VII. LES OPÉRATIONS RETRACÉES PAR LE COMPTE

• LES CONDITIONS DE PRODUCTION DU COMPTE

Les relations entre la DGTPE et la Coface pour ce qui concerne la production des comptes ne sont pas satisfaisantes.

Le constat

La production du compte État intervient avec retard

Les comptes sont remis avec retard malgré les prescriptions de la convention financière sans aucune conséquence pour la Coface.

Les obligations au titre de la convention : La convention de gestion des opérations effectuées par la Coface avec la garantie de l'État signée le 16 février 2004 définit les obligations de la Coface en termes de présentation des comptes. Celle dernière doit établir deux arrêtés par an :

- des comptes semestriels au 30 juin (bilan et compte de résultat). Ces documents doivent être transmis au plus tard le 31 juillet de l'année en cours à l'expert ayant qualité de commissaire aux comptes ;

- au 31 décembre, la Coface établit des comptes annuels (bilan, compte de résultat et annexe) ainsi que des états détaillés et un compte rendu de gestion des procédures de l'exercice. L'ensemble de ces documents doit être transmis à l'expert dans les quatre mois qui suivent la clôture de l'exercice, soit au plus tard le 30 avril.

La réalité de la situation : Dans les faits, la Coface n'a jamais produit de comptes semestriels et les délais n'ont jamais été respectés.

Tableau n° 24 : Délais de clôture des comptes annuels

La Coface produit le compte de gestion des procédures publiques avec un délai de 10 mois après la clôture de l'exercice. Ce calendrier de clôture serait inacceptable si les comptes devaient être publiés comme le sont les comptes des entreprises du secteur privé et en particulier ceux de Coface SA.

Les raisons du retard de la production du compte État

Un courrier interne à la Coface en date du 29 novembre 2006 de l'ancien responsable de l'audit 44 ( * ) justifie ce retard de la façon suivante : « la raison de l'absence de progrès [dans le raccourcissement du délai de clôture] réside dans la fragilité de notre contrôle interne (au sens de maîtrise) : faute de réaliser les contrôles récurrents et de pouvoir faire évoluer l'outil assez largement inadapté aux exigences du référentiel comptable qu'est MR 45 ( * ) , nous restons à la merci d'un aléa à même de « faire voler en éclat » un planning visant à arrêter les comptes en juin N+1 : c'est ce qui c'est passé au titre de 2004 avec l'accord multilatéral Irak, c'est ce qui risque de se passer avec l'incidence liée au lancement de la version 4 de MR au début décembre 2005 et révélée tout récemment ».

La mise en production de la version 5 de l'applicatif MR en août 2006 a généré de nombreuses anomalies. Ce système d'information n'est pas stable et tout nouveau développement apporté pour prendre en compte les spécificités d'un nouvel accord signé en club de Paris peut entraîner des anomalies et altérer les données historiques.

Un rapport 46 ( * ) de l'Inspection générale des finances de septembre 2007 mentionne ces problèmes et les délais qui en résultent dans la préparation des comptes. « Les nombreux dysfonctionnements de l'application, qui se traduisent notamment par des temps de traitement exagérément longs pour traiter les actes de gestion des accords les plus complexes, entraînent des surcoûts importants pour la gestion courante de l'activité des créances consolidées. En effet, malgré des améliorations apportées en permanence à l'application, dont les coûts de développement et de maintenance pour l'année 2006 s'élèvent à 846 000 euros 47 ( * ) , l'encadrement de la Coface estime à 15 % la proportion de temps perdu par les gestionnaires en raison de ces dysfonctionnements, soit un coût de l'ordre de 450 000 euros sur la base de la comptabilité analytique. » Ce rapport ajoute que les efforts engagés depuis plusieurs années et les investissements conséquents sont compromis par les délais de clôture qui rendent les comptes peu exploitables.

