3. L'intercommunalité et les archipels : pour une communauté de communes des Marquises

Les maires des Iles Marquises ont indiqué à vos rapporteurs qu'ils souhaitaient s'organiser afin de contrebalancer la tutelle financière de la collectivité. Jugeant excessif le délai d'obtention des autorisations d'urbanisme auprès des services de Papeete, situés à 1.400 km, ils ont exprimé la volonté d'exercer cette compétence en commun, en mutualisant les services nécessaires.

Ils envisagent également d'exercer en commun les compétences relatives au transport inter-îles, les communes assurant déjà avec leurs faibles moyens les transports scolaires qui devraient être assumés par la collectivité.

Au cours d'échanges très fructueux, vos rapporteurs ont expliqué aux élus des Marquises que le recours à une communauté de communes regroupant toutes les communes de l'archipel leur permettrait d'assumer ensemble une série de compétences, de façon beaucoup plus pertinente qu'un conseil d'archipel.

* La tentative inaboutie de créer des conseils d'archipel

L'affirmation du mouvement des Iliens au sein de l'assemblée de la Polynésie française conduit à s'interroger sur les modalités de représentation des archipels au sein des institutions de la Polynésie française.

En effet, l'article 10 de la loi n° 90-612 du 12 juillet 1990 modifiant la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française prévoyait la création de conseils d'archipel, dotés d'un rôle consultatif. Ces dispositions constituaient l'article 89 bis du statut de 1984 :

« Art. 89 bis. - Il est institué dans les îles du Vent, les îles Sous-le-Vent, les îles Australes, les îles Tuamotu et Gambier et les îles Marquises, un conseil d'archipel composé des membres de l'assemblée territoriale et des maires élus de ces îles . Le président de chaque conseil est élu en son sein chaque année .

« Ces conseils sont obligatoirement consultés par le président du gouvernement du territoire sur les plans de développement et sur les contrats de plan, les mesures générales prises pour leur application ainsi que sur les dessertes maritimes et aériennes les concernant .

« Dans les matières économiques, sociales ou culturelles intéressant l'archipel, notamment la carte scolaire, l'emploi et la formation professionnelle, le développement des langues et des cultures locales, les conseils d'archipel émettent des avis, soit de leur propre initiative, soit sur demande du président du gouvernement du territoire, du président de l'assemblée territoriale ou du haut commissaire .

« Le président du gouvernement du territoire peut les consulter sur l'attribution individuelle d'aides aux entreprises locales .

« Le président du gouvernement du territoire ou son représentant, le haut commissaire ou son représentant assistent de droit aux séances des conseils d'archipel. Ils y sont chacun entendus à leur demande .

« L'assemblée territoriale précise par délibération l'organisation et le fonctionnement de ces conseils. »

Les conseils d'archipel n'ont finalement pas été créés, l'assemblée territoriale n'ayant pas adopté de délibération relative à leur organisation et à leur fonctionnement.

Le projet de loi organique portant statut d'autonomie de 1996, tirant les leçons de cet échec, prévoyait, d'une part, l'abrogation de l'article 89 bis du statut de 1984 et, d'autre part, l'intégration au sein du Conseil économique, social et culturel, de représentants des activités exercées dans les archipels autres que celui des Iles du Vent (cinquième collège).

Le CESC, « considérant que cette nouvelle formation composée d'élus communaux risquait de dénaturer l'institution en introduisant un élément de politisation » 59 ( * ) à donné un avis défavorable à cette proposition, qui fut supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

Le Sénat ayant maintenu cette suppression, l'article 89 bis créé en 1990 fut abrogé par la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, sans être remplacé par un autre dispositif destiné à assurer une représentation spécifique aux archipels dans le système institutionnel polynésien.

* La communauté de communes : une structure adaptée à la situation des Iles Marquises

La création d'une communauté de communes permettrait aux communes des Marquises d'élaborer un schéma de cohérence territoriale et un schéma directeur de développement des activités économiques. Cet EPCI pourrait également mieux assurer la protection de l'environnement, organiser le traitement des déchets ou élaborer un schéma de transport inter-îles.

