II. LES DÉPENSES SOCIALES DANS LES PAYS DÉVELOPPÉS, DERRIÈRE LA DIVERSITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES, UNE CERTAINE HOMOGÉNÉITÉ DES RICHESSES TOTALES CONSACRÉES À LA PROTECTION SOCIALE

L' hétérogénéité des niveaux de richesse allouée à la protection sociale dans les pays développés de l' OCDE , qui représentent un champ plus vaste que la seule Union européenne, parait très forte à l'aune des seules dépenses publiques sociales .

Se dégage ainsi une impression qui imprègne souvent le débat public : celle d'une certaine frilosité de l'Europe comparée au goût du risque des grands « modèles » extérieurs à son espace.

Mais, les données disponibles sur les dépenses fiscales et surtout sur les dépenses privées de sécurité sociale modifient considérablement ce paysage .

Quand on les ajoute aux dépenses publiques, la fraction de la richesse nationale dédiée à la protection sociale dans les pays de développement comparable révèle des préférences beaucoup plus homogènes .

Compte tenu des choix statistiques opérés, qui ne permettent pas d'effacer tous les effets des différences institutionnelles entre pays, on est conduit à estimer que les différences qui subsistent après intégration des dépenses sociales, usuellement omises dans le débat public, majorent encore les différences internationales par rapport aux situations réelles des pays.

En bref, le soi-disant contraste entre l'Europe et son environnement international de niveau de développement économique comparable au regard des risques sociaux n'a pas la réalité tangible qu'on lui prête .

Au-delà, le constat que, derrière la forte diversité du niveau des dépenses publiques sociales il existe une assez grande homogénéité des ressources économiques consacrées à la protection sociale, suggère quelques réflexions :

- il est en cohérence avec l'intuition selon laquelle il existe chez les agents économiques des « préférences » analogues ;

- il conduit à relativiser l'impact des choix d'organisation puisque le niveau des dépenses publiques ne détermine que « marginalement » le niveau des ressources économiques consacrées aux assurances sociales.

Toutefois, même marginales, des différences subsistent. Elles sont manifestement liées à des particularités de contexte : le taux de chômage, la proportion des personnes âgées... Mais, elles portent aussi, bien que résiduellement, la marque du développement relatif de l'intervention collective. Selon votre rapporteur, c'est la composante redistributive de celle-ci qui exerce là son influence.

Autrement dit, si les dépenses publiques sociales exercent un effet marginal sur le niveau des ressources économiques consacrées à la protection sociale, c'est principalement du fait de leurs propriétés redistributives.

A. LE CHAMP DE L'ANALYSE DES DÉPENSES DE PROTECTION SOCIALE DOIT ÊTRE ÉLARGI POUR EN SAISIR RÉELLEMENT LES ENJEUX

Le niveau des dépenses sociales et leur évolution, sont, malheureusement, généralement appréhendés sur la base de données relatives aux seules dépenses publiques et, qui plus est, aux seules dépenses publiques brutes.

Dans cette approche, elles ne sont corrigées ni des prélèvements obligatoires (que leurs bénéficiaires peuvent devoir supporter), ni de l'ensemble des dépenses fiscales qui peuvent tenir lieu d'avantages sociaux, et elles n'intègrent pas la totalité du revenu national destiné à la protection sociale puisque la plupart des ressources privées dont les agents bénéficient au titre de leur protection sociale individuelle sont ignorées .

1. Passer des dépenses publiques brutes aux dépenses publiques nettes

Le raisonnement en dépenses brutes est justifié pour les services collectifs en nature qui ne donnent pas lieu usuellement à la perception d'impôts ou de taxes 25 ( * ) et ne sont pas davantage pris en compte dans le revenu fiscal des utilisateurs.

En revanche , pour les dépenses publiques de transferts (subventions, prestations sociales en espèces...), il convient d'ajouter à la seule considération des dépenses brutes celle des dépenses nettes des impositions qu'elles peuvent supporter, afin de disposer d'une vue plus précise de leur impact et de données autorisant des comparaisons plus justes dans le temps ou entre pays.

En effet, plus la pression fiscale est forte sur de tels transferts, plus les transferts bruts doivent être élevés pour un même niveau de transferts nets .

Raisonner sur les seules dépenses publiques brutes, comme c'est l'usage dans le débat public, est par conséquent insuffisamment éclairant :

- quant aux avantages réellement procurés à leurs bénéficiaires par les dépenses de transferts ;

- et, symétriquement, sur la contribution réelle de la collectivité à la satisfaction des besoins.

En outre, comme les taux d'imposition varient selon les pays, ou dans le temps, le critère des dépenses publiques brutes conduit à exagérer la dispersion des niveaux d'intervention publique lorsqu'il est seul utilisé pour analyser celle-ci. De fait, les dépenses publiques nettes sont moins différenciées .

La référence aux dépenses publiques nettes, en plus de celles des dépenses publiques brutes, s'impose donc .

Elle n'est disponible que pour les seules dépenses publiques sociales, grâce à une base de données de l'OCDE destinée à compléter ses publications statistiques qui, d'ordinaire, ne recensent que les dépenses publiques brutes .

* 25 Il reste que la consommation privée de ces services peut bénéficier d'avantages fiscaux considérables qui ne sont pas recensés en dépenses publiques. Le secteur du logement offre un champ d'observations privilégié en ce domaine.

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