveau infra-régional, celui-ci est presque systématiquement le mode routier.

(2) L'accessibilité à un panel de villes se mesure aussi au niveau inter-régional

En utilisant une méthode comparable au calcul d'accessibilité dans le cadre infra-régional, il a été mis au point un indicateur relatif à la vitesse moyenne pour effectuer les déplacements entre la préfecture du département considéré et les neuf métropoles nationales : Paris, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Nantes, Strasbourg et Toulouse.

Pour le mode routier, il s'agit des vitesses des véhicules légers (VL), pour le mode ferroviaire, celles des trains de voyageurs et pour le mode aérien, celles des dessertes de voyageurs.

S'agissant des mesures réalisées en 2004 pour le mode routier, elles font ressortir que le temps moyen d'accès au panel de villes nationales est directement lié au niveau de réalisation des infrastructures autoroutières. Ainsi, sur la période 2000-2004, les avancées de ce réseau ont profité principalement aux départements situés dans le Massif Central et dans le nord-ouest parisien.

Par ailleurs, les mises en service successives de l'A89 (de Bordeaux à Périgueux ouest, de Périgueux est à Thenon et de Brive à Ussel) se traduisent par une réduction de temps de l'ordre de 7 % pour le Puy de Dôme, de 12 % pour la Corrèze et de 8 % pour la Dordogne.

Pour le mode ferroviaire, les résultats confirment que les TGV répondent de façon optimale à la demande de déplacements de longue distance entre les métropoles nationales. En effet, 2000 et 2004, la mise en service du TGV Méditerranée a sensiblement amélioré les vitesses d'accès aux métropoles nationales des départements de la Vallée du Rhône et du Languedoc-Roussillon.

Cette mise en service a également eu pour conséquence une amélioration généralisée (excepté dans le Massif Central) des vitesses moyennes d'accès aux métropoles nationales, particulièrement marquée le long des autres LGV grâce aux liaisons directes sans correspondance à Paris.

(3) L'accessibilité aux grandes métropoles européennes

Cet indicateur correspond à la moyenne des vitesses pour effectuer le déplacement entre la préfecture du département considéré et les pôles européens que constituent Londres, Amsterdam, Bruxelles, Francfort, Berlin, Vienne, Genève, Milan, Rome, Barcelone, Madrid et Lisbonne. Comme précédemment, il est calculé pour le mode routier, pour le mode ferroviaire, celles des trains de voyageurs et pour le mode aérien, celles des dessertes de voyageurs.

Pour le mode routier, la situation en 2004 reflète une bonne homogénéité du réseau pour ces destinations.

L'Est de la France est plus performant en matière de temps d'accès aux grands pôles européens, la raison principale étant la présence des grands axes autoroutiers européens dans les départements concernés. On constate aussi une amélioration des temps d'accès dans les régions qui étaient les moins favorisées, à savoir le Massif Central et le Morvan.

En ce qui concerne le mode ferroviaire, on observe que la vitesse moyenne d'accès aux grands pôles européens est la plus faible le long de la desserte du TGV Méditerranée, ainsi que dans un quart Nord-Ouest du pays.

Vos rapporteurs se félicitent que le temps moyen d'accès aux grands pôles européens ait nettement diminué depuis 2000.

Enfin, pour le mode aérien, l'évolution de l'accessibilité aux villes européennes est plus stable que celle de l'accès aux villes françaises. En effet, on constate une légère détérioration lorsque l'on considère une moyenne sur l'ensemble du territoire français. Ceci est dû, soit à la baisse des dessertes au départ de petits aéroports contraignant l'usager à utiliser un aéroport situé plus loin du département d'origine, soit à l'augmentation des temps de trajet aérien (correspondance moins bien coordonnée). En revanche, on voit l'impact des mises en service de l'A89 (sections Bordeaux-Périgueux ouest, Périgueux Est-Thenon et Brive-Ussel) permettant de rejoindre plus rapidement certains aéroports.

L'étude fait aussi apparaître l'amélioration des dessertes des aéroports de Metz-Nancy, Marseille ou Montpellier.

Quant au mode le plus rapide d'accès aux grands pôles européens, il apparaît clairement qu'il s'agit du mode aérien. En fait, seules les zones frontalières ont plus vite accès aux pôles européens proches par la route ou le fer.

* 33 Traduites par l'instruction-cadre relative aux méthodes d'évaluation économiques des grands projets d'infrastructures de transports du 25 mars 2004.

* 34 Cf. IV.A.1.

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