EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 26 juin 2008, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, sur la taxation de l'industrie du médicament, ouverte aux membres de la commission des affaires sociales.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Jean-Jacques Jégou , rapporteur spécial , a précisé qu'il s'était efforcé, au cours de sa mission de contrôle, de croiser une approche budgétaire et une approche industrielle.

Rappelant le contexte dans lequel l'industrie pharmaceutique opérait, il a présenté les principales caractéristiques du marché français du médicament, l'un des plus importants au monde après ceux des Etats-Unis et du Japon, avec un chiffre d'affaires de 25,5 milliards d'euros en 2007.

Un tel chiffre d'affaires se traduit mécaniquement par des dépenses importantes et dynamiques pour l'assurance maladie, les dépenses de médicament représentant près du tiers des dépenses de soins de ville du régime général en 2007.

Dans un contexte marqué par un déficit important de l'assurance maladie, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a jugé qu'il n'était pas illégitime de demander à l'industrie de contribuer à l'effort d'ensemble de régulation des dépenses de santé, ce qui a pris la forme, en particulier, de taxes spécifiques.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a précisé que la France était le premier producteur de médicaments en Europe et qu'elle se situait au deuxième rang européen en termes d'emplois directs dans le secteur pharmaceutique. Il a également présenté les principaux enjeux auxquels l'industrie du médicament est aujourd'hui confrontée : d'importants mouvements de fusion-acquisition, une érosion de la productivité de la recherche pharmaceutique, une concurrence accrue et une attractivité croissante des pays émergents.

Dans ce contexte globalisé, il a plus particulièrement insisté sur les déterminants de la localisation des entreprises du médicament : d'une part, ils varient fortement selon les phases du cycle du médicament, et, d'autre part, la fiscalité ne joue pas un rôle déterminant à elle seule, car elle n'est qu'un élément parmi d'autres.

Dressant ensuite le panorama des taxes spécifiques auxquelles les laboratoires pharmaceutiques sont assujettis, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a indiqué que la principale critique formulée à leur encontre était moins le niveau global de taxation de l'industrie du médicament que son incessante évolution, la fiscalité de ce secteur ayant souvent joué, de l'avis même de la direction de la sécurité sociale du ministère chargé de la santé, le rôle de variable d'ajustement budgétaire.

Il a cependant souligné que les industriels portaient une part de responsabilité dans ces variations, dans la mesure où ils ont parfois préféré être davantage taxés plutôt que de subir des baisses de prix. Il a observé que les entreprises du médicament pouvaient également bénéficier de dépenses fiscales, en particulier au titre du crédit d'impôt recherche.

Rappelant qu'il n'était pas illégitime de demander à l'industrie pharmaceutique de contribuer à l'effort de régulation des dépenses de santé, M. Jean Jacques Jégou, rapporteur spécial , a insisté sur les principaux problèmes soulevés par le dispositif de taxation appliqué à ce secteur, notamment son manque de lisibilité et son insuffisante cohérence avec la politique de soutien à l'innovation et les autres modes de régulation des dépenses de médicament mis en place.

De façon plus précise, il a relevé :

- l'apparition, pour les industriels, d'un nouvel acteur dans la régulation des dépenses de médicament, à savoir l'assurance maladie. L'année 2006 a, de ce point de vue, constitué un « tournant », en raison de la mise en oeuvre d'un plan d'économies sur le médicament d'une ampleur sans précédent ;

- les difficultés posées par le dispositif de la « clause de sauvegarde », notamment son incohérence avec le niveau de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et la politique de soutien à l'innovation ;

- l'empilement et l'instabilité des dispositifs fiscaux, ce qui nuit à l'attractivité de la France, alors que celle-ci dispose de réels atouts et a essayé de valoriser son image par le biais de plusieurs instruments, notamment le conseil stratégique des industries de santé (CSIS), le crédit d'impôt recherche et les pôles de compétitivité.