Les risques opérationnels liés à ce retard

Le rapport de l'inspection générale des finances précité met en évidence les risques opérationnels conséquents susceptibles d'apparaître dans la gestion des créances consolidées qui sont évaluées à la fin 2006 à un montant brut de 12 milliards d'euros, représentant ainsi 81 % du total du bilan. « Le risque peut se matérialiser sous la forme de données financières erronées, qui peuvent avoir des conséquences en cas de négociation d'accords de consolidation, voire d'effacement de données, comme cela a pu déjà se produire fin 2005. » Il conclut que si la Coface a jugé que la refonte de l'application n'était pas justifiée, il appartenait à l'État d'examiner l'opportunité de cette option, et dans son éventualité, de s'appuyer sur une ressource externe à la Coface en matière d'expertise informatique.

La Coface comme la DGTPE soulignent que les informations dont a besoin l'administration sont produites de fait par la comptabilité de caisse tenue au sein de la structure et les prévisions de trésorerie qui sont assurées par la Coface.

Toutefois, une comptabilité de caisse ne peut pas remplacer une comptabilité d'engagement qui permet de retracer les obligations et les risques auxquels l'État est exposé. En disposer dans des délais raisonnables constitue un élément essentiel dans la prise de décision.

Si cette situation a pu être tolérée durant une période où la trésorerie a été abondante, et où la situation économique mondiale a favorisé des remboursements anticipés importants et une limitation des sinistres, il n'en serait plus de même en cas de retournement de conjoncture.

Des réponses de la Coface à l'Inspection générale des finances, il ressort qu'elle hésite à s'engager dans l'immédiat dans un projet informatique lourd. Cette position a été confirmée à la Cour par écrit et oralement.

On peut cependant relever que l'établissement bénéficie largement des opérations effectuées pour le compte de l'État complémentaires de ses propres opérations. Il serait normal qu'elle se mette en état de rendre à l'État dans des conditions normales une prestation que celui-ci rémunère.

La DGTPE n'ignore pas cet aspect. Elle a admis, en réponse à l'inspection générale des finances, que l'application MR devait être revue. « À cet effet, a-t-elle indiqué, une mission d'audit sera rapidement diligentée à la Coface pour évaluer précisément les modalités possibles d'une remise à niveau de l'application de gestion des créances consolidées. Cette mission sera confiée à une équipe de consultants spécialisés, extérieurs à la Coface. Elle remettra un rapport présentant les différentes options d'évolution disponibles, leurs risques, leurs avantages et leurs coûts, dans les trois mois après le début de l'audit. Les moyens nécessaires seront mis à disposition en conséquence. »

Cette position a été confirmée à la Cour et un audit du système informatique a été confié à une société de services.

On peut cependant considérer que l'obligation contractuelle faite à la Coface de fournir des comptes à une date spécifiée par la convention emporte une obligation de moyens. Il revient donc à la Coface d'assurer le maintien à niveau du système informatique de gestion du compte État dans le cadre de la rémunération qui lui est allouée.

Depuis la mise en place d'une comptabilité d'engagement, la Coface n'a jamais respecté les délais de production du compte État.

La pression des tutelles est restée limitée durant la période examinée de la Cour et ce sujet n'a alors pas paru mériter de la part des décideurs l'intérêt qu'il mérite.

Les causes de ces retards sont connues et s'expliquent essentiellement par les insuffisances fonctionnelles du système de gestion des créances consolidées. Il serait souhaitable que la Coface respecte les clauses de la convention de gestion et prenne les dispositions nécessaires pour assurer la production du compte État dans les délais impartis en assumant les responsabilités qui sont les siennes. Il conviendrait que la DGTPE clarifie les règles de gouvernance de ce compte et définisse les organes « statutaires » (comité de direction, comité des risques et d'audit).

La DGTPE pourrait jouer pleinement son rôle de tutelle et inciter la Coface à remplir ses obligations conventionnelles. A cet effet, elle indique dans sa réponse à la Cour que la convention financière pour 2007 - 2010 prévoit un intéressement financier au raccourcissement de ce délai avec un objectif de clôture à la mi mai 2010 pour les comptes 2009, soit trois mois et demi de moins qu'en 2006.

* 44 A l'époque, le service s'appelait « contrôle général ».

* 45 Logiciel informatique.

* 46 Rapport n°2007-M-049-01 « l'évaluation du système de rémunération financière de la Coface »

* 47 Source : direction des systèmes informatiques (coûts de deux postes à temps plein d'informaticiens de la Coface et du prestataire informatique intervenant sur l'application MR).

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