b) L'accent mis sur la qualité

Ce constat a incité de nombreux pays à s'interroger sur les performances de leurs systèmes d'enseignement supérieur, conduisant certains à juger que la question des universités était désormais considérée comme « trop importante pour être laissée aux seuls universitaires 11 ( * ) »...

La « qualité » de l'enseignement supérieur est désormais considérée comme un défi majeur.

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET CROISSANCE : UN LIEN DÉBATTU

Les « nouvelles théories de la croissance » suggèrent un lien étroit entre éducation et croissance économique, par le biais d'un accroissement du capital humain produisant des rendements croissants et des externalités positives. La vérification empirique de ces théories est toutefois controversée. S'agissant plus précisément du lien entre enseignement supérieur et croissance, les phénomènes suivants doivent être pris en compte, même si leur quantification est incertaine :

- d'une part, si l'éducation accroît la productivité, elle agit également comme un « signal » pour identifier les individus les plus doués ou les plus aptes au travail, indépendamment du contenu de l'enseignement et des qualifications acquises. Ce phénomène, identifié par Spence en 1974, contribue à orienter les étudiants vers des filières de prestige, avec à la clef des qualifications dont l'intérêt direct, en termes de productivité, pour les employeurs et pour l'économie, est incertaine ;

- d'autre part, le lien de causalité entre éducation et croissance est aussi inverse . Plus le niveau général des qualifications s'accroît, plus il devient risqué de ne pas accéder à l'enseignement supérieur. Des emplois auparavant ouverts aux non diplômés requièrent désormais un diplôme, alors même que leur nature n'a pas fondamentalement changé, conduisant à un phénomène de surqualification de la main d'oeuvre, sans effet positif direct sur la croissance ;

- enfin, l'augmentation du nombre d'étudiants entraîne une augmentation du nombre d'enseignants, s'accompagnant en général d'une détérioration de leurs conditions de travail et de leurs salaires , au risque de rendre cette profession moins attractive et de diminuer la qualité de l'enseignement.

D'après Wolff, A. (2004), il existe un paradoxe à se fonder sur des indicateurs purement quantitatifs tels que la durée des études, pour évaluer le niveau des qualifications, alors que la plupart des activités économiques s'évaluent selon leur capacité à atteindre rapidement un résultat donné, non à l'aune de la durée du processus mis en oeuvre pour aboutir à ce résultat. Des objectifs en termes de taux d'accès à l'enseignement supérieur ont pourtant été retenus en Allemagne (40 %), en Suède (50 %), au Royaume-Uni (50 %) ainsi qu'en France (50 % d'une classe d'âge d'ici 2012). Or mettre l'accent sur le pourcentage de la population accédant à un diplôme de l'enseignement supérieur ou sur le nombre d'années d'études risque de conduire à des politiques publiques inadaptées . L'auteur précité identifie néanmoins une relation positive entre éducation et croissance, sous trois aspects :

- d'une part, le développement de l'enseignement accroît dans certains cas la productivité, mais dans des situations différentes selon les pays et selon les époques, en sorte que l'on ne peut en déduire de règle générale ;

- d'autre part, plusieurs travaux montrent que le développement des études scientifiques , notamment mathématiques, serait un atout dans les pays développés, dans le contexte d'essor des technologies de l'information et de la communication ;

- enfin, l'existence d'une recherche innovante en coopération avec les entreprises est un facteur favorable à la croissance.

En outre, plusieurs études procédant au moyen de techniques d'évaluation concluent à l'existence d'une rentabilité macroéconomique propre des études supérieures (Maurin, McNally, Mincer).

L'enseignement supérieur constitue donc un levier de croissance , à actionner de manière approprié en fonction d'objectifs qualitatifs prédéfinis.

Sources :«Tertiary education for the knowledge society», OECD thematic review of tertiary education (2008) ; Wolf, A (2004), «Education and economic performance : simplistic theories and their policy consequences » in Oxford Review of Economic policy, vol. 20, n° 2.

L'accent ainsi mis sur la qualité justifie des démarches d' évaluation .

L'évaluation constitue, comme l'éducation sur laquelle elle doit avoir un effet bénéfique, un bien producteur d'externalités , c'est-à-dire d'effets positifs pour l'ensemble des agents économiques, mais non pris en charge par le marché et ne faisant donc pas l'objet d'une évaluation monétaire. L'évaluation possède l'un des attributs des biens publics, à savoir la non-rivalité , dans la mesure où sa consommation par un agent n'exclut pas sa consommation par un autre agent pour un coût marginal nul.

L 'évaluation, aussi dénommée « assurance qualité », est susceptible d'améliorer l'allocation des ressources financières et de procurer aux étudiants et enseignants l'information nécessaire à la réalisation des choix les mieux adaptés à leurs objectifs. Le risque est qu'il soit privatisé et produit de façon insatisfaisante par le marché.

Si le rôle économique de l'enseignement supérieur justifie des démarches d'évaluation, il ne suffit pas à en expliquer le succès auprès des médias et du public.

* 11 Jan Sadlak, Directeur du Centre européen pour l'enseignement supérieur (CEPES) de l'UNESCO, lors de la Conférence sur les enjeux des classements universitaires (Université de Leiden, 16 février 2006).

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