Les maires de Nuku Hiva, Ua huka et Ua Pou, et Mme Deborah Kimitete, conseillère municipale de Nuku Hiva ont en outre évoqué la constitution d'un dossier visant à obtenir l'inscription de l'archipel au Patrimoine mondial de l'Unesco . Ils ont souligné que leur demande devrait prendre en considération le patrimoine naturel et la richesse culturelle des Marquises.

Vos rapporteurs estiment que cette initiative doit être encouragée et que la création d'une communauté des Marquises permettrait sans doute de rassembler les énergies nécessaires au succès d'un tel projet.

Aussi vos rapporteurs encouragent-ils les maires des six îles concernées à utiliser la nouvelle possibilité offerte par l'ordonnance du 5 octobre 2007, qui a étendu à la Polynésie française la création des communautés de communes. Ils soulignent que la création d'un conseil d'archipel nécessiterait en revanche l'adoption d'un nouveau texte législatif et ne comporterait pour les communes aucune assurance de pouvoir exercer en commun les compétences choisies.

Toutefois, les dispositions du code général des collectivités territoriales portant extension et adaptation à la Polynésie française du droit applicable aux communautés de communes, en application de l'ordonnance du 5 octobre 2007, requièrent une analyse approfondie.

En effet, aux termes de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales applicable à la Polynésie française, la communauté de communes exerce de plein droit, au lieu et place des communes membres, pour la conduite d'actions d'intérêt communautaire, des compétences relevant de l'aménagement de l'espace et des actions de développement économique intéressant l'ensemble de la communauté.

Elle doit par ailleurs exercer dans les mêmes conditions des compétences relevant d'au moins un des groupes suivants :

- protection et mise en valeur de l'environnement , soutien aux actions de maîtrise de la demande d'énergie et traitement des déchets ;

- politique du logement et du cadre de vie ;

- création, aménagement et entretien de la voirie ;

- construction, entretien et fonctionnement d' équipements culturels et sportifs et d' équipements de l'enseignement préélémentaire et élémentaire ;

- action sociale d'intérêt communautaire ; lorsque la communauté de communes exerce cette compétence, elle peut en confier la responsabilité pour tout ou partie à un centre intercommunal d'action sociale;

- tout ou partie de l'assainissement .

- tout ou partie du service d' eau potable ;

- le transport entre les îles et l'assistance à maîtrise d'ouvrage, si les communes membres sont dispersées sur plusieurs îles.

Cependant, les communautés de communes de Polynésie française doivent exercer leurs attributions :

- sous réserve des compétences de la collectivité ;

- dans le respect des dispositions du II de l'article 43 de la loi organique du 27 février 2004, qui dispose que les communes peuvent, certes, intervenir en matière d'aides et interventions économiques, d'aide sociale, d'urbanisme, de culture et de patrimoine local, mais dans les conditions définies par les actes prévus à l'article 140 dénommés « lois du pays » et la réglementation édictée par la Polynésie française , et sous réserve du transfert des moyens nécessaires à l'exercice de ces compétences.

Par conséquent, une « loi du pays » semble nécessaire pour permettre aux communautés de communes créées en Polynésie française d'exercer leurs compétences obligatoires en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique.

Ce constat illustre à quel point l'action des communes est aujourd'hui enserrée par le statut organique de 2004 qui, tout en accordant aux communes une place inédite, subordonne leur émancipation à l'accord de la Polynésie française.

Vos rapporteurs estiment cependant que le présent rapport démontre la nécessité, pour la collectivité, de permettre aux communes d'assumer pleinement leurs compétences et de les accompagner dans le développement de l'intercommunalité.

Ils considèrent que lors de la discussion du projet de loi organique visant à renforcer la place et les moyens des communes polynésiennes, les dispositions du statut de 2004 devront être modifiées, afin de permettre aux communes d'accéder aisément à l'exercice de compétences plus étendues et de créer des EPCI autonomes .

* 59 Voir le rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, par M. Lucien Lanier, n° 214, 1995-1996, p. 75.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page