B. DIFFÉRENTS FACTEURS EXPLIQUENT L'ATTRACTIVITÉ MAHORAISE

1. Une situation économique meilleure que celle de ses voisins

Malgré l'ensemble des difficultés économiques et sociales auxquelles fait face Mayotte et évoquées ci-avant, l'île reste particulièrement attractive pour les populations des pays voisins.

Le rapport de nos collègues Georges Othilly et François-Noël Buffet, rédigé en 2006 dans le cadre de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine 16 ( * ) , relevait que le produit national brut par habitant de la collectivité départementale de Mayotte, qui s'élevait à 3.960 euros, « était, en mai 2005, neuf fois supérieur à celui des Comores, qui s'élève à seulement 431 euros » . Par ailleurs, selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l'indice de développement humain de l'archipel des Comores est évalué en 2005 à 0,561, au 134e rang mondial sur les 177 pays étudiés (pour information, l'IDH français est de 0,952 et se situe au 10 e rang mondial). Rappelons que l'IDH est un indice composite, sans unité, compris entre 0 (mauvais) et 1 (excellent), calculé par la moyenne de trois indices quantifiant la santé et la longévité, le savoir ou niveau d'éducation et le niveau de vie.

La situation économique et sociale des pays proches de Mayotte situés sur le continent africain n'est pas meilleure. Ainsi, l'IDH de Tanzanie en 2005 s'élevait à 0,467, au 156 e rang mondial, et celui du Mozambique à 0,384, au 172 e rang mondial. Enfin, l'île de Madagascar a un IDH de 0,407, au 143 e rang mondial.

Ces différences expliquent l'importance des motifs économiques d'immigration. Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer fait ainsi état d'une étude, encore non publiée, menée par l'INSERM en collaboration avec la cellule interrégionale d'épidémiologie Réunion - Mayotte, à la demande de l'Agence française de développement, sur les déterminants de l'immigration à Mayotte. Sur l'échantillon de 2.400 personnes interrogées, les motifs d'immigrations cités sont , dans l'ordre :

- les motifs économiques (48 %) ;

- les motifs familiaux (26 %) ;

- l'avenir des enfants (10,2 %) ;

- les motifs de santé (8,8 %) ;

- la scolarité des enfants (6,5 %).

2. La pression démographique subie par l'archipel des Comores

Outre le fossé de développement économique qui sépare Mayotte de ses voisins directs, la pression démographique à laquelle est soumis l'archipel des Comores est aussi un facteur amplifiant les flux d'immigration clandestine .

Le PNUD relève que « les Comores sont un pays à démographie explosive avec un taux d'accroissement annuel moyen de 2,1% entre 1991 et 2003 et sont surpeuplées avec une densité moyenne de 309 habitants par km² et atteignant même 575 habitants par km² à Ndzuwani [Anjouan] » 17 ( * ) . Cette très forte densité, particulièrement à Anjouan, l'île la plus proche de Mayotte, qui s'ajoute aux difficultés économiques des territoires, est un facteur supplémentaire de migrations. La population comorienne est, par ailleurs, particulièrement jeune puisque 53 % de la population a moins de 20 ans et 42 % moins de 15 ans.

La perspective d'une amélioration de la situation de ces populations au travers d'une émigration à Mayotte les pousse à émigrer clandestinement sur l'île.

3. La situation politique tendue de l'île d'Anjouan

L'émigration d'Anjouan répond également à des motivations politiques . En 1997, des mouvements naissent sur l'île d'Anjouan pour revendiquer l'appartenance de l'île à la République française. En juillet 1997, plusieurs manifestations ont lieu au cours desquelles sont notamment brandis des drapeaux français. Les partisans de l'Organisation pour l'indépendance d'Anjouan (OPIA) prennent alors possession des bureaux du gouverneur de l'île, installant à la tête du nouveau directoire M. Abadallah Ibrahim. Dans une lettre adressée au Premier ministre comorien, le 18 juillet 1997, M. Abadallah Ibrahim affirme que l'île d'Anjouan « appartient aux anjouanais » et qu'elle est « officiellement rattachée à la République française depuis le 14 juillet 1997 ». Les mouvements séparatistes gagnent alors une deuxième île des Comores, Mohéli, qui reproche la domination de l'île de la Grande Comore sur l'archipel.

Ces mouvements séparatistes conduisent, le 3 septembre 1997, à l'intervention de l'armée comorienne sur l'île d'Anjouan. Les combats entre l'armée comorienne et les séparatistes se poursuivent jusqu'au 26 août 2000, date de signature d'un accord de paix. Toutefois, la situation politique de l'île demeure très précaire, un putsch militaire échouant notamment en août 2001.

Mme Sophie Blanchy, dans son article précité « Mayotte : « française à tout prix » », relève que durant la période où Anjouan est sujette à ces mouvements sécessionnistes, « les migrations vers Mayotte ont décuplé » . En effet, l'instabilité politique d'Anjouan, les multiples interventions militaires des forces armées comoriennes et les combats entre l'armée régulière et les forces indépendantistes favorisent l'émigration vers le territoire mahorais.

* 16 Rapport n° 300 (2005-2006), « Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine », Georges Othilly et François Noël Buffet, commission d'enquête sur l'immigration clandestine.

* 17 Site internet du système des Nations Unies aux Comores.

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