Insistant sur le fait qu'il ne s'agissait pas de renoncer à faire contribuer l'industrie du médicament, mais de le faire le plus intelligemment possible, M. Jean Jacques Jégou, rapporteur spécial , a exposé ses principales préconisations :

- replacer l'instrument fiscal dans un cadre pluriannuel, afin de donner plus de sécurité et de visibilité aux entreprises ;

- rechercher une meilleure cohérence, d'abord, entre la fiscalité affectée à l'Etat et celle affectée à l'assurance maladie, ensuite, entre la fiscalité et les autres instruments de régulation de la dépense de médicament, et, enfin, entre l'approche française et les actions mises en oeuvre au sein de l'Union européenne ;

- orienter davantage la fiscalité vers l'innovation et le bon usage du médicament.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a cependant noté que ce schéma ne pouvait être effectif que s'il s'accompagnait de plusieurs autres mesures de régulation de la dépense : un déremboursement plus systématique et rapide des médicaments à service médical rendu insuffisant ; une baisse de prix progressive, régulière et préalablement définie des médicaments de marque ou princeps, comme des génériques, après la perte de protection liée au brevet ; une généralisation du dispositif de « tiers-payant contre générique » ; enfin, une action résolue sur les prescriptions, afin d'éviter des glissements médicalement injustifiés vers des médicaments plus coûteux.

Il a insisté, par ailleurs, sur deux autres points importants qui, tout en s'éloignant du strict sujet de la fiscalité, ont un impact non négligeable sur ces questions : la nécessité de réduire les coûts de distribution du médicament et la prise en compte de la situation des organismes complémentaires.

M. Jean Arthuis, président , a indiqué que ce constat devait placer les autorités publiques devant leurs responsabilités afin de procéder à l'amélioration de la justice sociale et de la santé publique.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a précisé que l'avenir de la santé publique dépendait de l'existence d'une industrie pharmaceutique dynamique, qui risquerait de ne plus l'être si un dispositif de taxation disparate continuait à lui être appliqué. Il a également rappelé que, si le secteur du médicament constituait un domaine propice aux mesures de régulation, il ne représentait néanmoins qu'un tiers environ des dépenses de soins de ville du régime général. Par conséquent, des marges de manoeuvre existent sur d'autres postes de dépenses. Il a enfin insisté sur la nécessité, pour la France, de conserver une capacité de recherche et a évoqué, à cet égard, « l'initiative pour les médicaments innovants », lancée au niveau communautaire.

M. Jean Arthuis, président , a indiqué que la solvabilisation des dépenses de médicament par le système de protection sociale constituait un facteur pris en considération par les laboratoires pharmaceutiques au moment de leur décision d'investissement.

Répondant à M. François Trucy , M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a indiqué que l'industrie pharmaceutique contribuait à améliorer le solde extérieur de la France, la balance commerciale dans ce secteur étant excédentaire à hauteur d'environ 6 milliards d'euros.

M. François Autain a souligné le contexte globalisé dans lequel l'industrie pharmaceutique opérait, ce qui rendait difficile l'orientation des comportements des industriels dans un sens vertueux par le biais de l'outil fiscal. Il a également insisté sur la forte rentabilité de ce secteur d'activité, précisant que celle-ci s'expliquait par la solvabilisation des dépenses de médicament.

Rappelant le fort dynamisme de ce poste de dépenses, il s'est en particulier interrogé sur la mise sur le marché de médicaments nouveaux et coûteux n'apportant pas d'amélioration du service médical rendu par rapport aux produits déjà offerts sur le marché.

S'agissant du dispositif fiscal appliqué aux entreprises du médicament, M. François Autain a indiqué, d'une part, que la taxe sur la promotion du médicament ne remplissait pas son rôle et, d'autre part, que la clause de sauvegarde était une contribution fictive, dans la mesure où la majorité des laboratoires avait choisi l'alternative, qui leur était proposée, de conclure des conventions avec le comité économique des produits de santé (CEPS) plutôt que de se voir appliquer cette taxe. Soulignant l'opacité de ce dispositif, il a plaidé en faveur de la suppression de la clause de sauvegarde et de son remplacement par une action sur les prix des médicaments.

Répondant à M. François Autain , qui s'interrogeait sur l'opportunité de faire intervenir un nouvel acteur - le conseil stratégique des industries de santé - dans le système de régulation du secteur du médicament, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a indiqué que cette instance, qui existait déjà, gagnerait à être réunie plus régulièrement et pourrait constituer le cadre approprié du pilotage global du système de régulation du secteur du médicament, à condition que l'Union nationale des caisses d'assurance maladie y soit représentée. Il s'est également interrogé sur les conditions de mise sur le marché de médicaments nouveaux n'apportant pas d'amélioration du service médical rendu. Il a enfin précisé que les seules données dont il disposait s'agissant de la rentabilité des entreprises du médicament étaient celles transmises par la fédération des entreprises du médicament, le LEEM.

Répondant à M. Adrien Gouteyron , M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial , a indiqué que son rapport comprendrait des éléments de comparaison internationale.

La commission a alors donné acte au rapporteur spécial de sa communication et a décidé, à l'unanimité, d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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