C. CONSOLIDER LA RÉNOVATION DES ENSEIGNEMENTS ARTISTIQUES

La loi du 13 août 2004 et les textes d'application qui ont suivi son adoption sont perçus, comme cela a été souligné dans la deuxième partie du rapport, ainsi qu'une formidable opportunité de rénover et moderniser notre système des enseignements artistiques.

Il convient néanmoins d'accompagner ces mutations afin de bien en mesurer et en anticiper toutes les incidences. Deux questions majeures - et éminemment politiques - se posent :

- quelles doivent être les missions des conservatoires au XXI e siècle ?

- quelles sont les finalités des formations artistiques, au regard des attentes des jeunes et des besoins de notre environnement professionnel ?

1. Accompagner les évolutions et le renouveau des missions des établissements d'enseignement artistique

L'évolution des missions des établissements d'enseignement artistique est à la fois une exigence et une réalité :

- une exigence, car il est indispensable de sortir les établissements de leur image encore parfois élitiste et inaccessible pour une grande partie de la population ; cette plus grande ouverture sur la Cité passe par leur ouverture à la diversité des publics : il s'agit de passer d'une logique d'offre à une logique de demande ;

- une réalité, car les établissements les plus dynamiques assument déjà pleinement ce rôle, qui leur paraît être le socle même de leurs missions et leur « coeur de métier ».

a) S'adapter aux attentes des publics : un enjeu de démocratisation de la culture

Il appartient tout d'abord aux établissements d'enseignement artistique, comme certains l'ont bien compris, de prendre en compte l'enjeu fondamental de l'épanouissement de l'élève, en offrant à chacun le choix de pratiquer une discipline artistique en fonction de son projet personnel : cela s'entend de l'éveil jusqu'aux différentes formes d'excellence, qu'elles aient pour finalité une pratique amateur ou professionnelle.

(1) Mettre les pratiques amateurs et les pratiques collectives au coeur des missions

Mme Noémi Lefèbvre, chercheuse en sciences politiques 17 ( * ) , analyse les raisons pour lesquelles notre pays éprouve des difficultés à démocratiser l'enseignement de la musique. Elle estime que le développement de la « perfection comme valeur » et « l'absence de la musique en train de se faire » sont des obstacles à l'épanouissement musical des élèves dans leur apprentissage : « comment « vouloir jusqu'au bout » l'accès de tous à la musique si la musique n'est pas dans l'apprentissage, mais seulement dans son aboutissement ? ».

Elle rappelle que notre contexte institutionnel est originellement professionnalisant et que sa structure pyramidale, construite en commençant par le sommet, n'encourage pas « l'amateurisme actif ».

Encore aujourd'hui, il semble que la formation des professeurs les incite, peut-être dans une démarche assez humaine de reproduction de leur propre expérience, à privilégier un enseignement en face à face, qui peut être d'une grande exigence. Ceci peut écarter un certain nombre d'élèves d'un chemin artistique, dans la mesure où l'exigence prendra le pas sur la satisfaction et le plaisir à jouer.

Le fait d'inciter assez vite l'élève à participer à des pratiques collectives peut permettre d'ancrer sa motivation, car le partage peut-être un moteur, en raison de son caractère à la fois ludique et stimulant.

Mettre la formation des amateurs, qui sont aussi les plus nombreux, au même niveau que celle des futurs professionnels suppose une évolution de la pédagogie des enseignants, formés à l'excellence. Ce changement de pédagogie est fondamental en vue d'un meilleur épanouissement des élèves.

Ceci s'avère d'autant plus nécessaire que l'arrivée des nouvelles technologies peut modifier les modes d'apprentissage et éloigner les jeunes des lieux traditionnels de formation.

Par ailleurs, se préoccuper davantage des pratiques amateurs implique de mieux tenir compte des besoins et contraintes des intéressés , jeunes et adultes, y compris en termes d'accueil ou de mise à disposition de salles.

(2) S'ouvrir aux nouvelles esthétiques

Nombre des interlocuteurs auditionnés par votre rapporteur ont souligné l'impérieuse nécessité d'ouvrir davantage les établissements d'enseignement artistique aux nouvelles esthétiques.

Sans être exhaustif, on pense par exemple naturellement aux musiques dites actuelles, au hip-hop, à la danse africaine etc.

En effet, il est essentiel, au-delà des formations classiques, de pouvoir s'adapter à l'évolution des goûts et des pratiques .

(3) Lancer des opérations « Osez le conservatoire » afin d'en démystifier l'accès

Faisant un parallèle avec l'accès aux grandes écoles dans notre pays, votre rapporteur est frappée par le succès des opérations lancées pour lutter contre l'autocensure qui conduit de brillants bacheliers à renoncer à intégrer une classe préparatoire pouvant leur permettre d'accéder à une telle école.

Face au constat de la dégradation de la diversité sociale des étudiants en classes préparatoires et dans les grandes écoles, et afin de briser des préjugés tenaces, les académies diffusent, depuis environ deux ans, au moment des procédures d'inscription en classes préparatoires, une brochure au titre éloquent : « Osez la prépa ! » .

Attirer de nouveaux et jeunes publics vers les conservatoires suppose aussi une évolution de leurs mentalités, afin qu'ils osent en franchir la porte.

C'est pourquoi votre rapporteur propose le lancement, en début d'année scolaire, d'opérations : « Osez le conservatoire » . Si chaque jeune pouvait se poser la question : « Jouer d'un instrument, chanter, jouer, danser, pourquoi pas moi ? », nous aurions fait un grand pas en avant. La réponse appartient à chaque jeune et à sa famille, mais encore faut-il que la démarche est au moins pu être envisagée...

Une telle opération suppose bien entendu un partenariat entre les ministères concernés.

* 17 Voir son article dans « les cahiers de recherches » (Enseigner la musique n° 9 et 10) du Cefedem Rhône-Alpes et du Conservatoire national supérieur musique et danse de Lyon (2007).

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