CHAPITRE I - LES DÉPENSES PUBLIQUES, UNE DIVERSITÉ À GÉOMÉTRIE VARIABLE

La catégorisation des dépenses publiques effectuée par la Comptabilité nationale, qui est essentiellement centrée sur les moyens plus que sur les politiques, ne donne pas une information complète sur la nature économique des dépenses publiques.

En outre, certaines classifications sont trompeuses . Tel est le cas de la formation brute de capital fixe qui est très loin de rendre compte de la contribution des dépenses publiques à l'investissement disponible 3 ( * ) .

Cependant , l' analyse des évolutions des dépenses publiques dans les cadres de la Comptabilité nationale conserve une réelle utilité pour appréhender certains aspects de la nature de ces dépenses publiques.

Elle permet notamment de prendre la mesure du partage entre leurs opérations de production et de répartition et de réunir des informations sur la fonction de production des administrations publiques, en précisant la combinaison des moyens qu'elles utilisent pour produire les biens et services publics.

PRÉCISIONS DE MÉTHODE

- Dans la ligne des conventions de la Comptabilité nationale, l'OCDE propose un classement harmonisé des dépenses publiques en quatre composantes :

- la consommation finale des administrations publiques ;

- les transferts sociaux versés aux ménages ;

- un ensemble composé des intérêts nets versés par les administrations publiques et des subventions aux entreprises ;

- la « formation brute de capital fixe », qui comprend aussi les aides publiques à l'investissement .

- Les principales composantes de la consommation finale des administrations publiques sont les rémunérations des agents publics , les « consommations intermédiaires », la consommation de capital fixe (amortissement des bâtiments et autres investissements utilisés par les administrations), les impôts indirects payés par les administrations elles-mêmes (moins les subventions reçues).

La consommation publique correspond ainsi aux moyens mis en oeuvre pour le fonctionnement des administrations publiques dans leur activité de production ou de redistribution, à l' exception des dépenses d'investissement . L'essentiel de ces consommations est engagé dans les activités de production des administrations publiques (éducation, police, santé...), la gestion de la redistribution étant plus économe en consommation publique.

- Les autres rubriques regroupent des dépenses que leur intitulé désigne clairement. Il faut, toutefois, insister sur le fait que les dépenses de « formation brute de capital fixe » regroupent les seules dépenses liées à l'acquisition de biens durables par les administrations publiques et non pas la totalité des dépenses par lesquelles les administrations publiques concourent à la production de biens durables, qui sont majoritairement imputées en consommation publique .

Les insuffisances des données usuelles de la Comptabilité nationale ont fait naître un grand nombre de propositions et ont engendré quelques initiatives dont les prolongements ne sont pas encore achevés. Parmi celles-ci figure la constitution d'une classification fonctionnelle des dépenses publiques (voir annexe n°3) qui enrichit les données plus traditionnelles et dont on propose une analyse à la fin du présent chapitre.

Dans les pays de l'OCDE, les dépenses publiques sont majoritairement des dépenses sociales, qui, pour l'essentiel, sont la contrepartie de systèmes collectifs d'assurance .

Si on ajoute à ces dépenses les transferts économiques au titre des subventions et les intérêts versés par les administrations publiques du fait de la dette publique, c'est de près des deux tiers du total des dépenses publiques qu'on rend compte .

La part des dépenses publiques destinées à produire des biens et services est donc minoritaire et très concentrée . Elle va, pour plus de la moitié, à deux secteurs : la santé et l'éducation .

L' essentiel des différences existant entre les pays développés relativement au niveau relatif des dépenses publiques provient donc de l'ampleur des assurances sociales publiques qui influence largement les écarts de niveaux des dépenses publiques entre pays, en lien principalement avec les ressources consacrées aux retraites.

Sur les dépenses publiques hors protection sociale, les choix entre les pays de l'OCDE présentent un plus haut degré d'homogénéité .

Quant aux dépenses sociales, une modification du périmètre de l'intervention collective ne semble pas devoir exercer des effets radicaux sur l'allocation globale du revenu national, puisque , comme on le verra dans le chapitre suivant, les préférences des agents économiques en ce domaine, semblent homogènes dans les pays de développement comparable .

I. LE RÔLE PRINCIPAL DES TRANSFERTS DANS LES NIVEAUX DES DÉPENSES PUBLIQUES ET LEURS ÉCARTS ENTRE PAYS

Les dépenses publiques sont majoritairement consacrées à la fonction de répartition du revenu avec, par ailleurs, une prépondérance des transferts sociaux (retraites, assurance-chômage et maladie, allocations de logement...).

Cette prééminence est particulièrement prononcée dans les pays européens. Les dépenses publiques sociales, de loin les plus dynamiques sur très longue période (voir l'annexe n° 1), ont encore renforcé leur importance relative ces dix dernières années.

A. LA PLACE PRÉPONDÉRANTE DES TRANSFERTS, EN LIEN AVEC L'IMPORTANCE DES DÉPENSES SOCIALES

Quel que soit le groupe de pays pris en référence, les dépenses publiques de transfert sont majoritaires, du fait de l'importance des prestations sociales .

Mais, les dépenses publiques sont dans les pays extra-européens plutôt plus consacrées à produire des biens et services publics.

1. En Europe, une prépondérance très nette

En 2005 , la structure moyenne des dépenses publiques dans les pays de la zone euro est la suivante .

a) La structure des dépenses publiques en Europe

STRUCTURE DES DÉPENSES PUBLIQUES EN EUROPE 1 (EN %)

1995

2005

Variations
en points

Consommations intermédiaires

9,1

10,6

+1,5

Traitements publics

20,6

21,9

+1,3

Intérêts

10,2

6,3

-3,9

Subventions

3,1

2,6

-0,5

Allocations sociales 2

41,1

45,9

+4,8

Autres (fonctionnement)

3,0

4,7

+1,7

Transferts en capital

7,9

2,7

-5,2

Investissements

5,0

5,3

+0,3

Total

100

100

0

1 Europe des 12 : zone euro.
2 Hors Santé.

Source : Commission européenne. Rapport sur les finances publiques dans l'Union européenne. 2006.

* Les dépenses de protection sociale au sens strict , c'est-à-dire hors dépenses de santé , représentent 40,1 % des dépenses publiques dans l' Union européenne à 25 .

Pour la zone euro, les dépenses publiques étant pour presque pour moitié (45,9 %) des dépenses sociales , avec les autres types de transferts (les subventions, les intérêts...), les dépenses dites de répartition représentent presque deux tiers du total ( 62,2 % ).

Les dépenses de fonctionnement et d'investissement , qui correspondent à la production des administrations publiques , avec 37,8 % , sont minoritaires . Les dépenses d'investissement absorbent environ 5 % du total (5,3 %). Les dépenses de traitement des agents publics (21,9 %) et les consommations intermédiaires (10,6 %) situent les dépenses publiques de fonctionnement à 32,5 % de l'ensemble des dépenses publiques .

Cet ordre de grandeur, un peu moins d'un tiers du total des dépenses publiques, situe mieux que l'ensemble des dépenses publiques, qui est pourtant souvent la référence dans les débats publics, les ressources mobilisées par l'État au service de ses productions propres .

* 3 Au demeurant, les comptables nationaux ne prétendent pas à cette ambition qui leur est souvent prêtée, à tort.

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