3. Une redistributivité principalement compensatrice

Enfin, on est fondé à affiner l'approche des propriétés redistributives du système public de prise en charge des dépenses de santé sur les revenus en s'efforçant de neutraliser les effets de la redistributivité horizontale du système sur sa redistributivité verticale pour savoir si des personnes ne se différenciant que sous l'angle de leurs revenus bénéficient de retours différenciés.

En effet, le niveau de revenu des ménages n'est pas indépendant du sexe ou de l'âge qui, eux-mêmes, influent sur l'état de santé - il décroît à mesure que celui-ci augmente - et l'état de santé des personnes n'est pas distribué de façon homogène dans la population - il est plutôt moins bon quand les revenus sont plus modestes (entre autres parce que les personnes âgées qui ont de plus faibles revenus sont aussi des personnes en état de santé relativement moins bon).

Une fois ces effets de structure neutralisés, la redistributivité du système est atténuée .

La redistributivité verticale des dépenses publiques de santé résulte, pour partie, de caractéristiques médicales et de la répartition très inégale de la consommation de soins entre individus du fait de caractéristiques indépendantes du revenu mais, pour partie aussi, elle est en lien avec le niveau relatif du revenu.

Ces constats sont attestés par les graphiques ci-dessous.

CONSOMMATION ANNUELLE DE SOINS SELON LE NIVEAU DE VIE,
À ÂGE ET SEXE DONNÉS

Lecture : en 2003, un individu faisant partie des 20 % des personnes les plus modestes en termes de niveau de vie (1 er quintile : Q1) passe en moyenne 45 % de nuits en plus à l'hôpital que la moyenne de la population de même sexe et de même groupe d'âge, tandis qu'un individu faisant partie des 20 % les plus aisés (5 e quintile : Q5) y passe en moyenne 30 % de nuits en moins.

Champ : France métropolitaine, ensemble des individus.

Source : « En quoi la prise en compte des transferts liés à la santé modifie-t-elle l'appréciation du niveau de vie ? », François Marical. France. Portrait social. 2007. Insee

Il apparaît en particulier que, si les personnes relativement modestes ont moins accès aux spécialistes et aux dentistes que les autres, elles ont beaucoup plus recours à des consultations des généralistes et aux services hospitaliers.

Les personnes de revenu modeste ont une perception 118 ( * ) de leur état de santé très différente des autres couches de la population. Et cette perception les conduit à une consommation médicale qui, à âges et sexes donnés, est plus élevée.

PERCEPTION DE L'ÉTAT DE SANTÉ SELON LE NIVEAU DE VIE

Lecture : en 2003, à âge et sexe donnés, un individu faisant partie des 20 % des personnes les plus modestes en termes de niveau de vie (1 er quintile : Q1) déclare 1,9 fois plus souvent que la moyenne être en mauvaise ou très mauvaise santé.

Champ : France métropolitaine, ensemble des individus.

Source : « En quoi la prise en compte des transferts liés à la santé modifie-t-elle l'appréciation du niveau de vie ? », François Marical. France. Portrait social. 2007. Insee

Le tableau ci-après permet de neutraliser ce qui revient aux facteurs d'âge et d'état de santé dans les dépenses de soins et les remboursements perçus par chaque quintile de revenu .

INDICES DES DÉPENSES MOYENNES DE SOINS DES MÉNAGES
ET DES REMBOURSEMENTS MOYENS PERÇUS EN 2003,
CORRIGÉS DE LA STRUCTURE D'ÂGE ET DE L'ÉTAT DE SANTÉ
(BASE 100 POUR LES DÉPENSES TOTALES BRUTES)

Note de lecture : la dernière colonne du tableau indique le niveau des dépenses de santé relatif de chaque quintile de revenu mesuré en neutralisant les facteurs « âge » et « état de santé » qui peuvent les singulariser quand on observe la réalité. Les personnes appartenant au premier quintile de niveau de vie ont une consommation totale de soins de 106 contre 100 pour l'ensemble de la population.

Sources : « L'assurance-maladie contribue-t-elle à redistribuer les revenus ? », Laurent Caussat, Sylvie Le Minez et Denis Raynaud. DREES, « Les dossiers solidarité et santé », n° 1, janvier-mars 2005.

Si dans chaque quintile , la distribution des états de santé était identique, avec la même pyramide des âges, les ménages les plus modestes présenteraient toujours les dépenses les plus élevées. Mais, ils seraient suivis des ménages du dernier quintile dont la faiblesse apparente des dépenses de soins vient de ce qu'il comporte une faible proportion de personnes âgées et des individus bénéficiant d'un meilleur état de santé à structure d'âge comparable.

Quant aux remboursements, ceux versés par l'assurance-maladie obligatoire restent décroissants avec le niveau de vie, mais la correction selon l'âge et l'état de santé atténue ce constat .

Le rapport entre les deux quintiles extrêmes (Q1/Q5) diminue un peu, passant de 1,22 à 1,17 grâce à la prise en compte du meilleur état de santé des ménages les plus favorisés.

Le rapport entre le deuxième et le dernier quintile diminue encore plus nettement.

Les remboursements versés par les assurances complémentaires restent croissants avec le niveau de vie, résultat qui confirme l'anti-redistributivité de ces remboursements.

Autrement dit, si la redistributivité verticale du système d'assurance-maladie publique est le reflet de comportements de demandes et de taux de remboursement allant dans le sens d'une concentration relative des dépenses publiques vers les moins riches, une partie de la redistributivité est le reflet de compositions différentes des différentes strates de la population sous l'angle de leurs expositions au risque-santé en lien avec des caractéristiques socio-démographiques.

Il serait ainsi sans doute un peu abusif d'évoquer une égalisation des niveaux de vie puisque celle-ci n'intervient pour une grande partie qu'à l'occasion d'une dégradation de l'état de santé, comme une sorte de réparation .

Par ailleurs, les approches instantanées de la redistribution verticale des dépenses de santé devraient être complétées par des études sur le cycle de vie . En effet, l'âge étant une composante majeure du risque et influant sur l'appartenance aux différentes couches de revenu, le constat d'une redistributivité verticale pourrait traduire pour beaucoup les effets d'un glissement des personnes vers des catégories de plus bas revenus, une fois un certain âge dépassé .

Des raisonnements analogues à ceux qui orientent les travaux sur la redistributivité des systèmes de retraite, en particulier la considération des taux de rendement des cotisations, devraient être conduits. Cela permettrait en outre de disposer d'une estimation des effets de redistribution entre générations.

* 118 La perception plutôt que l'état de santé est ici utilisée par simplicité et par ses propriétés prédictives de la consommation médicale.

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