CHAPITRE DEUX : MIEUX METTRE EN VALEUR LA CULTURE FRANÇAISE À L'ÉTRANGER

I. METTRE FIN AU MONOPOLE DU QUAI D'ORSAY

Votre rapporteur spécial, au cours de ses missions à l'étranger et de ses auditions, n'a pas trouvé de modèle étranger beaucoup plus convaincant que le modèle français, aussi perfectible soit-il . Les reproches, adressés aux centres culturels français, d'un rayonnement peut-être insuffisant au-delà d'un premier cercle, valent aussi pour le British Council, le Goethe Institut ou l'Institut Cervantès.

Les améliorations proposées par votre rapporteur spécial sont donc issues de l'originalité du modèle français, qui repose sur une tradition particulière de soutien public à la culture. Cette politique de soutien est celle du ministère de la culture, dont le budget a pris des proportions conséquentes depuis le ministère d'André Malraux. Il paraît regrettable que, dans le débat sur la place de la culture française dans le monde, de colloque en débat télévisé, le ministère de la culture se trouve interpellé, et propose des plans d'action, qui ignorent le levier éminent du réseau culturel à l'étranger. Entre la politique de soutien public à la création et une politique de diffusion internationale, il existe une nécessaire continuité, qui exige une stratégie unique, portée par un seul ministère : celui de la culture. Imagine-t-on que le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi se désintéresse de la politique à mettre en oeuvre en ce qui concerne le commerce extérieur ?

Notre politique culturelle à l'étranger n'est pas une politique autonome, une variante de notre diplomatie. Elle doit devenir ce qu'elle aurait toujours dû être : une partie intégrante de notre politique nationale de soutien à la création et à la diffusion culturelle.

Cette évidence est encore plus forte s'agissant de l'internationalisation de nos universités, et du développement de leurs programmes d'échanges d'étudiants et de chercheurs. La stratégie politique est pilotée par le ministère de l'enseignement supérieur : celui-ci doit donc disposer de l'ensemble des outils dans ce domaine.

Il doit donc y avoir application d'un principe de subsidiarité . Aux ministères compétents de définir leur stratégie d'action à l'international : le Quai d'Orsay ne doit pas définir de stratégie à leur place , mais jouer un rôle de conseil, et accompagner le déploiement des actions culturelles, scientifiques et universitaires par le soutien de son réseau à l'étranger.

L'action culturelle à l'étranger est donc d'abord un service rendu à la création française. C'est bien la logique du « soft power », de la « diplomatie d'influence », que de signifier l'influence de la France derrière la vitalité culturelle, plutôt que de mettre en avant nos administrations et instituts. Le prêt de la Joconde aux Etats-Unis en 1963 décidé par le ministère de la culture et qui fait a l'objet d'un extraordinaire retentissement, la campagne pour sauver les temples de Nubie également menée par André Malraux, le projet du Louvre à Abu Dabhi constituent autant d'opérations de rayonnement culturel dont la France a su ensuite tirer un parti diplomatique.

A. EN FINIR AVEC LE « YALTA » : AU MINISTÈRE DE LA CULTURE, LA CULTURE EN FRANCE, AU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, LA CULTURE À L'ÉTRANGER

Il existe aujourd'hui un « Yalta » qui remonte à l'époque d'André Malraux : au ministère de la culture, la culture en France ; au ministère des affaires étrangères le monopole de la culture à l'étranger. Malgré quelques amodiations, en ce qui concerne l'audiovisuel extérieur, désormais sous la responsabilité de la direction du développement des médias 18 ( * ) , la distinction demeure dans la stratégie conduite.

1. Le nécessaire engagement du ministère de la culture

Depuis les années 60, le budget du ministère de la culture s'est développé de façon considérable. Si le Quai d'Orsay a su pallier pendant longtemps l'absence d'administration culturelle en proposant de sa propre initiative des vitrines à l'étranger, pour promouvoir l'art et l'esprit français, il a vocation désormais à s'effacer devant le ministère qui porte la responsabilité de la politique culturelle. Il ne s'agit pas, dans l'esprit de votre rapporteur spécial, de nier tout rôle au Quai d'Orsay : celui-ci a vocation, tout d'abord, à garder un rôle de conseil dans cette politique de rayonnement culturel, et c'est bien évidemment ensuite sous l'autorité des ambassadeurs , qui doivent avoir une pleine autorité sur le réseau à l'étranger, que doivent être gérés les agents affectés à cette politique.

Il ne paraît plus possible de maintenir la césure entre la politique de soutien à la création et la politique de diffusion internationale de la culture française. Dans les débats sur l'affaiblissement du rayonnement culturel français, le ministre chargé de la culture est invité à apporter des réponses. Il propose des mesures, en ce qui concerne par exemple le marché de l'art, relevant d'une approche purement nationale, parce qu'il ne dispose pas des leviers nécessaires à l'international. Certes, dans un certain nombre de cas, l'engagement budgétaire du ministère de la culture est réel : les structures animées par les industries culturelles - Bureau export de la musique, Unifrance, le Bureau du livre - sont davantage soutenues par le ministère de la culture que par celui du ministère des affaires étrangères et européennes. Le ministère de la culture siège au conseil d'administration de CulturesFrance , mais sa participation faible au budget de l'organisme, l'empêche de jouer un rôle déterminant dans le pilotage de cet organisme. Au sein de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), le sous-directeur de la coopération culturelle et artistique est un agent du ministère de la culture.

Mais, au-delà, l'engagement du ministère de la culture dans la stratégie conduite n'apparaît pas clairement. A l'heure où les diplomates culturels ont le sentiment d'une crise « identitaire » de leur réseau, cette absence d'implication pose un réel problème.

A fortiori , l'internationalisation de nos universités, et le développement de leurs programmes d'échanges d'étudiants et de chercheurs, est du ressort du ministère de l'enseignement supérieur , malgré l'intervention du Quai d'Orsay. Celle-ci se caractérise notamment encore aujourd'hui par une administration centrale importante, et la définition d'une stratégie qui paraît pourtant de la compétence exclusive du ministère de l'enseignement supérieur.

* 18 Services généraux du Premier ministre.

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